Tout semble différent maintenant que Daeho a trouvé un emploi. Un vrai travail, dans cette futur maison close bien plus respectable et légale que la prostitution de rue. Il attend de commencer avec impatience. Ses yeux vaquent de temps à autre sur son téléphone portable et il soupire. Il trouve soudain le temps long maintenant qu’il est là, tout seul chez lui à se reposer. Car oui. Lena a été formelle à ce sujet. Hors de question pour lui de bouger tant qu’il ne s’est pas totalement remis de ses blessures. De cette côte cassé par les coups de pieds incessants de ce grand malade, aveuglé par la haine et la jalousie de voir sa femme payer ses services. Le jeune coréen gonfle ses joues et affiche désormais une moue boudeuse. Il n’aime pas ça. Il n’aime pas spécialement rester ici et c’est bien la première fois qu’il a autant hâte de commencer quelque part. Peut-être parce qu’on lui donne enfin la chance. Cette chance d’exceller dans un domaine qu’il connaît plutôt bien : la sexualité. Car malgré qu’il rejette toujours autant son attirance pour les hommes. Malgré qu’il continue secrètement d’acheter des lingeries féminines, d’un porte-jarretelle rose à une robe affriolante, il aime la sensualité oui, ne tombant pas par hasard dans le choix de se vendre à des femmes esseulées, avide de jeunesse pour quelques billets histoire de pouvoir au moins payer son loyer. Et puis… Il s’estime bien heureux d’avoir croisé la route de Lena. Qui sait ce qui se serait véritablement passé si elle n’avait pas eu le temps d’intervenir. Il pourrait être mort à l’heure actuelle. Mort… Rien que ce mot lui serre la poitrine. Il ne peut s’empêcher à présent de penser à sa famille d’accueil. A ces draps blancs recouvrant leurs corps brisés. Et s’il les avait rejoint? Se serait-il senti mieux? Plus libéré d’un deuil difficile à surmonter? Non. Le coréen chasse tout de suite cette idée de ses pensées. Il ne doit pas avoir ce genre d’image. Il n’est pas suicidaire et il doit se focaliser plutôt sur son avenir. Alors il prend une grande inspiration. Il grimace cependant quand une vive douleur le tiraille sous un mouvement un peu trop brusque. Il regarde autour de lui et il marmonne, fait les cents pas avant de murmurer aussitôt en prenant sa veste en velours posée soigneusement sur le porte manteau tout à côté :
- Bwah, je m’ennui. Il faut que je sorte d’ici.

De toute façon, il estime s’être assez reposé. Il ne compte pas rester enfermé plus longtemps et il s’engouffre à l’extérieur. Il prend bien soin de fermer la porte d’entrée à clef avant de se fondre vers sa voiture, garée devant l’allée. Tant pis pour sa sauveuse. Elle comprendra si elle venait à apprendre sa petite virée. Daeho n’est pas du genre de toute façon à prendre les conseils des autres et il fait un peu ce qu’il lui plaît. Tête brûlée depuis son enfance. Sa vie, ses erreurs, son parcours ne l’a en rien changé à ce sujet. Ses longues mains entourent le volant et sans même y réfléchir vraiment, il roule vers un endroit précis. Celui qui occupe à présent toute ses pensées. Car depuis l’immense incendie qui avait ravagé l’orphelinat, il ne souhaite que les aider. Un peu comme si cela en est devenu une thérapie pour son traumatisme présent depuis la disparition de sa famille tant aimée. Il ne le dit pas. Il ne le montre pas forcément mais oui. Cette annonce l’avait quand même sacrément bouleversé. Il a eu l’amère impression d’avoir fait un bon en arrière. Quand on était aller le trouver pour lui annoncer qu’un incendie avait ravagé la maison de ses parents de coeur, le faisant frissonner d’horreur tant il avait été frappé par la sinistre vérité.

