Blood Run Cold

Blood Run ColdJessica & EricaLa casquette consciencieusement enfoncée sur la tête, la Dame relance sans grandes convictions le levier de la machine à sous qu’elle squatte depuis désormais une bonne heure sans interruption. En accord avec son patron, et afin d’attraper un suspect recherché dans les quartiers de Fenyick, il a été décidé de mettre en place certaines ressources particulières, autorisant ainsi au Sergent de procéder à la dépense d’une somme d’argent qui ne pourra guère être récupérée un jour. Assez ironiquement toutefois, pour éviter tout déferlement de mauvaise publicité quelconque, Shaw est cependant seule sur le coup. Pas d’oreillette à la sauce mission secrète, pas d’équipe qui patiente dans une camionnette pour l’aider à capturer leur poisson. Non, rien de tout ça, seulement elle et sa mauvaise humeur habituelle. Elle en soupire, pour la énième fois consécutive ce soir, alors qu’elle commence à s’impatienter. Ce sentiment de perdre son temps ne se fait que trop ressentir tandis que la femme doute sérieusement de ses intels. Un de ses contacts lui avait certifiée que sa proie effectuait pas mal de ses tournées au sein du casino « Dreamer’s Palace » mais force est de constater qu’elle n’a toujours pas aperçu ne serait-ce qu’un doigt correspondant à son suspect. Des abrutis qui hurlent à tout va, des bousculades parce que certains gagnent et d’autres perdent, et des tentatives de drague avortées, ça oui, elle en a remarqué plus d’un. Mais Marcos Santiago ? Nope, que dalle, nada. Chou blanc, comme on dit. Peut-être que finalement, l’intéressé a décidé de raccrocher sa veste.

A cette pensée, Shaw ricane, secoue doucement la tête. Impossible qu’il abandonne ses actions. Elle connait bien le gars Shaw, elle sait que c’est un addict, un féru du genre. Un vilain pas bien méchant, mais un vilain qui aime tremper dans les jeux dangereux. Qui lui fait malheureusement faux bond ce soir, pas de veine pour elle. Alors, quand les rouleaux de la machine à sous s’arrêtent pour définir à nouveau son tirage perdant, elle prend la décision qui s’impose. Elle en a assez de perdre de l’argent, déjà, puisqu’une partie vient quand même de sa poche, mais encore plus de perdre sa soirée à chercher un foutu connard qui n’est pas fichu de respecter son propre emploi du temps. A croire qu’il est trop chargé, même pour un criminel des bacs à sable. Et pourtant. Pourtant, l’homme qu’elle poursuit est tout sauf un débutant dans le milieu. Pendant des années, il a plongé dans le monde du crime, croisant bien souvent son fer, ou les balles en plomb dirons-nous, avec les services de la police. Contrebandier, dealeur, trafiquant d’armes, il en a revêtit plusieurs de casquettes. En ce moment ? Il serait lié à un groupe de narcotrafiquant qu’elle et son équipe poursuivent sans relâche depuis plusieurs semaines. La rumeur court que le Mister Santiago aurait eu quelques soucis d’argent depuis sa dernière sortie de prison, et qu’il se serait pointé, la queue entre les jambes, au sein du gang de Markus Miller. Le suppliant pour un foutu job, comme s’il avait de quoi se vendre auprès du larbin du Caïd. Ah, qu’elle est bien bonne celle-là. Pas de précision si ça a marché, mais la flic en doute sérieusement. Shaw en rigole peut-être, mais n’empêche que le concerné a de quoi faire tomber certaines pointures dans le milieu. Si ce n’est pas Fisk ou Miller qu’il peut vendre, c’est bien d’autres types de leur genre, qui essaient tous, à un moment donné, de s’imposer comme grands patrons des rues. Il se murmure qu’un cartel de drogue mené par des espagnols chercherait même à renverser le Caïd pour faire régner leur loi. Bah bien sûr, comme si la Police allait laisser un quartier se transformer en mini Santa Blanca dédié à la drogue, tiens. « Tss. » Un léger soupir, encore, franchit les lèvres de la Dame qui enfin, daigne à quitter ce casino. Bon, ce n’est pas une réussite ce soir, mais peut-être qu’elle peut choper Marcos autrement. Demain, ou un autre jour. Voire à un autre endroit. Il faut juste qu’elle épluche à nouveau le dossier, pas mince du tout, sur le coco pour parvenir à le retrouver. Rien que ça.

La Dame avance, se fraie un chemin parmi la foule de joueurs, invétérés comme parfaits amateurs, qui peuplent chaque centimètre carré du casino. Qu’elle déteste les lieux pareils, Shaw. Trop de monde, impossible de respirer, impossible d’avoir une vue parfaite sur l’endroit et ses ouvertures diverses. Juste des gens à pousser par coups de coude ou d’épaule histoire d’accéder à la sortie. C’est ce qui s’appelle être une galère pas possible. Tellement qu’elle a d’ailleurs l’impression de mettre dix plombes à quitter sa position, doublant son temps passé devant les machines à sous. Super. Et tandis qu’elle se force, la casquette toujours sur elle pour éviter que les caméras ne repèrent le Sergent qu’elle est, à repousser les invités, voilà que son ouïe affutée capte des cris éloignés. Elle presse la cadence Shaw, murmure des « laissez passer » et des « bordel » à tout va, afin de se rapprocher au mieux de l’entrée de l’endroit. Mais quand enfin la femme peut respirer de l’air frais, il est trop tard. Elle ne peut qu’être témoin du désespoir d’un couple de riches – qu’elle ne prend pas forcément en pitié cela dit – qui tremble encore de l’arme pointée sur eux pour les déflorer de leurs équipements luxueux. Pas besoin de leur poser la question sur ce qu’il vient de se passer donc. Rapidement, l’instinct de la flic prend le dessus, et elle court dans la direction du couple pour tenter de repérer le voleur. Quand enfin, elle l’aperçoit. Dans un dédale d’une rue annexe, un homme couvert par une capuche accélère la cadence pour se sortir indemne de son méfait. La Dame peut entendre des paroles multiples retentirent derrière elle. Des personnes tentent de calmer les milliardaires tandis qu’elle, elle charge. Elle se met à l’assaut, entame une course poursuite sans même y réfléchir à deux fois. Elle ne voit que brièvement, et du coin de l’œil, une silhouette familière l’imiter, un corps féminin joignant ainsi ses efforts aux siens. Galvanisée par cette action de la soirée, Shaw se laisse complètement aller. Hurlant tandis qu’elle passe en mode prédateur : « Police, arrêtez-vous immédiatement ! » Sans même se douter qu’elle n’est pas la seule organisation sur le coup, sans même s’imaginer que Santiago est sa cible tant recherchée. Elle fait son job, un peu trop bien, un peu trop par réflexe. C’est ça, d’être flic.

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