Buried in the mind

☾☾ L’incertitude qui berce le cœur fissuré et l’esprit brisé. Les pas qui suivent sans savoir, les yeux qui regardent sans voir. Les mains tremblent, témoignent de cette peur qui coule le long du dos de l’homme, sans qu’il n’ose toutefois l’exprimer avec des mots appropriés. L’inconnu lui tend ses bras, et soudainement, le voilà qui regrette la cellule où il était emprisonné. A défaut d’être libre, au moins était-il en sécurité. Bien qu’il était, et est encore, tourmenté par son absence d’identité. La femme à ses côtés lui offre un sourire rassurant. Le véhicule emprunté à la garde rouge est bien arrangeant. Les vitres teintées permettent de maintenir le visage découvert de l’homme à l’abri du monde extérieur, et de ce peuple lancé à sa recherche. S.H.I.E.L.D., HYDRA, bien des organisations murmurent son nom, requêtent sa présence dans leurs geôles particulières. La cellule physique chez l’une, la restriction de l’esprit chez l’autre. Le lieutenant Acrimony n’aura jamais connu le libre arbitre, pas plus que la vraie volonté. Cette nouvelle action n’est en rien différente des précédentes entamées, alors que la dénommée Scarpetta se gare dans un tranquille quartier. Les phalanges du renommé Isaac se crispent, et ses mains moites plissent maladroitement le jean emprunté à celui qui était ou est… son … Non, il ne préfère pas y penser. Pas tout de suite, pas alors qu’une nouvelle page se tourne, sans pour autant révéler ce que contient le chapitre suivant. Isaac souffle, secoue la tête, porte ses paumes à son front. Il hésite alors qu’Heather retire la clé du contact, et il a presque envie de la supplier. Ne serait-il donc pas plus aisé de revenir en arrière ? Leurs regards se croisent, et la Doc serre sa main. Un bref instant, il a envie de la retirer, d’échapper à son contact. Mais il est si incertain de la marche à suivre qu’il n’ose même pas effectuer le moindre geste. Scarpetta lui murmure des mots qui se veulent rassurants, enchaînent les paroles réconfortantes. Au fond, il ne l’écoute pas vraiment. C’est à peine s’il retiendra une miette de son discours alors qu’ils parviennent, tête baissée et casquette enfoncée, sur le perron de celle qui lui a été décrite comme une amie.

Mais l’amitié, il ne l’a jamais connu Isaac. Ou alors, elle était certainement faussée. Son souffle est coupé alors qu’on l’invite à entrer à toute vitesse dans ce qui sera bientôt présenté comme son nouveau chez lui. Temporairement, lui a-t’on dit. Mais pour combien de temps ? Cette précision a été omise, et certainement volontairement. Il se mure dans un silence un peu inquiétant alors que les deux femmes échangent des mots rapides. Scarpetta quittant bien vite le champ de vision du recherché, qui se retrouve dans l’incapacité d’avaler sa propre salive. Les bras tendus le long de son corps qui lui parait bien étranger, voilà qu’il est poussé à faire face à une nouvelle âme alliée. Il peine à se tenir sur ses deux jambes tandis qu’il dévisage bêtement l’amie prêtée. Il aimerait dire quelque chose, tenir des propos intelligents, mais le dialogue recherché meurt sur ses lèvres. A nouveau, il lève la main. Lentement, comme s’il craint que son propre geste ne se transforme en un acte non désiré. Il se gratte l’arrière du crâne, fuit le regard de la femme au visage doux et aux yeux rayonnants. Il tourne la tête, sans se rendre compte que sa silhouette suit le mouvement et il observe. Ce lieu qui, prochainement, deviendra son refuge. Mais il ne le sait pas encore et en attendant, ses yeux papillonnent, prennent connaissance de ce qui va l’entourer pour un temps indéterminé. L’endroit est bien plus chaleureux qu’il ne l’aurait pensé, pourtant, une certaine froideur réside en l’homme blessé. Le fait qu’il soit incomplet, sans sa propre identité, engendre un manque. Isaac est comme dépossédé alors qu’il reporte son attention sur la femme qui lui a ouvert son foyer, presque à cœur ouvert. Il ne comprend pas pourquoi elle fait ça, pas plus de la raison qui l’a poussé à se retrouver là. Hydra, Montgomery, SHIELD, Torres, tout ça semble si confus dans sa tête.

