Just turn your fears into trust

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Je sors de l’amphithéâtre, le coeur encore battant. J’avance sous le regard des gardes rouges, sans trop savoir quelle allure prendre pour ne pas paraître suspecte. Ils m’ont fait tellement peur à débarquer sans prévenir au beau milieu du cours que j’ai l’impression qu’on va m’accuser au moindre faux pas alors que je n’ai pas le moindre petit pouvoirs en moi. Je suis d’autant plus choquée qu’ils soient parvenus à attraper celui qui les avait fait venir ce jour-là. Un de mes caramades de la licence d’Histoire avait paniqué lorsqu’il avait compris que c’était lui qui était recherché. Il avait courru jusqu’au porte de sortie de secours, seulement pour être arrêté par d’autres gardes qui avaient prévu le coup de l’extérieur. Etait-il réellement un émergé ? Je l’ignore. Ce n’est pas comme s’il nous aurait fait une petite demonstration. Peut-être était-il seulement coupable d’avoir aider un émergé ? De faire partie de la Résistance ? Dans d’autres circonstances, un évènement pareil un jour de cours aurait excité tout le monde. Mais la dure réalité de Genosha nous avait frappé à nouveau en pleine figure et c’était la peur qui nous avait tous assailli, les murmures se faisant rare dans la salle. Bien sûr, certains avaient protestés et les gardes s’étaient fait une joie de les faire taire en poussant sur leur voix. Même moi j’avais eu le droit à une remarque alors que j’avais seulement regardé d’un air désaprobateur la rafle qui se déroulait.

- T’as quelque chose à dire peut-être ? m’avait lancé un homme de la garde d’une voix si forte qu’elle m’avait fait sursauté.

Je n’avais plus osé croiser le regard de qui que ce soit, bien trop apeurée. Heureusement que je n’avais pas été présente au festival quelque mois plus tôt, je n’y aurais jamais survécu. Je me serais surement caché en retenant mes larmes. Dans un sens, c’était peut-être la meilleure décision que l’on pouvait prendre en de telles situations.

Quoi qu’il en soit, j’étais à présent dans le bus. Je ne peux m’empêcher d’observer l’heure sur mon portable par peur d’arriver en retard au boulot. Même si je travaille pour ma sœur, j’aime arriver à l’heure, par respect. Heureusement pour moi, les portes s’ouvrent enfin sur ma rue et je me glisse à l’extérieur, courant jusqu’au Psychic Office d’Aelys, impatiente de lui raconter ce qu’il venait de se passer. Lorsque j’entre, je découvre que Kwan est déjà parti, m’ayant laissé une note sur le bureau pour m’expliquer ce qui avait été fait aujourd’hui. Je pose mes affaires et rejoint Aelys.

- Salut ! Je suis désolé pour le retard, il y a eu une rafle à l’université, j’ai fait aussi vite que possible. Ils ont arrêté un gars de ma licence, il a essayé de s’enfuir quand il les a vu débarquer et s’approcher de lui. C’était fou.

Je repense alors à cet homme qui m’a hurlé dessus.

- Ils sont de plus en plus cons ces gardes. Il y en a un qui m’a gueulé dessus juste pour avoir mal regardé ce qu’il se passait. Je t’avoue que j’ai bien cru que j’allais me pisser dessus.

Cela n’est pas un souvenir agréable. J’en ai même honte alors que j’en parle à ma sœur, recherchant surement du réconfort de sa part.

CODAGE PAR AMATIS

Just turn your fears into trustAelys consulte sa montre, un sourire doucereux tordant ses lèvres. La conversation s’étire, et le temps passe. Elle n’a qu’à froncer les sourcils pour constater les aiguilles qui tournent. A une lenteur ou vitesse démesurée, tout dépend de la manière dont les choses sont acceptées. Toujours est-il que la medium vient de voir la dernière demi-heure s’écouler au téléphone, sa cliente du jour ne pouvant se retenir d’exprimer le moindre détail lui revenant à l’esprit. Comme toujours dans ces cas là, la brune laisse les choses se faire. Ce genre de personne ne tarde de toute manière pas à lui faire comprendre que son charabia en lien avec l’au-delà n’est qu’une blague et que la science a raison sur tout. Ces clients constituent eux-mêmes des farces qu’il serait bon d’éviter, mais Aelys n’arrive pas à dire non, même dans ces cas-là. Son cabinet, bien qu’il commence à se construire une petite renommée, nécessite malgré tout l’acceptation de tous clients, aussi doit-elle prendre son mal en patience. La miss Cantela peine à comprendre la femme à l’autre bout du fil, ses propos s’entrechoquant dans un manque de cohérence flagrant. Finalement, Aelys s’autorise à activer le haut parleur, l’appel servant plus de bruit de fond que véritable conversation tandis qu’elle entame un autre dossier, bien plus sérieux cette fois, à résoudre depuis son ordinateur. Ses doigts fins tapent sur son clavier, le plus silencieusement possible afin de ne pas perturber le monologue de la femme qui n’a pas pris la peine de se présenter. La mentaliste regarde à nouveau l’heure et songe que Kwan a déjà dû quitter le cabinet. Encore un appel sans fin qui lui fait parfois perdre notion du temps et des alentours.

