« Maman, pourquoi je ne peux pas aller à la piscine avec les autres ? Et pis, pourquoi est-ce qu'on vit pas avec les autres ? Ils sont malades ? » J'avais cinq ans quand ces questions ont commencé à se faire une place dans ma tête. Je n'avais pas le droit de me mélanger aux autres. Je n'avais pas le droit d'aller à l'école avec les autres enfants de mon âge. Je ne comprenais pas pourquoi. « Mélodie ma chérie, tu es une petite fille unique et ton papa et moi, on fait tout ça pour te garder en vie. Quand tu seras grande, tu devras faire des choses importantes. Tu devras trouver un gentil homme qui t'aimeras. Tu sais, tu es vraiment une princesse et les autres enfants risqueraient de ne pas comprendre pourquoi tu es à l'écart. » L'explication que m'a donné ma mère, me suffisait grandement à cette époque. Toutes les petites filles rêvent d'être des princesses à cet âge là, alors je n'ai pas cherché plus loin. Et puis les années ont passé et les questions revenaient sans cesse. J'étais devenue cette pré-adolescente mal dans sa peau et qui n'avait pas d'amis. J'étais seule au monde et mes parents ne cessaient de me prendre la tête parce que j'étais trop curieuse du monde des humains. Oui, mon histoire c'est un peu celle d'Ariel. Des parents possessifs qui m'interdisaient tout bonnement de mettre pieds à terre. Bien sûr, j'avais compris que l'eau était mon monde, que lorsque je plongeais du haut des falaises, je n'avais pas peur parce que je savais que mon corps allait se transformer. Mais j'étais malheureuse. Je ne compte plus les fois où j'ai quitté le navire pour ne revenir que bien des mois plus tard. Et finalement, à l'âge de dix-huit ans, mes parents ont décidé que j'étais assez mature pour « apprendre le monde des gens qui marchent sur deux pieds ». Ne vous méprenez pas, j'avais accès à toutes les technologies du monde grâce à la richesse de mes parents. Réseaux sociaux, forums, mailings et encore j'en passe et des meilleures. Je me suis très vite intéressée à la mode et je me suis orientée dans ce domaine d'études. J'ai commencé à créer des choses, ma plus grande fierté étant les Comics et Mangas que j'ai fait imprimer grâce à mes parents. Le nom de O'Brien est connu par delà les frontières et parfois même, certains nous craignent. Ne me demandez pas pourquoi, je n'en sais rien du tout. Toujours est-il que, j'ai su ce que c'était d'avoir des amis, des vrais.

Et puis il y a eu un incident... Il y a quelques mois, j'ai rencontré Karl. Karl était parfait et très attentif. Karl avait tout pour me plaire. Mais ça c'était avant qu'il ne tente de me violer et réussisse. J'étais prête à tout pour lui mais, certainement pas à subir ce genre de maltraitance. Et encore si ça ne s'était produit qu'une fois... Mais non, cela s'est produit par trois fois. Mes parents ont donc pris les mesures nécessaires. J'ai portait plainte et il a été condamné à la peine maximale. Tout ceci s'est passé dans ma ville de naissance, à savoir Canberra. Nous avons donc déménagé. Ou plutôt, mes parents ont acheté un yacht gigantesque et nous avons pris le large.

Je ne sors plus autant qu'avant, préférant la sécurité du bateau familial et de l'océan. Bien sûr, lorsque j'ai besoin de matériel pour mes créations, je mets pieds à terre mais je m'arrange pour ne pas rester longtemps. La peur s'est emparée de mon être et je suis sans cesse en train de regarder par dessus mon épaule. Je vis dans la crainte que mon agresseur soit remis en liberté pour bonne conduite. Je n'ai plus confiance en l'homme et je finirais probablement ma vie seule.

On va commencer par le début, n'est-ce pas. Je suis née ici, du côté de Emmann dans le domaine familial. Mon papa travaille dans une grande entreprise et ma maman est avocate. J'ai grandi dans un doux foyer mais, mes parents n'ont pas voulu me mettre à l'école primaire. Ne me demandez pas pourquoi, je n'en sais strictement rien. Ils ont engagé une sorte de précepteur pour m'apprendre les bases de la vie, dirons-nous. Mes parents travaillaient beaucoup à cette époque et c'est souvent que j'étais seule avec le Majordome. Il était gentil avec moi cet homme, un peu comme mon grand père. D'aussi loin que je m'en souvienne, je n'ai pas d'autre famille par delà le monde. Remarque, ce n'est pas bien grave dans le fond, ça évite les grandes tablées lors des fêtes de famille et du coup, les économies engendrées, elles sont pour moi ! Ouais bon... l'argent ne fait pas le bonheur comme on dit et puis, je ne pense pas être une personne capricieuse ou désagréable avec autrui.

Les années ont passé comme une pluie d'été et je suis rentrée au collège. Les ennuis ont commencé à ce moment-là... Vous savez, quand vous restez au domicile, vous ne dépensez pas votre surplus d'énergie et aussi, vous avez tendance à vous goinfrer. Résultat ? Une grosse bedaine et un gros popotin, pour rester polie. J'étais grosse, je ne vais pas le nier. Clairement, j'aimais la bouffe et j'avais du mal à m'en passer. Les moqueries ont fait leur apparition. Au début c'était de simples petites blagues de comparaison mais très vite, c'est devenu pire... Et une après-midi, après le cours de sport, on m'a bousculé et enfermée dans les toilettes. J'y suis restée tout un weekend ou presque. A partir de ce jour, ma vie a changé, ma voix s'est tue et je suis tombée dans l'anorexie...

De nouvelles années ont filé et je me suis réfugiée dans le dessin. Au travers de mes créations, j'ai raconté mon histoire. Oh bien sûr, je n'ai pas donné mon nom ni mes traits à mes personnages mais, dans chaque nouveau chapitre, il y avait une partie de ma vie. Mes parents ont trouvé que j'avais un don fabuleux pour ça et ils ont décidé de m'aider à me faire connaître. Je n'ai pas la prétention de dire que je suis connue et reconnue lorsque je marche dans la rue mais, la jauge de mes fans ne cesse d'augmenter. Vous savez, quiconque aurez fait sa place dans ce monde, aurez pris probablement la grosse tête mais, je ne pense pas en faire partie. Je suis restée la même jeune fille timide et muette que j'étais au début.

Le dessin, c'est ma façon de communiquer avec les gens depuis que ma voix ne s'entend plus. Je ne sais pas si un jour je parlerais de nouveau, mais que sont les mots face à l'art du dessin ? Pas grand chose. La musique aussi fait partie de ma vie, je joue du piano et de la guitare depuis environ trois ans maintenant. Je ne sais pas ce que l'avenir me réserve, je sais juste qu'il est essentiel de vivre au présent.