Same Old War

As I climb through dirt and mud, I'm sinking under. In a grave of life that was, I saw a light. I turned my back on everything, I search for half-remembered dreams

Les personnes normales dorment la nuit. Du moins, essayent. Les personnes normales ne traînent pas dans les rues ou ne se planquent pas dans une voiture. Mais les personnes normales ne sont pas détective privé. Et j’arrive pas à croire que j’ai dit ça. J’ai toujours du mal à me faire à l’idée que c’est mon vrai boulot, maintenant. C’est d’ailleurs précisément la raison de ma présence dans cette zone de Fenyick à cette heure tardive de la nuit, mon attention braquée vers une boîte d’import et d’export. Mon regard et mon appareil photo. Pour être honnête, j’ai l’impression de perdre mon temps. Cela fait deux nuits de suite que je suis en planque parce qu’un ancien employé de Loki Laufeyson est venu au bureau en disant que son ex-employeur faisait passer de la contrebande en douce dans l’île. Non pas que je doute de sa parole, parce qu’il faut vraiment être taré pour inventer un mensonge pareil, mais pour l’instant, j’ai aucune preuve. A part des photos du bâtiment, je n’ai rien de plus.  

J’ai peut-être pris cette affaire parce que j’en ai légèrement marre des adultères. Le dernier cas de ce genre, j’ai failli me faire casser la gueule par le mari quand je lui ai donné les photos de sa femme dans les bras de son meilleur ami. C’est un peu trop facile, comme on dit. Je ne fais que prendre les gens en photo comme on me le demande et quand je donne pas les réponses qu’ils attendent, forcément, c’est sur moi que ça retombe. Je me demande comment Gwen fait pour gérer ce genre de cas. Personnellement, je suis pas archi-fan de me prendre le retour de bâton dans la tronche. Mais malgré tout, j’aime ce job. Il me permet de ne pas perdre la boule. De me concentrer sur autre chose que mes petits problèmes. Okay, ça implique de mettre mon nez dans les affaires des autres mais c’est ce pour quoi je suis payé. Et on ne peut pas dire que jusqu’ici, je me suis tenu à l’écart des histoires de mon entourage, pas vrai ? Au moins, je ne suis plus lié à Hydra et c’est déjà ça. Mon ardoise est effacée et les autres tarés sont bien trop occupé à se reconstruire pour s’occuper de ma pomme. J’ai donc tout le loisir de vérifier les témoignages d’anciens employés sur les supposées activités illégales de leur patron.

En admettant que ce ne soit pas des mensonges et que je trouve en effet quelque chose, j’aurais rempli ma part du marché. Le client aura ses preuves et moi, je serais payé. Encore faut-il que j’arrive à photographier autre chose que le bâtiment. Même au niveau des allées et venues, c’est le calme plat.  Je commence à douter même de la parole de mon client. Parce que ce ne serait pas la première fois que des gens font appel à Insomniac Investigations pour se venger en inventant des mensonges. Vous seriez surpris des cas que Gwen et moi avons eu à traiter, ces dernières semaines. En poussant un soupir, je m’enfonce une nouvelle fois dans mon siège pour regarder les photos que j’ai pris. Il est bien sympa, le type mais je me demande vraiment si Loki Laufeyson cache quelque chose de louche. J’ai eu l’occasion de faire des recherches sur le gaillard - pro tip de détective : toujours faire des recherches sur la cible - et il n’y rien qui m’a mis la puce à l’oreille. Je suis bien parti pour rester là toute la nuit encore. J’aurais dû demander à Paige de venir avec moi, je m’ennuierais sans doute beaucoup moins. En attendant le moindre signe d’activité - autant dire que je suis pas trop convaincu - je regarde mon téléphone. On passe le temps comme on peut, hein.

