Before Genosha
we all have to start somewhereDes murmures dans la salle, qui se taisent alors que la silhouette de la jeune Crystal se dessine dans l’embrasure de la porte. Des regards compatissants l’accompagnent, alors que d’une démarche solennelle elle s’avance, jusqu’à s’arrêter devant une lourde porte vitrée. L’entrée vers la salle où sont gardées les Brumes Terrigènes. Elle sait que c’est un grand honneur que d’y avoir accès. Qu’au final, tous les Inhumains n’ont pas ce privilège. Mais Crystal est de sang royal. Elle est promise à de grandes choses. Et son immersion dans les Brumes est obligatoire. Pendant un instant, la gamine, elle hésite. Son regard bascule de la porte blindée à ses parents, qui encadrent le Roi et la Reine d’Attilan. D’un petit signe discret du poignet, son père l’encourage à y aller. Sa mère, quant à elle, retient difficilement les larmes de dévaler le long de ses joues. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce ne sont pas des larmes de tristesse, bien au contraire. Ce sont des larmes de joie. Car dans la vie d’un Inhumain, passer par les Brumes Terrigènes est une étape obligatoire si l’on veut se faire un nom, si l’on veut devenir quelqu’un. Tous n’y ont pas droit, la génétique ayant démontré que si certaines personnes y étaient confrontées, le don qu’elles développeraient modifierait leur apparence. Dans le passé, beaucoup d’Inhumains étaient semblables à des monstres. Certains couverts d’écailles, de poils, ou encore de griffes. À présent, avec la sélection génétique, les scientifiques peuvent prévoir le type de mutation. Et de ce qu’ont révélé les résultats de Crystal à sa naissance, sa mutation serait grandiose. Sa sœur, Medusa, son ainée, est déjà passée dans les Brumes Terrigènes il y a de ça plusieurs années. Et le résultat aujourd’hui est magnifique. Dotée d’une crinière de feu qu’elle manie comme une arme, sa sœur est devenue une redoutable combattante. Crystal l’admire beaucoup, et elle espère qu’à son image, elle aussi aura un pouvoir qui suscitera l’intérêt. « Crystal, il est temps. » La voix du Roi Aegon résonne dans la pièce, faisant presque sursauter la petite. Cette dernière jette un regard désolé dans sa direction, avant de reporter toute son attention vers la porte. Elle prend une grande inspiration, se gorge de courage, puis une fois prête, s’avance. Les portes s’ouvrent, la laissant dans un sas, puis, une fois l’air décontaminé, un autre volet de portes s’ouvre. La gamine s’avance, timidement, jusqu’à se retrouver plongée dans un brouillard épais. Les Brumes Terrigènes. Elle reste plantée dans ce qu’elle imagine être le milieu de la pièce, attendant que quelque chose se passe. Mais rien. Elle commence à se dire qu’elle n’est pas réceptive à la Brume, que pour une raison ou une autre les scientifiques se sont trompés à son sujet. Qu’elle n’est pas digne de recevoir son don. Et puis il y a cette douleur, dans sa poitrine. Sa cage thoracique qui semble sur le point d’exploser. Soudainement, Crystal suffoque, tombe au sol. Elle est secouée de spasmes, serrant la mâchoire pour ne pas crier. Elle veut que ses parents soient fiers d’elle, qu’ils disent que leur petite fille a subi avec bravoure l’épreuve des Brumes. Pas qu’elle s’est mise à pleurer et à crier comme un bébé. Le temps semble s’égrainer avec une lenteur effarante. Et puis, après plusieurs minutes de torture, la douleur s’arrête. Aussi vite qu’elle est apparue. La gamine reste plusieurs minutes au sol, le temps de reprendre son souffle. Quand elle a repris contenance, elle se relève, et titube jusqu’aux portes. De nouveau un passage dans le sas, puis elle retourne dans la salle où l’attendent ses parents, le couple royal et une ribambelle de personnes importantes. Tous la regardent avec un grand sourire. Certains ont même un regard ému. Quand elle passe la porte, des applaudissements retentissent. Tous scandent son nom. Quel que soit le pouvoir qu’elle a développé, elle va très vite le découvrir. Une série de tests est organisée dans la journée, afin de révéler ses aptitudes. Mais pour le moment, Crystal n’y pense pas. Elle savoure le moment, légère.