Isaac réfléchit, mais réfléchit trop. Une douleur pointe à l’avant de son crâne et il grimace, pris d’une faiblesse soudaine. Un mouvement de son corps et il recule, perdant un bref instant son équilibre. Il se reprend rapidement pourtant, et se mord la lèvre inférieure. Ne sachant quoi faire de ce corps qui est sien et qui pourtant semble incompétent. Un soupire, peut-être bruyant, déchire le silence ambiant. Finalement, Isaac ose, car il ne sait quoi faire d’autre. « On vous a dit pourquoi vous devez me cacher ? » Oh, les relations sociables lui ont également échappé. L’homme se maudit, se demande ce qui cloche chez lui. Il secoue la tête, cherche les mots qu’il aurait dû prononcer depuis le début. « J-ehm. Je m’appelle Isaac. Je crois. » Les choses empirent, et il prie pour ne pas effrayer l’inconnue se tenant devant lui. C’est à lui de se réadapter au monde, et non l’inverse. Il serre les lèvres, en un mouvement désolé et éperdu. A défaut d’autres choses, il tend sa main, légèrement, en tremblant tel un homme indécis. Offrant sa main à serrer, comme si c’est la seule manière de poser des bases qui sont au-delà de l’imaginable. Sa main tendue est fébrile, se secoue malgré lui. Il aimerait cacher ses doutes et ses peurs, mais la femme devant lui peut certainement lire en lui comme dans un livre ouvert. Alors il ose, et relève les yeux jusqu’à se perdre dans les iris colorées de son alliée. Puisse-t’elle lui pardonner pour ce début complètement raté, victime de connaissances trop inadaptées.

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☾☾ L’inconnu est effrayant. Il n’est rien de pire pour un homme que de se découvrir ignorant. Aussi bien de tout que de rien. Pour un enfant, il est si facile de modeler son esprit, de l’influencer. De l’éduquer jusqu’à ce qu’il sache, finalement, où aller. Jusqu’à ce qu’il construise de lui-même son identité et décide fièrement de la porter. Mais pour un adulte, rien n’est aisé. Le cerveau détruit, tout est à refaire. Tout est à réapprendre. Les valeurs et normes inculquées sont terrifiantes car depuis toujours, elles ont été faussées. Qu’est-ce qu’il doit intégrer désormais ? A quel moment, dans un cas comme celui-là, l’homme est-il capable de se connaître, de savoir quand il parvient enfin à trouver sa voie ? Isaac a peur. Ce nouvel environnement fait trembler chacun de ses membres. Il est apaisant, en apparence du moins. Pourtant l’être habitué à obéir recule, bien plus qu’incertain. Il n’y a rien ici qui lui rappelle un quelconque passé commun. Rien qui ne fasse qu’un avec ce qui constitue sa propre âme. Seul subsiste ce sentiment de découvrir le monde, à nouveau. Combien de fois est-il passé par là, le lieutenant Acrimony ? Combien de fois a-t’on défait son identité pour la façonner au goût d’un autre ? De Isaac à Acrimony, de Acrimony à… à quoi, à qui désormais ? Plus rien ne fait sens. Plus rien n’apporte un quelconque réconfort à Isaac qui se mord les lèvres. La tristesse et le doute assaillant l’homme au point qu’il ne sait plus où poser ses iris voilés, aveuglés par des sentiments réfractaires. Tout est si irréel, maintenant, alors que faire ?

Le toucher qui surprend l’homme. Il a oublié cette main tendue de son plein gré, n’a pas vu s’avancer celle de la femme supposée l’héberger. Il tressaille, et son bras connait un mouvement de recul qu’il limite. Laissant son alliée la serrer en une délicatesse qui l’étonne et qui le rassure. N’osant toutefois plus faire aucun geste avant qu’elle ne reprenne la parole. L’être incertain a le sentiment que ses oreilles bourdonnent. Que ses mots résonnent en un écho intensifié tout en étant lointain. Son esprit semble se trouver à des millénaires de sa position actuelle. Traversant les galaxies et les dimensions à la recherche d’une ancre sur laquelle se reposer. La respiration saccadée d’Isaac l’oblige pourtant à reprendre pied. Accrochant ses prunelles à celle qui se présente comme Gemma. Il secoue la tête, ne comprend pas. « Pourquoi ? » Tant de questions. Sur lui, sur eux, sur elle. Tous ceux qui forment désormais un noyau autour de son épicentre pourtant brisé. Non, décidément, plus rien ne va. « Pourquoi vous avez accepté ? » L’interrogation le dépasse, mais il est forcé de l’exprimer. Torres et Scarpetta ayant bien pris la peine de lui expliquer son statut désormais sur l’île de Genosha. Fugitif. Parfait inconnu complètement perdu, qui ne pourrait retrouver son chemin dans le quartier qui est désormais en train de l’abriter. Folie que toute cette histoire. Que la sienne dont les origines manquent. L’indécision perturbe l’ex lieutenant Acrimony qui se retourne, soudainement paniqué. Cherchant un objet familier, avant de se remémorer que seules les armes savaient le qualifier. Les larmes bordent ses iris foncées qu’il essuie d’un mouvement rageur. Refusant déjà de céder à ses sentiments contradictoires intérieurs. Tout est si compliqué, tout est si vaste et étranger et…