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La vie est faite d’une succession de choix. D’instant précis qui peuvent varier selon différents paramètres. Là, par exemple, je suis en planque en train de me faire chier, précisément parce que j’ai accepté de vérifier quelque chose qui semblait anodin et avec peu de preuves. Parce que j’ai vite appris qu’il ne fallait rien laisser au hasard et qu’il valait mieux être sûr. En soi, accepter cette affaire n’a pas l’air différent de d’habitude et ça me change des infidélités ou des clients qui cherchent à retrouver leurs parents disparus et perdus de vue - comment perdre quelqu’un de vue sur Genosha, je vous le demande. Okay, l’île est vaste mais quand même. Le truc c’est que… je m’ennuie sec.

Et c’est justement parce que je m’ennuie que j’ai les yeux rivés sur mon téléphone et que je ne vois pas la personne qui se dirige vers ma voiture. Si j’avais su, j’aurais eu le temps de préparer un argumentaire, de noyer le poisson avec talent et de faire croire que j’étais là pour autre chose. J’aurais pas l’air idiot en me faisant prendre par surprise par Loki Laufeyson en personne en train d’ouvrir ma portière et me parler en disant qu’une conversation s’impose. Vous l’entendez l’alarme silencieuse qui résonne dans ma tête ? Bah dites-vous qu’elle est encore plus forte chez moi. Je me retrouve donc là, dans ma propre voiture, avec mon téléphone dans la main, en train de regarder bêtement Loki et je suis incapable de répondre. Incapable même de me donner l’air sévère ou de celui qu’il faut pas emmerder. Non, je reste classique avec mon air béat et mon cerveau qui est en échec critique. Erreur 404, neurones introuvables.

- Euh.

Et ça peut durer des heures, ce « Euh » si je ne m’oblige pas à fermer la bouche. J’hoche bêtement la tête, parce que c’est la soirée où je suis stupide, visiblement. Bah oui, Ben, qu’est-ce qu’on répond quand la personne que tu es censée surveiller te prend la main dans le sac et ouvre la portière de ta voiture ? Tout, sauf hocher la tête et balbutier. J’ai encore du progrès à faire et je me mettrais franchement une paire de baffe. C’était bien plus facile, avant. Je me racle la gorge et je me prépare à sortir de ma voiture, pour discuter dehors. Je viens d’acheter celle-là et si jamais la conversation tourne mal, je n’ai pas envie qu’elle soit amochée alors que je n’ai pas fini de la payer. Mon voeu de la nouvelle année, c’est arrêter de ruiner deux voitures par an.

Je défais ma ceinture de sécurité et sors donc à l’extérieur, profitant des quelques secondes de sursis que j’ai pour réfléchir calmement et mettre ma panique interne en veilleuse. Une conversation, ça veut dire tout et rien. J’ai appris à me méfier de ce terme, surtout quand je n’arrive pas à percevoir les intentions de la personne en face de moi.  Mon spider-sens n’est pas fiable à 100%, encore moins quand il décide de ne pas fonctionner. Dans le doute, je me tiens quand même méfiant, parce que je ne sais pas à quoi m’attendre, ni ce que ça va donner. En faisant le tour de ma voiture pour me placer face à Loki, j’espère juste que c’est un malentendu qui peut être réglé par le dialogue. Je glisse mes mains dans mes poches, me plante sur mes deux jambes et finit enfin par dire :

- Allons-y, alors. Parlons.

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Bon. Ça part mal. Très mal. Je viens de me faire repérer. Pas facile d’être détective, visiblement. Je vous jure que parfois, j’en ai marre d’être moi. J’aurais pu être un brillant scientifique ou un apprenti politicien. Au lieu de ça, je suis moi, suffisament débile pour me faire chopper en planque. Par ma cible. Peut-être qu’un jour, je dis bien un jour, j’arrêterais de chercher les problèmes et de les trouver. J’ai presque oublié ce que ça fait, une vie sans ennui. Normale, banale, sans frôler la crise cardiaque toutes les deux minutes. Loki n’a pas l’air enchanté de me trouver là et tant mieux parce que je suis pas enchanté de m’être fait repérer. Plaisir partagé. Et je n’ai pas la moindre idée pour me tirer de là. Mon imagination me fait défaut sur ce coup, je n’ai plus qu’à m’en remettre à la chance. En espérant qu’elle ne se soit pas faite la malle pour de bon.