Une déflagration qui retentit, des cris de terreur qui résonnent dans le palais royal. La panique se répand comme une trainée de poudre. Des soldats tentent tant bien que mal de mettre au point un plan d’évacuation, mais sans grand succès. Les explosions s’enchainent, le bâtiment tremble, s’effrite voire s’écroule à certains endroits. Il y a des morts. Beaucoup de morts. Et puis il y a Crystal, qui déambule dans un couloir désert. Désorientée. Elle a les cheveux ébouriffés, de la poussière partout sur elle. Elle vient d’échapper de peu à un éboulement qui aurait pu lui couter la vie. Sa robe est déchirée, laissant entrevoir de larges parties de son corps dénudés. Couvert d’égratignures. Elle a le regard hagard, semble faire abstraction du chaos qui fait rage autour d’elle. Son cerveau est paralysé, et ressasse en boucle la même question. Que se passe-t-il ? Soudain, Crystal est tirée des limbes qui l’accaparent. Une main qui serre la sienne. Qui la pousse vers l’avant. Crystal sursaute, reprend le fil de la réalité. «
Venez, il faut fuir. » vocifère un jeune garde de la famille royal. Crystal ne le connait pas personnellement, mais sait que sa famille a toujours été loyale envers la sienne. «
Que se passe-t-il ? » qu’elle ose demander, bien qu’elle ne craigne de déjà connaitre la réponse. Le garde semble irrité par la question, qu’il doit juger bien déplacé aux vues des circonstances extrêmes. «
C’est Maximus. Il a monté une armée, et il attaque Attilan. L’ordre a été donné d’évacuer. » Le frère déchu du nouveau Roi, Flèche Noire. Crystal pâlit rien qu’en entendant son nom. Le traitre, le fourbe, le scélérat. «
Évacuer ?! » qu’elle scande, déconcertée. Comment peuvent-ils évacuer d’un royaume perdu dans l’Himalaya ? Comment peuvent-ils fuir ? La situation est jugée si critique que ça ? Crystal fronce les sourcils, la colère rougissant ses joues. «
On ne peut pas évacuer, on doit se battre ! » Un élan patriotisme qui est toutefois coupé rapidement par le jeune garçon. «
Ils sont trop forts. Nous sommes vaincus. Si vous restez, il vous tuera. Ou alors il utilisera votre don pour tout détruire sur son passage. » De nouveau, Crystal blêmit. Il a raison. Son don est bien trop puissant pour qu’il ne soit entre de mauvaises mains. Alors après de longues secondes d’hésitation, la jeune fille alors âgée de seize ans se résout à admettre la vérité. Ils ont perdu, ils sont vaincus, et s’ils veulent survivre tout en restant libres, ils doivent fuir. Fuir hors des murs d’Attilan. Fuir vers le monde des Hommes. Une idée qui lui fait froid dans le dos. Rares sont les Inhumains à partir vivre avec les Hommes. D’eux, Crystal ne connait pas grand-chose. Et ce projet lui fait horriblement peur. «
Très bien. Conduis-moi à ma famille. » Du soulagement se dessine sur les traits du garde, tandis qu’il garde sa main enfouit dans celle de Crystal. Ils courent pendant ce qu’il lui semble être une éternité, tentant tant bien que mal d’éviter les hordes d’ennemis qui déferlent sur Attilan. Ils finissent par arriver devant une plateforme de lancement, où des hovercrafts décollent. Autour de la plateforme, le combat fait rage. Maximus semble avoir compris leurs projets, car il envoie de plus en plus de troupes par ici. «
La plateforme ne tiendra pas longtemps. » souffle le garde, tandis qu’ils rejoignent un groupe d’Inhumains cherchant à se faire évacuer. Se frayant un chemin parmi eux, ils se heurtent à une barrière protégée par des gardes, tentant de réguler le flux de citoyens. «
J’ai Crystal Amaquelin avec moi, il faut qu’on entre ! » scande le garde à son collègue. Ce dernier jette un regard en direction de Crystal, puis acquiesce. La barrière s’ouvre pour les laisser passer. Priorité à la famille royale, pense la demoiselle avec amertume. Elle se retourne un instant pour fixer la foule qui pousse la barrière, espérant fuir le plus rapidement possible. Puis elle se sent soulevée, et remarque que le garçon la porte pour la faire monter dans un hovercraft encore vide. «
Où est ma famille ? » qu’elle demande, soudainement paniquée. Simultanément, elle voit ses parents, sa sœur et le Roi qui courent dans leur direction. Une explosion retentit alors en plein milieu de la plateforme, et Crystal retient un cri d’effroi. Fort heureusement, sa famille est indemne. Les troupes ennemis sont décuplées, et les gardes meurent les uns après les autres. «
Fuyez ! » ordonne le père de Crystal, qui crie de toutes ses forces pour se faire entendre. Crystal reste de marbre, puis secoue négativement la tête. Hors de question qu’elle parte sans sa famille. «
Protège la jusqu’à ton dernier souffle. » qu’il crie à nouveau en direction du garde qui l’a emmené jusqu’ici. Ce dernier acquiesce, puis enclenche le lancement de l’hovercraft. «
On ne peut pas partir sans eux ! » qu’elle s’exclame, fondant sur le garde pour tenter d’interrompre le décollage. «
Il le faut. Ils ne peuvent pas nous rejoindre à cause des explosions. Ils trouveront un autre hovercraft. » Au fond, Crystal sait qu’il a raison. Mais ça n’empêche pas les larmes de couler le long de ses joues. Elle se retourne une dernière fois, collant son visage à la vitre. Ses dernières images sont ses parents, montant dans un deuxième hovercraft, tandis que la plateforme n’est plus qu’un champ de ruines.
