“Laserian et Erin”

aserian était tranquillement assis au bar avec son troisième verre de Whisky lorsque trois gros colosses l’entourèrent. Il soupira. "Hé. Gronkowski. Ça fait un moment, non? Ça va?" Un sourire en coin, il ne s’était même pas retourné vers le dénommé Gronkowski et ses gorilles. Il avait pris une gorgée de sa boisson sans quitter les yeux de la partie de football qui se déroulait sur la télévision au-dessus de lui. Lase savait très bien ce qu’il voulait et malheureusement, il ne pouvait pas lui donner. "Je t’ai donné trois avertissements déjà, Sutherland. J’ai été très patient. Alors? T’as mon pognon ou non?" Lase sentit l’étau humain se refermer sur lui et six paires de yeux qui le fixaient avec violence. Le jeune médecin savait qu’il était dans la merde et qu’il allait s’en prendre toute une, mais il ne voulait pas s’écraser devant un idiot comme Gronk. Il haussa simplement les épaules et ignora les trois hommes. Devant son silence et son manque de coopération, l’un des hommes le poussa violemment pour l’obliger à répondre. Déjà un peu réchauffé, Laserian tomba mollement de son tabouret, renversant et cassant son verre au passage. Il prit une grande respiration avant de se relever et de fixer les colosses, le cœur battant. Il sentait tous les poils de son corps s’hérisser et sans s’en rendre compte, il s’était mis en position d’attaque comme s’il était un animal féroce. Le son d’une arme qu’on chargeait dévia son attention. "Vous trois dehors! J’veux pas de casse dans mon bar." Un sourire pédant étira les lèvres du jeune homme. Ce n’était pas pour rien qu’il était venu dans ce bar miteux de Fenyick. Le barman était un bon ami de son père et il savait qu’il serait protégé. Il vit la colère monter sur le visage rouge de Gronk qui avait serré les poings. Ce dernier pointa Lase. "On a pas fini. " Il fit signe à ses sbires de partir et tous les trois quittèrent l’endroit. Laserian n’avait pas bougé et il souffla dès qu’ils disparurent de son champ de vision. Il avisa le barman pour le remercier de s’être interposé. Le jeune homme savait qu’il avait seulement repoussé l’affrontement, mais peut-être qu’une idée de génie allait survenir dans les prochaines heures et qu’il pourrait s’en sortir. Trois bières, deux autres whisky et plusieurs heures plus tard, il était toujours au même point quoi qu’un peu plus dans les vapes. Il regarda l’heure, laissa les billets et un peu plus sur le bar et quitta l’endroit d’un pas nonchalant.

