Depuis l’échec de son prototype si prometteur, Grace est d’humeur morose. Elle ne le laisse pas voir, mais elle ressent un certain vide en elle. Ce drone était son petit bébé. Elle avait mis tellement d’heure de travail dessus. C’était une idée qui germait dans son esprit depuis son adolescence. Elle avait enfin réussi à le fabriquer encore mieux que ce qu’elle avait imaginé et il était parti en fumée. Comme ça. Sans crier gare. Sans avertissement. En un rien de temps, il avait disparu. En un rien temps, elle s’était retrouvée les mains vides sans rien avoir à présenter à ses supérieurs. Le fruit d’un travail de près de deux ans réduit à néant comme si elle n’avait rien fait. Comme si elle se tournait les pouces depuis tout ce temps. Aucune preuve de son acharnement. Un goût amer lui reste dans la bouche parce que c’est de sa faute. Une toute petite erreur de sa part lui a coûté cher et lui a tout fait perdre. Elle n’a plus rien. Plus d’idées, plus de motivation, plus d’inspiration. Ses patrons ne lui ont pas donné un nouveau mandat. Ils ont été compréhensif, mais ils ont mis beaucoup d’espoir en elle et en son modèle. Elle a gaffé. Une gaffe monumentale. Une gaffe stupide. Elle s’en veut terriblement.

Elle s’en veut surtout pour son collègue Klaus qui a mis autant d’effort et d’heures qu’elle dans ce projet. Il y avait cru et s’était beaucoup investit dans toutes les étapes de la création. Grace n’y serait jamais parvenue sans lui. C’était leur création, le résultat de leur complicité professionnelle et tout était détruit. Elle a l’impression de lui avoir fait perdre son temps et qu’il regrette leur collaboration. Bien sûr, elle divague et se fait sans doute des histoires. Le Caglar a été d’un support incroyable dans ce cuisant revers. Malgré qu’il soit un homme de peu de mot, il a su trouver les mots justes pour la réconforter. Jamais il ne l’a accusé pour cet échec. Il a partagé le blâme, même si la déception a pu se lire sur son visage. Au lieu de s’apitoyer sur leur sort, il est allé de l’avant et a commencé à parler du futur, lui dire qu’ils pouvaient recommencer et que tout n’était pas terminé. Elle avait apprécié. Elle avait besoin de savoir que tout n’était pas vain et qu’un jour ou l’autre, son prototype volerait à la perfection. Et que ce maudit canon ne resterait pas coincé. Grace lui avait toutefois fait comprendre qu’elle n’était pas prête à recommencer dans l’immédiat et qu’elle avait besoin de temps pour s’en remettre. C’était peut-être un peu excessif, après tout ce n’était qu’un objet, mais pour elle ça aurait été un pas de géant pour sa carrière si tout avait fonctionné. Klaus avait compris et lui avait affirmé qu’il serait là quand elle voudrait replonger dedans. Ça l’avait rassuré. Elle ne voulait pas partager ce projet avec personne d’autre.

Pour le moment, l’ingénieure se contente de petites missions ici et là, elle aide ses collègues de département dans leurs dossiers respectifs ne se sentant pas encore apte à prendre les commandes. Elle a accepté de travailler pour un projet commun avec Stark Industries pour lequel elle fait équipe avec April Ren, une experte en robotique. Ça lui permet de changer d’air. Ça fait environ un mois que Grace travaille toutes les semaines avec la jeune asiatique et elle ne peut pas dire qu’elle la connait beaucoup. La belle n’est pas une grande bavarde. Il semble que ses binômes soient des gens taciturnes. À croire que c’est Grace qui n’est pas normale dans le domaine, elle qui aime converser et apprendre à connaître ses collègues. Avec April, elle a compris qu’elle doit y aller doucement et que cette dernière n’est pas facile d’approche. Elle se contente de répondre aux questions sans flafla. Clair et net. Pas plus, pas moins que ce qui est demandé. Elle donne l’heure juste, simplement. Grace ne sait pas si c’est parce qu’elle est timide ou par ce qu’elle se sent intimidée par l’employée d’Oscorp. Peut-être que ça ne lui plait pas de devoir travailler à deux et la jeune Sharp comprendrait très bien. Quand on est habitué de travailler en solo, ce n’est pas toujours évident de partager le boulot. Grace ne s’impose pas. Elle lui sourit, la salue et se montre douce avec elle pour tenter de lui faire comprendre qu’elle n’est pas là pour l’emmerder, mais bien pour mener leur projet commun à terme de belle façon.