Ses yeux s’ancrent sur la route et sa poitrine se serre. De nouveau. Une larme perle au coin de ses iris mais il se mord les lèvres. Tout en tenant le volant d’une main, il pose son coude sur le rebord de la fenêtre et il laisse ses doigts glisser sur sa bouche, sur ses lèvres sèches, légèrement fendue par le coup de poings qu’il avait reçu. Il ne tarde pas à arriver sur les lieux qu’il avait jadis connu. D’un bâtiment haut et fort qui l’avait accueilli alors qu’il était encore un gamin. Un gamin bien têtu et râleur qui revenait à chaque fois entre ces quatre murs quand sa famille d’accueil ne lui convenait pas. C’est à dire : tout le temps. Jusqu’au jour où il avait enfin trouvé la foi et l’amour de sa dernière maisonnée. Au point d’y revenir régulièrement même après la majorité passée.

Tout cela semble si loin et pourtant. L’incendie qui a occasionné leur mort est encore assez récent. Il sent encore l’odeur âcre lui chatouiller les narines. Il voit encore la scène macabre derrière ses pupilles fatiguées. Ses pieds le mènent vers une femme qu’il a déjà croisé et il s’avance. Il quitte de plus belle ses pensées et il laisse un sourire s’étirer. Un sourire qu’il accorde rarement à des étrangers mais qui pourtant, est presque naturel devant cette femme qu’il avait tout de suite voulu aider. Comme lié par un même drame et un même désir de voir ce refuge renaître de ses cendres.
- Bonjour ! Je ne sais pas si vous vous souvenez de moi mais comme promis. Je suis là. Quelle est le programme de la journée?

Ⓒslytbitch.

Oui, en regardant ce nouveau bâtiment, Daeho sent son coeur se serrer. Il repense à l'ancien. A l'ancien orphelinat aujourd'hui entièrement décimé. Tandis qu’il se rapproche de la jeune femme, ses membres tremblent légèrement et il sent une boule se former dans sa gorge. Il essaye de ne pas le montrer. Il essaye de canaliser ces larmes qui perlent pourtant au coin de ses yeux. Un sourire étire son beau visage et il se présente à Abigail, avec l’objectif de l’aider. Il n’accorde pas sa confiance aussi facilement d’habitude mais avec elle, c’est différent. Peut-être parce qu’elle a reprit les rênes de l’orphelinat. Peut-être parce qu’elle lui fait un peu penser à l’ancienne directrice qu’il a appris au fil des années écoulées, à apprécier. Même s’il n’a jamais pu la revoir après avoir été placé pour la toute dernière fois dans cette famille tant aimé. Inconsciemment, ils sont liés. Liés à cet endroit même s’ils ne se sont jamais côtoyé jusqu’à présent.  C’est pourquoi, il se montre si docile à l’approcher. Aucune fougue n’éclaire ses traits et il n’a pas l’intention de la tester, de quelque manière que ce soit, allant à lui sourire plus encore lorsque cette dernière, après l’avoir remarqué, s’enquit immédiatement de son état.
- Ça peut aller. Et vous? J’imagine que ça ne doit pas être facile avec tout ça.

Tout en lui répondant, il hausse les épaules. Il ne veut pas lui montrer à quel point non, il ne va pas très bien en vérité. Son regard fuit presque les lieux qui l’entourent et il s’entête à focaliser son attention sur elle. C’est plus facile pour ne pas perdre pied. Car il a beau venir ici consciemment. Il a beau être dans un nouvel endroit. Un nouveau lieu fraîchement destiné. Imaginer l’étendu des dégâts. Sentir malgré lui l’odeur inexistante des flammes lui chatouiller les narines lui rappelle inévitablement l’incendie qui a ravagée sa famille de coeur tout entière. Cela lui remonte de très mauvais souvenirs. Ses paupières papillonnent à plusieurs reprises et il prend une grande inspiration pour ne pas fuir au plus vite ces souvenirs noircis, dévoré par ce traumatisme qui le hante encore aujourd’hui. Ce n’est pas le moment. Il n’est pas là pour ça. Il veut vraiment aider et son obstination l’aide à garder la tête relevée. Il l’a toujours redressée, en y réfléchissant. Même dans ces rues délabrée où il donnait son corps à des clientes pas toujours très tendre avec lui. Même avec une côte cassée, quand un mari colérique s’était acharné à lui prouver à quel point il était pathétique. A quel point, il n’était qu’une pute et qu’il n’avait aucun droit sur le corps de sa femme terrorisée pourtant à ses côtés. Il est plus fort qu’il n’y paraît. Il a beau renié certaines choses. Comme sa bisexualité qu’il considère à ce jour, sale, inacceptable. Comme son plaisir à s’habiller en femme qu’il garde en secret par peur d’être jugé. Il est fort, oui. Et il tient sa sensibilité autant qu’il le peut par sa fougue et son audace innée. Forgée depuis maintenant tellement d’année. Depuis que sa mère avait donné son dernier soupir pour lui permettre de vivre.
- Non pas du tout ! Avec plaisir même !