"Fallait bien que tu sortes un jour. " Lase ferma les yeux et se retourna vers Gronk avec un sourire arrogant. "Je pensais pas que tu serais aussi patient." Il aurait vraiment pensé que las d’attendre, les trois hommes seraient partis. Il s’était trompé et il allait payer. Les coups arrivèrent aussitôt et il ne tenta pas de se défendre. Vu son état, il en aurait été incapable. Il plaça ses bras devant lui pour se protéger du mieux qu’il pouvait lorsque les attaques cessèrent. Il souffla. C’était tout? C’était pas si mal. Vu la somme qu’il devait à Gronk après avoir perdu un pari, ces frappes étaient minimes. Avoir su, il aurait encaissé bien avant. "C’est cette main qui est blessée?" Gronk avait empoigné et serré fermement sa main gauche encore fragile. Lase avait serré les dents pour ne rien laissé paraître de la douleur, mais l’autre n’était pas dupe et il avait bien vu que le bouclé souffrait. "Ça serait vraiment dommage de l’endommager encore plus non?" Il serra encore plus fort jusqu’à entendre un petit craquement sonore. Lase hurla, tandis que les autres ricanaient autour de lui. D’autres coups suivirent avant qu’on lui crache dessus. "C’est pas réglé. Je veux encore mon fric. Tu as deux semaines. Venez." Ils le laissèrent seul au milieu de la ruelle en sang, en sanglots et sa main encore plus bousillée. "Fuck. " Il cracha, puis essuya sa bouche laissant une trainée rougeâtre sur sa manche. Dans quoi s’était-il embarqué encore? Il n’avait pas déjà assez d’ennuis? Il fallait qu’il doive un tas de pognon à un con à cause d’un pari stupide lancé alors qu’il était complètement pété. Il se rappelait à peine de cette soirée. Il avait dû lancer ce pari idiot en l’air et cet attardé de Gronk l’avait pris au mot. Bordel. Il resta assis au sol de longues minutes, le temps de se calmer, mais il avait envie de tout balancer. Il avait la gueule enflée et en sang, le nez cassé, des douleurs aux côtes et une coupure profonde à l’arcade sourcilière. Sans parler de sa main qui prendrait encore plus de temps à guérir. Il allait devoir retourner en chirurgie et passer encore plus de temps en réhabilitation. Connard de Gronkowski. Il avait misé juste. Il n’aurait pas pu lui faire plus mal. Lase se sentait tellement bas en ce moment. Il n’avait pas envie de rentrer chez lui, mais il n’avait pas envie de voir qui que ce soit. Il voulait juste s’endormir ici, sur la pierre froide. Il se résolu toutefois à se relever au bout d’un certain temps. À cette heure, Erin allait dormir et il n’aurait pas à lui faire face. Il mit son capuchon sur sa tête pour cacher ses ecchymoses et boita jusqu’à la rue principale où il héla un taxi.

Il entra dans leur petite maison et se dirigea aussitôt vers la salle de bains. Il dévalisa la pharmacie à la recherche de désinfectant, pansements et autres nécessités pour soigner ses blessures. Ce qui était plutôt difficile avec une main hors d’usage et il perdit rapidement patience. Il balança la bouteille ouverte sur le mur sans se soucier du bruit ou le dégât que ça causait. Il se laissa choir sur le carrelage immaculé, le dos accoté sur le grand bain, abattu et fatigué.

(c) nightgaunt

“Laserian et Erin”

a vie était un véritable foutoir. Depuis l’accident, tout s’était mis à s’écrouler comme un château de cartes. Tout lui souriait. Il était un mari aimant qui se plaisait dans sa petite routine maritale. Il avait un boulot qui lui permettait de briller et d’être reconnu. Son père était fier de lui. Il était apprécié et admiré. Il se retrouvait dans une position confortable et enviable. Il était heureux. Mais voilà que tout avait changé. Une mauvaise décision qui avait tout bousillé. C’était comme si cet accident avait ouvert une brèche sur un autre lui. Un lui plus sombre qui ratait tout ce qu’il entreprenait. Un petit con qui s’attirait les ennuis comme des mouches. Il ne savait même pas comment il avait pu s’embarquer dans toute cette histoire avec Gronk. Le plus simple aurait été d’aller voir son père et lui demander de lui avancer l’argent. Ce n’était pas un problème pour les Sutherland qui croulait sous les billets. Seulement, Lucius n’avait plus la même fierté quand ça concernait son plus vieux. Il n’avait plus cette étincelle de bonheur quand il était question de Laserian. Et puis, il n’était pas encore tombé aussi bas. Il allait régler ses problèmes lui-même. Même s’il devait être défiguré et perdre sa main pour ça. Il n’allait pas ramper chez papa pour qu’il l’aide, alors qu’il avait toujours été indépendant. Il ne voulait pas que son paternel le voit dans une situation de faiblesse, pas une autre. Il ne voulait pas encore plus le décevoir et perdre le respect qui restait. Il ne savait pas comment il allait s’en sortir, mais il allait trouver une solution. Il devait.

