La fumée d'améthyste virevoltait autour de ses doigts , un diamant liquide dont elle pouvait contrôler chaque flexion d'une simple pensée, d'une simple envie. Sa magie dansait tourbillonnait dans une ronde folle, suivant son regard et les légers tremblements de son souffle. Peu à peu, le flux de sa magie s'enroula autour de lui-même jusqu'à former les silhouettes, puis les visages de ceux qui la hantaient, les visages de ceux dont elle avait pris la vie. Hawkeye, Vision, ses enfants... Ses ongles s'enfoncèrent dans la chair tendre de sa paume et ses larmes se mélangèrent aux quelques gouttes de sang. Elle en avait assez. Assez de ces morts, de cette lutte incessante, de ces pouvoirs qu'elle ne contrôlait pas et qui prenaient un peu plus possession d'elle à chacune de ses inspirations. "Wanda !" La voix de son frère la fit sursauter et les filets pourpres s'évanouirent entre ses doigts. Il semblait inquiet, horrifié, même. "Wanda... Ils arrivent. Ils viennent pour toi." "Je sais," soupira t-elle, son regard se perdant par-dessus son épaule. Pietro posa ses mains sur elle et la secoua brutalement. "Ils viennent pour te tuer ! Il faut que tu fasses quelque chose !" "Ne serait-ce pas mieux ainsi ?" L'homme se figea soudain, son regard sondant celui de sa soeur. "Tu n'as pas le droit de dire ça..." "Pourquoi pas ? Ne crois-tu pas que ma mort effacerait un grand nombre de peine ? Je ne peux pas me contrôler, Pietro," ajouta t-elle tandis qu'il ouvrait la bouche pour tenter de la couper. "Je ne sais pas ce que je pourrais faire demain. Je ne sais pas de quoi je serais capable..." "Alors recommence," lui souffla-t-il. Sa main douce sur sa joue lui apporta le réconfort dont elle avait besoin. "Réécris notre histoire. Sans pouvoirs, toutes ces guerres n'auront jamais existé." Il s'accroupit à son niveau, un doux sourire accrochant ses lèvres. Il était l'ancre de son univers, celui qui la maintenait à flots dans sa tempête intérieure. "Remodèle le monde à ta façon. Tu peux le faire. Il te suffit de le vouloir..." "Plus de mort..." murmura t-elle. "Plus de mutants. Plus de héros." Elle crevait d'envie d'oublier. D'effacer de sa mémoire tous ces visages qu'elle avait vu mourir devant elle. Ceux qui avaient perdu la vie à cause de sa folie.

"Plus de souvenirs."


Après la folie, la perte de plusieurs de leurs membres et la dissolution des Avengers engendrée par Wanda Maximoff, un groupe de héros réunissant les X-Men et les anciens Avengers décident de mettre un terme au danger qu'elle représente. Ils la traquent jusque sur l'île de Genosha où le professeur Xavier peine à la garder sous contrôle. Horrifié par l'idée que Magneto puisse laisser mourir sa soeur, Pietro la persuada de remodeler la réalité.

Aujourd'hui, l'île de Genosha retient en son sein une population de héros dont les souvenirs ont été effacés. Convaincus d'être de simples humains, ils vivent une vie alternative sans le moindre souvenir de leur passé de super-héros. Afin de les garder sous contrôle et d'éviter une révolte, Wanda a exaucé leur voeu le plus cher. Mais oublier toute une vie n'est pas si simple... Et certains citoyens se découvrent peu à peu des dons étranges. Des murmures s'élèvent dans la ville et laissent entendre qu'un mouvement de résistance se formerait dans les souterrains. Mais tout ceci ne sont que des rumeurs, pas vrai ? Les super-pouvoirs, ça n'existe pas. Et si la Garde rouge écume les rues à la recherche de ceux qui murmurent un peu trop haut, ce n'est que pour garantir leur propre sécurité.