Oui. Daeho se focalise tout entier sur la conversation. Son sourire s’agrandit et il se frotte les doigts entre eux, prêt à mettre la main à la pâte. Normalement, il ne devrait pas trop forcer. Il devrait se reposer pour permettre à sa blessure de guérir plus vite mais encore une fois, il n’en fait qu’à sa tête. Il met les recommandations du médecin et de Lena de côté. Il a grand besoin de s’occuper et c’est pourquoi, il s’empresse de prendre un pot de peinture, ne rechignant pas sur la tâche à suivre.
- Ça leur fera du bien mais je suis sûr qu’on peut aussi égayer cette pièce. Je ne suis pas peintre mais à nous deux, on peut faire quelque chose de sympa ! Vous avez une couleur précise en tête? Sobre ou coloré?

Il n’a pas l’habitude de vouvoyer mais il le fait tout de même. Par respect pour Abigail et parce qu’elle reste responsable de cet endroit. Rapidement, il se met en tailleur et grimace sous une douleur perfide, sournoise, l’incitant à aller un peu plus lentement dans ses gestes. A nouveau, ses paupières papillonnent et il reprend, tournant légèrement la tête sur le côté en y faisant abstraction pour ne pas que ça paraisse suspect  :
- Et les enfants? Comment vont-ils? Ils tiennent le choc ?

Ⓒslytbitch.

Ne pas trop parler de lui. Ne pas trop en dévoiler. Daeho met un point d’honneur, oui, à ne rien montrer. A ne pas montrer cette tristesse qui l’accapare. A ne pas montrer ce qu’il ressent. Là, dans son cœur meurtri. Dans ce cœur qui s’est brisé le jour même où il a perdu sa famille d'accueil dans ce brasier. Trop de souvenirs se trouvent présent. Des souvenirs qui s’entremêlent entre ce qu’il a vécu ici par le passé et le drame qui l’a frappé, il y a de cela maintenant quelques années. Il se force à sourire, à se montrer enthousiaste devant Abigail. Son regard se pose sur elle et ses dires lui arrache un sourire. Un sourire attristé devant l’évidence frappé. Celle des enfants arrachés à l’orphelinat pendant un temps indéterminé. Il ne comprend que trop bien leur ressenti. Il ne comprend que trop bien le sentiment. Celui d’être ballotté de famille en famille. De foyer en foyer. Ses yeux glissent sur le sol et il se perd dans ses propres pensées. Ses propres souvenirs. Quand il n’avait de cesse de rejeter les familles d'accueil que la maîtresse des lieux, à l’époque, ne cessait de l’y envoyer. Ce n’était pas de sa faute mais Daeho ne voulait faire aucun effort escompté. Tête de mule déjà à l’époque. Toujours prêt à n’en faire qu’à sa tête. Il fuguait sans cesse pour revenir ici sous l’oeil excédé de la femme qu’il avait appris pourtant à apprécier. La seule famille qui a su l’adopter, l’aimer, l’amadouer, lui donner envie de rester était morte à ce jour et un soupir s’échappe de ses lèvres pincées. Un silence glisse, bientôt brisé par sa propre voix que l’asiatique tâche pourtant de contenir pour ne pas l’inquiéter :
- Prenez soin de vous aussi, c’est important. Et puis… On sera là pour les soutenir hein? Je tiens vraiment à vous aider.

De toute façon, pour le moment, Daeho est arrêté. Il ne peut pas encore travailler. Lena et Jay ont été clair à ce sujet et même s’il compte mentir un peu pour commencer plus vite la tâche qu’on lui a confié, il a encore quelques semaines à être alité. Bercé par l’ennui, il préfère alors venir ici plutôt que de se reposer. Il a l’impression au moins de servir à quelque chose et un rire s’échappe d’entre la barrière de ses chairs quand Abigail lui demande enfin de le tutoyer.
- C’est vrai ! Ne me le dis pas deux fois, j’avoue que le vouvoiement n’est vraiment pas mon truc en vérité.

