Dans quel merdier il s’était encore fourré? Laserian n’en avait aucune idée. Sa vie était un vrai bordel, alors une connerie de plus ou de moins, ça ne changeait rien. Il n’avait plus grand-chose à perdre. Il était endetté jusqu’au cou, il détestait son boulot à l’hôpital et Erin était déjà partie. Il avait été un bien piètre mari, mais son départ avait créé un certain vide en lui. Il n’arrivait pas à l’expliquer. Ces derniers mois, il avait tout fait pour l’éloigner de lui. Il l’a traitait comme une moins que rien, il l’a trompait, il buvait, il jouait – et perdait- leurs économies, il se battait et n’était jamais avec elle. Pourtant, la belle était restée auprès de lui. Malgré tout. Il l’avait pris pour acquis croyant que peu importe le nombre de frasque qu’il compterait, Erin l’attendrait. Il se trompait. Il avait voulu savoir jusqu’où il devait aller pour qu’elle craque, il l’avait finalement su. La semaine dernière avait été la goutte d’eau. Pour la première fois, elle l’avait confronté et il n’avait pas essayé de la contredire. Elle avait fait ses valises et était allée dormir chez l’une de ses amies. Laquelle? Il n’en avait pas la moindre idée. Il n’avait pas osé la contacter. Il avait trop honte de lui. Cela ne le poussait toutefois pas à retrousser les manches et à se reprendre en mains. Il méritait la misère dans laquelle il s’était foutu les pieds. Il méritait de souffrir et de se retrouver seul. Il l’avait cherché. Une part de lui aimait toujours Erin et il voulait changer, mais c’était beaucoup plus simple de se laisser tomber et de continuer à couler.

Il avait toutefois la chance de régler le problème des dettes. C’était pour cela qu’il se retrouvait dans cette ruelle miteuse de Feniyck. Il avait pu contacter un type qui allait l’aider à se débarrasser de Gronkonski une bonne fois pour toute. Il n’était pas fier, mais il avait dû demander à l’un des sénateurs travaillant avec son père et qui avait des contacts avec des groupes louches de l’aider. Ce dernier lui avait donné un numéro à appeler en lui faisant promettre de ne pas révéler de qui il provenait. Il aurait voulu réussir à s’en sortir seul, mais son ennemi était bien plus protégé qu’il n’y paraissait et il n’était pas facilement accessible. Laserian n’avait pas vraiment les moyens de s’en prendre à lui. Seul.  Il avait dû se reprendre à trois reprises avant que l’homme veuille bien l’écouter. Dès que Lase avait prononcé le prénom de Gronkonski, son interlocuteur lui avait donné rendez-vous ici-même avec une heure bien précise et avait raccroché sans rien ajouter. Le ton utilisé n’incitait pas à la blague et valait mieux l’écouter.

Le jeune homme s’était donc présenté avec dix minutes à l’avance. Il s’était allumé une cigarette pour se calmer. Il était nerveux, même s’il ne voulait pas le laisser paraître. Il s’accota sur le mur de brique d’un vieil édifice et pris une taffe. Le soleil était disparu depuis plusieurs heures déjà et l’atmosphère était plutôt humide. Il savait qu’il était en train de faire une bêtise, mais il était trop tard pour reculer. Il n’avait aucune idée des intentions du type à la voix lourde. Il ne connaissait même pas son nom ou un pseudo n’ayant pas eu la chance de demander. Il n’avait aucune idée de qui il attendait. Une chose était sûre, Gronk allait en baver. C’était tout ce qui lui importait.

Ⓒslytbitch.

Silence imposé. Dans ce bureau enfermé, éloigné de sa femme alors qu’elle est pourtant tout prêt, dans la cuisine à côté. Volonté d’être seul, toujours, grognant à chaque bruit formulé, étouffé par la porte sécurisée . D’une assiette qu’on pose dans l'égouttoir. A l’eau qui coule lentement dans l’évier. Bruits qui le dérangent amèrement. Bruits qui titillent sa patience. Présence non souhaitée. Présence délaissée d’une compagne qu’il ne peut aimer. Désirer. Sourire, parler et partager pour l’unique et bonne raison d’un coeur cadenassé. Sourcils qui se froncent sur son front déjà plissé tandis qu’il ne peut refréner son agacement au fil des secondes passées :
- Tss. Pas moyen d’être tranquille ici.

Tapement de pied. Grognement sourd, murmuré. Yong-Sun ne supporte pas ces bruits. Yong-Sun aspire à la tranquillité, d’une solitude choisie, choyée. Volonté que cela cesse. Volonté de se concentrer. Ses coudes se posent sur le bureau et ses grondements coulent sans cesse, à ce premier appel masqué.

Téléphone qui vibre sur l’office. Regard noir posé en sa direction. Le numéro n’est pas affiché. Il est masqué. Yong-Sun sait que ce n’est pas Morgan. Ni un membre de la team. Son attention n’est plus porté sur les bruits occasionnés par sa femme mais sur son téléphone portable. Ce téléphone qu’il finit par prendre, écoutant son interlocuteur sans broncher. Non. Il ne connaît pas cette voix et il raccroche aussi vite en passant outre ce que son interlocuteur a, à lui dire. Il s’en fiche bien. En vérité. Tant que cela ne concerne pas son supérieur et ami. Tant que cela ne concerne pas la team. Ce n’est pas son problème. Un grognement plus fort s’échappe d’entre ses lèvres et il regarde ce portable vibrer pour la deuxième fois consécutive. Son interlocuteur est tenace or lui, d’autant plus. Il raccroche aussitôt mais c’est sans compter sur l’homme qui le fait sonner pour la troisième fois. La dernière à un seul nom susurré :
- Gronkonski? J’écoute.

