James soupira longuement. Il passa également une main dans ses cheveux alors qu’il était assis sur cette chaise, assit en face de ses dossiers. Dossiers qu’il avait récupérés au fil de ses pérégrinations contre HYDRA. Dossiers qui contenaient apparemment toute sa vie. Il les avait fouillés sans être rentré dans le détail.  Parce qu’il n’avait pas voulu les feuilleter en profondeur avant d’être certain d’avoir absolument tous les papiers, les détails et les informations. Il avait des flashs, des scènes qui lui revenaient parfois. Mais jamais rien de très précis. Toujours assez floue. Jamais de détails vraiment précis. Juste des visages, des noms et sensations. Rien de très agréable en soit.

Il se trouvait dans une pièce fermée. Dans une des bases qu’HYDRA avait désertée il y a des années. Apparemment, cette dernière avait été compromise et les agents avaient dus quitter les lieux assez rapidement. Tout avait été laissé sur place, il reste un tas d’informations et James se demandait vraiment le pourquoi de cette exfiltration. Mais ce n’était pas vraiment la question. Parce qu’il n’était pas venu dans cette base pour trouver une réponse au pourquoi tout le monde avait quitté les lieux. Il était venu là pour être tranquille, pour avoir des réponses. Pour pouvoir se souvenir tranquillement sans avoir besoin de surveiller ses arrières en permanence.

Un autre soupir passa ses lèvres et il bougea les épaules pour enlever la tension qui s’accumulait. Il passa de nouveau sa main dans les cheveux et tira un peu dessus sans vraiment y faire attention. Puis de sa main organique, il ouvrit le premier dossier de la pile. C’était un dossier relatant l’enfance de James. Tout un tas d’informations y étaient notées. Sa date de naissance, sa famille, son lieu de résidence quand il était gamin. Et plus il avançait dans la lecture, plus son esprit devenait flou et plus les images devenaient intenses.

Il se souvenait. Maintenant, il se souvenait. Peut-être pas de tout mais il se souvenait. Il se souvenait de sa sœur. Rebecca, qui était plus petite que lui. Sa mère, son père. Tous les deux parties trop tôt. Puis la séparation avec Rebecca. Lui se rendant à New-York auprès d’un membre de la famille inconnu qui avait accepté de le prendre lui et pas sa sœur. Il se souvenait de la tristesse qu’il avait ressentie à ce moment-là.  Et il se souvenait aussi des mois qui avaient suivis, à l’école, à la maison. Il se souvenait aussi de sa rencontre avec un enfant malingre qui essayait de tenir tête à des enfants bien plus grand que lui. Il se souvenait avoir pris la défense du gamin, avoir joué des poings pour « sauver » le petit blond qui semblait déjà avoir du mal à respirer. Il se souvenait aussi de la fraternisation qui s’en ait suivi. Des années qui s’étaient écoulées comme ça. Lui sortant les poings quand il y en avait besoin. Ramenant  Steve Rogers à la maison quand ce dernier avait du mal à rentrer. Il était celui qui rassurait Sarah sur la journée, mentait parfois pour ne pas attirer d’ennuis à Steve. Il se souvenait de ses années collègues, puis lycées. Il se souvenait de la facilité qu’il avait avec les filles et se souvenir de ça le fait doucement sourire. Parce que ce n’était pas vraiment le cas en ce moment, il fallait l’avouer. Il se souvenait aussi avoir aidé Steve après la mort de sa maman. Il se souvenait avoir été l’épaule sur laquelle se reposer. Il se souvenait aussi avoir eu son diplôme...

Il ferma le premier dossier assez rapidement. Il inspira fortement par le nez. C’était assez compliqué. Parce que les flashs étaient vivaces, parce qu’il avait l’impression qu’une barrière dans son esprit venait de sauter pour lui montrer tout ce qui a besoin de savoir. Il avait beau être encore étranger à toutes ces images, il avait cette impression vivace qu’elles lui appartenaient. C'était ses souvenirs. Il en était certain.