« Visiter ? Oh. Visiter. » Hochement de tête forcé, mouvement supposé lui donner meilleure constance. Raffermir sa prise sur la réalité. Tout qui s’emmêle à nouveau, le passé, le présent, le vrai du faux. Et tout autant de questionnements, sur tous ces gens. Isaac sait qu’il devrait avancer, suivre Gemma, mais il n’y parvient pas. L’être déshumanisé, habitué à être prisonnier, quelque soit la forme de sa cellule, se retrouve désemparé. Habitué au SHIELD puis à Hydra, désormais il n’y a plus rien de tout ça qui l’entoure. Seulement cette femme et son apparente bonté. Seulement son aide récemment apportée. Mais qui sont-ils tous les deux pour pouvoir ainsi se faire confiance et ne point douter de l’autre ? Qui est-il pour qu’elle soit assurée qu’il ne lui fera rien ? Lui-même ne sait pas. Tout est confus. Est-ce là donc le prix de la liberté ? L’identité effacée pour le pousser à la modeler de lui-même ? Peut-être bien que la cage devrait ainsi l’entourer à nouveau. Car il craint, l’être humain. Il craint de ce qu’il pourrait trouver de lui-même, à ainsi devoir se retrancher dans les méandres de son cerveau craquelé. Que pourrait-il y retrouver qui lui donne envie de se créer, à nouveau, son identité ? Retour à la réalité. La chambre. Ah. Nouvelle cellule ? « Oh, je… je n’en doute pas. Je ne pense pas avoir des goûts de luxe. » Faible sourire esquissé. Il n’a aucune attente, à ce stade. Aucune demande. Il n’a plus rien, Isaac. Plus rien du tout.

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☾☾ La confiance. Mot entendu mais difficilement compris, mot prononcé mais incompatible avec sa vie passée. L’homme se surprend à cligner des yeux et à se mordre les lèvres, incapable de se faire à cette idée qu’il puisse posséder une vie nouvelle. Quelque chose ne tourne pas rond dans toute cette histoire. Peut-être est-il ce symbole de trop, qui contient tout sauf de l’espoir. Les mots de la dénommée Gemma flottent ainsi au dessus de sa tête, mais ne parviennent pas à creuser une place sensée en son esprit perturbé. La confiance est une faible excuse qui ne justifie en rien les actes commis au nom d’une organisation désormais haïe. Pis encore, aujourd’hui, l’être ne se sent pas méritant, la protection précaire mais assurée ne pouvant faire table rase du passé. Un soupire traverse les lèvres de l’homme épuisé, qui détourne le regard en un mouvement de tête secouée. Des prénoms agrémentent plus encore la conversation et Isaac ne peut contenir une grimace incertaine de déformer son visage aux traits tourmentés. Est mentionnée le mérite d’une seconde chance qui, pourtant, ne parvient guère à convaincre l’être de vouloir en profiter. L’année écoulée et la cellule isolée se rappellent à lui, les motifs de son enfermement marquant ainsi la fin de sa vie. Le pire est alors craint et redouté alors que pourtant, on lui offre une voie toute bordée de positivité. Mais le plus vieux et plus jeune des Torres mélangés ne peut se faire à cette idée. Il est trop compliqué de devoir tout reprendre à zéro, d’autant plus quand il n’en est plus à sa première fois. L’homme voudrait bien se construire toute une nouvelle identité, mais des poids morts le rattachent à ses vies dépassées et oubliées. Alors un grognement accompagne les sages paroles de la femme. Une ironie nouvelle le surprenant alors même qu’il se laisse aller à des réflexions navrées : « Ugh. Je ne mérite rien de tel. » Persuasion de devoir abandonner, de quitter ce bas monde qui l’a si mal dorloté. La souffrance crispe un peu plus l’homme qui se fige sur place, baisse ses yeux sur ses mains tremblotantes. Le sang les ayant tâchés à tout jamais crève ses prunelles noircies par la tourmente, et Isaac finit par avaler difficilement sa salive. Son regard se retourne vers Gemma et son appartement, et ainsi il songe que bientôt sera sonné le châtiment.