Enfin. Son attention est toute focalisée. Yong-Sun connaît cet homme. Il connaît son identité. Le fait que l’homme le mentionne a de quoi titiller une brève curiosité. Son coeur se gonfle d’un sentiment qu’il ne peut refréner. Un sentiment minime, indéchiffrable, masqué par une même expression de glace mais bien présent. Tapit dans l’ombre d’un coeur sans émotion. La colère. L’amertume et la rancœur d’une vieille altercation. Oui. Yong-Sun devient attentif à la requête formulée. Celle de se débarrasser de lui et sa voix rauque claque sans appel, sans aucune hésitation :
- Vingt-trois heures. Fenyick. Soit à l’heure.

Pas de ton enclenché. Pas d’amabilité. Yong-Sun raccroche pour de bon et il joint ses mains entre eux. Il réfléchit. Ses yeux restent figé sur la porte quelques secondes et il se perd ainsi dans ses pensées.

Nul besoin d’appeler la team. Nul besoin d’en informer Morgan. Cette fois, cela le concerne seul. Il ne connaît pas l’homme qui a fait appel à lui. Il sait seulement que l’un de ses contacts est proche de l’organisation. Sans ce nom. Sans cette possibilité de prendre sa revanche sur Gronkonski, il l’aurait sûrement envoyé balader. Qu’importe la raison mais là oui, c’est différent. Et cette différence le pousse à sortir à l’heure escomptée.

Il n’en informe pas sa femme. Pourquoi faire? Yong-Sun n’a jamais pris la peine de lui informer de ses faits et gestes et cela ne risque pas de changer. Il répond à peine lorsque cette dernière lui murmure de faire attention à lui, dans une voix étouffée. De chagrin et de regret. Sans se retourner, il se fond dans la pénombre et ses pas le mènent à l’endroit indiqué. Celui formulé, ordonné un peu plus tôt dans la journée.
- Tss.

L’homme est là. En avance. Parfait. Yong-Sun se serait, sinon, passé de lui pour prendre sa revanche. Mais ce qu’il voit l’irrite, l’énerve, le crispe plus que de raison. L’odeur familière mais désagréable lui chatouille les narines et il se crispe sous l’effet infligé. Yong-Sun n’aime pas cette odeur. Il ne la jamais aimé. Un grognement sourd s’échappe de la barrière de ses chairs et il n’hésite pas à se rapprocher, prenant ce poison malhabile de la bouche même de son interlocuteur sans même le saluer.
- Pas de ça avec moi.

Cela n’est pas sans rappeler sa “discussion” avec Morgan, dans une jeunesse passée. Cette image brève s’effrite de son esprit, disparaît. Ce sont ses règles. Ses ordres. En le regardant, une drôle d’émotion le perce et Yong-Sun ne peut s’empêcher de se grandir encore. De grogner un peu plus fort. De s’imposer même si sa prestance et son autorité ne sont pas à prouver. Il le toise de haut et écrase le mégot à même le sol, sans contrefichant bien de l’air indigné de cet homme qui l’a pourtant appelé pour le sortir visiblement d’un mauvais pas. Oui. Ses règles. Ses directives sinon rien. Sa voix claque à nouveau dans le silence et ses iris s’ancre au siens, le perçant plus encore tandis qu’il tonne, gronde, appose son ascendance avec une facilité déconcertante :  
- Avant, j’aurai besoin de plus d’infos.

Ⓒslythbitch.

Il regarda sa montre. Plus que deux minutes avant l’heure donnée. Le médecin était à peu prêt certain que le type allait être pile à l’heure. Pas une seconde de plus ou de moins. Deux minutes pour changer d’avis. S’il fuyait, l’autre en serait furieux et peut-être qu’il allait le poursuivre pour lui avoir fait perdre son temps. Lase prit une bouffée de sa cigarette oubliant vite cette idée. Il ne voulait pas avoir un fou furieux – un autre – aux fesses. Ou, il passerait à autre chose et l’oublierait vite. On ne savait jamais avec ces types et le garçon ne voulait pas tenter l’exercice. De toute façon, il était bien décidé. Il voulait obtenir sa vengeance. Retrouver ce qui lui était dû.

Il l’avait aussitôt reconnu. Dès qu’il avait tourné le coin et que son ombre avait traversé la ruelle dans laquelle il se trouvait, Laserian avait su que c’était l’homme qui lui avait donné rendez-vous. Il s’était attendu à une stature plus imposante et large par la voix grave et sèche qui s’était adressée à lui au téléphone. Cela n’empêchait pas que le jeune homme se sentit petit dans ses culottes lorsque le regard sérieux de l’homme croisa le sien. Il sentit les poils sur ses bras se hérisser et il eut un mouvement de recul. Lorsque l’homme arriva à sa hauteur, Lase se décolla du mur et se positionna droit, presqu’en garde à vous tellement il était intimidé. Il n’était peut-être pas très imposant, mais sa posture ne laissait aucun doute qu’il était un homme inébranlable et qui savait se faire respecter. Le Sutherland ne savait pas trop s’il devait le remercier de l’aider ou s’il devait se présenter ou même le saluer. Il n’avait jamais fait ça. Demander à quelqu’un de faire un sale boulot pour sauver sa peau. Quelqu’un qui travaillait au noir, qui n’avait pas peur de se salir les mains et qui flirtait constamment dans l’illégalité. Ce n’était pas pour rien que l’ami de son père ne voulait pas être mêler à ça. Il décida donc de rester silencieux, attendant les instructions de l’asiatique qui ne semblait pas être le plus bavard. Il porta sa cigarette à sa bouche pour passer sa nervosité et aussi le temps, mais l’homme n’était pas de cet avis. D’un air irrité et sans avertissement, il attrapa le bout empoisonné et l’écrasa de sa botte bien cirée. Lase resta bouche-bée quelques secondes, l’air indigné de s’être fait arracher sa nicotine sans ménagement. "Hé! C’est quoi votre prob…Okay, okay. Pas de cigarette. Compris. " Au regard qu’il lui avait lancé, Lase avait compris que valait mieux ne pas jouer à l’enfant et que c’était sans discussion. Il grogna à son tour, mais il savait qu’il n’avait pas le droit à l’erreur. Un seul faux mouvement, fausse parole de sa part et l’homme partirait sans demander son reste. Après tout, il ne lui devait absolument rien et s’il était là c’était seulement parce qu’ils avaient le même homme pour cible. Le garçon pouvait tout aussi bien le laisser faire tout le travail, au moins il allait être débarrasser de Gronk, mais il voulait être là. Son esprit avait besoin d’assister et même de participer à la chute de son bourreau. Il frotta sa barbe naissante au menton alors qu’il se sentait sonder par le mec devant lui. "Alors euhm en gros, il m’a volé un tas de fric. Il m’a pris au mot alors que j’ai lancé un pari à la blague, que j’ai perdu. Comme je le remboursais pas, il a envoyé ses colosses me battre et ils ont écrasé ma main et je peux plus pratiquer la chirurgie depuis." Il leva sa main enroulée dans un bandage pour en démontrer la preuve, même si ce n’était pas vraiment utile. Expliquer à voix haute la raison de pourquoi il avait fait appel au mercenaire paraissait anodine, voire immature. C’était plus compliqué que ça en réalité. Les misères dans lesquelles il s’était fourré découlait en bonne partie de ce pari lancé en l’air dans le feu de l’action. Leurs échanges étaient encore soft, Laserian savait de quoi son ennemi était capable, mais il voulait régler le problème avant qu’il ne décide de s’en prendre à Erin ou à sa famille. "Vous allez m’aider?"