La medium soupire, sa main passant rapidement dans ses cheveux en un geste las. Elle attend la fin de la conversation avec impatience, ses interventions se restreignant à des « Ah », « Oui je vois », et des « Hmm hmm » sans aucune utilité. Un bref instant, Aelys songe que Lena aurait rigolé en la voyant se comporter ainsi, et un pincement au cœur plisse ses traits en une moue douloureuse. Toutefois, la brune n’a pas le temps de s’épancher sur son sort alors que sa jeune sœur débarque au cabinet, prenant la relève de Swan qu’elle n’a même pas vu filer. Samira entame une histoire à son tour, et Aelys lui fait un signe de la main pour qu’elle cesse, reprenant précipitamment l’appel. « Excusez-moi madame, mon rendez-vous de 14h vient d’arriver. Je vais devoir vous demander de me rappeler un peu plus tard. D’accord ? Très bien je vous remerc… » Le bip sonore et répétitif lui indique que la personne a déjà raccroché de son côté, non sans l’insulter au passage pour son manque d’écoute. La Miss Cantela lève les yeux au ciel, mais habituée à ces attitudes méprisantes, ne s’y attarde pas. A la place, elle quitte son fauteuil pour s’asseoir au bout de son bureau, son regard se concentrant sur celle qui partage le même nom de famille et les mêmes passions qu’elle. Alors Samira raconte sa mésaventure du jour, et Aelys, bien qu’inquiète, ne peut retenir une remarque naturelle échappant au langage innocemment vulgarisé : « Langage, on ne dit pas… » Quelques secondes sont nécessaire à la mentaliste pour qu’elle se reprenne. Elle secoue la tête en un petit sourire gêné, continuant : « Excuse-moi, je ne sais pas pourquoi j’ai dis ça. » La jeune sœur n’est plus une enfant. Pas plus qu’Aelys est sa mère, bien qu’elle a pris la relève de son éducation à la mort de leurs parents.

Nouveau soupire, la medium se calme. Du moins un bref instant alors qu’elle mesure les paroles énoncées de la petite sœur. Aussitôt son palpitant cogne contre sa poitrine et elle quitte le bureau en un bond vindicatif. « La garde est venue ? Elle n’en avait pas après toi au moins ? » La panique transparait malgré elle en ces mots exagérés. Le sentiment que le chasseur soit capable de contrôler les autorités perce ses défenses et une lueur effrayée danse dans ses prunelles avisées. « Tu vas bien, tu es sûre ? » Elle en oublie presque de se montrer pour la vraie victime de l’histoire, Miss Cantela. Réalisant difficilement ses mimiques forcées, elle se mord l’intérieur des joues. Ferme un bref instant ses paupières pour les rouvrir en affichant, tant bien que mal, un visage plus tranquillisé. Mensonge parfait qui s’effrite et qu’elle peut lire sur les traits de Samira. Rien de grave ne s’est passé concernant Samira, et pourtant, c’est tout comme à ses yeux. Protéger sa sœur envers et contre tout, promesse silencieuse qu’elle craint de briser à chaque jour déroulé. « Et… et le garçon arrêté, tu le connaissais bien ? Je suis désolée pour lui. » Elle ne sait plus quoi dire d’autres, de peur de vendre la mèche. Cruelle vie que celle forçant à mentir aux aimés.

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Alors que je laisse Aelys finir son coup de fil, après m'être excusé de l'avoir interrompue, j'essaye de prendre une respiration plus calme. Je ne veux pas qu'elle entende dans ma voix l'adrénaline qui m'habite toujours suite à ce qu'il venait d'arriver. Ainsi, d'une voix mieux contrôlée, je lui explique la situation, priant pour qu'elle ne remarque pas à quel point mon cœur battait vite. Je n'aimais pas les confrontations et le simple fait de m'être pris une remarque de la part d'un garde rouge allait me hanter plusieurs jours encore. Je me connaissais. Je devrais déjà ne plus y penser mais j'avais la mauvaise habitude de ressasser les mauvais moments qui, du fait, continuaient de me torturer longtemps encore. Un sourire apparaît néanmoins sur mon visage quand Aelys me rappelle à l'ordre. A croire que j'étais toujours une petite fille.

