A six pieds sous terre
OS
A peine sorti de l'hôpital, voilà que j'avais à nouveau voulu jouer les justiciers. Genre gros dur suicidaire convaincu qu'il avait sa chance de gagner. Je m'étais de nouveau renseigné sur le meurtrier de mes parents, de ma petite sœur et de mon petit frère. J'avais même trouvé un filon mais bref. Tout ne s'était pas passé comme je l'avais prévu et j'aurai dû m'y attendre en fait.
Putain. Qu'es-ce que je pouvais être con parfois. A croire que j'agissais comme un crétin incapable de réfléchir posément tant ma colère, ma haine était encore présente à l'intérieur de moi. Je veux dire. Ouai, je n'avais pas fait mon deuil. Depuis des années, je faisais genre que j'encaissais. Que j'avais tourné la page. Que je m'étais fais à ce qui s'était passé, là-bas, en Corée mais non. Non bordel. J'avais besoin de les venger. J'avais besoin de réponse, quitte à me montrer comme le dernier des imbéciles parfois.
Bref. Toujours est-il que cette femme, Vega, avait tenté de trouver un arrangement. Si on pouvait dire ça. Elle avait tenté de me faire changer d'avis, en me collant sur cette chaise, entouré par deux malabars aussi imposants que violents par la même occasion. Je n'ai pas voulu l'écouter. Je n'ai pas voulu laisser tomber et me voilà, au prise avec ce type qui prenait ma tronche pour un punching-ball.
'Vous ne me laissez pas le choix."Ouai... Mais en même temps qu'es-ce que j'étais censé faire hein? Sourire bêtement et lui dire :"Ok ! On oublie tout, il n'y a aucun problème ! Désolé de vous avoir dérangé et à bientôt ? " Non je crois pas. Je n'ai pas aimé cette histoire d'"arrangement". C'est vrai. Je n'ai pas aimé la manière dont elle avait pris la chose, comme si...comme si ce n'était rien. Comme si c'était un simple malentendu. Un simple malentendu bordel ! Une petite erreur insignifiante qui pouvait être réparé, oublié en un claquement de doigt. Mais merde ! Il s'agissait d'un meurtre. Il s'agissait d'un assassinat. Ma mère, mon père, ma sœur et mon frère... On ne leur avait laissé aucune chance. On les avait égorgé, malmené, tué de sang froid et cette femme osait me dire que c'était juste une erreur? Sérieusement? Qu'on pouvait trouver un arrangement comme ça, dans le style on efface tout et on recommence? Et bien... Non. Non, clairement, je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas me taire et hocher simplement la tête même si bon. C'était une question de survie en fait. Il s'agissait de la Mafia. Pas d'un groupe de délinquant lambda. Mais non... J'avais pesté, gueulé, je m'étais rebellé purement et simplement et bref. On va dire que la sentence avait été immédiate et que j'en payais le prix à l'heure actuelle.
Car la douleur était insoutenable. Soyons clair. A chaque coups portés, ma tête vrillait en arrière et bordel, j'avais l'impression que mon nez allait finir par se décrocher. Mon cœur battait à une vitesse alarmante. Je le sentais s'emballer dans ma poitrine. Je crois même qu'à un moment, j'ai bien cru y passer. Ma vision était devenu double et bordel, durant un court instant j'ai suffoqué. J'ai senti mon cœur s'arrêter. J'ai manqué de m'étouffer et merde, mes forces s'amenuisaient au fur et à mesure que cet homme, là devant moi, me tapait dessus sans répit.
D'ailleurs, on m'avait enfermé dans une pièce froide et humide, à l'abri de tout regard quoi. C'était une sorte de cave, en fin je crois. On m'avait plus ou moins bandé les yeux avant d'arriver ici. Il n'y avait rien aux alentours, excepté quelques mobiliers qui avaient pris la poussière. On m'avait attaché, collé sur cette chaise et laissé avec ce type qui, d'après la conversation qu'il avait eu avec Vega précédemment, devait être important au sein de l'organisation. Enfin, je sais pas. Je n'avais plus trop la force de réfléchir en fait. Je ne savais même plus quelle heure il était, c'est pour dire. Tout s'est passé super vite et là, j'étais convaincu que j'allais mourir. Qu'on allait me laissé crever dans cette cave, sans que personne ne sache où se trouvait mon cadavre quoi.
Bah oui. Parce que je n'avais prévenu personne. Évidemment. Je m'étais lancé dans cette mission suicide, seul cette fois, pour ne pas mettre mes proches en danger. Puis, ces derniers m'en auraient empêché. A coup sûr. Kurt, Gavin, Anna, Val, Clay... Putain Clay. J'étais tellement désolé. Désolé de n'avoir rien pu lui dire. Désolé de ne pas avoir pensé à lui et laissé cette histoire de côté. Parce que ouai. Je l'aimais bordel. Je l'aimais sincèrement et là, je venais de tout gâcher.