Ⓒslytbitch.

Gronkonski. Nom tintant dans son esprit. Seul intérêt à ce rendez-vous donné. Unique raison de sa présence ici. Yong-Sun fait face à son interlocuteur. Yong-Sun grogne, peste sur cette cigarette fraîchement allumé. Sur cette odeur amère tant détesté. Il ne le connaît pas. Mais il ressent pourtant le besoin de le dominer. De lui faire savoir qu'il peut partir d'un claquement de doigt. Ses sourcils se froncent sur son front déjà plissé et il ne va pas par quatre chemin. Il lui quémande plus de détails, grognant plus encore sous ses protestations poussées. Sous ses mots claqués à cette cigarette écrasée du bout de son pied. Il n'aime pas le ton employé. Il n'aime pas cette tentative de rébellion et il serre la mâchoire. Il souffle entre ses dents serrés :
- Tss. Il y a intérêt.

Non. Il n'aime pas être contredits et ce n'est pas lui qui ira s'excuser. Ses règles. Ses interdictions. Sinon, il partira sans se retourner. Il le laissera dans sa mouise sans l'ombre d'une culpabilité. Il n'est ici que pour Gronkonski et ce n'est pas cet être. Cet homme. Ce jeune. Qui lui dictera ce qu'il doit faire. Oh non. Seul Morgan peut s'y risquer. Seul lui peut le mener. Car il lui a donné sa pleine loyauté. Une loyauté exemplaire, jamais brisée.

Yong-Sun se redresse et ses yeux percent la silhouette infligée. Sous ce grognement susurre, il grogne plus fort et il continue de le sonder. Il reste droit. Impartiale dans ce costume noir, semblable à la pénombre entourée. Il ne parle pas. Il se contente de l'écouter, grognant de temps à autres au tableau dessiné. Question d'argent volée. De pari lancé. Stupidité. Échec cuisant. Mise à tabac et volonté apparente de se venger. Métier dévoilé. D'un chirurgien privé de ses fonctions. Pas de compassion. Pas de geste émis avec douceur. Pas de lueur dans ses iris inlassablement dénués. Seuls des grognements. Une vieille rancoeur présent qui a grand besoin d'être assouvie. D'un vieux souvenir enfoui. D'une affaire certes, non similaire. Plus dangereux. D'un mercenaire à un autre. D'une collaboration touchée, brisée, souillée qui a mal fini. D'un poignard planté dans le dos une fois tourné. D'un revirement de situation frappé, pour une question de dominance désiré. De terrain convoité. Gronkonski est un lâche. Gronkonski est un traître et cette traîtrise doit être vengée. Elle doit être payée. Au prix fort d'un acte meurtrier.
- Je vois. Schéma typique. Naïf. C'est désolant. Tu as eu de la chance que ça ne soit que ta main.

Son ton est rauque et ses propos, accusateurs. Sans filtre ni compassion. Oui. Naïf. Cet homme est naïf mais Gronkonski est maître en manipulation. Il le sait. Il l'a déjà expérimenté. Lui. Yong-Sun au coeur de pierre. Aux sentiments inexistants, volés. C'est pourquoi, il ne rajoute rien de plus. Un léger soupir traverse la barrière de ses chairs et il roule des yeux. Regarde cette main bandée, brandit comme signe d'une preuve non désirée. Il grogne de plus belle à la question posée. Sa langue claque contre son palais et il rétorque :
- Je ne serai pas là sinon.

Avant d'ancrer à nouveau son regard dénué. Avant de s'avancer, avec lenteur et domination souhaitée. Désir. Oui. De montrer sa prestance. Sa puissance. Désir pourtant voilé. D'une attitude innée. D'un besoin animal oublié. Yong-Sun marque une pause. Il laisse un silence coulé. Ses pas le mènent vers cet être qu'il souhaite inconsciemment le voir plié. Soumis. Et il ajoute, susurre, murmure d'une voix rauque en sortant de l'intérieur de sa veste, un revolver caché.
- Mes règles. Mes directives. Tient. Tu auras besoin.

Main dressée pour ce cadeau empoisonné. Yong-Sun lui tend cette arme en se contrefichant bien du choix imposé. Oui. Ses règles. Ses directives. Une dernière mise en garde et une dernière volonté de savoir, avant de s'enliser dans la bataille. Sans retour en arrière toléré.
- J'espère pour toi que tu sais dans quoi tu mets les pieds. Je ne tolérerai aucune faiblesse. Tu veux te venger? Alors tu devras payer les conséquences. Jusqu'au bout. Ne compte pas sur moi pour te tenir la main et te materner. Est-ce assez clair?