- Heureusement que t'es pas 24h sur 24 avec moi. T'en aurais pas fini de me faire la leçon. Et les garçons sont pas mieux que moi.

Je ne parlais pas des garçons en général mais de Ben et Kaine. Rien que les fois où je devais aller chercher le premier au commissariat après qu'il ait fait une énième connerie, je ne manquais pas de l'insulter. Et ensuite je continuai auprès de Kaine qui m'écoutait me plaindre de notre frère. Mais ça, Aelys n'était pas censé le savoir.

Le bond que fait Aelys quand elle comprend la situation me fait faire un pas en arrière tant il m'a surpris. Honteuse d'avoir ainsi sursauter, je répond néanmoins à sa question et tente de la rassurer avant qu'elle aille enflammer la garde rouge dans la minute qui suit :

- Non, ne t'inquiètes pas. Juste un gars de ma licence. Il a tenté de s'enfuir mais ils l'ont coincé. Je sais pas ce qu'ils vont lui faire mais ça ne me plaît pas. Il a que mon âge! J'espère qu'ils se souviendront de ce détail...

Honnêtement, j'en étais pas sûre. Si ce que j'avais entendu du traitement des émergés par la Garde Rouge était vrai, alors le pauvre garçon allait souffrir. Je ne voulais pas y croire mais il fallait rester réaliste. Si la Résistance existait c'est bien parce qu'ils voulaient vivre et être libres. Ce que la Garde Rouge cherchait précisément à leur interdire. Avec un peu de chance, peut-être mon collègue de licence serait secouru.

Quoi qu'il en soit, j'avais l'impression qu'Aelys était plus paniquée qu'elle n'aurait dû. C'était à se demander si elle savait quelque chose que j'ignorais. Aurais-je dû me rouler en boule et pleurer de ce qu'il venait de m'arriver? Cet événement avait-il été plus grave que je ne le pensais? Non. Elle me connaissait. Elle devait sûrement savoir que j'étais ébranlée et c'était pour cela qu'elle agissait ainsi. Cela ne pouvait être que ça.

- Je vais bien Aelys, je t'assure. Un peu ébranlée par celui qui m'a gueulé dessus mais c'est tout. affirmé-je avant de demander après une courte hésitation: Mais toi, ça va?

Une intuition me fait comprendre que j'ai raison de demander. Je connais bien ma sœur. Quelque chose la turlupine - oui, j'utilise encore ce mot - et je suis bien décidé à savoir quoi. Et le fait qu'elle essaye de détourner l'attention d'elle me convainc de ne pas lâcher l'affaire, même si je répond à sa question.

- Pas vraiment, je le croisais en cours mais ça s'arrêtait là. Maintenant, dis moi ce qui te tracasse.

CODAGE PAR AMATIS

Just turn your fears into trustBouffée d'air frais avalée tandis que le combiné de téléphone est reposé à même son socle. Bien qu'elle n'en laisse rien paraître, la médium est toujours touchée par les propos narquois des sceptiques et autres intolérants rencontrés bien malgré elle. Si la demoiselle reste fidèle à ses valeurs et continue d'afficher un respect pour tout être croisé, elle n'en demeure pas moins un être humain chaque jour un peu plus vandalisée par les mots réducteurs des faux-jetons et autres fermés d'esprits. La jeune femme soupire alors, ferme brièvement les yeux tout en remerciant doucement l'arrivée impromptue de sa jeune soeur. En dépit de son langage à retravailler, la présence de Samira permet de la détourner des blessures verbales assimilées par rapport à son métier. Elle lâche même un léger sourire tandis que la cadette se rebiffe gentiment, mentionnant les fils adoptés qui n'offrent un comportement guère plus exemplaire que la dernière Cantela. « Justement. Si je pouvais vous éviter un concours de vulgarité, ou si au moins tu pouvais leur échapper, ce serait ma plus grande fierté. Nous savons toutes les deux que tu es la plus mature parmi notre famille recomposée. Et ne le répète pas aux garçons où ils ne manqueraient pas de me faire payer mes paroles. » Aelys lève doucement les mains en signe de paix, échangeant un regard et rire complice avec son sang partagé. A bien des égards, bien qu'elle ne soit liée par aucun sang avec Ben et Kaine, et bien qu'elle n'ait pas franchement élévé Samira, elle se considère malgré elle comme la mère de tous les trois. Futile pensée qui suffit souvent à la tranquilliser. Lui permettant alors de se remémorer les différentes raisons pour lesquelles elle plonge en plein combat.

