Tic. Tac. Tic. Tac. Il est vingt et une heure et des poussières et mon ami n'est toujours pas arrivé. Bon. J'admets. Je ne suis pas le genre de personne non plus à être particulièrement à l'heure. Je cours la plupart du temps dans les couloirs du Shield et je ne fais pas spécialement attention aux aiguilles qui tournent sur ma grande horloge. Mais quand même ! Il aurait pu me prévenir. Non parce que ça fais genre milles messages que je lui envoie. Bon, j’exagère un peu oui. Sans réponse de sa part. Il aurait quand même pu. Je ne sais pas moi ! prendre la peine de regarder son téléphone ou m'appeler aussi. Histoire que je ne m'inquiète pas.
- La prochaine fois, j'irai tout seul tient.

Pourtant, je ne lui ai pas forcé la main. Quand je lui ai proposé de m'accompagner à ce concert, il était tout emballé lui aussi et semblait vraiment partant d'y aller. Mais non. Mais non. Il est en retard et je commence donc à m'impatienter. Incapable de rester tranquille plus de deux secondes d'affilé, je bouge. Je fais les cents pas. Je pousse de grand et de profond soupir et je secoue la tête à plusieurs reprises.
- Bon tant pis.

Il me rejoindra plus tard au pire. Le spectacle va pas tarder à commencer et je ne tiens pas à rater ça. Alors je textote vite fait un :
"A l'attention de Monsieur l'abonné absent. Je t'attends pas. Préviens moi quand même si tu pointe le bout de ton nez."

Puis, je l'envoie vissa. Je soupire à nouveau. Je tapote du pied légèrement et me voilà, à déjà oublier la totalité de mes soucis et mon énervement de base quand la musique sonne délicieusement à mes oreilles. C'est beau. C'est fin, délicat. Non vraiment, j'en viens même à oublier mon ami. Par moment, je sifflote, je chantonne ou j'essaye de chantonner et je me laisse bercer. Cette femme a quand même une voix extraordinaire et je souris, j'applaudis aussi. Je tapote à nouveau du pied et l'heure défile, se poursuis, sans que je ne la vois défiler.
- Bravo !

Quand sonne enfin la fin du show, je me joins joyeusement à l'acclamation du public. Je pousse des sifflements appréciateurs. Je m'en fiche royalement si je suis loin d'être discret et je ne fais même pas attention à certains regards qui se posent sur moi. Je suis dans ma bulle. Dans mon monde. Dans ma tête aussi qui part de droite à gauche, se fait milles et une réflexion pour se porter sur tout un tas de chose à la fois. J'ai l'habitude. Mon caractère fait que je suis un peu hyperactif et je me laisse souvent. Trop souvent il parait. Absorber par mes émotions. Ce qui est, je vous l'accorde, un comble quand on est psychologue. Mais bon. C'est comme ça. Je n'ai pas de complexe et c'est pour cette raison que je décide, sur un coup de tête, de saluer l'artiste qui s'apprête à rejoindre sa loge.
- Pardon. Excusez-moi. Pardon. Merci !

Après m'être difficilement frayé un chemin jusqu'à elle, je lève la main d'un air joyeux. Un sourire éclaire mon visage et je fini alors par lui attendre la main comme ça par réflexe en poursuivant à son attention :
- Pardonnez-moi de vous déranger mais je me permets de vous féliciter pour votre performance. C'était de toute beauté vraiment ! Bravo ! Vous avez un sacré talent.

Ⓒayaraven

Oui. Le spectacle m'a transporté, enivré. Non, vraiment. J'en ai encore les yeux qui brillent. Je ne pense même plus au lapin qu'on m'a posé et je me fraye difficilement un passage parmi la foule. Je lance des "Oh pardon", des "excusez-moi" un peu partout et quand enfin, j'arrive à approcher l'artiste, je souris, je lève la main pour la saluer avant de la féliciter avec un enthousiasme non dissimulé.

Bon. J'aurai pu me prendre un vent. C'est le genre de chose qui peut arriver. Certains artistes n'aiment pas spécialement qu'on vienne, comme ça, lui parler et. Tient. J'avoue que je n'avais pas pensé à ça. Flûte. Dans un élan d'hésitation, je hausse un sourcil. J'hésite durant une millième de seconde mais tous mes doutes sont dissipés au moment même où elle se tourne vers moi et me rend mon sourire, me disant que mes compliments l'ont touché. Magnifique. Super. Même si je commence à me répéter. Parce que mon bouleversement fait que je suis plus agité que d'habitude. C'est possible? Visiblement oui. Et voilà que je me perds dans mes pensées. Une fois de plus. Une fois encore. A me demander ce que j'étais en train de songer un peu plus tôt. Tant pis. Au pire, ça reviendra. Au mieux... Non. Au pire. Bref. J'y pense déjà même plus.
- Oh mais ils sont sincères. Vous pouvez me croire !

Toujours avec un même sourire au coin des lèvres, je la regarde. C'est vrai que le spectacle n'est pas encore terminé et qu'il se poursuit au loin mais je n'ai pas pensé à attendre. Mes mouvements ont été, disons. Instinctifs. Et puis, ça aurait été dommage de l'avoir raté non? Et puis aussi, maintenant que je suis ici. Je ne vais pas faire demi-tour. C'est toujours appréciable de discuter avec un artiste qui t'as chamboulé. Ca permet de faire des rencontres. De dialoguer aussi. D'exprimer ce que l'on ressent sur l'instant et. Et. Il va vraiment falloir que je calme mes pensées au risque de m'y perdre un jour. Comme toujours. Même si bon. Je m'y perds déjà en fait. C'est fou de voir ce qu'un cerveau peut faire parfois. L'être humain est vraiment exceptionnel quand on y songe. Mais là n'est pas la question. Là n'est pas le moment alors je secoue brièvement la tête. J'essaye de me concentrer le plus possible quand Blodwyn me tend la main à son tour, en me répondant à mon salut. Mon visage s'éclaire. Je lui sers la main volontiers. Pour une fois que mon interlocuteur ne laisse pas ma main dans le vide. Enfin, mes patients surtout. Ceux du Shield et de la Garde Rouge. Pas tous non plus. Cela dit. Ca dépend du patient et du caractère. Où j'en étais déjà? Ah oui.
- Enchanté ! Russel Brown. Oh euh.

Pris de court par sa question, je bafouille. Mon ami aux abonnés absents me revient en mémoire et par instinct, je regarde mon portable pour savoir s'il m'a répondu depuis. Non, pas de réponse. J'en reste béas. J'espère quand même qu'il ne lui est rien arrivé. Et si je l'appelle après? Oui. Ca serait une bonne idée ça. Juste pour m'assurer qu'il va bien. Bon. Je devrais lui en vouloir aussi. Un peu mais je ne suis pas tellement rancunier donc. Je verrai ça plus tard. Au pire. Ma main vient alors frotter ma nuque et je poursuis, un peu gêné par toutes ces pensées vagabondes qui me laisse la bouche légèrement entrouverte.
- Et bien. Normalement j'aurai du être accompagné mais il a du avoir un empêchement. Cela dit, je ne manquerai pas de lui dire qu'il a raté quelque chose ! Vous... Vous allez revenir sur scène après ou vous avez fini?

Ⓒayaraven