Un haussement d’épaule. Plusieurs battements de sourcil sous ses airs de diva familier. L’attention est porté sur la peinture et il s’active aussitôt à mettre la main à la pâte. Grimace cependant sous une douleur abrupte, soudaine, brutale. D’une blessure non guérie, à peine cicatrisée. Daeho tente d’esquiver la souffrance infligée. Il ne tient pas à avoir de question sur ce qui s’est vraiment passé. En vérité, à part Jones, Lena et Jay. Personne n’est au courant de ses anciennes activités et il préfère tenir cela secret. Non pas parce qu’il en a honte. Oh non. Il est le premier à soutenir les prostitués. A considérer son choix comme le meilleur pour lui. Lui, qui n’a jamais su faire autre chose de sa vie. Mais il a tout de même peur du regard d’autrui. Ou plutôt, il se méfie. Car à force d’être vu comme un déchet de la société, par les policiers ou encore la population dans sa globalité, il a apprit à s’en protéger, tout simplement. Il ne tient pas à ce que Abigail change d’attitude à son sujet. Il l’apprécie. Son sourire se fait présent et il hausse les sourcils, fait en sorte d’aller plus lentement, croisant ses jambes avec douceur pour chercher un meilleur équilibre. Un meilleur appui pour l’apaiser.
- Oh ce n’est rien. Une chute qui a mal tourné. Hum. Pour ce qui est de la couleur, pourquoi pas cette belle couleur orange? Elle serait parfaite ici !

Changer de sujet. Toujours. Les jambes croisées, il ouvre ce pot de peinture à la couleur orangé. Celle qu’il estime plus coloré. Ses doigts agrippent le premier pinceau qui se trouve à sa porté et il le dresse comme un trophée, tenant toujours plus à s’occuper pour ne pas laisser l’amertume et la douleur le tirailler.
- Oui, je vois. Ça dépend du caractère. Tu veux que j’aille parler à ceux qui causent le plus d’ennui aux familles? Je dois dire que…

Daeho marque un léger silence, prit d’hésitation à le formuler. En même temps, il comprend. Il comprend la nécessité à s’en prendre à ceux qui tentent pourtant d’aider car il était exactement pareil avant sa famille d’accueil tant adoré. Un énième soupir s’échappe de ses lèvres et il touille la peinture d’un air pensif, allonge l’une de ses jambes en prenant bien soin de ne pas aller trop vite, bougeant ses pieds tel un enfant agité. Son regard se pose sur la peinture et il continue, d’une voix étonnement faible même s’il cherche pourtant à se montrer détaché. Extérieur malgré les souvenirs frappés.
- J’étais comme eux à une époque alors qui sait. Peut-être que j’arriverai à les calmer.

Ⓒslytbitch.

Non. Daeho n’était pas un enfant facile. Il ne l’est toujours pas en réalité mais au moins, maintenant, il tend davantage à obtempérer. A écouter même si parfois son fort tempérament le rattrape et le pousse à riposter. C’est dans sa nature, dans son caractère de diva et sa manière de penser. Cette constatation le fait doucement sourire et des souvenirs lui reviennent. A ces familles désireuses de l’adopter qui ont très vite abandonné, baissé les bras devant son si peu enthousiasme affiché. Oui. Combien de fois, a-t-il fait mine de ne rien comprendre à ce qu’ils disaient? Combien de fois a-t-il fugué, retrouvant tout seul le chemin de l’orphelinat pour s’y réfugier et qu’on ne vienne pas à nouveau le chercher ? Des centaines de fois. Si bien que la maîtresse de l’orphelinat ne savait plus quoi faire à son sujet. La seule famille qui a su l’amadouer, lui donner envie de rester était la dernière espérée. Il se rappelait du visage bienveillant de cette femme au regard d'ange. Il se rappelait de la carrure musclé de l'homme à ses côtés. Et cette petite fille. Cette petite sœur qui lui a ouvert les bras sans même le connaître. Sans même le juger. Eve. Petite Eve qui a toujours su le faire sourire. Qui a toujours su le faire sentir lui-même alors qu'il pouvait lui montrer sa garde robe. De ces lingeries féminines à ces jolies robes rosés. D'un plaisir refoulé. De se maquiller. De se sentir femme. Efféminé. Oui. Plaisir qu'il tend à cacher. Surtout maintenant qu'elle n'est plus là pour l'aider à accepter cette partie cachée. Daeho soupire et se dandine sur le sol en quête de chasser ces subites pensées. Il a trop mal encore. Sa famille lui manque atrocement et sa gorge se noue à la réalité frappée qu'ils ne reviendront plus jamais le chercher. Même la majorité désormais passée.
- Bien sûr ! Je serai content de pouvoir t'aider !