Grace pianote les dernières données en entrer dans son ordinateur et lance le logiciel de compilation. Elle en a pour environ une quinzaine de minutes. Elle fait tourner sa chaise vers sa collaboratrice. "Alors? T’es prête pour la tempête qui approche?" Les météorologues prévoient la tempête du siècle pour la fin de la semaine et c’est la folie à l’extérieur. La jeune femme ne sait pas comment réagir. Nombreuses les fois où une tempête a été annoncé sur l’île et que c’est à peine s’il a plu quelques millimètres. Elle a tout de même mis en sureté ses papiers et objets de valeurs, au cas où.

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Grace lève un sourcil, bien malgré elle, en entendant une réponse de plus cinq mots de la part de sa collègue. Elle s’attendait à un oui ou à un non, mais elle reçoit plus d’explications. C’est probablement la première fois qu’April parle autant. Est-elle enfin à l’aise avec l’ingénieure d’Oscorp? Cette dernière ne veut pas crier victoire trop rapidement. Elle sait que la spécialiste en robotique a encore besoin d’un peu de temps pour se sentir bien. Grace a chamboulé son quotidien en s’installant dans son bureau et en utilisant son matériel. Mais, elle croit faire bonne impression et son détachement doit aider à mettre April à l’aise. Elle a envie de poser plein de questions et de profiter de la phase bavarde de la jeune femme, mais elle se doute que si elle se montre trop enthousiaste, April risque de se refermer comme une huître. Elle hoche la tête, à peine surprise par son organisation et sa préparation. Elles n’ont pas beaucoup discuté, mais Grace a eu le temps de l’observer et de voir comment elle travaille. L’asiatique est très méticuleuse, son bureau est bien rangé et tout est classé, elle est organisée et sait exactement ce qu’elle a à faire. Son planning de la journée est toujours bien établi et elle suit sa to-do list sans sauter une seule tâche. Elle est très efficace.

Donc de savoir qu’elle prend la tempête au sérieux et qu’elle est prête à l’affronter n’est pas surprenant. "J’ai mis en sûreté des papiers et des trucs importants, mais je n’ai pas protégé la maison. Je sais que c’est ironique pour une scientifique, mais j’ai du mal à croire à cette tempête du siècle." Elle hausse les épaules et regarde rapidement son écran pour vérifier que ses calculs sont encore en train de compiler. Ce qui n’est qu’une formalité puisque l’équipement de Stark Industries est très performant et tout est de dernière génération. Elle a déjà travaillé dans d’autres compagnies et c’était toujours l’enfer. Ça prend des heures sortir un rapport, sans parler des erreurs et des programmes qui ferment seuls. C’est toujours avec joie qu’elle accepte les collaborations avec la compagnie technologique. Elle revient vers l’autre ingénieure. "Ce n’est pas rare qu’on nous annonce un ouragan et à part du vent plus fort et beaucoup de pluie, il n’y a jamais rien eu d’alarmant. Enfin, je sais pas. Peut-être que je devrais prendre ça plus au sérieux. " C’est vrai que les météorologues sont plus convaincus qu’à l’habituel et les cartes montrent très bien le monstre qui se dirige droit sur eux. Reste que le domaine de la météo est incertain et pas toujours véridique tellement il y a de facteurs qui entrent en jeu. Une simple petite déviation et tout est évité. Un degré de plus ou de moins dans la température et tout peut changer. Elle est la seule de son entourage à prendre tout ça à la légère. Elle ne sait pas pourquoi elle n’est pas plus inquiète que ça, alors que si elle s’avère être vraie, cette tempête fera des ravages. "Mes proches me trouvent sotte de ne pas être plus préparée à sa venue." Elle pouffe légèrement en rougissant. Elle pense à son dernier échange avec Klaus qu’elle a croisé à Oscorp la veille. Ils ne travaillent plus ensemble pour le moment, mais il y est encore un consultant. Il lui a un peu fait la morale lorsqu’elle lui a avoué ne pas y croire. Elle a pu voir de la déception dans son visage et c’est lui qui la fait plus réfléchir à la situation. C’est à cause de lui si elle a au moins mis ses papiers et objets importants en sécurité. Probablement qu’une petite partie d’elle y croit au fond. Et puis. c’est vrai que ce n’est pas dans ses habitudes d’être prise au dépourvu et de ne pas suivre les avertissements ou les recommandations. Elle est de nature prudente habituellement. Elle est aussi une femme à résultats, à preuves. Elle aime le concret et malheureusement, il n’y rien de sûr. Peut-être qu’elle se met la tête dans le sable et qu’elle va le regretter. "J’imagine qu’il est trop tard pour me procurer des panneaux de bois pour condamner les ouvertures." Avec les alertes et les nouvelles, tous les habitants avaient dû se lancer dans les magasins pour se procurer des vivres.