Ils ont volé, volé, volé. Jusqu’à être en panne d’électricité. Jusqu’à ne plus pouvoir voler. Ils sont allés tout droit, toujours tout droit. Parce qu’ils n’avaient aucune idée d’où aller. Alors ils se sont échoués dans un champs de blé, dans un pays, dans un monde, qui leur sont étrangers. Durant toute la durée du vol, ils ne se sont pas parlés. Ne se sont pas regardés. Crystal pleurant toutes les larmes de son corps, et le garde faisant semblant de ne pas s’en rendre compte en mimant d'être trop occupé par un plan de vol qui de toute manière se résume à aller tout droit. Jusqu’à atterrir dans le champ de blés. Jusqu’à se rendre à l’évidence que s’ignorer ne servira à rien, et qu’à présent ils ne sont plus que deux. Eux deux contre le reste du monde. «
Tu as reçu des instructions pendant le vol ? » qu’elle ose enfin demander, d’une petite voix éraillée d’avoir trop pleuré. Elle est fatiguée Crystal, épuisée. Mais elle sait qu’il ne faut pas rester près de l’hovercraft, que cet avion est bien trop avancé technologiquement parlant et qu’il intriguera les Humains. Le garde, prénommé Abel, garde un instant le silence, embarrassé. Il hésite visiblement à lui répondre, mais finit s’y résoudre. «
Le reste de votre famille est seine et sauve, comme beaucoup d’Inhumains qui ont réussi à fuir à temps. » Un soulagement se peint sur les traits de la demoiselle. Mais elle sent que ce n’est pas tout. Qu’à voir le regard lugubre de Abel le pire reste à venir. «
Ils ont ordonné de ne pas se regrouper. De s’éparpiller de par le monde, et de se fondre parmi les Humains. Nous sommes à présent des fugitifs, et Maximus n’aura de cesse de nous traquer. » Stoïque, Crystal encaisse cette révélation. Ainsi, la perspective de retrouver sa famille part en fumée. Elle pousse un long soupir, qui en dit long sur son état d’esprit. Elle n’est plus en capacité de réfléchir, plus en état de dire quoi que ce soit. Trop de fatigue. Trop d’émotions pour le restant de ses jours. Devant son désarroi, Abel pose une main qui se veut protectrice sur son épaule. Qui se veut rassurante. «
J’ai promis à votre père de toujours vous protéger. Et je le ferais. » Crystal hésite à lui répondre que ce n’était pas vraiment une promesse, mais plus une supplique lancée à travers les explosions. Qu’à présent qu’Attilan est en proie en flammes et au chaos, et qu’ils sont considérés comme des fugitifs, il n’y a plus aucune promesse qui tienne, et qu’il est libre de partir où bon lui semble. Qu’il n’a pas à avoir d’obligations à son égard. Qu’à présent elle n’est plus de sang royal. Qu’elle n’est plus qu’une Humaine. Mais elle garde cette réflexion pour elle. Parce qu’égoïstement, elle ne veut pas qu’il parte. Elle ne veut pas être seule. «
D’accord. » qu’elle se contente donc de souffler, avant de le suivre à travers les champs de blé.