Mais pour le moment, Lase se retrouvait complètement désemparé sur les carreaux de la salle de bain de la maison qu’il partageait avec sa femme. Il avait dû réveiller Erin avec tout le boucan qu’il venait de faire, alors qu’il n’avait vraiment pas envie qu’elle le voit dans cet état. Il ne voulait pas qu’elle s’inquiète pour lui comme elle le faisait toujours dernièrement. Elle posait toujours un tas de questions qui avaient le don de l’énerver et là, il l’était déjà amplement, il n’avait pas envie de l’être encore plus et poser un geste qu’il allait regretter. Il voulait seulement être seul. Mais, c’était inévitable. Il pensa à s’enfuir par la fenêtre lorsqu’il entendit la porte de la chambre s’ouvrir et les pas doux de la brune se diriger vers lui. Seulement, il n’en avait pas la force. Il était complètement lessivé et son corps lui faisait un mal de chien. Lorsqu’elle franchit la porte, il la regarda à peine. Trop honteux pour affronter ses yeux doux et compatissants. Il remerciait le ciel qu’Erin n’était pas l’une de ces femmes complètement hystériques qui criaient dès qu’elles étaient inquiètes, surtout qu’il venait de ruiner le tapis et qu’il avait taché le plancher de bois. La jeune femme avait toujours été très calme peu importe la situation. Elle ne montrait jamais ses émotions. Lase lui reprochait souvent d’ailleurs de ne jamais exprimer ce qu’elle ressentait réellement. Comme si elle n’avait aucune émotion ou même personnalité, mais présentement, il appréciait qu’elle garde ce qu’elle pensait pour elle. Il n’avait pas besoin de ses reproches. Il pouvait lire de l’incompréhension dans son regard bleuté et elle devait se poser un tas de questions sur ce qui était arrivé à son mari, mais elle s’abstenait de lui demander. Du moins pour le moment. Silencieuse, Erin s’était dirigée vers la pharmacie pour s’emparer du désinfectant et de quelques coton-tige. Elle s’agenouilla auprès de lui et porta le coton à son visage. Lase tourna farouchement la tête pour esquiver le contact, mais ça n’arrêta pas la belle qui appliqua tout de même le liquide froid sur ses plaies. Il ne grimaça pas, même si ça chauffait. "Je suis médecin, je te signale. Je sais ce que ça fait. " Son ton était sec et dépourvu de chaleur. Tout comme leur relation des derniers mois. "T’aurais dû rester au lit. J’aurais pu me débrouiller seul." Il pinça les lèvres et ferma les poings lorsqu’elle toucha une partie plus sensible de ses blessures. Il n’aimait pas se faire soigner. C’était lui habituellement qui prodiguait les soins aux blessés. Il était tendu, mais il se laissait faire. Il n’avait pas le choix de toute façon, Erin n’allait pas le lâcher. "Pourquoi tu dormais pas?" Il ne l’avait toujours pas regardé, préférant fixer le mur devant lui.

(c) nightgaunt

“Laserian et Erin”

e temps où tout était simple lui semblait si loin. Ce temps où il ne suffisait que d’un regard pour qu’ils se comprennent. Ce temps où leur complicité faisait bien des jaloux. Ce temps où ils passaient leurs journées au lit ou devant la télévision, bien collés. Ce temps où les baisers et les marques d’affection étaient naturels. Laserian ne se souvenait pas de ce temps plus heureux, alors que techniquement, ce n’était que quelques mois. Il était conscient que c’était complètement sa faute si son couple était à la dérive, au bord du naufrage. Il savait qu’il était en train de tout gâcher et qu’il faisait du mal à Erin. Le pire, c’était qu’il n’avait absolument rien à reprocher à la belle brune. Elle était parfaite. Elle était douce, compréhensive, charmante, indépendante et attentionnée. Elle rayonnait, alors que lui s’éteignait. Ce n’était pas à cause d’elle s’il était aussi misérable. Mais, au lieu de tenter de se relever, il préférait rester au sol. Il n’acceptait aucune aide, aucun soutien. Parce que c’était ce qu’il méritait. Il méritait tout ce qui lui tombait dessus. La police du karma s’occupait bien de son cas. Trop longtemps, il s’était senti intouchable et invincible. Il s’était senti protéger par une force extérieure. Il s’était engouffré dans une bulle d’acier très solide, mais voilà qu’un boulon était tombé, fragilisant la structure. La rouille causée par les abus de vitesse et d’alcool avaient grugé la paroi et tout avait éclaté, comme s’il s’agissait d’une simple bulle de savon. Lase n’en parlait pas, mais cet accident l’avait chamboulé plus qu’il ne le laissait paraître. Il avait tué son ami. Il était un meurtrier. Il aurait dû être enfermé pour homicide involontaire. Il aurait dû payer le prix même s’il était horrifié. Au moins, il ne blesserait plus personne et il n’y aurait plus personne pour le prendre en pitié. Il était entrain de pourrir tout le monde et ça ne le dérangeait même pas. Il se fichait bien des autres en ce moment. C’était lui qui importait. Lui qui jouait, buvait, mentait, cognait et trompait pour survivre. Parfois, il avait des sursauts de bons moments où il se mettait à regarder sa femme et l’envie de lui faire l’amour directement sur le tapis du séjour lui prenait, mais ça ne durait jamais longtemps. Quelque part au fond de lui, il savait qu’il aimait encore Erin. Il ne savait juste plus comment. En fait, il ne savait pas s’il souhaitait encore l’aimer.  Elle pouvait trouver mieux. Il n’avait plus rien à lui offrir. Elle était une actrice qui commençait à avoir le vent dans les voiles et être en demande, il n’était qu’un pauvre chirurgien déchu. Un raté. Si elle ne s’était pas encore lassée de lui et de ses frasques, ça n’allait pas tarder.