Et ça commence merveilleusement bien vu le ton avec lequel il s’adresse à moi. Prendre les gens pour des idiots, c’est pas du tout mon genre, enfin ! Je ravale donc le prétexte fabriqué de toutes pièces que j’allais lui sortir. Quelque chose me dit que c’est totalement inutile. Sans rire, j’ai l’impression de me faire sermonner par mes parents. Je ne sais même pas quoi répondre. Crédibilité, zéro. Absolument. Et bien sûr, il n’y a personne dans cette rue pour servir de distraction ou pour venir me tirer de cette situation. Bien entendu. Il va falloir que je me débrouille tout seul, pour changer.

- Dans l’idée, c’était ça mais quelque chose me dit que vous allez avoir du mal à l’avaler, alors…

Et allez, prends-le pour un con. Et après je m’étonnes que j’ai des problèmes. Il n’est pas agressif pour l’instant mais ça va vite changer si je continue. Et j’aimerais grandement éviter de me faire tabasser ce soir. Techniquement, je ne fais rien d’illégal, je suis dans la rue. Le truc, c’est que j’ignore s’il a remarqué l’appareil photo ou non. Si c’est le cas, je suis vraiment dans de sales draps. Je ne sais pas du tout comment je vais m’en sortir. C’est la première fois que je me fais repérer aussi, j’ai jamais eu à devoir trouver une excuse rapidement avec un cerveau à la ramasse. Faut me comprendre un peu. Je peux pas lui dire que je suis en train d’enquêter sur lui parce qu’un de ses employés l’a balancé, quoi. En plus, j’ai fait ça pour rien parce que j’ai aucune preuve de ce que mon client avance. Je vais demander à être payé plus cher, par contre. Rien que pour la frayeur que je viens d’avoir en voyant Loki en personne faire irruption dans ma voiture.

-  J’adorerais vous dire la raison de tout ça mais… Je peux pas. C’est pas que j’en ai pas envie, c’est que je suis obligé de me taire. Loin de moi l’idée de vous offenser, bien sûr.

«Jeune homme » Oh pitié. J’ai horreur qu’on m’infantilise de la sorte. Cela a légèrement le don de m’agacer. Je sais très bien que je ne suis pas l’exemple même de maturité, voire d’intelligence mais tout de même. M’infantiliser et me prendre de haut a le don de réveiller mon instinct primaire de sale petit con arrogant. Chose que j’essaie justement d’éviter. Bien malgré moi, un sourire se dessine sur mes lèvres. Et il croit réellement que je vais lui donner mon nom ? Genre mais oui, mais bien sûr, je vais lui donner mon nom et mon numéro de sécurité sociale par-dessus le marché, tiens. Les mains toujours dans les poches, j’hausse les épaules.

- Est-ce que ça changera vraiment quelque chose de connaître mon identité ?  

Je regrette instantanément d’avoir répondu ça. Bien sûr que ça va changer quelque chose, soit pas idiot. Et j’ai même pas le temps de me trouver un faux nom à lui balancer. A part John Smith. Mon petit doigt me dit que ça risque de l’énerver pour de bon et que je vais me faire éclater la tête contre la portière de ma voiture si je continue à jouer au plus malin. Trouve un nom, bordel. Quelque chose, reste pas planté là ! Mon esprit souffle un Scarlet Spider que je dessine d’ignorer parce que c’est pas du tout un faux nom et que ça va me porter préjudice. Je balance donc les noms suivants, sans réfléchir :

-  Alexander… Parker.

