hati & anya

La dernière note s’élève et Anya laisse son bras retomber. Son archet frôle sa longue jupe et elle sourit à l’assistance, avec la joie que lui procure une représentation. Elle se sent toujours ailleurs. Hors d’elle-même, perdue dans les notes que son instrument produit; se projetant dans chacune d’elles. Elle n’a qu’à fermer les yeux pour voir la partition prendre vie. Comme des oiseaux prenant leur envol. Elle ne vit que pour ça, rien d’autre ne compte. Difficile à croire que quelques années auparavant, Anya n’était qu’une inconnue dans le milieu de la musique. Et que plus le temps passe, plus elle gagne en notoriété. Elle n’est pas encore au niveau de Katsu, qui remplit des salles juste à la mention de son nom. Mais elle commence à avoir progressivement un petit groupe d’habitués qui la suivent partout.

Elle se retire pour laisser la place aux suivants. Elle n’est pas familière avec ce genre d’évènement, c’est la première fois qu’elle s’y rend après avoir reçu moults invitations. La nervosité et son incapacité à se tenir en présence d’être humain sans paniquer l’empêche de se rendre à ces festivités. Il est difficile de songer qu’elle puisse être nerveuse quand on la voit avec un instrument dans les mains, s’avancer d’un mouvement fluide en tournoyant sur elle-même, suivie par le tissu de sa jupe quand elle se trouve sur scène. Et pourtant, elle l’est. Oh que oui, elle l’est. Ça s’apprend, on lui a dit. Mais ceux qui lui ont dit ne sont pas des musiciens. Katsu aussi est nerveuse sur scène. Et elle n’a qu’à voir les autres musiciens autour d’elle pour s’en apercevoir. L’expérience ne change rien au trac. Même après des années de concert, l’appréhension reste la même.

Elle va prendre place dans l’assemblée après rangé son violon. Le rangement de son instrument lui prend toujours du temps, vu qu’elle en prend grand soin depuis des années. Ce violon est son premier et elle y tient comme à la prunelle de ses yeux. Elle a conscience que c’est idiot de s’attacher à ce point à un instrument mais c’est plus fort qu’elle. Elle finit par s’installer dans l’assemblée au moment où elle entend des notes qu’elle a déjà entendu quelque part. Elle lève la tête et découvre un visage familier. Elle ne sait plus où elle l’a vu mais elle connaît cette personne. Elle ferme les yeux en laissant la musique envahir sa tête. Ce n’est pas le même univers que le sien. Bien loin de là. Mais elle arrive à apprécier et à porter un intérêt à l’ensemble harmonieux que ça produit. Elle se laisse porter jusqu’à ce que ça se termine et rouvre les yeux.

Quelques instants plus tard, elle s’éloigne de la foule pour aller rejoindre le musicien en coulisse. Elle n’a pas pour habitude d’aller voir les autres pour les féliciter après des représentations, mais pour une fois, elle fait exception à la règle. Elle attend patiemment qu’il range ses instruments et termine de parler avec quelques personnes avant de s’adresser à lui, enfin. « Hey ! C’était super ce que vous avez fait sur scène.» Elle doit passer pour une groupie ridicule et se contient, se contentant de ponctuer ses mots par un fin sourire.