Le rayon de lumière rouge qui filtre par delà la porte fermée de cette chambre où elle s’est retranchée. L’éclair qui s’intensifie, luminosité instable due aux flashs provoqués par une illusion insensée. La réalité trace son chemin dans ce mirage parfaitement mesuré, force un passage dans un esprit désabusé. La Sorcière Rouge est à terre, genoux ancrés sur ce sol qu’elle agrippe férocement. Des gouttes de sang s’écoulent, mêlées à d’autres, plus transparentes, impressionnante sueur qui témoigne de l’effort constant et harassant. Wanda saigne du nez, et un instant, le temps d’un battement de cils, elle perd pied. Ses paumes grattent le bois de la pièce dans laquelle elle s’est enfermée, et elle voit, sous ses paupières closes, des images empiétant sur celles qu’elle cherche à instaurer depuis son esprit brisé. Son être tout entier craquèle, sa tête semble prête à exploser. Ses pensées s’entrechoquent, idéologie parfaite qui se fissure au fur et à mesure que le temps passe, que le sort diminue. L’illusion créée cogne la réalité qui se rappelle à la jumelle éperdue, la poussant à poser son front à même le plancher. La sorcière tremble, ses membres ne pouvant plus la soutenir alors qu’elle se laisse écraser par la douleur, s’avouant éreintée par la fatigue languissante. La migraine, intense, continuelle, coupe le souffle de Wanda, qui entend le brisement de son cerveau égaré. Ses doigts viennent enfouir ses cheveux aplatis, sa sempiternelle tiare rouge reposant à ses pieds, comme lâchement abandonnée. De ses paumes, elle tente de protéger ce qu’il advient de son esprit accablé, mais ne parvient toutefois pas à lutter contre la prise de conscience soudainement exprimée.


La révélation, assourdissante, arrache un morceau de plus à  l’âme de la sorcière. Un cri émane de ses lèvres serrées, hurlement qui exprime une souffrance incommensurable. Quelque chose d’immense compresse Wanda Maximoff, ses poumons se vidant au même titre que le mirage s’affaiblissant. L’anéantissement de la Sorcière Rouge est à son comble, la fin est proche. Triste écho de cette ombre qui couvre l’île de Genosha dans son entièreté, un rire cruel accompagnant la détresse de la mutante aveuglée par sa folie démesurée. La destruction est là, plus proche qu’elle ne l’a jamais été. Les flammes envahissent ce monde inventé de toutes pièces, réduisant en cendre un travail tristement exposé. Quelque chose de grand se prépare, et il n’y a plus rien à faire. Wanda Maximoff est dépassée, et bientôt, les conséquences de son action vont tomber. Quitte à la briser un peu plus, elle et tous ceux qu’elle a rendu, malgré elle, prisonniers.

Les murs de la chambre qui tremblent, la mâchoire qui claque tandis que le menton se relève à l’avertissement énoncé. Les mains qui, quelques secondes auparavant, effectuaient une rotation régulière, se sont figées, les membres de la sorcière rendus aussi fébriles que le séisme uniquement perceptible par la Mutante aux pouvoirs illimités. La femme se redresse, se jette, presque, à la fenêtre. Elle se tord le cou, essaie de voir, par-delà la vitre, l’arrivée proclamée. Mais il n’y a rien d’autre qu’une nuit étoilée qui lui est miroitée, ce qui lui arrache un feulement désespéré. « Je sais que tu es là. » Le murmure s’échappe, la gorge nouée, le regard pétillant d’une colère jamais ressentie auparavant. Mais à ce sentiment égaré se mélange également une autre lueur, bien plus déchirante. Le désespoir et la peur l’envahissent, à tel point que les parois de son cerveau se brisent, poussant la Sorcière Rouge à genoux. La pose, familière, n’est toutefois plus due à une folie depuis longtemps déclarée, mais bien à cet effort constant fourni pour tous les protéger. La tentative éclate en mille morceaux, devenue indécente face au danger annoncé. Un voile pourpre entoure, en une dernière action velléité, l’aura de Wanda, qui ficelle une nouvelle fois son sort, espérant sauvegarder l’île de son ombre menaçante, ce qui déclenche subtilement un nouvel écho.

Dans des quartiers de Genosha alors, se réveillent cinq personnes, intimement liées à son arrivée. Usant de ses dons si habilement maîtrisés, la femme retirée ferme ses poings, s’excusant par avance de la douleur provoquée. Personne ne les entendra peut-être, mais des hurlements retentissent, quand cinq entailles précises semblent brûler les épaules des précieux concernés. Des lettres percent la peau de résidents particuliers, ceux qui ont osé ouvrir une porte, sans pour autant connaître ce qui se cachait derrière celle-ci. Leurs peaux les consument, et les lettres gravées à même celles-ci sont désormais incandescentes. Elles brillent autant qu’elles arrachent une souffrance incommensurable, ce qui attriste doucement Wanda. « Pardonnez-moi, êtres désignés, mais vous devez vous réveiller. » Et surtout réveiller les autres. Car il est là, celui dont elle n’a cessé de dénoncer son débarquement imminent. S’il est encore invisible au premier regard, il est là, attendant le moment idéal pour transpercer la couche protectrice de la Sorcière Rouge. Depuis l’espace, il patiente, tranquillement, ayant bien trop d’années au compteur pour se montrer agacé par cette joute enclenchée.