Et de ne pas rester inlassablement enfermé en attendant que sa blessure guérisse. Il faut dire que sa patience commence à s'effriter à ce sujet. Abigail lui demande de faire attention et il répond par un large sourire. Sa voix glisse dans la pièce à décorer et il rajoute, prenant un air détachée, décomplexé malgré la douleur tiraillée à chacun - ou presque - de ses gestes formés  :
- Ne t'inquiète pas, je suis solide.

Après tout. C'est un survivant. Il a vécu beaucoup de chose par son passé. Des bagarres déclarés à ses clientes pas toujours très tendre avec lui, subissant sans rechigner. Des mac à éviter, pour ne pas être lié à l'un d'eux et se sentir prisonnier. Aux cris désespérés d'une de ses voisines de palier quand son mari tend à la battre une fois rentré. Au dealer rencontré aussi et autres joyeusetés qu'il rencontre fréquemment dans son quartier pas toujours très bien fréquenté mais dont il refuse de partir, pour rester un refuge à ses amies prostitués qu'il ne veut pas lâcher. Même avec un nouveau boulot beaucoup plus sécuritaire à la clef. Il n'est pas la pour se plaindre de tout façon. Motivé, il commence à plonger le pinceau coloré, poursuivant dans sa lancée au fur et à mesure de la discussion posé :
- De rien ! C'est avec plaisir. Pas sur qu'ils m'écouteront mais au moins, je peux toujours essayer.

Ses dires l'amuse, le font rire et il se lève avec une certaine difficulté. Il s'apprête à se mettre à l'oeuvre mais se tend néanmoins à la question échappée qu'il ne peut s'empêcher d'hésiter sur sa réponse donnée. Inquiet peut-être de sa réaction malgré sa quasi totale liberté d'échanger à ce sujet pour avoir choisi pleinement ce métier.
- Et bien…

Daeho toussote. Il se trémousse légèrement d'un pied à un autre. Il manque de se mettre de la peinture sur sa chemise et il baisse la tête. Triture ses lèvres par peur d'être jugé. Ce n'est pas qu'il se sent fautif, coupable ou même honteux de s'être prostitué mais ce n'est pas forcément une réponse attendue. Surtout de la part de quelqu’un qu’on connait très peu en réalité. Il le sait. Il a connu les préjugés. Les insultes lancées à la volée. De la part de certaines personnes mais aussi de policiers excédés. Moqueurs et intransigeants à ce sujet épineux. Caché. Les déchets de la société. Cette appellation tend encore à l'énerver et il prend une grande inspiration, tourne la tête vers son interlocutrice apprécier. Un sourire naît sur ses lèvres plissés et il répond doucement, sans chercher cependant à cacher la vérité pour n’en voir aucune utilité.
- Je suis une ancienne prostitué. Depuis peu je dois dire. Ou plus élégamment, j'offrais de l'amour à des femmes seules et esseulées.  Maintenant je travaille. Ou plutôt, je vais travailler dans une maison close. Un établissement parfaitement propre et sécuritaire. J'y serai barman !

"Et strip-teaser" mais ça, ça ferait peut-être trop à assimiler. Non? A espérer maintenant qu'elle ne le juge pas. Daeho n'aime pas être jugé. Un silence glisse et il se rapproche d'un mur pour commencer soigneusement sa tâche assignée.

Ⓒslytbitch.