Mais la femme continue de se montrer humaine, à tel point que le Torres ne sait plus exactement ce qui, en ces lieux, l’amène. Influencé par des affres d’un passé désespéré, une peur le tenaille soudainement. Il ne peut accepter de blesser ceux qui l’ont aidé, à se sortir d’un gouffre dont il n’avait même pas conscience d’en être prisonnier. A nouveau son regard affiche une lueur complètement paumée, flamme dansante et glacée. Il fronce les sourcils, se surprend à espérer. Découvrir quelque chose en lui, quelque chose qui vaut la peine d’être exploité. « Vous y croyez vraiment vous ? Au renouveau ? A… » La seconde chance ? Lui n’y croit pas et les mots meurent sur les lèvres. L’espoir disparaît aussitôt qu’il est venu et l’homme baisse la tête. Souffle refroidi, douche glacée qui lui fait reprendre ses esprits. Tant de choses à assimiler mais impossibilité d’accepter. Se reconstruire est trop compliqué, alors même qu’il ne sait ce qui a été véritablement détruit en lui. L’homme se sent complètement déstabilisé face à cet enseignement. L’idée de ne pas aimer ce qu’il pourrait découvrir en lui, autre que ce qui a été horriblement fomenté, lui traverse l’esprit. Il songe un bref instant que les goûts forcés par Hydra sont, pour ce qu’il en sait, bien présent. Cela fait alors douter l’être qui tremble imperceptiblement. Craignant que le pire se dévoile alors qu’il est finalement abandonné à lui-même, avec cette inconnue et cette terre étrangère. Isaac cesse pourtant de se morfondre à l’instant où la dénommée Hudson reprend la parole. Écoutant ses mots, tournant la tête quand elle semble désigner des pièces qu’il n’ose pas encore traverser. Un rire, toutefois, le traverse alors qu’un terme éclate dans sa tête. Le rire est rauque et bref, et marque plus encore son état au bord de la brisure. « Libre ? Je suis recherché. Je ne serais jamais libre. » Il n’est pas en cellule mais pour autant, il n’est pas autorisé à sortir. Quel type de liberté offre le monde à un fugitif quémandé par toutes les autorités ? « Vous ne savez pas ce que j’ai fait. Vous ne devriez pas faire ça. Vous… » Il ne la connait pas mais il ne peut s’empêcher de dire une vérité qui lui semble vraie sans même se concerter. « Vous ne méritez pas de plonger avec moi. » Sa place est en cellule, sa place est dans une grotte, dans un trou, quelque soit l’endroit noir qui pourra le renfermer. Car c’est tout ce qu’il a connu et tout ce qui lui est familier.

Malgré tout Gemma Hudson insiste et Isaac Torres soupire. Se mordillant plus encore les lèvres tandis qu’elle l’invite à la suivre. Apercevant alors une porte entrouverte qui dévoile un lit sommé d’un matelas véritable et en apparence confortable. Cette simple vision suffit à l’ébahir et il ouvre la bouche, stupéfait. Cellule qui est plus que jamais idéale pour un homme aux habitudes anciennement létales. « Oh. » Soufflé par la vision simplifiée de ce qu’il n’a jamais eu et aurait pourtant dû posséder. Isaac se retrouve bêtement à avancer et tend la main sur les draps recouvrant le lit, lui rappelant alors le peu de confort qu’Hydra lui a soumis. « C’est si soyeux. » Un nouveau rire perce ses lèvres fines malgré lui. « Ils ne m’ont jamais offert ça. Et je n’ai jamais… » compris alors ce qu'il se passait. Il clôt les paupières et se sent soudainement ridicule. La dureté de l’organisation criminelle revient le hanter tandis que le matelas en mousse percé du lieu imposé par l'hydre réveille des douleurs effacées. Son dos se tend par réflexe et enfin, l’homme parvient à réaliser : « Ce n’est pas une cellule. » Et ce n’est pas un mensonge. Alors, le Torres réagit, et se demande comment s’y faire, tant tout est si…  « irréel ».