Il ouvrit le deuxième dossier. Et une photo lui sauta aux yeux.  C’est lui. Avec un uniforme sur le dos. Un uniforme vert, une casquette sur la tête et une expression grave. Il lut les informations sur son service militaire. Sur son affectation. La 107ième compagnie. Il se souvenait alors des heures à passer à courir pour s’entraîner, des heures à apprendre comment manier une arme. Il se souvenait de l’envie de son ami blond de le suivre dans l’armée. Il se souvenait avoir été soulagé de savoir qu’il ne le suivrait pas au casse-pipe. Parce qu’il ne s’était pas fait d’illusion. Il savait qu’on l’envoyait vers la mort. Et il y était allé quand même. Parce qu’il fallait qu’il y aille. C’était son devoir. Il avait passé son enfance à protéger le plus faible, il fallait aussi qu’il le fasse pour sa patrie. Alors il était parti avec les autres. Ils avaient commencé à se battre, puis ils s’étaient fait attraper. Il avait été enfermé avec plusieurs de ses amis. Puis il avait été  séparé et on lui avait fait deux ou trois trucs. Il avait encore un peu de mal à se souvenir, c'était un peu flou mais il se souvenait qu’il avait lutté. Il avait lutté contre la toxine pendant un moment avant qu’un type avec la tête de Steve ne vienne le sauver, lui et les autres. Il se souvenait avoir été surprit. Parce que Steve avait pris 4 têtes et qu’il avait eu du mal à comprendre. Il se souvenait aussi avoir suivi Steve ensuite. Parce qu’il ne pouvait pas laisser Steve devant le danger. C’était son rôle, pas le sien. Il se souvenait être fier de se trouver aux cotés de Steve pour combattre les nazis. Ils formaient une équipe vachement efficace avec les autres. Puis il y avait eu Zemo et sa bombe. Et Bucky se souvenait de ne pas avoir pu laisser Steve se sacrifier pour les autres. Alors il avait grimpé aussi, et c’était aussi retrouver au fond de l’antarctique. Il se souvenait de l’eau glacée, de la douleur et il ferme fortement les yeux en refermant prestement le dossier.

Il se leva ensuite pour faire quelque pas. Parce qu’il était trop tendu. Il fit bouger des épaules, regarda sa main de métal qu’il ouvre et qu’il ferme. Il n’a pas à ouvrir un autre dossier pour savoir comment s’est déroulé. Il se souvenait des soviétiques, de la douleur et des piqûres. Il se souvenait de la cryostase. Il se souvenait de la douleur à son réveil, de l’horreur quand il avait découvert que son bras avait été remplacé par cette chose. Il se souvenait de la colère, de la haine qu’il avait ressentie à ce moment-là. Il se souvenait aussi avoir tué plusieurs personnes avant que les soviétiques ne le place dans une machine...

Il secoua la tête assez violemment parce qu’il ne voulait pas se souvenir de tout cela. De tout ce qui avait suivi après ça. Il savait qu’il avait été utilisé comme arme. Il savait qu’il avait fait des choses. Et c’est choses, elles ne lui faisaient rien. Il avait tué des gens. Des tonnes de gens. Et une petite voix dans sa tête lui soufflait que ce n’était pas bien. Et après ses flashs, il la croyait. Franchement, après s’être souvenu de tout cela, Bucky la croyait. Parce qu’il n’était pas comme cela. Il n’était pas un meurtrier né, ni un homme aussi froid que l’hiver.  Parce que c’est ce qui était devenu. Un homme froid, calculateur. Un assassin à l’image d’une organisation. Il se souvenait des hommes qu’il avait formés. Il avait un souvenir plutôt flou de la chose mais arrivait à se souvenir de certains d’entre eux. Une rousse principalement. Natalia. C'était le nom qui lui revenait. Il se souvenait d’elle. Vaguement mais il s’en souvenait. Il se souvenait ensuite des sentiments. Certes très fugaces et peut-être aussi froids mais des sentiments quand même.

Il se souvenait ensuite des choses qu’ils avaient faites, même si cela n’était jamais agréable. Un troisième soupir passa ses lèvres alors qu’il s’asseyait de nouveau sur la chaise. Il feuilleta les dossiers qu’il restait. Principalement des comptes rendu de missions. Puis tout devint flou. Trop flou pour que cela ne soient un effet de son métabolisme. Il ne comprit pas ce qui se passait mais la voit dans sa tête lui souffla qu’il aurait le droit de recommencer.

Le SHIELD. Où l’organisation pour laquelle travaillait Bucky depuis longtemps. Pour ne pas dire toujours. Une organisation pour laquelle il était loyal et pour laquelle il aurait sûrement donné sa vie. Enfin, après une longue réflexion du moins. Il avait rejoint le SHIELD avec Steve quand ils étaient plus ou moins sortis des études. Et cela lui allait bien. Parce que malgré la vie qu’il avait eu, c’est-à-dire tout à fait normale avec sa frangine et ses parents, Bucky avait eu envie de faire quelque chose pour la communauté. Alors il s’était engagé dans les forces du SHIELD. En tant que simple agent tout d’abord puis il avait monté les marches. Moins que Steve, puisqu’il avait décidé de s’arrêter pour devenir un espion d’élite. Et tant que tel, il est envoyé sur certains missions délicates. Qui se sont toutes passées très bien avant la dernière.

C’était une mission de routine pourtant. Récupérer certaines informations pour le compte du SHIELD, pas de victimes, pas de cible. Rien de bien compliqué. Une mission comme il en avait fait plusieurs depuis sa nomination au SHIELD. Mais pourtant, cette dernière ne se passa pas comme prévu. James était un agent calculateur, concentré sur la mission. Il était un homme complétement différent de l’homme qu’il peut être dans la vie civile. Dans cette dernière, Bucky est un homme jovial, rigolard et avec un humour assez foireux par moment. Mais quand il enfile l’uniforme, il devient l’agent calculateur et distant qu’il peut être parfois. C’est principalement pour cela qu’il travaille seul la plupart du temps. Il n’est pas un homme à diriger les foules. Il est celui qui exécute les ordres.  Il laisse le commandement à Steve et bien volontiers. La mission s’était déroulée comme sur des roulettes, James avait récupéré les informations dont il avait besoin et il s’apprêtait à partir quand la bombe explosa...