Non. Daeho ne se sent pas fautif. Il ne se sent pas coupable d’avoir un jour choisi ce corps de métier. Il l’a choisi, consciemment, entièrement alors qu’aucun autre boulot le convenait. Il ne s’est jamais senti prisonnier, forcé mais ce qu’il redoute le plus à cet instant est d’être jugé. Mal jugé par la nouvelle directrice de l’orphelinat où il a passé tellement d’année. C’est peut-être stupide. Ça l’est en vérité. Hojin n’est pas vraiment de ceux qui a honte de se prostituer. Il l’a fait en toute conscience et il a toujours apprécié sa liberté même s’il devait constamment faire attention de ne pas se faire choper. Par un mac malveillant qui aurait pu le convoiter, l’attaché, le forcer à travailler pour lui ou bien par des maris, des amants - comme l’autre jour - qui pourraient le frapper, le tabasser pour avoir offert à leurs femmes, leurs objets de convoitise, l’amour et l’affection désiré. Cependant oui, il a peur qu’Abigail le juge et c’est pour cette raison qu’il commence sa tâche, restant de dos pour ne pas montrer l’expression de son visage à cette vérité claquée. Elle ne devait tellement pas s’attendre à cette information formulée. Ce n’est pas le genre de métier attendu, non. Daeho en a conscience et ses lèvres se pincent légèrement dans l’attente d’une réaction qu’il ne peut pas trop prévoir en vérité. Cela dépend des gens. Son regard reste rivé sur le mur et sa main reste serré autour du pinceau qu’il s’empresse de faire glisser sur la paroi grisée.

Un silence tombe et le jeune Hojin soupire légèrement. Non. Il ne sait pas à quoi s’attendre en vérité. Il ne comptait pas mentir sur son métier mais ses yeux s’abaissent, son cœur bat un peu plus rapidement contre sa poitrine serrée. Ses paupières se ferment quelques instant mais s’ouvrent presque aussitôt à l’expression de surprise lâchée, susurrée par la directrice derrière lui qui s’en trouve un peu estomaquée. Normal. Un rire léger traverse la barrière de ses chairs et il se retourne, affiche un sourire, hausse légèrement les épaules dans une allure un peu efféminée qu’il affectionne tout particulièrement depuis des années, bien qu’il bafoue depuis longtemps sa véritable sexualité :
- Je sais. C’est un peu atypique dis comme ça !

Oui. Un rire est lâché. Aucune honte le traverse désormais. Il se remet à sa tâche et il écoute Abigail attentivement, appréciant là l’inquiétude dévoilée qu’il s’empresse aussitôt d’apaiser avec toujours ce petit sourire dessiné au coin de ses lèvres bombées.
- C’est un choix. Avant la disparition de ma famille d’accueil, je n’avais pas vraiment besoin de travailler. Ils s’occupaient de moi. Ils me payaient mon loyer. Mais quand ils sont… enfin. Quand je me suis retrouvé seul, j’ai dû apprendre à me débrouiller. J’ai fais beaucoup de petits boulots qui ne m’intéressait pas, ne me plaisait pas. Et puis, j’ai commencé à travailler dans la rue. C’est là où je me suis senti le mieux alors j’ai continué. Je n’ai jamais pensé à m’arrêter.

Non. Daeho n’a jamais pensé à changer de voie. Même quand Lena est venu le sauver. Disons que ses conditions de travail seront beaucoup plus sécurisé, amélioré. Il ne donnera plus son corps à des femmes esseulées - parfois violentes - mais le mettra tout de même au service des autres en se trémoussant sur scène à des heures posées, entre deux services au bar mené. Un silence tombe et le jeune Hojin sent sa poitrine se serrer au souvenir de sa famille d’accueil qu’il a inconsciemment mentionné. Il ne veut pas y penser. Il ne veut pas en parler pourtant, il se confie de lui-même. Il secoue la tête à quelques larmes montées. Sa main, à nouveau, glisse sur le pinceau et il poursuit, sourit à l’inquiétude, oui, murmurée, de la femme dressée derrière lui qui visiblement, à part sa surprise lâchée, ne le rentre pas dans la case “à éviter” comme tant d’autres personnes à l’esprit étroitement fermé.
- C’est gentil merci mais ça va aller, je t’assure ! J’ai confiance en cette maison close. Mes patrons sont des gens biens, je le sais. Ils me traiteront à ma juste valeur j’en suis certain. Mais je garde ta proposition dans un coin de ma tête, promis. Tu n’es pas… Enfin. Dégoûtée? Déçue? Je sais que beaucoup de personne nous voit comme des moins que rien parfois. Des déchets de la société qu’on ne doit surtout pas mentionner même si c’est les premiers à faire appel à nous quand ils en ont besoin.