C’était pour cela qu’il refusait de la regarder en face cette nuit-là. Comme si en croisant son regard, Erin comprendrait qu’elle faisait une erreur de rester avec lui. Ce qui était le cas, mais Lase avait besoin de savoir qu’elle était là, à l’attendre. Il ne la traitait pas convenablement et il était un mari merdique, mais elle lui procurait une certaine stabilité. Il savait que peu importe l’heure qu’il rentrerait, peu importe les conneries qu’il ferait, elle l’attendrait dans la petite maison moderne qu’ils avaient acheté ensemble. C’était totalement égoïste, mais il avait besoin de ça. Il hocha la tête lorsqu’elle lui raconta qu’elle était réveillée à cause de ses terreurs nocturnes. Encore. Ça faisait longtemps que ça durait, mais ça n’intéressait pas le bouclé. Si au départ, la brune lui racontait ses visions, elle avait très vite cessé en apercevant leu d’intérêt qu’il lui portait. Il s’était donc contenté d’hocher la tête. Une part de lui aurait voulu qu’elle lui raconte ce qui la tracassait dans l’espoir de retrouver cette proximité qui les avait unis il n’y avait pas si longtemps. Mais il n’avait pas le courage de lui demander. Il n’avait pas la tête à l’écouter. Il préférait largement garder le silence pour en finir au plus vite. Il roula des yeux lorsqu’elle lui demanda de ne pas bouger. Il aurait bien voulu la voir elle. Machinalement, il cacha sa main. Il n’y avait rien à faire. C’était foutu. "T’es une sorcière maintenant? Parce qu’à moins de pouvoir faire un truc de magie dessus, va falloir qu’on me réopère. " Il aurait pu se la fermer au lieu de lancer une pique qui n’avançait à rien. C’était juste plus fort que lui. Il faisait tout pour l’éloigner de lui. C’était une sorte de mécanisme de défense.  Il secoua la tête devant sa misère en soupirant. Il était enfin sur la bonne voie de sa réhabilitation et voilà que tout était à recommencer. Encore des semaines à devoir travailler dans tous les autres départements que le sien. Encore des semaines à être inutile parce qu’il n’arrivait plus à gérer sa vie et à prendre de meilleures décisions.