Je. Okay. Je réglerais ce problème avec mon subconscient plus tard, si je sors de là en un seul morceau.  J’ai plus qu’à croiser les doigts pour que ça passe. Il finira bien par savoir quel est mon vrai nom plus tard mais j’ose espérer que j’aurais déjà décampé quand il s’en apercevra. Et il faut vraiment que je trouve une stratégie parce que ça ne plait pas trop de rester planté là à ne pas savoir quoi faire. Il est temps que je fasse fonctionner mes neurones correctement.

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Il faut que je me rende à l’évidence, ça s’annonce très mal. Parce que si Loki fait un minimum de recherche sur les noms que je viens de lancer dans un éclat de semi-lucidité, il va très vite deviner que Alexander Parker n’existe pas. Ou alors, j’ai de la chance et une personne portant ce nom se trouve sur l’île. Ce qui serait un très avantageux hasard, je le conçois. En attendant, c’est pas ça qui va me tirer d’affaire. Je viens simplement de gagner un peu de temps mais ça ne durera pas, je le sais. Je dois à tout prix trouver un moyen de me sortir de ce mauvais pas. Et au point où j’en suis, je suis à deux doigts de lui pointer quelque chose dans son dos en poussant un cri faussement surpris et de me barrer quand il regardera plus. Comme si ça avait déjà marché sur quelqu’un, cette technique. Je donnerais cher pour voir ça, si c’était vraiment le cas.

Et je dois me retenir de me décomposer sur place en le voyant prendre des photos. Okay. Je suis foutu. Tout ça parce que j’ai accepté une affaire d’un gars qui a mal pris de se faire virer. Sérieux. J’aurais mieux fait de dire non, si c’est pour que ça me mette encore plus dans les problèmes. Je lui offre un sourire pour la forme, quand il me pose la question alors que je suis en train de paniquer à l’intérieur. En fait, techniquement, je ne fais rien d’illégal. Je n’ai pas envahi sa propriété et j’ai même une licence qui me fait un peu office de passe-droit sur certaines libertés individuelles, notamment sur le fait de prendre les gens en photo tant que je ne m’en sers pas à mauvais escient. Mais l’expérience m’a également appris que ce n’est pas tout le monde qui le prend bien, d’être l’objet d’une enquête par quelqu’un qui est payé pour fouiller dans sa vie. Bon, concernant Loki, j’ai absolument rien, à part des photos de son bâtiment. Photos qu’il risque de voir, puisqu’il veut voir mon appareil photo, également. Bah oui, bah bien sûr. Bon, bah foutu pour foutu, hein...

- Non. Ce ne sera pas possible.

Même si j’ai rien, je ne peux pas exposer mon client. Pas avant que je lui touche deux mots et que je lui explique le fond de ma pensée pour m’avoir fait faire le planton pendant plusieurs nuits devant le bâtiment pour des clopinettes. Je croise les bras, parce qu’il peut bien m’infantiliser, me prendre pour un débile et tout ce qu’il veut mais il ne touchera pas mon appareil photo.

- Avec tout le respect que je vous dois, la réponse est non.

Yep, ça va mal finir. Pour moi, à tous les coups. Je devrais être habitué depuis le temps mais ça ne veut pas dire que c’est une partie de plaisir. Et alors que je suis en train de me demander si je dois commencer dès maintenant à rédiger mon testament ou à prendre mon téléphone pour enregistrer des preuves auditives au cas où quelque chose m’arrive, j’ai comme cette sensation, à l’arrière de la tête qui me fait détourner le regard vers l’autre bout de la rue où un véhicule assez conséquent passe. Et qui voilà ? Mes meilleurs amis, dans leur gros fourgon. En train de patrouiller, sans doute. Et vu le passif que j’ai avec eux, je ferais mieux d’éviter de me faire remarquer. Entre Loki et la Garde, rien de mieux.  Je lève les yeux au ciel en soupirant :

- Oh fuck… Manquait plus qu’eux… Rassurez-moi, vous êtes pas réveillé avec des pouvoirs un beau matin ?

En espérant qu’ils ne font que passer et que deux types en train de discuter à côté d’une voiture ne soit pas assez digne d’intérêt pour eux.