Il ne comprit pas grand-chose sur le moment. Il y eut un grand flash de lumière et son corps fut envoyé à plusieurs mètres de sa place initiale. Sur le moment, il n’eut pas vraiment mal. Parce que le choc plus la détonation avait sonné James. Il mit plusieurs minutes à émerger du manège à sensation dans lequel il se trouvait. Et ce fut à ce moment que la douleur arriva. Une douleur si intense qu’un cris s’échappa de sa bouche, puis d’un deuxième, beaucoup plus long et beaucoup plus haché que le premier.  Il hurla à l’aide pendant de longues minutes qui lui parurent une éternité avant qu’ils n’aperçoivent les pompiers arriver sur les lieux.

Les heures qui suivirent furent assez floues. Il ne se souvenait que de bribes de chose, assez décousues en fait. Mais il se souvenait avoir fait barrage à la douleur en se souvenant des choses heureuses dans sa vie. Son enfance avec Rebecca. Son amitié avec Steve, les conneries qu’ils avaient pu faire tous les deux. Les bagarres qu’il avait pu gagner ou provoquer. Les mensonges qu’il avait pu raconter à la mère de Steve pour expliquer un cocards. Les études aussi. Même s’il n’était pas le mec le plus intelligent de la planète, Bucky avait obtenu son diplôme avec mention. Et il en était d’ailleurs assez fier. Puis de son entrée au SHIELD quelque temps plus tard. De son entraînement, parfois compliqué et dur mais toujours instructifs. De la nomination de Steve en tant que Lieutenant. Des conneries qui pouvaient parfois sortir de sa bouche quand il voulait faire rire la galerie. Tous ses souvenirs étaient passés par son esprit pour faire barrage à la douleur en attendant que les médecins veuillent bien faire quelque chose.

Puis ce fut le noir. Le noir intense qui lui avait filé les jetons. Pas qu’il n’aimait pas le noir mais il avait eu l’impression qu’il ne sortirait jamais de cette chose. Il avait eu l’impression de flotter pendant longtemps. Très longtemps avant qu’il n’ouvre les yeux pour la première et qu’il recommence à hurler sous la douleur. Elle n’était pas aussi insupportable que lors de l’explosion mais elle était tout de même insupportable. Pendant le bref instant eut il fut réveillé, Bucky aperçut le visage de sa sœur, puis de Steve avant de sombrer de nouveau dans les limbes du fait des anesthésiques et de la douleur.

La deuxième fois où il ouvrit les yeux fut moins douloureuse. Mais il flippa complétement. Parce qu’il découvrit ce bras métallique à la place de son bras originel. Et il paniqua, fit d’ailleurs une crise assez importante avant qu’une infirmière de lui explique de quoi il retournait. Et il se retint très fortement de tout balancer dans la pièce. De par la douleur mais aussi parce qu’il n’était pas censé réagir par colère. Parce que oui, on parlait bien de colère ici. Il était en colère. Contre lui-même, puis contre celui qui avait posé la bombe.

Les jours qui suivirent furent... compliqué. On lui avait expliqué de quoi il en retourner avec son « nouveau bras » comment il avait été implanté, comment il avait possédé. Que les médicaments qu’il avait reçus pendant la « greffes » allaient sûrement modifier le métabolisme de Bucky pour qu’il accepte le nouveau bras. Que ce dernier avait été implanté dans son système nerveux pour une meilleure utilisation. Qu’il serait comme l’ancien.

Mais plus les jours passaient et plus Bucky se demandait si toute cette histoire était une bonne idée. Bien sûr, une part de lui-même était contente d’avoir deux bras mais une autre partie de lui-même ne l’était pas. Parce qu’on avait fait quelque chose sans lui demander son avis. Alors il avait vraiment du mal à accepter cette nouvelle partie de lui. Même s’il continuait à rigoler, à faire le guignol par moment, Bucky avait ce regard parfois. Regard qui se perdait dans le vide en se demandant ce qui se serait passer si personne n’avait donné son autorisation pour la « greffe ».

Mais ce n’était pas vraiment ce qui inquiétait Bucky. Ce n’était d’ailleurs pas vraiment de l’inquiétude que ressentait Bucky. Juste un questionnement devant certains flashs d’images floues ou de sensations bizarres de déjà-vu. Mais ce n’était pas assez important pour qu’il s’en occupe vraiment. Il était plutôt occupé à s’occuper de la rééducation de son bras et à s’habituer à la nouvelle partie de son corps. Voilà un mois que la bombe avait explosée et qu’il avait récupéré ce bras. Et voilà quelques jours qu’il était sorti de l’hôpital. Qu’il avait plus ou moins repris une vie normale avec son accident du travail. Et il comptait bien à vivre comme avant. À rire à ses amis, à sortir et à retourner travailler.