Il savait qu’il n’y échapperait pas, mais lorsqu’elle mentionna son état sans pour autant lui poser des questions, il ferma les yeux et renversa la tête vers l’arrière. Comment lui dire qu’il les avait mis dans la merde parce qu’il devait des milliers de dollars à un crétin. Comment lui dire qu’il était en train de gâcher leur futur financier à cause de ses bêtises. Comment lui dire que eux, c’était sûrement une erreur. Il pouffa. Pour le meilleur, comme pour le pire. Elle avait marié le pire. "J’ai…eu un accident." Mentit-il. Il savait bien que c’était inutile de lui mentir. Erin n’était pas dupe. Ce n’était pas la première fois qu’il rentrait amoché et alcoolisé, mais il n’avait vraiment pas envie d’en parler. Il ne voulait pas qu’elle soit impliquée dans ses erreurs. L’amour qu’il lui portait était peut-être fragile, cela n’empêchait pas qu’il avait encore du respect pour elle.

(c) nightgaunt

“Laserian et Erin”

ui-même ne se reconnaissait plus. Il était à des années-lumières de l’homme qu’il était. De l’homme qu’il avait toujours voulu être. Il ne voulait pas être cette personne méchante, sarcastique, je-m’en-foutisme et égoïste qu’il présentait depuis des mois. Il était mal dans sa peau et jaloux de la réussite des autres. Parce que lui était en train de tout foutre en l’air. Lui ne réussissait plus rien. Il n’était plus la fierté de son père qui ne faisait que subir ses frasques, il n’était plus la vedette montante de la chirurgie à l’hôpital, son mariage était une catastrophe, la plupart de ses amis l’avaient abandonné. Il avait fait une erreur, une seule, mais c’était assez pour le mettre à terre. Et c’était si dure de se relever. Pourquoi se donner tant de mal quand c’était plus simple d’y rester. S’enfoncer, faire du mal, se faire du mal. C’était ce qui le tenait en vie. Faire des efforts pour plaire à tous, c’était trop éreintant. Et à quoi bon, si au final tout le monde l’abandonnait.

Bien sûr, il y avait Erin qui était toujours là. Pour le meilleur et pour le pire. Il ne savait pas pourquoi d’ailleurs. Être elle, ça ferait longtemps qu’il aurait fait ses valises. Pas elle. Pas Erin. Elle encaissait sans broncher. Toujours. Il pouvait lui dire pratiquement n’importe quoi, lui faire les pires crasses, elle ne s’énervait jamais. Il lui avait parfois reproché, mais ça ne l’avait jamais réellement dérangé. Il aimait sa douceur, sa façon de voir du positif dans tout et ça avait toujours eu un effet apaisant sur lui. Elle avait l’air faible, mais il savait qu’elle était forte. Ce n’était pas toutes les femmes qui accepteraient tout ce qu’il lui faisait subir. Il la poussait à bout et accumulait les conneries pour voir quand elle craquerait. Mais peut-être que c’était ça dont il avait besoin. Que la femme qu’il avait aimé dès le premier regard et à qui il avait promis terre et mer lui dise ses quatre vérités. Que la personne qui le connaissait le mieux, lui fasse voir et comprendre qu’il était un pauvre type. Il voulait qu’elle lui crie dessus juste pour voir un peu de vie dans son regard tristement bleu, naïvement bleu. Il voulait qu’elle l’accuse, le pointe du doigt, l’envoie promener, le gifle ou même qu’elle lui lance des objets. Il voulait une réaction. Mais Lase savait que ça n’arriverait pas. Jamais elle n’oserait le confronter, pas parce qu’elle n’en avait pas envie ou parce qu’elle était soumise ou parce qu’elle avait peur de tout perdre. Ce n’était tout simplement pas dans la nature de la belle brune. Jamais elle ne disait un mot plus fort que l’autre. Elle était la gentillesse incarnée, la patience même. Ce qui aurait dû lui convenir, mais il s’acharnait à la repousser et à l’éloigner de tout ce qui le concernait, sans avoir vraiment de raison de le faire. Se reposer sur une personne qui s’inquiétait pour lui aurait dû être plus important que tout le reste. Il avait besoin que quelqu’un l’aime. Il avait cette personne en face de lui, mais il était trop borné pour tenter de se racheter auprès d’elle. Il avait perdu trop de points pour tenter d’en regagner.