Ⓒslytbitch.

Penser à sa dernière famille d'accueil lui fait toujours aussi mal. C'est une réalité. Daeho chasse les larmes montées. Ses doigts glissent sur le pinceau et ses mains tremblent légèrement bien qu'il s'empresse à n'en rien montrer. Il se confie de lui-même - oui. Il a peur néanmoins d'être jugé par Abigail qu'il tend à apprécier. Pourtant - non - il ne tient pas à lui mentir sur son métier. Il ne tient pas à s'inventer une vie car c'est celle qu'il a choisit et désiré. En temps normal, Daeho s'en contrefiche bien du regard des autres. Il s'en contrefiche bien de ne pas être compris. Il a l'habitude d'être insulté, regardé, observé, voir même frappé par des maris, des amants, des hommes jaloux de voir leur moitié s'adonner au plaisir payé mais certains regards sont plus important que d'autre. Un léger sourire étire ses lèvres pincées. Son cœur bat de plus belle à la question posée. Ses yeux regardent le mur et la voix de la directrice glisse dans le silence posé. Il ressent alors un soulagement le bercer. Au moins, Abigail n'est pas en colère ou dégoûtée et ses épaules s'abaissent sous la réponse donnée avant de rire à la confession murmurée, d'une relation intime brisée par une fatigue mutuelle éprouvée.
- Il vous faudrait un weekend en amoureux ! Je peux vous organiser un si tu veux. Tu verras, vous n'aurez plus à vous ennuyer !

Ricanement. Sincérité cependant de l'aider. De les aider tout les deux à s'accorder une intimité bien méritée. Un clin d’œil est adressé et un nouveau sourire étire ses lèvres bombée. Sourire néanmoins qui tend à disparaître alors qu'il baisse la tête avant de murmurer d'une voix beaucoup plus douce et touchée.
- Merci en tout cas. Merci à toi de ne pas me juger.

Daeho prend une grande inspiration. Il se sent beaucoup plus léger et il se redresse. Il s'apprête à reprendre sa tâche quand Abigail reprend la parole, lui fait néanmoins comprendre de ne pas en parler aux autres. De ne pas divulguer son métier aux enfants. Ni à quiconque à l'orphelinat pour éviter une situation délicate, non souhaitée. L'asiatique hoche la tête bien conscient que cela pourrait créé des problèmes non désiré. Il ne le prend pas mal. Au contraire. Il connaît assez la méchanceté des gens et leur faculté à tout compliqué. Il sait que la jeune femme est soumise à de nombreuses responsabilités. En aucun cas, il ne souhaite la mettre dans l'embarras et il répond - pinceau en main - lui faisant comprendre - oui - qu'elle n'a pas à s'inquiéter.
- Cela va de soi. Je ne comptais pas non plus traumatiser les enfants de toute façon.

Rire délicat. Voix légère alors qu'il marque un silence. Joue légèrement avec le pinceau avant de rajouter.
- Tu peux compter sur moi. Ça sera un secret entre toi et moi. Mais ma proposition de t'aider avec ton mari tient toujours !

Façon - oui - de lui dire qu'il n'est pas vexé. Qu'il comprend parfaitement les enjeux et qu'il ne la mettrai jamais en difficulté. Ni elle, ni les enfants de l'orphelinat d'ailleurs. Ici, il n'est que Daeho - ancien orphelin. Ici, il n'est qu'un aidant et il tient seulement à partager son expérience pour les aider du mieux possible à ne pas se sentir écarter de la société qui tend aussi à les mettre de côté. Oui. Ici, il n'est qu'un bénévole.  Bénévole le jour et homme du plaisir la nuit. Contraste qui le plait assez et le fait sentir aussi utile sur d'autres aspects. A nouveau, sa voix tinte dans le silence et il agite son pinceau, met une main sur ses hanches avant d'ajouter comme pour alléger la conversation et la détourner sur quelque chose de plus léger :
- Bon ! On se remet à la tâche? Le bureau ne va pas se peindre tout seul !

Ⓒslytbitch.