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☾☾ La seconde chance. Cette possibilité qui lui est permise, celle-là même qui lui est tout bonnement donnée. Une assurance de reprendre une nouvelle vie, à condition de faire table rase du passé. L’être ne comprend pas cette offre qu’on lui soumet, pas plus qu’il ne comprend pourquoi cette femme en particulier l’accepte. La vérité le dépasse, la vie en elle-même l’effraie. Son regard se perd, caresse doucement le visage aimant de la parfaite inconnue, quémande une raison dans ses yeux vert-azurs. Un bref instant, Isaac s’autorise à y croire. Peut-être bien que pour tout le monde, finalement, il y a de l’espoir. Mais la réalité le rattrape, pis encore les songes torturés reviennent assaillir son esprit brisé. En un mouvement automatique, ses bras se plaquent contre son corps et sont croisés. L’ex-lieutenant Acrimony retrouve brièvement des vieilles habitudes. Celles-là qui ont passé leur temps à le renvoyer à sa si triste solitude. Le monde ne lui a jamais permis de l’intégrer, de lui trouver une place, et sa vie n’a jamais été sienne et encore moins supportée. L’homme peine à prendre ce présent, ce cadeau de renouveau qui est tout simplement posé à même ses pieds. Malgré tout, il sait également qu’il ne peut cracher sur cette opportunité. La crainte de retourner dans sa cellule isolée, la hantise de revenir à l’organisation anciennement aimée, finit enfin par le raisonner. Le poussant alors à s’interroger. La réponse de Gemma n’est pas forcément celle attendue, mais pas non plus celle inespérée, alors il soupire, relève sa lèvre en une moue anxieuse : « Il est trop tôt pour que vous puissiez penser ça de moi. Vous ne me connaissez pas. » Pas plus que lui d’ailleurs. Le fait se révèle à son esprit en même temps que la femme insiste. La liberté adoptant une nouvelle définition tandis que ses yeux balayent les horizons. Essayant d’assumer cette nouvelle partie de lui qui est en cours de rédaction.

Alors l’homme ne répond pas, gardant ses doutes et ses jugements pour lui. La peur est toujours là, sourde, ancrée en lui. Mais il n’y a pas de retour en arrière possible, quand bien même il donnerait n’importe quoi pour effacer les dernières années de sa vie. Isaac souffle, baisse la tête en fronçant les sourcils. Exprimant des mots qui, fut un temps, lui auraient écorché la gorge à la simple idée de les mentionner. Mais le bourrage de cerveau n’est plus, du moins il ne le ressent plus. Ses paroles ne sont plus teintées par un goût du sang attisé, encore moins par une idéologie qui ne sera jamais reconnue comme son identité. Plus maintenant, désormais, car l’homme retrouve peu à peu sa conscience et un libre arbitre qu’il n’a jamais soupçonné posséder. La dénommée Hudson répond à ses énonciations, intrigue le Torres qui lève soudainement la tête, les yeux humidifiés par une perplexité à peine masquée. Il aurait aimé la questionner plus encore, mais l’étrangère est vive et s’enquit rapidement de la visite qui reste encore à effectuer. Sans mots dire, donc, Isaac la suit. Remuant ses sombres pensées en silence, acceptant de porter un regard à cette pièce qui deviendra prochainement sienne. La scène semble grotesque et ridicule quand il s’abaisse vers ce lit si simple pour tout un chacun, mais si merveilleux pour l’être extasié à même le sol. La mention de ce chef autoritaire du SHIELD le fait frémir, perturbant un instant sa complaisance du moment. Il regarde Gemma, les yeux écarquillés, les lèvres entrouvertes en laissant échapper le prénom si familier et si étranger : « Amaury… ». Une soudaine envie d’en discuter l’éprend, mais tout aussi vite il se ravise. Ne jugeant pas opportun de parler de cet homme qu’il ne connait quasiment pas.