Alors qu’Erin était concentrée à s’occuper des blessures de Lase avec minutie, ce dernier refusait de se laisser aller. Il ne voulait pas qu’elle le touche. Il n’aimait pas qu’elle le voit comme ça. Il avait toujours été une figure fière dans leur couple. C’était lui qui devait prendre soin de sa femme, pas le contraire. Il était l’homme de la maison, même s’il fuyait les responsabilités. Pourtant, il se laissait faire. Il grognait, râlait et rouspétait, mais jamais il ne pensa à sortir de la salle de bains et à s’éloigner d’elle. Peut-être qu’une partie de lui la voulait près de lui. Il n’avait toujours pas osé la regarder dans les yeux, mais il observait chacun de ses gestes. Précis, doux, attentionné. Elle aurait fait un bon médecin, pensa-t-il. Il aurait pu lui dire. Ça aurait calmé tout le monde et ça faisait longtemps qu’il ne lui avait pas fait de compliment. Mais à la place, c’étaient des petites piques mesquines qui franchissaient ses lèvres. C’était un ton sarcastique qui prenait la belle pour une idiote qui s’adressait à elle. Au lieu de la remercier, il ne pouvait s’empêcher d’en rajouter. Puis, profitant d’un silence enveloppant, la jeune femme lui avait demandé s’il voulait en parler. Au lieu de refuser, il avait menti, prétextant un accident. Un mensonge qui n’avait pas été gober par la belle. C’était devenu si facile pour lui de mentir. Il mentait pour tout. Elle aurait pu exploser à ce moment-là, mais elle continuait sa besogne sans rien dire. Elle enveloppa sa main meurtrie dans un pansement avec la même douceur alors qu’il aurait été très facile pour elle de lui faire encore plus mal. Mais le mot vengeance ne faisait pas partie d’elle.

Ce n’est qu’une fois qu’elle eut terminé qu’elle lui posa une question qui lui glaça le sang. Il se figea, ne s’attendant pas à ce qu’elle le mette au pied du mur de cette façon. Jamais, elle n’avait osé. Il avait le cœur gros et pour la première fois, il se rendait compte de tout le mal qu’il lui faisait. Il ne savait pas quoi répondre. Il ne bougea pas plus lorsqu’elle lui déclara savoir pour ses infidélités. Il aurait pu nier, mais il se contenta de fermer les yeux pour toutes réponses. Ce n’était pas comme s’il s’était caché ou avait fait attention. Il aurait dû s’attendre à ce qu’un jour Erin le découvre. Peut-être c’est ce qu’il souhaitait. "Je ne sais pas Erin. Je ne sais plus rien. Je ne sais plus qui je suis. Alors fiche-moi la paix avec tes questions!" Il donna un coup de pied à la petite trousse de premiers soins. Le contenu se dispersa un peu partout dans la pièce.

(c) nightgaunt

“Laserian et Erin”

l l’aimait. Il savait qu’il l’aimait. Quelque part au fond de lui, il y avait encore tout l’amour qu’il lui portait. Celui qui ressentait des petits papillons dans le ventre chaque fois qu’il l’apercevait, celui qui lui avait demandé maladroitement un premier rendez-vous, celui qui lui avait demandé sa main, celui qui lui avait dit oui nerveusement, mais aussi fièrement, celui qui faisait des projets avec elle. Tout cet amour était encore là. Caché, apeuré, timide, mais présent. Juste incapable de s’affirmer et de se montrer. En train de se rebeller et de tout gâcher, mais son amour pour elle ne s’était pas évanouie. Il était encore presque intact. Laserian savait qu’un jour où l’autre, il allait être à nouveau capable de l’exprimer. Dans quelques semaines, quelques mois, peut-être des années, mais il lui redirait.

