45 ansThe Watcher
Pickpocket et SDFCivilians
Hétéro et célibataireMutant

Elle n'est plus là. Ils le lui répétaient, encore et encore, mais Basil refusait d'y croire. Il ne pouvait pas accepter cette réalité qui se dessinait toujours plus précisément sous ses yeux. Elle n'est plus là. Elle ne sera jamais plus là.

Les murs blancs de sa chambre lui renvoyaient le vide qui constituait désormais l'entièreté de son existence. Le néant. Pas de sens. Pas de but. Pas d'objectif. Juste... vivre. Jour après jour. Pourquoi ? Pour qui ?

Ses doigts effleurèrent les cicatrices qui s'étendaient le long de ses bras. On lui avait refusé le droit de mourir. On lui avait ôté cette fin qui l'aurait soulagé du poids qui pesait sur ses épaules. Au lieu de cela, Basil était institutionnalisé. Enfermé. A parler aux mêmes personnes, encore et encore. La rue lui manquait. La liberté lui tendait les bras et il ne pouvait même pas la saisir.

Meredith était morte. La pensée traversa brièvement sa cervelle, poussant Basil à se frapper furieusement le crâne. Non. Non, elle n'était pas morte. C'était ce qu'ils voulaient lui faire croire. Ce n'était qu'un mensonge. Meredith était vivante. Quelque part. Elle l'attendait.

Il avait beau songer à elle aussi fort qu'il le pouvait, il ne parvenait pas à se retrouver dans son quotidien. A voir à travers ses yeux. Rien ne venait. Pourtant, il pouvait aisément voir ce que faisait Suzanne, la dame de la cantine, ou Mike, son psychiatre. Mais pas Meredith.

Elle devait être dans le coma. Peut-être la gardaient-ils endormie, quelque part. A moins qu'ils n'aient modifié sa mutation, d'une quelconque façon. Il y avait une explication. Il y avait forcément une explication et elle n'impliquait certainement pas la mort de Meredith Brandford.

L'inspecteur l'avait sauvé. C'était elle qui l'avait redressé et sorti de l'enfer dans lequel il s'était enfoncé. Elle qui l'avait investi d'une mission. A ses côtés, tout avait un sens. Sans elle, plus rien n'en avait.

Elle l'avait cru, là où tant d'autres avaient ri de lui, des années auparavant. Il avait trente-quatre ans, un organisme ruiné par l'alcool et la malnutrition, des paroles cyniques et dénuées d'amabilité. Elle en avait vingt-cinq, était une jeune inspectrice prometteuse et bien décidée à faire du monde un meilleur endroit dans lequel vivre.

Elle l'avait cru, lorsqu'il lui avait dit où trouver la petite Emilie, disparue depuis trois jours. Elle l'avait cru et la gamine avait été sauvée. Le début de leur collaboration. De leur amitié, aussi mouvementée qu'intense.

Basil avait mis son pouvoir au service des autres, lui qui n'avait toujours songé qu'à lui-même. Lui qui ne regardait à travers les yeux des autres que pour piquer leur code de cartes bancaires et les exploiter mettait à profit son don pour retrouver des personnes disparues, enlevées, kidnappées.

Il était observateur. Il l'avait toujours été, dès son plus jeune âge. Sa mémoire intense lui permettait de déduire de précieuses informations à partir d'un nombre de données restreint. Il était devenu un atout indispensable pour Meredith Brandford, dans ses affaires de disparition et d'enlèvement. Et elle était devenue son pilier.

C'était elle qui l'avait aidé à réguler sa consommation de boissons. A arrêter la drogue. A réduire le nombre de cigarettes qu'il fumait par jour. Elle l'avait payé pour ses services, suffisamment pour qu'il puisse vivre dans un petit appartement et ne risque plus de mourir de froid chaque soir venu. Et elle lui avait prouvé qu'il avait sa place dans cette société, aussi bizarre soit-elle.

Des années, ils avaient travaillé ensemble. On jasait sur leur relation, mais Basil et Meredith n'avaient jamais été autre chose que des amis liés par une affection profonde et un respect mutuel. Oh, ils se disputaient régulièrement. Souvent, ils ne se comprenaient pas. Mais ils essayaient. Et, tout aussi souvent, ils réussissaient.

Meredith avait toujours été là pour lui. Pour le ramasser dans la rue après un trop grand nombre de bouteilles. Le protéger d'une mort par coma éthylique. Le conduire à l'hôpital après un règlement de comptes. Lui tenir la main quand Basil faisait face à ses angoisses les plus profondes. Aux méandres les plus noires de son esprit.

Et il avait été là pour elle. Pour l'aider dans son travail. Pour veiller sur elle. Etre l'épaule sur laquelle elle devait se reposer. Etre l'oreille qui pouvait l'écouter. Essuyer ses larmes. Ecouter ses plaintes, ses peurs, ses espoirs. Etre là, tout simplement.

Et tout s'était fini. Tout s'était achevé, trop brutalement pour que Basil puisse l'accepter. Une autre affaire de kidnapping, comme ils avaient l'habitude d'y être confrontés. Un suspect nerveux, le doigt sur la gâchette. Il appuie sur la détente, sans le vouloir. Meredith meurt. Puis il retourne le canon contre lui-même. Incapable de supporter.

Tout comme Basil. Basil qui ne pouvait pas dire "au revoir" à sa seule amie. Basil qui ne pouvait pas accepter l'inacceptable. Basil qui voulait rester dans ce passé qui avait donné un sens à sa vie. Basil qui était obligé de faire face à la vérité. Meredith était morte. Morte. Morte.

Ses poings frappèrent le mur avec brutalité, un cri guttural s'extirpant de sa gorge. Basil se recroquevilla au sol, se balançant doucement sur lui-même, les yeux remplis de larmes. Non, non, non. Meredith était toujours là. Il pouvait l'entendre. Sentir sa main sur la sienne. Entendre son rire, alors qu'elle le moquait gentiment de sa faiblesse, de sa stupidité. Elle était toujours là.

Pourquoi serait-elle morte, dans ce monde rempli de super-héros ? L'un d'entre eux avait dû la sauver. Forcément. A quoi servaient-ils, si tel n'était pas le cas ? Captain America... Spiderman... Quelqu'un... N'importe qui.

"Je sais que tu es là. Quelque part. Et je te retrouverais."

Il voulait rire, pleurer, crier. Mais il ne fit rien de tout cela. Inlassablement, Basil tentait d'effleurer l'esprit de Meredith. De retourner dans son crâne. De voir par ses yeux ce qu'elle pouvait bien être en train de manigancer, comme il lui arrivait parfois de le faire malgré les véhémentes protestations de l'inspectrice. En vain.

Il voulait la revoir. Elle ne pouvait pas être morte. Elle ne devait pas être morte. Meredith. Meredith. Meredith.

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