Le dénommé Torres reprend bien vite l’inspection de cette pièce destinée à son bien-être. Savourant la texture du drap et de la couette moelleuse qui plie sous ses doigts. Inconsciemment, il se laisse aller. Oubliant presque la présence de cette femme affichant une bien trop généreuse bonté. Mais il reprend pied quand elle mentionne l’idée de s’éloigner, et aussitôt le voilà en train de se récrier : « Non ! » Enchaînement de mouvements certainement pas commandés par son cerveau. Du moins il le songera un peu plus tard. Pour l’heure il se retrouve simplement à quelques centimètres de la professeure. Sa main agrippant le poignet de la femme afin qu’elle ne le quitte pas. Le souffle d’Isaac est saccadé, ses prunelles fortement accrochées à celle de la demoiselle bien trop délicate à ses yeux. Son ton est rauque et la scène se fige, l’homme tenant Gemma, presque désespérément, quémandant sa présence à ses côtés d’une manière qui est aussi décalée que son comportement hébété. Les secondes s’égrènent, et enfin l’homme se reprend. Retirant sa main pour la ramener vers son corps, la serrant fermement contre lui. « Excusez-moi, je… » Il ne sait pas quoi dire pour se justifier alors il détourne simplement le regard en se mordillant les lèvres. Un soupir supplémentant le tout tandis qu’il confesse à voix basse : « J’ai été si seul pendant si longtemps. » Il secoue la tête, griffe sa main de ses ongles plantés dans ses paumes. La souffrance et la peur de revivre le pire jaillissant à nouveau en lui. « Ne me laissez pas, s’il vous plait. » Mots murmurés, larmoyés. Isaac tombe à genoux et des larmes perlent au coin de ses yeux qu’il peine à retenir en ces lieux. « Ne me faites pas ça. » Supplique sincère, soudaine. Les blessures de ses vies menées le frappant de plein fouet, au même titre que la réalisation de son plus cher et honnête souhait.

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☾☾ L'homme échoué devrait acclamer la liberté retrouvée. Il devrait se sentir soulagé de ne plus avoir à frissonner, en répercussion de la froideur de la cellule dans laquelle il a, pendant si longtemps, été emmuré. Mais il n'en est rien. Bien que ce soir, pour la première fois depuis des lustres, il pourra dormir dans un vrai lit, fourni d'un matelas confortable et d'une couette moelleuse, l'être est terrifié. La simple idée d'affronter tant de commodité l'effraie à un point bien trop critique. Sans repères, l'homme ne sait littéralement plus quoi faire. Il n'est pas familier avec tant de tranquillité, ni de facilité. Il ne sent pas à son aise tandis que ses genoux heurtent le sol, tombant sans préavis alors qu'il est submergé. Envahi par la peur, assailli par les doutes, le criminel recherché n'est plus que morceau de puzzle détaché. Rien ne le relie à son passé, rien ne ravive ses souvenirs effacés. Il ne parvient qu'à songer à Hydra et aux crimes commis, qu'au SHIELD et au temps perdu à craindre pour sa vie. Et maintenant ? Maintenant il se dit qu'il n'aurait pas dû faire partie de ce monde. Cela aurait été plus simple. Autant pour ses victimes que pour la femme ainsi dressée devant lui. Et si elle aussi, bientôt, elle finirait par être blessée de sa main ? Rien n'est désormais plus incertain. Le dénommé Isaac se considère comme un être instable. Peut-être bien qu'il n'est rien de mieux qu'un psychopathe, simplement amélioré par les perfides stratégies de l'Hydre impitoyable. Mais si c'est le cas, pourquoi ses lèvres s'ourlent-elles en un demi-sourire, presque rassuré que la dame Hudson daigne se préoccuper de lui ? « Je... » Pourtant une angoisse sourde s'empare à nouveau de lui. Redoutant la cohabitation proposée et presque imposée, affolé par les conséquences qu'une telle colocation peut amener. « Je ne suis pas sûr que vous voulez me connaître. » Il secoue doucement la tête, se justifie rapidement en haussant tristement les épaules. « Ce que j'ai fais, les actes que j'ai commis... Ils sont irréparables, vous savez. Vous ne vous rendez pas compte de tout le mal que j'ai infligé. Même malgré moi, même en dépit.... de tout. Alors peut-être que vous ne devriez pas m'accorder votre confiance. » Pas tout de suite, ni jamais, d'ailleurs.