Il s’obstinait toutefois à garder le silence et à rester enfermer dans son mutisme. Il se contentait de laisser monter la colère en lui jusqu’à ce qu’elle éclate. Il avait donné un coup de pied dans la trousse de soins qui avait aidé à panser sa plaie. Il avait explosé le petit moment d’accalmie qui s’était installé entre eux. Il avait tout gâché. Encore une fois. Son impulsivité lui avait fait manquer une occasion de se taire. Le pire, c’était que rien n’était dirigé contre elle. Tout était tourné envers lui. La belle n’avait rien à se reprocher. Elle était une femme merveilleuse. Il n’aurait pas pu rêver mieux. Il n’avait jamais eu l’intention de la blesser, pas consciemment. C’était lui qu’il punissait, qu’il voulait rendre misérable pour toutes les erreurs qu’il avait commise ces derniers mois. Il ne voulait pas lui faire du mal, mais il n’avait pas pensé que ses conneries se répercuteraient sur elle. Il n’avait pas pensé que ça le rendrait aussi mal et que ça affecterait toutes les sphères de sa vie. Mais maintenant qu’il l’avait attiré vers le bas avec lui, il n’avait plus la force de faire en sorte qu’elle remonte. Il l’observait ramasser son gâchis avec résignation. C’est ce qu’elle faisait chaque fois. Il déconnait, elle ramassait ses résidus sans broncher. Il aurait voulu s’excuser. Pour tout. Son coup et ses bêtises en général. S’excuser d’être un mari de merde qui n’arrivait plus à la satisfaire, qui ne savait plus où il en était, qui avait une piètre opinion de lui-même. Ça aurait été un bon début qu’il admette qu’elle méritait mieux. Il aurait voulu l’aider à ramasser son foutoir, mais ses membres refusaient de bouger. Toutes ses bonnes volontés restaient bloquées dans sa gorge, tel un lâche de la pire espèce. Il avait bien vu le regard affolé de la belle. Il avait senti sa détresse, mais il n’arrivait pas à dire ou à faire quoi que ce soit pour la rassurer. C’était inutile puisqu’il ne pouvait pas la rassurer. Pas maintenant. Il ne pouvait pas nier qu’il la trompait. Il ne pouvait pas mentir et lui dire que c’était arrivé qu’une seule fois et que ça n’arriverait plus. Ça serait des mensonges. Il ne pouvait pas lui promettre qu’il allait se calmer et moins boire, moins jouer et moins se battre. Ça aussi c’était faux.

Il lui avait crié de lui ficher la paix, mais dans sa tête, c’était concernant cette nuit. Juste cette nuit. Il ne s’attendait pas à ce qu’elle lui affirme qu’elle allait faire ses valises et qu’elle allait partir. Il releva les yeux vers elle pour la première fois. Son cœur s’était serré à la mention de son départ. Pourtant, ce n’était pas comme s’il ne l’avait pas cherché. Ce n’était pas comme s’il n’avait pas tout fait pour qu’elle le quitte. Alors, pourquoi était-il aussi surpris? Parce qu’il n’aurait jamais pensé qu’elle en serait capable. Ce n’est pas pour autant qu’il tenta de l’en dissuader. Il était juste subjugué. L’idée qu’il pouvait ramener des filles ici, dans leur petite demeure, ne lui avait même pas traversé l’esprit. Il se fichait d’elles. Elles ne méritaient pas de voir où il habitait, Erin ne le comprenait donc pas? "D’accord." Répondit-il simplement d’une voix rauque et plus triste qu’il ne l’aurait pensé. Elle pouvait partir. C’était pour le mieux. Il ne la méritait pas. Il ne donna pas suite à ses autres questions même s’il avait les réponses. Il voulait encore d’elle. Il l’aimait. Mais il devait faire du ménage dans sa tête et cessez d’assombrir la belle brune avec sa mauvaise humeur et ses erreurs. Il aurait dû lui dire tout ça à voix haute pour qu’elle sache. Mais le petit con qu’il était préférait la laisser dans le néant. "J’vais aller marcher. " Lase se releva péniblement. Il secoua la tête en apercevant l’état de la salle de bain qui ressemblait étrangement à leur mariage. Un bordel. Il aurait pu lui proposer que ce soit lui qui parte, mais Erin avait pris sa décision. Il ne voulait pas discuter. Il était fatigué et il voulait juste en finir avec cette soirée de misère.

(c) nightgaunt