Impossible de dormir correctement. Ce n'est pas l'envie qui manquait pourtant. La grasse matinée et moi, c'est une plus longue histoire d'amour qu'avec Gwen. Bien que ça soit plus profitable avec elle, justement, elle n'était pas venue avec moi voir mon oncle et ma tante. Et si d'habitude, cette sensation de chaleur, de bonheur, d'être enroulé dans une épaisse couette - tel un burrito - tout en étant entouré par des coussins, me retient au lit, aujourd'hui, je ne pouvais pas tenir. Beaucoup trop d'informations étaient traitées par mon cerveau, la cause n'était autre que la convention à laquelle je devais assister dans quelques heures. Tel un enfant se préparant pour aller à DisneyLand, je ne tenais pas en place.
Levé bien plus tôt qu'habituellement, j'avais tout le temps qu'il me fallait pour me préparer et ne pas être en retard. De toute façon, cela ne m'était jamais arrivé. D'ailleurs, je me demandais comment cela pouvait arriver. Il fallait vraiment le vouloir pour ne pas être à l'heure, à moins d'être malchanceux et de se prendre des bouchons plus longs que la muraille de Chine. Ce qui ne sera pas mon problème puisque mon fidèle vélo et moi, on pouvait se déplacer librement et narguer les automobilistes. Bref. Je réfléchis trop, surtout pour rien. Je filais dans ma salle de bains pour prendre une bonne douche, histoire de me préparer et me rafraîchir les idées.

Tout beau tout propre, il fallait maintenant trouver des habits « utilisables », après tout ce n'était pas une convention sur le naturisme. Et jusqu'à preuve du contraire, on ne pouvait pas se balader nu en pleine ville. Enfin, à moins d'avoir un sérieux problème, et puis il doit y avoir une loi contre ça, non ? J'espère ! Sur la chaise des vêtements, vous savez cette fameuse chaise sur laquelle vous jetez vos habits même propres au point que vous ne savez même plus qu'il y a une chaise là-dessous, je réussis à dégoter une chemise jean plutôt potable - qui ne sent pas trop -. Accroché derrière, la porte de ma chambre, je trouvais le pantalon pour aller avec. Du pourpre avec du bleu marine, ça devrait aller. Après tout, tant que j'avais des habits dessus, si ce n'était pas à la mode ou autre, je m'en tamponne l'oreille avec une babouche.

Tante May avait préparé un petit-déjeuner comme elle seule en avait le secret, œufs brouillés, gaufres, je ne préfère pas détailler pour ne pas vous faire baver. Mon ventre apprécia fortement ce qu'il y avait sur la table. Peut-être un peu trop, mais il valait mieux avoir l'avoir trop rempli que pas assez. « Au fait, je sais pas à quelle heure je rentre. Y a cette convention au lycée St-Magnus, p'tet que je mange sur place ou en ville. ». Oncle Ben baissa son journal pour me regarder. « Tu veux que je t'y dépose en voiture ? » Et se taper les bouchons ? Merci, mais non merci. « T'inquiète pas, je gère. Merci quand même. Dur d'articuler entre deux bouchées.
J'attrapais ma veste beige sur le portemanteau, et l'enfile avant de mettre mon sac sur une épaule. J'y avais mis un tas de choses utiles, comme un bloc-notes, un crayon, et...C'est tout. Je passais à quelques millimètres d'exprimer ma joie avec le mur en enfilant mes chaussures, à cause de l’excitation. « Peter Benjamin Parker ! » Oula, ça présage rien de bon quand une mère appelle son fils par son nom complet. « Un jour, tu vas oublier de partir avec ta tête ! Tes lunettes, Peter. » Elle me les apporta jusqu'à la porte. Après lui avoir dit au revoir avec une bise sur la joue, je dévalais l'allée sur mon vélo. 

Une vague de nostalgie et de souvenirs s'empara de moi à la vue de St-Magnus. Tous ces bons moments, ces raclées par Flash et sa bande, les humiliations dans les toilettes, que des souvenirs inoubliables effectivement. Avec un peu de chances, je recroiserais même un ancien camarade ! Youpi. Cela ne m'étonnerait pas de revoir Flash, toujours au lycée après avoir redoublé cinq fois sa dernière année. Pour en revenir à l'évènement important du jour, la salle était bondée. Les gens commençaient à s'installer, j'étais arrivé à temps pour pouvoir choisir ma place. Pas trop devant pour ne pas être questionné ou pris pour cible, mais pas trop derrière pour être privé des démonstrations et d'une écoute satisfaisante.
J'avais tout préparé, mes affaires sur les genoux, prêt à prendre des notes dès que l'intervenant ouvrira la bouche. L'attente était insoutenable, au point que mon tic de remonter mes lunettes avec mon index devint incontrôlable. C'était un peu comme ce compte à rebours du nouvel an, que tout le monde attend. Il y eut les artifices et autres confettis dans ma tête lorsque la convention commença réellement.

Alors que la présentation était entamée depuis plusieurs minutes, un retardataire tenta de s'infiltrer en toute discrétion. Spoiler alert : Quand tu bouscules tout le monde, c'est pas tellement de la discrétion. Qui est le grand gagnant de cette loterie ? Peter Parker ! La personne incapable d'être à l'heure, qui s'avère être une sulfureuse blonde, s'approche dangereusement. Je m'enfonce dans mon siège, faisant comme si je ne l'avais pas remarqué. Elle me regarde. Elle sourit. Je rougis. J'esquisse un sourire, plutôt une grimace, avant de repartir sur mes notes. Et là, c'est le drame. Comme si tout ce n'était pas assez, cela se transforma en véritable sketch. Je ne sais quel enchaînement d'actions eut lieu, mais je sais comment cela finit : avec son café sur moi. « AAAAAAAAAH » Un cri qui remet en question ma virilité. « Putain, fait... » Chier ! Fait chier putain ! Et bien sûr, il y en a partout sur mes notes. Quelle catastrophe, j'vous jure. Sans être méchant, cela ne fait qu'endurcir le stéréotype des blondes ce coup-là. « Désolée, je ne vous ai pas brûlé ? » Non, c'est juste un café bouillant qui sort probablement de la cafetière. ÉVIDEMMENT QUE ÇA BRÛLE. Je fermais les yeux quelques secondes pour inspirer profondément. « Vous inquiétez pas, c'est un peu chaud, mais c'est tenable. » Elle essaya tant bien que mal de réparer sa faute en tapotant son mouchoir un peu partout. Ce qui m'inquiétait le plus, c'est que je ne pouvais pas louper la conférence, mais porter un pantalon mouillé et bouillant, voilà. Rester en caleçon ?  Certainement pas. Improviser un pantalon avec la veste ? À moins que Cristina Cordula débarque, impossible. « Vous n'avez pas d'autres mouchoirs, ou un truc pour essuyer ? Ou p'tet un truc de rechange, j'ai vraiment pas envie de louper la conférence. » Évidemment Peter, une femme va avoir un pantalon pour homme. Quel abruti...Je me levais de ma chaise, faisant le moins de bruit possible. Sans me soucier de mes affaires qui restèrent à ma place, je tentais de sortir de là. Les toilettes étaient mon salut !