Friends don't need explanation
Ft Anja
La nuit semble si froide tout à coup. Le vent transperce ma peau, déclenchant en moi frissons sur frissons. Lentement, je déambule dans les ruelles froides et humides. Je trébuche à chaque pas formés. Je me rattrape autant que je peux sur tout ce qui se trouver à ma portée et je continue. J'avance. Je refuse de faire une pause. Je refuse de m'arrêter pour la simple et bonne raison que ce serait bien trop dangereux. Car oui, je sais ce que je risque. A cet instant, sur le moment, je suis en état de faiblesse et beaucoup trop de personne peuvent en profiter.
Il faut bien avouer que là, sur le coup, j'ai été un peu négligeant. Sur tout les points. Je n'aurai pas du me retrouver ici à cette heure si tardive. Je n'aurai pas du me promener seul, encore moins sans prévenir mon frère. Ce laisser-aller a bien failli me coûter la vie et me voilà, chancelant, la vision trouble, les mains ensanglantées à ramper vers une destination bien précise.
- Bon sang...
La douleur devient insupportable. Je la sens dans chacun de mes muscles crispées. Je la subis depuis une heure déjà, dès le moment où cette voiture s'est arrêté à mon niveau pour déverser sur moi plusieurs balles. Je n'ai pas eu vraiment le temps de m'y préparer. Je dois l'avouer. Je n'ai pas eu le temps de relever la plaque, de discerner les deux silhouettes qui se trouvaient à l'intérieur. Cependant, j'ai bien une vague idée de qui cela pouvait être. Où du moins, de qui cela provenait. Oui, je ne pourrait pas le dire avec exactitude mais cela concorde tellement avec le meurtre d'Abramo et de son coéquipier survenu la semaine passée.
A cette pensée, un rictus déforme mes traits et je m'immobilise. Le souffle saccadé, coupé par les efforts accumulés, je m'adosse à nouveau contre un mur. Je sens sa froideur pénétrer ma main, ma paume. Dans une inspiration, j'essaye de calmer mon cœur qui s'emballe dans ma poitrine. Je reprends difficilement ma respiration hachurée et je poursuis, ancrant mon regard au loin pour plus de stabilité.
- N'empêche, je ne peux le nier. Bon retournement de situation.
En y pensant, c'est même plutôt amusant, ironique dans un sens. Avec l'aide de mon nouvel homme de main : Alexander, j'ai tué sans regret ni aucune hésitation ces deux traitres qui avaient jugé bon de nous le faire à l'envers. Ensemble, nous avons fait passer un message à tout les autres rivaux susceptible de s'en prendre aux Aquilae. Le message était clair, fort, avec une petite touche d'originalité qui me donne encore un sourire amusé, conquis au coin des lèvres. Mais visiblement, cela n'a pas du plaire à tout le monde. Que sais-je. C'est le risque du métier. Être plus fort ou être tué. Tel est le quotidien de la mafia. Toujours est-il que ce soir, cette nuit, c'est moi qui en paye le prix et qui en subis les conséquences.
Es-ce que j'ai peur pour autant? Non. Je reste calme, pragmatique. C'est le jeu. Le jeu dangereux de tout mafieux renommé. Malgré le sang qui coule sur mon épaule, sur ma cuisse, glisse et s'imprègne dans mes vêtements, je ne cède pas à la panique. Pourquoi faire? Je marche. Ou plutôt, je titube jusqu'à ce quartier familier où je pourrai très certainement m'y reposer. J''aurai bien pu me trainer jusqu'à notre propre quartier, notre propre QG mais je sais que je n'en aurai pas la force alors ma première pensée se tourne vers Anja, ma meilleure amie, sur qui je pourrai toujours compter. Et qui se trouve non loin de ma position initiale.
- Désolé Kinder... J'aurai préféré te ramener une bonne bouteille de champagne.
Mais ce sera pour une autre fois, quand je serai en bien meilleure forme. Dans un ultime effort, je redresse la tête. Je jette un œil aux alentours et je grimace, j'halète, je boite jusqu'à l'entrée avant de sortir difficilement les clefs qui se trouve dans la poche de ma veste. Mes doigts tremblent tandis que je l'insère difficilement dans la serrure. Peu à peu, je sens ma vision se brouiller. Je sens un lourd vertige me tirailler. Basculant en avant, je pose alors mon front contre la porte quelques instants puis je tourne la clef, j'entre enfin dans l'appartement.
Comme j'aurai du m'y attendre, Anja me saute presque dessus, stylo en main. Pensant sans nul doute que je suis un cambrioleur. Toujours un même rictus au coin de la bouche, je me tourne vers elle, je lève brièvement les mains en l'air et j'ajoute aussitôt, d'une voix bien faible comparée à d'habitude.
- Hola Bella. Ce n'est que moi...
Moi dans un piteux état certes mais moi quand même. Je n'ai pas le courage d'en dire plus. Mes forces s'amenuisent. Mes jambes flagellent. Ma besta a juste le temps de me rattraper quand je bascule à nouveau en avant, comme une poupée de chiffon. Je suis pâle, je le sens. Il va me falloir au plus vite des soins d'urgence mais pas de n'importe quelle main. Pas dans un hôpital mais ici, en lieu sûr. Alors quand Kinder me demande ce qui s'est passé, je relève difficilement le menton. J'ancre mon regard brumeux dans les siens et je murmure, entre deux douloureuses respirations :
- Disons que la chance n'était pas avec moi ce soir. Je vais avoir besoin de toi Anja...