Elle baisse la tête, Wanda, résignée du sort à venir. Elle se bat encore, mais elle sait pertinemment qu’elle n’a plus longtemps à tenir. Et pour cause. Malgré tout, alors que son vaisseau pourrait déchirer le voile si finement maintenu, il reste en retrait, la vidant de ses forces tel un habile coup de maître décidé. « Aaah. » Sa tête va exploser, mais elle se mord les lèvres, la Princesse, et hâte les élus désignés. « S’il vous plait, rassemblez-vous. » Le murmure est supplié, plus pour elle-même que pour qui que ce soit d’autre. Dans la nuit totale, aucun Magnus, aucun habitant, ne pourra réaliser la guerre qui vient pourtant d’être officiellement déclarée. Néanmoins, si les gravures éblouies parviennent à former un nom, la douleur des balafres est proportionnelle au temps qui sépare l’île de ce titan à affronter.  Alors, au plus profond de son être, Wanda espère. Qu’ils se rendent compte, tous autant qu’ils sont, de la bataille qu’ils se doivent de préparer. Car, comme les gravures l’indiquent, il est là : Ashta.

L’orage qui tonne, la foudre qui tombe. Le bruit brutal assourdit les tympans de la Sorcière Rouge, qui pousse un cri strident. D’un geste, elle se redresse, et penche la tête par la fenêtre de la pièce dans laquelle elle s’est tant retranchée. Mais elle n’a pas besoin de discerner l’ombre qui traverse les nuages pour connaître la vérité. Ashta. Cette fois, il a gagné. Il est arrivé, et elle ne peut plus rien faire pour l’empêcher de tous les dévorer. Dans un mouvement désespéré, Wanda fait tourner son poignet. Les lettres gravées dans la peau des cinq personnes marquées par ses actions entraînées scintillent une nouvelle fois, avant de prodiguer une vague de souffrance inimaginable à leurs tristes propriétaires. Les êtres désignés se tordent de douleur, affaiblis par cette tourmente soudaine, permettant à la Princesse de s’insérer une dernière fois dans leur esprit : « Dépêchez-vous. Fuyez, ou battez-vous. Rien d’autre ne pourra vous sauver, car il est là. J’ai tenté de vous prévenir, mais il est trop tard désormais. Et il va tous nous écraser. »

Rapidement, Wanda se retire des esprits des habitants avertis. D’un claquement de doigt, leur souffrance disparaît, au même titre que les lettres incarnées. Elles n’ont plus d’utilité, maintenant que l’entité s’apprête à les décimer. Quittant sa demeure, la Sorcière Rouge s’avance vers son funeste destin. Grimpant sur les monts les plus élevés de l’île, prête à faire face, de sa petitesse inquiétante, à la grandeur naissante. Forçant comme jamais auparavant sur ses pouvoirs, usant de son illusion si fidèle comme vain bouclier de protection. De la lumière rouge émane de sa silhouette, que même le temps violent ne peut masquer. Les grondements claquent, de plus en plus fort, de plus en plus intensément. La nouvelle tempête qui accompagne l’arrivée de l’entité cosmique aux multiples noms crée de nouveaux dégâts. Étonnamment, toutefois, la tornade qui a déjà ravagé tant sur l’île à son dernier passage semble se diriger, cette fois, vers une seule cible en particulier : la Princesse en personne.

Le combat qui s’enclenche est unique. Deux êtres aux pouvoirs conséquents. L’une qui a façonné un monde de toutes pièces affrontant l’autre débarqué pour le détruire, pour le manger. L’illusion, déjà rendue précaire au fil des années passées, s’effrite plus encore lorsque Wanda l’utilise comme son ultime moyen d’attaque. L’île est étrangement déserte, chaque habitant soigneusement aux abris alors que l’aube de la destruction est annoncée. Et puis, d’un coup, après une nuitée de combat acharnée, tout s’arrête. Sur un dernier hurlement, dans des échos retentissants, une explosion au visuel similaire à un big bang éclate, avant que le silence ne soit total. Un énorme cratère se dessine à l’endroit même où la Sorcière Rouge se tenait. Mais elle n’est plus. D’un claquement de doigts, Wanda a disparu. Laissant l’île de Genosha sans défense, devenant une proie toute désignée : celle de Galactus, le Dévoreur de Mondes.