Ⓒslythbitch.

Laserian avait l’impression d’être un enfant sous le regard sévère de cet homme à l’allure sophistiquée. Il se sentait minuscule et il n’avait qu’une envie, c’était de s’enfuir sans demander son reste. Il ne comprenait pas cette drôle de sensation d’homme soumis qui l’obligeait presque à pencher la tête et à regarder au sol dès que l’autre s’adressait à lui. Tel un chien qui acceptait d’être le plus faible. Sa voix rauque lui transperçait les oreilles et il voulait juste lui obéir. Lase n’aimait pas ça. Il avait toujours été fier et au-dessus de tous. Il avait toujours été le plus intelligent, celui qui donnait les ordres et qui dirigeait. Au bloc, il était le chef et il orchestrait ses opérations d’une main de maître. Mais une force invisible l’obligeait à rester en retrait et à ne pas confronter l’asiatique. Il se sentait jugé et rabaissé. Le mot « naïf » lui était rentré dedans plus que de raison. Oui, il l’avait été et il s’en voulait tous les jours. Il n’aurait pas dû se croire plus malin ce soir-là et surtout, il n’aurait pas dû commencer à fréquenter Gronkonski et ses soirées poker douteuses. Il savait tout ça, mais le mal était fait. Il avait simplement haussé les épaules, comme un adolescent pris en flagrant délit par son paternel pour un acte dangereux et immature, mais dont il banalisait les enjeux. Ce n’était pas le cas bien sûr, le Sutherland avait conscience du merdier dans lequel il s’était mis les pieds et il était loin de s’en moquer, mais il n’avait pas à subir les remontrances d’un pur inconnu. Il n’avait pas fait appel à lui pour l’humilier.

Une chose était sûre, l’homme n’était pas un rigolo. D’un côté, ça soulageait Laserian d’être tombé sur un type sérieux et non pas sur un amateur. Ça aurait été le bouquet qu’il ait fait appel à un imposteur. Quelque chose lui disait que l’asiatique réussissait toutes ses missions et qu’il n’abandonnait pas tant que ce n’était pas terminé. Il avait affaire à un professionnel et ça le rassurait.  Et en même temps, ça le rendait nerveux, même s’il le cachait. Il était loin de s’imaginer dans quoi il s’était embarqué, mais il devait le faire. Il devait se venger. Il était au pied du mur et il n’avait pas d’autre solution pour se sortir de sa bévue. Il eut un mouvement de recul en voyant l’homme s’avancer vers lui et sortir quelque chose de sa poche. Un fusil. Ses yeux devinrent ronds et il se lécha la lèvre supérieure avec sa langue, à la fois apeuré et excité. Il en avait déjà tenu une dans sa main, mais c’était seulement pour tirer sur des vieilles conserves vides chez son pote, alors qu’il était encore au lycée. Il sentit le métal froid de l’arme lui brûler les doigts. Il avait doucement hoché la tête alors que robuste proclamait que c’était ses règles et ses directives. C’était vrai. Il allait vraiment le faire. Lase allait flirter avec l’illégalité. Si ça s’apprenait, s’en était fini de sa carrière et de tous ses accomplissements. Il risquait gros et il le savait. Il pouvait tout perdre. Encore plus que s’il avait décidé de s’affranchir de sa dette auprès de Gronk.

Réalisant qu’il ne pouvait plus reculer, le jeune homme inspira un bon coup et mis l’arme dans la poche arrière de son pantalon. "Oui, m’sieur. " Répondit-il d’une petite voix. Si l’autre avait peur d’être tombé sur un empoté et maladroit, il allait être soulagé. Lase savait se montrer droit et il savait contrôler sa nervosité. Son métier obligé."Gronk et ses colosses mangent toujours au Hell’s Kitchen avant de se rendre à sa salle privée dans le sous-sol de son manoir. " Lase avait assez fréquenté son ennemi pour connaitre son horaire. Par contre, tous ceux qui travaillaient pour lui le connaissaient très bien et ils n’hésiteraient pas à signaler à leur patron qu’il était là. "Vous avez une idée de comment vous allez procéder? " C’était lui l’expert après tout. Il devait sans doute avoir un plan. Ce n’était pas la première fois qu’il devait s’infiltrer sur un territoire ennemi. "Au fait, merci pour votre aide." Lase allait sans doute recevoir un grognement pour toute réponse, mais il devait lui dire.

Ⓒslytbitch.

Yong-Sun ancre ses iris dans ceux du jeune imposé. Sa voix rauque claque dans le silence et son regard est froid, inexpressif sous ses grognements claqués. Oui. Ce jeune a tout intérêt de se montrer à la hauteur espérée.  De ne pas hésiter maintenant qu’il a mit les pieds dans ce bourbier. Son choix. Ses conséquences désormais. Yong-Sun n’est pas genre à materner. Yong-Sun ne sait déjà pas le faire avec son propre fils délester. Quand bien même, Yong-Sun ne compte pas le protéger. Ce n’est pas son rôle. Ce n’est pas sa manière d’opérer. Ce n’est pas dans ses habitudes aussi alors que son attitude tend toujours à être gelé, glacé. D’un homme sans émotion particulière. D’un mercenaire venu ici uniquement pour se venger. Le soumis met l’arme dans sa poche et Yong-Sun grogne sous l’acte approuvé.
- Bien.

Oui. Ses ordres. Ses directives. Yong-Sun ne tolérai aucune faiblesse claquée. Il éprouve plus intensément le désir de le soumettre à son autorité. Son corps se tend naturellement et un "tss" est lancé. A la question posée. Légitime cela dit au processus choisi, d'une mission menée.
- Il te connait. Il me connaît. Jouer la subtilité ne sera pas nécessaire. Pas avec lui.