"Pardonne moi..."Ouai. J'espérais qu'il me pardonne. Qu'il me pardonne d'avoir été égoïste et de n'avoir pensé qu'à moi sur le coup. Qu'ils me pardonnent, tous, d'avoir été assez con pour me lancer dans cette attentat suicide sans penser au mal que je pouvais leur causer. Mais c'était trop tard pour revenir en arrière. Très sincèrement, je n'étais pas sûr de survivre et quand bien même, je n'avais plus la main sur la situation en fait. Alors je continuais de subir. Encore et encore. Plus le temps passait, moins je me débattais, moins je bougeais et ce fut seulement quand les coups ont arrêté de pleuvoir, que je redressais difficilement la tête en direction du gars qui se contenta de murmurer :
"A l'avenir, tâche de ne plus mettre ton nez où il ne faut pas. Compris?"J'avais bien entendu là? Il me laissait m'en aller? Du sang plein la figure, l’œil gonflé au centuple au point de ne plus pouvoir l'ouvrir correctement, je hochais faiblement la tête, vaincu de toute façon parce que ouai. J'avais parfaitement capté que je n'étais pas de taille à me confronter à eux. Je n'étais pas assez fort pour lutter. Pas assez robuste, courageux pour venger ma famille. La preuve ici hein. J'étais aussi faible qu'un chaton et bref... j'avais peur quoi. J'avais peur de plein de chose. Pas de mourir mais ouai... j'avais peur d'avoir tout foirer en fait. Je savais que mes proches allaient m'en vouloir et merde... il fallait que je m'attende à avoir un sacré revers de bâton. Un revers de bâton bien mérité cela dit.
- Oui...
Ma voix était faible, à peine distincte tandis que je soufflais cette pseudo réponse. Le corps pendant, ballant, je baissais le menton. Du sang glissa entre mes lèvres gercées, pincées et je me fondais en mutisme, me laissant faire lorsque mon bourreau s'approcha de moi, l'air imperturbable pour détacher mes liens.
"Parfait. Sinon, tu sais ce que tu risque."On me leva de ma chaise. A nouveau, on me banda les yeux et on me jeta dehors, aussi purement et simplement qu'un sac poubelle. Me relevant difficilement, je grognais alors sous le poids de mes blessures divers. Mon bras avait du être déboité au passage parce que je ne pouvais plus le bouger. Quand je tenta de le faire, une douleur vive me cloua sur place et bordel, j'en avais des étourdissements et des sueurs froides tellement elle était intense, piquante, immédiate.
- Merde...
Blanc comme un linge, je titubais alors à travers les ruelles. Je me sentais désorienté. J'avais la bouche sèche et du sang n'arrêtait pas de couler. Sur mon visage bouffi, de mon nez cassé par un coup un peu plus violent que les autres. Je sentais le moindre de mes muscles me tirailler et bon sang, je ne savais même plus par où passer. J'étais bien tenté de boitiller jusqu'à chez Clay mais cette simple pensée de le décevoir me cloua sur place et je me résignais à suivre le chemin opposé. Je ne savais même pas comment j'allais faire pour lui dire... enfin, pour lui dire la vérité quoi. Putain... tout se confondait à l'intérieur de moi et bordel, voilà que mon corps tremblait, soumis à une pression, un stress, une peur de plus en plus oppressante.
Je me retrouva donc à Hammer Bay. Me demander pas comment, je ne le savais pas moi-même. A toquer à la porte de mon père, le souffle court. Mes jambes flageolaient et clairement, je n'avais plus vraiment la force de rester debout. J'ai du attendre quoi? Vingt bonnes minutes avant qu'il daigne enfin m'ouvrir. Bon ok. Il devait être cinq heures du matin à tout casser. Et, j'avais peur de sa réaction de toute façon mais quand même. Puis merde... ouai. Quand je disais que mes pensées se confondaient, c'était clairement le cas là. J'avais plus les idées claires. Quand la porte s'ouvrit, j'ai juste eu le temps de marmonner un :
- P'pa... Je crois que j'ai fais une connerie...
à peine audible avant de flancher et de tomber en avant, dans ses bras, épuisé, à bout de force, sans énergie, aucune, et en mauvais état mais soulagé aussi d'avoir une présence rassurante à mes côtés. Même si j'allais surement me faire salement engueuler pendant des semaines voir des mois. Qu'importe... je le méritais. J'allais mal et j'avais tout foiré. Tout. Alors bon. Qu-es-ce que je pourrais dire hein? J'avais pas la force de toute façon de lutter. C'était fini... j'avais perdu.