Isaac soupire, tente de retenir des perles salées apparues au coin de ses yeux. Les vies enlevées, les peaux transpercées de lames acérées. Les trous béants laissés par des balles perforantes. Le sourire alors qu'il obéissait à Hydra, presque contenté. Oui, l'ex Acrimony est un être épouvantable. Qui ne mérite ni pardon, ni seconde chance, ni aucune confiance. L'homme en est persuadé, et pourtant, une part de lui aspire à mieux. A oublier ce passé honteux, à se diviser de cette partie infâme de lui-même, à se détourner du sang versé. Comme s'il peut encore tout changer et devenir un être à part entière. Juste comme ça, juste avec Gemma. C'est sûrement ce débat intérieur qui l'a poussé à se raccrocher. Cette partie qui ose espérer et qui l'a forcé à tendre la main, à se rapprocher d'Hudson désormais agenouillée à ses côtés. Il tremble, le Torres, et il perd pied. Petit à petit, il s'enfonce dans des eaux profondes, qui noient les parcelles d'un destin déjà complètement détruit. Ses ongles grattent nerveusement sa peau, s'enfoncent dans ses paumes quelque peu craquelées. Quand vient se poser délicatement une main étrangère, bien plus raffinée. Dépliant son poing, interrompant la tourmente physique imposée. L'être reste béat, observe simplement la femme se saisir de ses doigts. C'est à peine s'il ose respirer alors qu'il peut sentir et voir le pouce de la jeune femme le caresser doucement, soulageant ainsi sa paume abîmée. Cette fois-ci il ne peut retenir les larmes de couler alors qu'il redresse son regard et devient hypnotisé par les azurs de l'étonnante alliée. Désespéré, il se raccroche à elle comme à une bouée de sauvetage. Enterrant son côté démoniaque malgré lui pour y faire ressortir la pureté de son âme fragmentée. Il reste quelques secondes silencieux face à l'annonce de l'écrivaine, avant de finalement se pencher un peu plus avant et se laisser aller. Enserrant la main de Gemma dans la sienne, la recouvrant de son autre main libre, comme pour préserver sa chaleur soudainement partagée. « Vous me le promettez ? » Il ne veut pas la forcer. Il ne veut pas lui faire jurer sur sa vie. Mais c'est plus fort que lui. Le criminel en quête de rédemption est déjà suffisamment égaré ainsi. Pourrait-elle vraiment assumer ce fardeau avec lui ?

« Je...je ne sais pas comment vous remercier. » L'être atterré finit enfin par reprendre la parole. Se demandant soudainement si un paiement est attendu en l'échange de ce refuge improvisé. Isaac ferme les yeux, cesse de couvrir la main de la femme pour se gratter nerveusement une barbe récoltée après des mois d'absence. Isolé par le SHIELD et par la vie. « Que puis-je faire ? Que dois-je faire, en votre présence ou en votre absence ? » Et puis il réalise. Elle sera absente, à certains moments. Elle travaille. Dans quoi ? Pour Hydra, pour le SHIELD ? Pour ceux qui se sont moqués de sa vie ? L'être plonge dans une paranoïa exagérée, se force pourtant rapidement à se reconstituer. « Où est-ce que vous travaillez ? » Le ton est presque pressant quand il pose la question. Mais il se rachète aussitôt, rendu hagard par son attitude affligée. Ses nerfs ne tiennent plus la fatigue accumulée, en résultant des réactions bien trop exagérées. Il en a conscience et quête déjà à se repentir de son accusation non formulée. « Je veux dire... vous n'avez pas à me répondre. Mais si vous êtes absente et que je suis là... » Il plisse les yeux, se mordille les lèvres. Relève sa main pour dessiner des ronds nerveux sur le poignet de la demoiselle. « Vous êtes certaine que c'est sécurisé ? » Pas pour lui, cette fois-ci. Mais pour elle. Ne redouterait-elle pas ce qu'il pourrait faire, sans elle le pour le surveiller ?