Pas avec Gronkonski, aussi manipulateur et fourbe qu'il est. Il l'a déjà poignardé. Lui. Yong-Sun qui pourtant, n'est pas un mercenaire jeune né. Qui est loin d'être à son premier coup d’essai. Il l'a déjà surpris. En retournant sa veste sans qu'il ne parvienne avant à voir le coup venir. Non. Mentir. Jouer de finesse et faire semblant de courber l'échine ne sera pas nécessaire. Gronkonski comprendra facilement. Yong-Sun ne peut pas nier qu'il est d'une extrême intelligence et que cette intelligence ne peut être sous estimé. Il l'a lui-même sous estimé. Il en a goûté aux  conséquences. Yong-Sun n’est d’ailleurs pas fait pour la subtilité et il va droit aux faits. Il est ce qu’il est. Un tueur sans foi ni loi. Un mercenaire oui, dirigé uniquement par un allié choisi. Respecté. D’une dette qu’il consent toujours à payer.  Un grognement s'échappe de la barrière de ses chairs et un merci est lancé. Chose qui ne le touche outre mesure alors que Yong-Sun tend à enchérir d'emblée. Pour ne pas laisser l’autre espérer.
- Ne me remercie pas. Ne crois pas surtout que je le fais pour toi. J’ai une affaire personnelle à régler.

Vérité claquée d’un même ton envenimé, blasé. D’un homme au cœur fermé, cadenassé sans qu’il n’en éprouve le moindre regret.
- Pour en revenir au fait, nous allons directement les confronter. Proposer un marché. Ensuite, j’aviserai. Mais le sang sera coulé. Sois prêt. Allons-y. Et à l’avenir, ne pose plus aucune question inutile.

Yong-Sun n'a déjà que trop parler. Lui, qui n'aligne pas autant de mot autre que ses grognements tintés. Ses sourcils se froncent sur son front déjà plissé et Yong-Sun n'attend pas de réponse espérée. Ils n'ont déjà que trop tarder. Ses pas le mènent dans l'obscurité jusqu'à ce restaurant. Hell's Kitchen. Où il ne prend guère la peine de se présenter.

"C'est pour…. Monsieur?"

- Tss.

Serveur surpris de les voir ainsi entrer, arpenter le restaurant sans daigner s'arrêter. Sans même daigner le regarder alors que Yong-Sun tend déjà à se diriger vers le point indiquer. Vers une table isolée au loin où plusieurs hommes y sont installés.
"Yong-Sun et… oh qui vois-je. Le parieur infortunés ! Que me vaux l'honneur de votre visite? J'imagine que ce n'est guère la peine de vous inviter à notre table. Un whisky peut-être? Il serait fort dommage de venir ici sans un peu en profiter. Comment vas-ta main? Cela doit être particulièrement dur pour toi d'exercer maintenant. Comme c'est dommage. Un si beau gâchis."

Sourire esquissé. D'un homme amusé par la situation claquée. D'un homme enclin à appuyer sur ces derniers mots pour piquer le jeune à la main meurtrie et brisé. Yong-Sun lève les yeux au ciel aux insinuations lancé. Un énième grognement est échappé aux piques dressé au soumis à ses côtés. Il trouve cela pathétique. Il reste immobile et froid sous la menace glissée. Seul son regard se pose sur Gronkonski, ainsi avachie à sa tablée.
- Tu me dois un entretien. Ne me fais pas attendre et allons droit au fait.

Ⓒslythbitch.

Il avala de travers lorsque l’homme lui signala que la subtilité était inutile et qu’ils allaient confronter Gronkonski tout simplement. Sans flafla, sans plan, sans s’annoncer. Laserian devait avouer que ça le rendait nerveux. Certes, il avait raison. Ça ne servait à rien d’y aller par quatre chemins avec Gronk. Il était intelligent et perfide. Il réussissait à sentir les coups fourrés et à les déjouer. Lase l’avait vu faire à de nombreuses occasions. Il aurait tout de même aimé être plus préparé, savoir à quoi s’attendre, savoir quoi faire. S’il devait garder silence et laisser le professionnel se charger de tout, comment se positionner ou comment agir. Il aurait voulu savoir tellement de chose avant de se lancer dans le repaire du Diable. Il n’avait jamais fait ça. Il n’avait jamais eu besoin d’utiliser la violence. Il n’était qu’un simple chirurgien à la vie enviable, du moins, jusqu’à maintenant. Il avait toujours su s’entourer des bonnes personnes qui s’occupaient de ses frasques. Mais à présent, il n’avait plus personne pour réparer ses erreurs et c’était exactement pour cette raison qu’il se retrouvait dans cette ruelle avec cet inconnu dont le regard froid lui donnait des frissons dans le dos. Il était à peu près certain qu’il avait aperçu un éclat rouge traverser ses iris.

Il ne pouvait pas vraiment compter sur le type pour lui expliquer tout ça. Lase avait bien compris que le mercenaire n’en avait rien à faire de lui et qu’après tout ça, s’ils s’en sortaient bien, ils n’allaient pas s’échanger leurs numéros de téléphones et aller déjeuner ensemble pour se remémorer leur folle soirée. Lui aussi voulait avoir la peau de Gronk, c’était leur seul point commun et parce qu’il semblait un homme de parole, il acceptait de traîner le médecin avec lui pour que ce dernier assiste à la chute de leur ennemi. Il aurait très bien pu aller s’en charger seul, mais il avait peut-être senti le besoin presque vital du Sutherland de se venger. Et au final, c’était tant mieux si Lase n’avait pas à faire quoi que ce soit. C’était vrai qu’il voulait juste le voir souffrir.