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Un sourcil se soulève lorsqu’April est prise d’une soudaine quinte de toux. Grace penche la tête sur le côté. "Ça va?" Elle attrape un verre d’eau sur sa table de travail et va pour se lever lorsque sa collègue reprend le dessus sur son étouffement. Cette dernière se remet vite devant l’écran de son ordinateur comme si de rien était et informe Grace qu’elle devrait prendre au sérieux les avertissements des experts. D’un ton qui se veut sage, mais dont une pointe de reproche est sous-entendue. Grace soupire et envoie valser une mèche de cheveux dans les airs alors qu’elle prend une gorgée d’eau. Elle semble être la seule à ne pas paniquer et à être trop légère face à la situation. Tout son entourage panique depuis l’annonce de cette tempête sans précédent. Tous se préparent au pire. Les magasins ont été dévalisés. Elle a dû faire trois supermarchés avant de trouver du papier toilette et du pain. Et inutile de préciser qu’elle a pris les derniers exemplaires. Elle est plus exaspérée qu’autre chose par la situation. Elle trouve les gens trop intense. Et les médias n’aident en rien cette folie générale. Ils ont le don d’être alarmistes et d’en donner toujours trop. C’est comme si sa tête ne voulait pas entrer dans cette crise.

Mais l’ingénieure ne peut pas ignorer tous les signaux. Elle a dû mal à croire la météorologie, tellement c’est changeant et pas si précis, mais une chose est sûre, il va y avoir des gros vents et des pluies diluviennes. Rien d’anormal en ce temps-ci de l’année. Est-ce que ça mérite vraiment toutes les précautions prises par la population Génoshienne? Elle n’en est pas très certaine. Elle n’en rajoute pas. Elle sent qu’April n’est pas du tout de son avis, comme tous les autres. Elle n’est pas là pour partir un débat et se prendre la tête avec sa partenaire. Elle n’a pas l’intention de la faire changer d’avis ou de la juger parce qu’elle est plus inquiète.

"Klaus?" Elle sentit aussitôt des picotements sous la peau de ses joues à la mention du prénom. D’abord surprise qu’il s’infiltre dans leur conversation, elle se rappela rapidement qu’April est proche de lui. "Il m’a dit que j’étais insouciante et que c’était très réel et que je devais me préparer." Il n’avait pas tourné autour du pot et ne s’était pas gêné pour lui dire qu’elle était stupide. Pas méchamment, mais assez fermement pour remettre Grace en doute. Curieusement, c’était lui qu’elle croyait. Plus que les pseudos experts. Peut-être qu’elle devrait se ranger de l’avis de tout le monde et commencer à prendre tout cela au sérieux, même s’il est peut-être trop tard. "C’est lui qui m’a dit d’au moins mettre mes papiers et objets importants en sécurité!" Elle n’est pas complètement sotte, Grace, au fond. Une part d’elle sait bien qu’il n’y a pas de fumée sans feu, mais elle ne veut pas s’énerver pour rien non plus. Elle a toujours été terre à terre et elle réussit à garder son calme en général peu importe les situations. C’est l’une de ses forces. Elle s’est donc procuré un coffre d’une bonne grosseur résistant à a peu près tout selon le vendeur. Il lui a coûté un certain montant, mais au moins, elle sait que rien ne sera perdu. Elle se fiche de sa maison et du matériel, mais il y a certains documents et objets qui lui tiennent à cœur. Elle sait qu’elle serait dévastée si elle venait à les perdre.