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Buried in the mind

☾☾ L’homme encore ébahi par cette chance qui lui est accordée, plisse les yeux en sentant le doute émaner de sa nouvelle alliée. Consciemment ou non, c’est encore difficile pour lui de discerner les actions entreprises par sa propre volonté après tout, il prolonge le contact entre eux. Ses doigts enserrent un peu plus fortement le poignet de l’étrangère, ne sachant si c’est pour se rassurer lui ou pour la réconforter elle. A ses dires, toutefois, il ne peut demeurer insensible, et ses prunelles se plongent dans les siennes, en quête d’une vérité quelque peu perdue dans les abimes entretenues par cette parfaite inconnue. Il perçoit ses incertitudes, ses regrets peut-être, derrière le voile qui abrite ses iris. Il ne peut déceler véritablement le pourquoi, ni s’il est la raison d’une confusion exprimée à demi-mots perturbés. Mais Isaac a le sentiment d’accueillir cette vague de scrupules en pleine face, et il s’en mord les lèvres, souhaitant effacer la souffrance si peu dévoilée. Sans pour autant savoir s’expliquer cet étrange sentiment, voilà qu’il s’avance à nouveau, et murmure des paroles concernées : « Permettez-moi de remettre en cause votre propre jugement. Vous êtes en train de m’accueillir chez vous, vous n’avez pas idée de… du bien que vous êtes en train de prodiguer uniquement par ce geste. » Les mots sont prononcés avec une clarté qui ne lui aura jamais été si précieuse avant ce moment. L’ex lieutenant a cette impression que cette femme, au final, a peut-être bien besoin d’aide à son tour, et qu’ils peuvent tous d’eux s’apporter une paix qu’ils nécessitent sans oser se le confier. « Si vous, vous n’êtes pas une sainte, alors qu’est-ce que je suis. » Un petit rire, peut-être bien sincère pour la première fois depuis longtemps, vient ponctuer la plaisanterie. Car la phrase est avouée sur un ton amusé, surprenant même Isaac de cette nouvelle capacité découverte. Pour autant, il pense ce qu’il dit, et c’est avec une honnêteté incroyable éprouvante, maintenant qu’il la savoure réellement, qu’il ajoute : « Si vous me faites confiance pour rester chez vous sans avoir peur de moi alors je vous fais confiance, aveuglément. » C’est la moindre des choses, c’est d’une logique implacable. Certains pourraient dire qu’il n’a, de toute façon, pas d’autres options qui s’offrent à lui : mais s’il a fui toute sa vie, rien ne l’empêche de recommencer à nouveau. Sauf qu’aujourd’hui, face à la miss Hudson, il réalise une chose : il n’a pas envie de quitter pour se cacher. Il a simplement envie de rester ici.

L’échange se poursuit, par ces mains entremêlées, par cette caresse prodiguée du bout des doigts. L’ancien surnommé Acrimony apprécie, peut-être bien un peu trop, ce contact rapproché. Il est humain mais il est surtout bienséant, et il lui prodigue une once de paix qu’il n’a jamais su vraiment recevoir jusque-là. Un soupir émane alors de ses lèvres entrouvertes, son souffle se répandant dans l’air ambiant. L’être désabusé commence à retrouver une foi, une foi en la vie, une foi qu’il est encore loin d’éprouver entièrement, mais qui se manifeste d’ores et déjà. Par le biais de ce refuge improvisé, par ce visage si sympathisant à sa cause, par cette femme qu’il ne connaît pas mais dont il se languit déjà. Il ne comprend pas tout ce qu’il éprouve en l’instant, l’homme, mais il apprend à savourer le moment. C’est un premier pas, certes léger, qui le rapproche néanmoins de l’humanité. « Merci. » Il se répète peut-être Isaac, mais à force, il ne sait plus quoi dire. Il ne peut pas vraiment promettre autant que Gemma, mais il peut au moins accepter qu’elle remplisse sa part du contrat. Et lui aussi, si tant qu’il sache quoi faire de cette seconde, ou serait-ce troisième, vie. « Une professeure… » Pas étonnant qu’elle soit aussi compréhensive, pense-t-il de prime abord, avant de réaliser qu’on ne lui a jamais vraiment enseigné les bonnes valeurs. « Vous devez avoir un bon contact avec vos élèves. » Qui doivent être bien moins douteux que lui-même, il en a bien conscience. Il émet un nouveau sourire, un peu plus adouci. Depuis ces quelques minutes écoulées, l’être est bien plus reposé, d’une certaine manière, moins craintif qu’à son arrivée. « Bien entendu. C’est le moins que je puisse faire, de vous aider. Même si je confesse n’avoir jamais réellement… » effectué des tâches du genre ? C’est un peu difficile de l’avouer, alors l’ex-lieutenant se tait. Il est plus facile de reconnaître avoir du sang sur les mains que de la poussière, malheureusement. En fermant les yeux, il achève enfin : « Je ferais tout ce que vous voulez. » Il confondrait presque, encore, le traitement d’avant et celui de maintenant. Le libre-arbitre est si dur, il faut dire, à assimiler. Bien des progrès sont encore à témoigner. Mais avec Gemma, il a peut-être enfin une chance d’y arriver.

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