Lase hocha la tête en silence devant les dernières informations données. Sans une parole de plus, l’homme se mit en route et Lase le suivit en silence tentant de se faire le plus petit possible. Vraiment, il n’avait pas envie d’être une plaie. Il se rappelait qu’à la première erreur qu’il commettait, leur alliance était terminée. Il avait une forte envie de s’allumer une cigarette, là tout de suite et par habitude, il mit sa main dans la poche de sa veste, mais en regardant le dos qui le devançait, il se ravisa. Ils s’arrêtèrent quelques secondes sous l’enseigne du célèbre restaurant. Lase ne pu retenir un soupir nerveux et se dire pour la centième fois ce qu’il fichait là. Un coup d’œil rapide à sa main blessé le lui rappelait bien vite. L’asiatique ne lui demanda pas s’il était prêt, ni rien et il pénétra dans les lieux. Il ne prit pas la peine de se présenter et il ignora le serveur prêt à les accueillir. Lase passa devant sans un regard et tous les deux se dirigèrent vers une table toute au fond. Il aperçut aussitôt sa cible et il ressentit un mélange d’appréhension et de haine.  L’autre tête à claques les reconnut et il parut surpris de voir le duo ensemble, même s’il ne laissa rien paraître. Comme à son habitude, il y alla de ses petits commentaires sarcastiques qui avaient le don d’énerver le médecin à la patte cassée. Ce dernier avait bien du mal à garder son calme. Il avait juste envie de monter sur la table et d’aller le frapper, même s’il se doutait qu’il ne réussirait même pas à l’atteindre vu ses sbires qui l’entouraient. Certains s’étaient même levés pour affronter les deux hommes, mais leur chef les avait fait rasseoir. Lase ne répondit pas à ses questions, même si ça l’atteignait. Il tentait de ne pas réagir pour ne pas lui donner satisfaction.

-"Un entretien Lee? On a pas rendez-vous à ce que je sache. Et que fais-tu avec cet idiot? Tu fais la charité maintenant? Tu joues les baby-sitter?" Son groupe éclata de rire et Laserian serra le poing de sa main valide. Il en avait marre d’être humilié de la sorte. Il faisait bien le fier, Gronk, entouré de ses rapaces, mais c’était une vraie merde qui n’était rien sans ses colosses. "Sutherland, tu as décidé de me payer, finalement? Il était temps." Son sourire était carnassier et Lase sentait la grogne monter. "Je ne te dois rien du tout. C’était pas un vrai pari et tu le sais. " Gronk retrouva vite son sérieux. "Quand quelqu’un lance « Je te pari dix milles balles », c’est un vrai pari. Et un parieur comme toi devrait connaître les règles. Alors…où est mon fric? Si tu l’as pas, c’est pas nécessaire de rester ici. Il te reste encore un jour." Il lui fit signe de la main de dégager, mais Lase ne bougea pas, jetant un coup d’œil vers son partenaire du soir. "Alors Yong-Sun? Qu’est-ce que tu veux? J’ai pas toute la soirée." Il se repositionna confortablement dans sa banquette, les doigts de ses mains liés ensemble attendant une réponse.

Ⓒslytbitch.

Tension claquée. Tension à peine dissimulée dans ce bar bondé. Yong-Sun n’est pas là pour le soumis à ses côtés. Yong-Sun n’est pas là pour le materner. Yong-Sun n’est pas là non plus pour faire dans la dentelle et il veut aller droit aux faits. Il grogne. Il se tend d’autant plus. Sa patience est mise à rude épreuve et l’amusement de Gronkonski l’irrite, le perce, le transperce derrière ses traits inlassablement tirés. Cette mauvaise graine n’a en rien changé. Il joue de ses mots. Il se pavane derrière sa basse-cour comme un roi suprême sur son trône. Manipulateur. Joueur. Déloyal et fourbe. Des menaces sont proférées. Des piques sont lancés sur le soumis à ses côtés. Yong-Sun lève les yeux au ciel. Yong-Sun trouve cela d’un pathétique inné. Ses grognements franchissent d’autant plus la barrière de ses chairs et il ancre son regard froid sur son adversaire ainsi avachi à sa tablée.
- Tss. Navrant.

Pathétique, oui. C’est le mot parfait. Sa requête est expédiée et des éclats de rire sont éclatée. D’une bande de hyène incapable de réfléchir seul par une non intelligence dessinée. A nouveau, des piques sont murmurés. Des allusions fort peu éclairées sont lancé. Yong-Sun est irrité. Yong-Sun trouve cela affligeant et il laisse Lase s’exprimer. Il ne prend pas la peine de prendre sa défense. Ses problèmes. Les siens. Il n’est ici que pour le même homme désigné. Il n’est ici que pour se venger. De nouveau, un grognement est lâché et ses sourcils se froncent sur son front déjà plissé. Humiliés des deux côtés, par ce même adversaire ainsi amusé. S’en est trop. Sans bouger d’un millimètre, Yong-Sun se redresse et lâche derrière un visage particulièrement tiré, au serveur ainsi approché, inquiet peut-être de la tournure que prend cette situation claquée, dessinée, involontaire et non voulu dans ce restaurant d’une grande simplicité.    
- Dégagez. Vous et vos clients. Je ne le répéterai pas deux fois alors vous avez tout intérêt à m’écouter.

Yong-Sun s’en contrefiche bien qu’il leur arrive quelque chose. Yong-Sun s’en contrefiche bien des corps qui peuvent tomber, sombrer, dans cette vendetta créé. Mais le but n’est pas non plus que cette guerre tourne au massacre et mette la team, Morgan, dans un bourbier irréfléchi et bancale. Ses règles. Ses ordres. Yong-Sun tient à mettre les choses aux clair et le faire bien. Si on peut dire. D’un homme, oui, qui tend toujours plus à l’irriter, le piquer, le frôler derrière ce sourire fort bien abusé.
“Par… Pardon?”

Le serveur ne comprend visiblement rien et ses yeux vaquent de tout côté. Yong-Sun soupire devant le regard échangé, répétant une seconde fois en une voix rauque, claquante qui le ferait presque reculer.
- Partez si vous tenez un tant soit peu à la vie. Es-ce plus clair?