Des explosions qui font trembler le sol, tandis que des éclats de verre déferlent des building autour d’eux. Crystal a un gout amer dans sa bouche. Un arrière-gout de déjà-vu. Le chaos qui s’est installé dans la ville de New-York résonne en elle, lui faisant apercevoir des bribes de souvenirs d’un Attilan à feu et à sang. Mais pas le temps de trop y penser, Abel faisant irruption à côté d’elle. «
Il faut qu’on se tire d’ici, c’est trop dangereux. » Crystal acquiesce, lance un regard circulaire autour d’eux. Il leur faut un abri, n’importe quoi. Du moment qu’il peut les protéger des déflagrations qui font rage autour d’eux. «
Ici ! » qu’elle crie en pointant une petite supérette abandonnée. Rapidement, les deux Inhumains s’y réfugient. Juste le temps de reprendre leur souffle, d’observer pour comprendre ce qu’il se passe. Dix minutes plus tôt, ils jouaient aux touristes, prenant des photos d’une ville où ils venaient à peine de poser les pieds. Vagabonds, sans patrie et eux deux comme seule famille. Voilà quatre ans à présent qu’ils ont fui Attilan. Quatre ans qu’ils tentent de se faire passer pour des Humains lambdas. Car les ordres sont les ordres. Longtemps déroutés, ils ont erré comme des âmes en peine. Ils ont connu la faim, le froid, la désolation. S’ils sont encore en vie à présent, c’est surement grâce à Abel. Si leurs relations étaient des plus froides à leur rencontre, forcée de constater qu’à présent ce sont des liens presque fraternels qui les unissent. Il a tant fait pour elle qu’elle lui en sera éternellement reconnaissante. «
Regarde ! » qu’il crie, pointant du doigt un objet volant fonçant à vive allure à travers le grand boulevard. Leurs yeux ont à peine le temps de fixer l’objet que déjà il s’est volatilisé. «
Qu’est-ce que c’est ? » Une question dont ils ne tardent pas à avoir la réponse. Juste devant eux, un objet volant similaire vient de s’arrêter, déposant au sol un groupe d'hommes armés. «
Pas Maximus, j'espère. » qu’elle souffle, apeurée. «
Il faut qu’on quitte la ville. » qu’il murmure, voyant d’un bien mauvais œil les soldats devant eux. Ces derniers font feu au hasard autour d’eux, exterminant tout ce qui passe dans leur cadran de tirs. «
Ou on va crever ici. » qu’il conclue, l’air grave. Comment sont-ils arrivés ici ? Une question sans réponse. Il y a dix minutes, le ciel était encore bleu, promettant une belle journée. À présent, le ciel s’est assombri, des explosions secouent le sol et la panique gagne tout le monde. Un revirement de situation qui laisse sans voix Crystal. «
Et eux, qui c’est ? » qu’elle finit par demander, alors qu’au bout du boulevard ils discernent des formes avançant rapidement dans la direction de l’ennemi. Il y a une masse orange qui s’élève à plusieurs mètres de hauteur, faisant exploser un convoi. À mesure qu’ils se rapprochent, Crystal distingue de mieux en mieux les personnages. Un homme capable d'étirer ses membres, une silhouette sillonnant le ciel en feu, une personne alternant entre le visible et l'invisible. Un groupe des plus originaux mais semblant avoir un but commun : détruire l’ennemi. Bien qu’ayant des compétences et des équipements surréalistes, ils semblent rapidement se faire dépasser par le nombre d'ennemis. «
Ce n'est pas Maximus. Mais ça a l'air tout aussi dangereux. Il faut les aider. » Cela résonne en elle comme une obligation. Ils ne peuvent pas rester cachés dans ce magasin et les regarder se faire exterminer. «
Tu te rappelles les ordres… » Au diable les ordres. Crystal hausse les épaules, bien résolue à agir. Elle a fui Attilan au lieu de se battre. Elle ne refera pas la même erreur avec New-York. «
J’y vais, avec ou sans toi. » Mais elle sait pertinemment qu’il la suivra. Il l’a toujours fait. Sortant du magasin, Crystal pose son regard vers les ennemis qui déboulent de partout. Que ce soit au sol, ou dans les airs. Prenant une grande bouffée d’air, la voilà qui se concentre sur les particules d’air autour d’elle. Elle les canalise, les manipule à sa guise. Bientôt, une bourrasque vient soulever ses cheveux, se dirigeant avec puissance vers les soldats. Jusqu’à leur faire perdre l’équilibre et les faire s’envoler sur plusieurs mètres en arrière. À cet instant, Crystal ne pense pas aux conséquences. Elle veut simplement aider. Elle ne sait pas encore que son acte de foi, que sa tentative pour aider ce qu’elle apprendra être les Quatre Fantastiques, se soldera par une victoire. Mais qu’en contrepartie, une organisation secrète nommée SHIELD les découvrira, elle et Abel. Qu’en menant des recherches sur eux, ils se rendront compte qu’ils n’ont aucun renseignement à leur sujet, et que par conséquent ils ne peuvent être Humain. Qu’ils se feront alpaguer par un dénommé Nick Fury, qui leur proposera de rejoindre le groupe des Avengers. Ils refuseront dans un premier temps, mais les Quatre Fantastiques, qui eux aussi auront connaissance de leurs identités, et qui les hébergeront, les feront changer d'avis. Parce que Maximus, même après la révélation de leur présence à New-York, n'est jamais venu les chercher, et qu'il n'est plus temps de fuir.