Alors qu’elle change doucement d’idée, Grace mentionne qu’il ne doit pas rester grand matériel de protection puisque tout le monde s’est lancé dans les magasins de matériaux en même temps. Avec l’arrivée de la tempête, les livraisons ont probablement été annulées. April lui mentionne que si elle en a besoin, elle en a de surplus. Grace sourit. Elle sait que cette offre, l’experte en robotique ne l’aurait pas fait à tout le monde. Est-ce que l’ingénieure d’Oscorp à réussi à lui plaire et à briser sa carapace? Celle-ci ressent un petit sentiment de victoire. "C’est très gentil à toi. Merci. Je pourrais protéger la cabane de Freddy. Mon chien."   Oui, la niche de son chien est plus importante que sa propre maison. Elle veut surtout faire sourire la belle asiatique.

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Ce n’est pas surprenant qu’April soit l’amie de Klaus et si proche de lui, ils sont identiques. Outre leur intelligence bien au-dessus de la moyenne, ils sont tous les deux des personnes de peu de mots, sérieux, débrouillards, acharnés, mystérieux et pince sans rire. Ce n’est donc pas surprenant que Grace ait autant d’affection pour la jeune fille. Leurs caractères sont diamétralement opposés, mais leur relation fonctionne. C’est difficile de comprendre comment et surtout pourquoi, mais parfois, ça ne sert à rien de tenter de trouver des explications, même pour deux scientifiques comme elles. Pourquoi chercher une logique derrière tout ça, alors que ça marche. C’est comme lorsqu’il y a une erreur dans un code, on ne sait pas d’où elle vient, on a beau lire et relire, on ne trouve pas. Puis, on essaie quelque chose au hasard et comme par magie, le code répond bien. On ne sait pas pourquoi, mais on est heureux et on ne touche plus à rien. C’est ainsi que Grace voit son amitié forte avec le Caglar et peut-être le début de quelque chose d’aussi fort avec sa collègue temporaire. Les deux génies solitaires lui apportent beaucoup, sans qu’ils ne s’en rendent compte. Grâce à eux, elle garde les pieds sur terre, elle analyse et pense différemment. Elle espère laisser aussi une empreinte positive dans leur vie.

Sharp sourit à la mention du manque de tact de son ami. C’est vrai qu’il ne réfléchit pas toujours avant de parler et sa manière de le faire peut être condescendante. Si au départ, ça la titillait, ce n’est plus le cas à présent. Elle sait que c’est sa manière d’être et d’interagir avec les autres. Elle sait qu’au fond, il n’est pas méchant, mais qu’il ne réagit pas comme les autres selon les situations. Elle penche la tête sur le côté lorsqu’April s’excuse de parfois manquer de tact, elle aussi. Ouais, ils sont vraiment faits dans le même moule ces deux-là. "Oh, il m’en faut bien plus pour m’indigner, ma belle. " Elle lui lance un clin d’œil, geste tout à fait naturel. Elle espère que ça n’irrite pas l’asiatique toutes ces familiarités. Elle a fait attention jusqu’à maintenant pour ne pas être trop expressive et trop avenante envers la jeune Ren pour ne pas la brusquer ou la froisser, mais parfois, sa nature amicale revient à la charge. Elle sent qu’April est de plus en plus à l’aise en sa compagnie, alors un peu de légèreté ne peut pas faire de mal. Elle se rétractera au besoin. Grace est patiente et elle fera tout pour l’amadouer. Elle est une amie chère de Klaus et ne veut vraiment pas se la mettre à dos. Lui non plus d’ailleurs. Elles semblent finalement trouver un sujet qui les animent toutes les deux. Grace a presque aperçu des étoiles dans les yeux de sa collègue lors de la mention de Freddy et encore plus lorsqu’elle mentionne ses chats. "Il n’est pas du type nerveux, mais je vais m’assurer que tout soit prêt. Je suis certaine que tout se passera bien pour tes chats." Elle lui sourit, la trouvant attachante de s’inquiéter comme ça pour ses bébés. Elle est peut-être moins robot qu’elle ne le laisse paraître.

Un petit signal sonore lui annonce que la compilation vient de se terminer. Elle affiche un visage d’exclamation puis, fait tourner sa chaise vers l’écran. Elle pianote sur son clavier en fixant l’écran, sans quitter ce dernier, elle demande : "Tu as parlé à Klaus dernièrement? Il m’a dit que ça fait un moment qu’il ne t’a pas vu." Elle ne sait pas pourquoi elle pose cette question. Après tout, la fréquence de leurs discussions ne la regarde pas, mais, une part d’elle aime entendre parler de lui d’un autre point de vue, plus complices.

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