Yong-Sun n’a pas plus de patience pour l’expédier. Son regard est froid et le serveur déglutit avant d’acquiescer. Il ne comprend rien à ce qui se passe mais il invite ses autres clients à le suivre hors du restaurant pour plus de sécurité. A côté, Gronkonski ricane et ce ricanement fait grogner une ultime fois le mercenaire qui n’attend pas plus pour sortir son arme. Un coup. Un seul. Une balle est expédiée. La tête d’un des hommes assis à la tablée est touchée. Le corps est tombé. L’assise, souillée et Yong-Sun ne cille pas devant son geste parfaitement calculé. Le bras tendu, les traits tirés, le revolver se tend cette fois vers l’adversaire surpris, pris au fait qui s’est aussitôt redressé, ses chiens sur ses talons en une bombe ainsi posée.
- Je n’ai pas la mienne non plus. Tss.

Pas besoin d’en dire plus. Pas besoin de dire plus d’explication alors que son geste suffit à lui-même. L'atmosphère autour se tend persiblement. Les armes sont dressés. Les regards sont fixés, figés et Yong-Sun se contente de dire au soumis à ses côtés dans une voix qui ne tolère aucun retour en arrière.
- Pas le temps pour un marché. Tu voulais te venger? Fais le.

Ⓒslythbitch.

Tous les deux ne voulaient pas démordre. Chacun tenait à sa position et croyait à sa version des faits. Tous les deux étaient trop têtus pour flancher. Alors que ça aurait été beaucoup plus simple pour tout le monde, si l’autre ordure pouvait avouer qu’il avait tout faux et qu’il avait tout inventé. Quelque chose lui disait que ça n’arriverait pas. Tout ça, c’était inutile. Les deux étaient orgueilleux, mais la différence était que Lase était à court de munitions. Il n’allait pas pouvoir jouer le jeu encore très longtemps. La balle était dans son camp et elle allait probablement y rester s’il ne tentait pas quelque chose. Il n’aurait plus la chance de la renvoyer. Comme son adversaire venait de le signaler, il restait deux jours à son dernier avertissement. Après, qui sait ce qui allait arriver au chirurgien. La main brisée n’était qu’un avant-goût. Dans deux jours, peut-être qu’il n’aurait plus de jambes, plus de main gauche, plus d’œil. Voire pire. Il pourrait s’en prendre à ses proches. Ce fou était prêt à tout.  Lase commençait à regretter d’avoir cru qu’il pouvait gagner contre Gronkoski. Il avait cru à tort qu’il pouvait se montrer plus malin et qu’il pouvait le vaincre. L’autre baignait dans les activités louches et illégales depuis des années. Il connaissait le fonctionnement. Il avait des tas de contacts et d’informateurs dispersés partout. Ce n’était pas pour rien qu’il était toujours entouré de gorilles. Il s’était fait de nombreux ennemis à force de faire des coups fourrés et à coups de manipulation bien placée. Le Sutherland n’était pas de taille, même avec l’homme de marbre à ses côtés.  

Il ne s’attendait pas à ce qu’il réplique à la joute verbale avec Gronk. Il ne s’attendait pas à ce qu’il prenne sa défense ou quoi que ce soit. Il était évident qu’il était là que pour lui et qu’il en avait rien à cirer des problèmes du médecin. Il avait accepté de l’accompagner, pas d’être son garde du corps. La sueur commençait à se former sur le front humide du jeune homme. Gronk ne semblait même pas un peu déstabilisé. C’était à peine s’il avait réagi en voyant le duo débarquer ensemble. Il avait été surpris, certes, mais pas choqué. Il avait gardé sa face à claques et s’était permis de les rabaisser. Il était en parfait contrôle de la situation. C’était lui qui menait. Si l’asiatique réussissait à garder son calme, ce n’était pas du tout le cas de Laserian qui sentait le peu de courage trouvé, vouloir s’enfuir.

Sans doute fatigué de faire traîner les choses, Yong-Sun demanda au serveur curieux de sortir et d’emmener les clients avec lui. Lase déglutit. Il avait quoi en tête celui-là? Ses yeux allaient du mercenaire aux convives interloqués par les cris du serveur qui ne prenait pas cela à la légère. Le Sutherland aurait probablement réagit de la même façon s’il avait été à la place du serveur. Le regard de l’homme aux yeux bridés glaçait le sang. On ne voulait pas le mettre en colère. Pourtant, Gronk, lui, gardait son sourire mesquin, aucunement intimidé par la menace du tueur. Puis, un mouvement rapide, un fusil sorti et une balle qui trouva son nid dans la tête de l’une des rapaces. "WHAT THE FUCK!!" Avait crié Laserian en reculant. Son cri s’était perdu dans les hurlements surpris des clients. Il ne s’était pas attendu à ça. Il en avait vu des morts dans sa vie, mais pas en live. Il passa une main dans sa tignasse se demandant pour la centième fois dans quel merdier il avait mis les pieds. C’était la folie dans les lieux. Les consommateurs beuglaient et se dépêchaient de sortir. Les chaises et les tables étaient renversées et les couverts étaient brisés. La tête de Lase voulait exploser, ses yeux balayaient avec horreur la salle à manger. Et Yong-Sun était une statue au travers de ce fouillis. Comment il faisait? Quant à Gronk, il semblait réagir pour la première fois. Il rageait et le sang giclé sur lui n’aidait en rien au tableau de fureur qu’il offrait. Il voulait la peau de l’asiatique. Il s’était levé d’un même mouvement avec ses hommes. Leurs armes étaient braquées sur eux et le jeune homme avait empoigné le sien. À côté de lui, le mercenaire était stoïque, prêt à réagir s’il le devait, mais certainement pas pour rien. D’un chuchotement sec, presqu’un ordre, il lui signala que c’était le moment ou jamais de se venger. Le Sutherland avala de travers. Tout se passait trop vite, mais s’il ne faisait rien, c’est lui qui allait morfler. Encore une fois. Gronk n’allait certainement pas se gêner pour lui faire la peau. Il ne réfléchit pas et appuya sur la gâchette. À sa grande surprise, sa balle toucha sa cible. Droit dans l’épaule de cet idiot. Une vague d’excitation s’empara de lui. De voir la douleur et la surprise déformer ses traits était jouissif. J’vais te faire la peau, Sutherland. Un autre tir partie aussitôt, cette fois sur le pied. Il ne maitrisait pas encore très bien son visu. Enfin, il souffrait. Enfin, il était déstabilisé. Alors que l’autre s’était accroupi au sol en se tenant le pied, il chargea son revolver et le pointa sur sa tempe. "C’est marrant, c’est pas ce que je dirais." Sa respiration était rapide, son cœur allait débarquer à force de pomper aussi vivement. Lase affichait un sourire animal alors que son ennemi était à sa merci. Il pouvait en finir, là maintenant. Fini les menottes invisibles qui le liaient à lui. Fini la peur constante d’être embusqué chaque fois qu’il tournait un coin de rue. Mais voulait-il tomber aussi bas ou avait-il encore un peu de dignité? Il releva la tête vers son acolyte du soir. "C’est cool. Je me suis vengé. On peut y aller. "

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Non. Yong-Sun n'a pas le temps d'attendre ni de parlementer. Il sait qu'il doit prendre une décision. Une décision toute tracée alors qu'il n'en éprouve aucune culpabilité. Son bras se tend en avant et la balle est lancée. Un corps est touché. Du sang gicle mais Yong-Sun ne cille pas une seule seconde devant son geste parfaitement calculé. Des cris s'élèvent. Des armes se chargent. Une atmosphère lourde tombe dans ce restaurant déserté et une injure est lâchée. Des sourcils sont plissés. Un énième :
- Tss.

Traverse la barrière de ses chairs à la vulgarité lancé par l'homme tout à côtés. Mais pas le temps de lui faire une remarque sur son langage. Pas le temps de le foudroyer du regard. Ce regard, Yong-Sun le préserve pour Gronkonski qui se redresse d’emblée. Il semble surpris, colérique. Un son grave sort de la barrière de ses chairs et ses hommes sont levés. Il s’essuie brièvement sa peau immaculée. Le visage fermé, Yong-Sun ne cille pas une seule seconde de son côté et reste immobile, droit, invitant l’autre à se venger. Ses règles. Ses lois. Il ne fait pas attention au vacarme créé. A la peur engendrée. En vérité, il sait d’avance qu’il pourra faire appel à Morgan pour régler certains détails et quand bien même, il n’éprouve aucun sentiment particulier à ces pauvres gens traumatisés. A cette flaque de sang formé. A ce cadavre avachi sur la table éparpillée. A Lase tout à côté qui se réveille enfin pour tirer sur l’ennemi dressé. Il se contente de rester là, l’allure droite et les muscles crispés. Tendus par la concentration. Il se contente de balayer les autres hommes de son arme. Hommes qui ne savent plus trop quoi faire sans les ordres de Gronkonski qui flanche en arrière sous le coup d’une balle tirée.
- Hum.

Seuls mots qui traversent ses lèvres. Seule approbation qui filtre ses traits parfaitement tirés. Yong-Sun ne sourit pas. Yong-Sun se contente de rester neutre face à ce geste violent et froid mais il laisse l’autre se venger. Non pas par compassion. Non pas par gentillesse. Il ne sait pas ce que c’est. Il ne sait pas ce que cela signifie. Il le laisse faire, c’est tout. Ni plus ni moins. Il ne cille même pas quand l’ennemi dressé râle, peste, insulte l’autre à la volée. Il a eu ce qu’il voulait. Il a eu ce qu’il méritait. Yong-Sun grogne cependant quand Lase - pourtant sur sa lancée - change d’avis sur l’acte mérité. Ses mots le font gronder et Yong-Sun lève les yeux au ciel, lâche un nouveau :
- Tss. Pousse toi.

En secouant la tête avant de - lui-même - se rapprocher. Pas d’état d’âme. Pas de compassion, encore moins pour Gronkonski qui ricane devant la faiblesse du jeune tout à côté.
“Même pas foutu de finir le travail. Pathétique.”

Un crachat. Un regard dirigé sur Lase puis sur Yong-Sun qui grogne de plus belle, l’arme dressée. Les secondes défilent. L’atmosphère - oui - s’alourdit. Yong-Sun charge son arme et les mots de son ennemi - à nouveau - résonnent à ses oreilles comme un point final à cette mascarade claquée.
“On se retrouvera en enfer Lee. Allez tire qu’on en finisse.”

- L’enfer n’existe pas.

Une seconde. Une seconde qui suffit à Yong-Sun pour tirer sur Gronkonski. Pour finir ce que Lase n’a pas été fichu d’achevé. La balle fuse, siffle. La balle traverse le crâne de l’ennemi dans un bruit sec, invitant le silence à s’installer dans le restaurant devenu dépassé. Yong-Sun abaisse son bras. Yong-Sun ne prend même pas la peine de regarder le corps de Gronkonski tressauter, s’affaler. Il se contente de se retourner, lançant au jeune tout à côté sans même lui adresser un dernier regard échangé.
- On y va.

Yong-Sun ne prend même pas la peine de regarder les autres hommes ainsi dressé. Hommes qui ne savent plus trop quoi faire maintenant sans leur chef attitré. Il sort du restaurant, Lase sur ses pas. Sa main vient à ranger son arme chauffé et l’autre vient à sortir son téléphone portable, tapant un numéro bien familier. Appel bien vite répondu à cette voix grave, appréciée, pour en donner à lui seul toute sa loyauté.
- C’est moi. J’aurai besoin de ton aide.

Pas de justification murmurée. Pas maintenant du moins. Un grognement échangé et une approbation grondé. Yong-Sun grogne en retour et l’appel est ainsi achevé. Ses pas le mènent à l’écart et sa voix - une fois de plus - claque dans ce nouveau silence bercé à l’attention du plus jeune dont il ne prend même pas la peine d’observer. De regarder. Pour n’en éprouver - non - aucune compassion échangée. Même après l’épisode claqué. D’un meurtre - pur et simple - dont lui à l’habitude pour y baigner depuis déjà de nombreuses années.
- Tu as eu ce que tu voulais. Dégage maintenant. Rentre chez toi. Je m’occupe du reste.

Ⓒslythbitch.