Et justement la violence revient au coeur de la discussion alors que les faits de la Garde Rouge sont rapportés. Craignant le pire malgré elle, la mentaliste fait honte à sa propre renommée. Le contrôle platement mesuré se fissure à la mention du danger encouru par la plus jeune. Son bouclier se craquèle et elle trahit sa nervosité, qui grimpe en degrés à mesure que Samira raconte les événements traversés. Pendant un bref instant elle imagine le Chasseur mettre la main sur sa fi...sa soeur. Aussitôt elle envisage le pire, et il lui faut s'insurger contre elle-même et le flot pessimiste de ses pensées afin d'enfin se reprendre. Se giflant mentalement, la Cantela se raccroche au présent. Ecoutant le récit de la cadette, maudissant ces autorités corrompues sans vergogne et sans limites. Grattant le bureau de ses ongles, toujours quelque peu fébrile par l'annonce, Aelys répond tout de même, en regardant avec un air las et attristé son interlocutrice : « Honnêtement ? Je ne pense pas que l'âge soit un critère pris en compte par la garde rouge. Malheureusement, les agents agissent sur des ordres de supérieurs qui se fichent bien de ce type de détail. Je m'en veux de te dire ça, mais les autorités ne sont pas fiables, sur Genosha. Il ne faut pas espérer un quelconque traitement de faveur pour ton ami. » Rien n'est envisageable. Les autorités ne sont non seulement pas fiables, mais elles sont également infiltrées. Par le plus vil des serpents qui pourrait aisément frapper encore les proches de la medium, elle en est persuadée. Celle-ci est rapidement ébranlée par ce fait qui se rappelle à elle. Elle maudit son impuissance, son incapacité à suivre le Prédateur qui court après elle. Il est là, il rôde dans le noir. Et il ne suffit que d'un événement pourtant habituel au sein de Genosha pour lui rappeler ô combien elle ne peut rien contre le Mal incarné. La mentaliste soupire à nouveau, croise les bras. Sentant toutefois l'inquiétude de la benjamine, elle hausse les épaules, et propose dans l'espoir de détourner les iris concernés : « Si tu veux, je peux tenter de me renseigner sur lui. Je ne te promets rien, mais peut-être que les policiers ont moyen de le retrouver et de savoir ce que la Garde détient sur lui. ll me faudrait juste le nom de ton ami. » Engagement stupide, puéril. Mais si seulement il peut lui permettre d'oublier, de creuser ailleurs, l'espace d'un bref instant.

Mais c'est inutile. Samira a elle-même senti le mal-être qui transpire par toutes les pores de la peau de l'aînée des Cantela. Aelys a beau essayer de maîtriser la conversation, la soeur est maline. Aussi déterminée et butée qu'elle. Aussi vindicative et accrocheuse que ses frères adoptifs, ne lâchant pas le morceau en dépit des tentatives pour concentrer la conversation sur la Garde Rouge. Faiblement alors, la medium tente de lutter : « Ce n'est rien, ça va, je suis juste un peu fatiguée, c'est tout. » Mensonge. Demi peut-être, mais tout de même. La mentaliste se mord la langue, se déteste pour bafouer ainsi ses principes les plus précieux, constituant son être tout entier. La vérité, rien que la vérité. C'est une valeur qu'elle a toujours su adopter. Et pourtant, face à son propre sang, elle adopte un déni suspicieux. Tellement d'ailleurs, que la cadette insiste. Poussant la jeune femme à fuir son regard, à tenter d'expliquer qu'elle craint chaque jour pour sa vie. Comme pour celle de Lena, de Ben, de Kaine. Sans mentionner Silke, qui a déjà été blessée, et qui pourrait payer de sa propre vie l'idylle répétée en secret. A quel moment la vie d'Aelys est-elle devenue synonyme de Mort ? Soudainement abattue par le poids qui pèse sur ses épaules, la medium baisse les armes. Affichant ouvertement des traits plissés par de la préoccupation et de l'exténuation. « Je... » Elle aimerait dire qu'il n'y a rien qui la tracasse, lutter contre les questions répétées de la plus jeune. Mais elle est percée à jour, et elle ne peut décemment continuer à lui mentir effrontément. Encore moins au risque que cela casse quelque chose dans leur relation familiale, d'autant plus qu'elle cache la vérité à sa soeur depuis suffisamment de mois comme ça. « Je ne sais pas comment te dire ça, Samira. » Soufflant fortement, Aelys finit par se laisser tomber dans son fauteuil. Marquée par l'angoisse et la terreur des dernières semaines écoulées, elle ne sait plus comment lutter. « Il y a... » Il y a quoi ? Un détraqué, un obsédé à ses trousses ? Pile ce qu'il faut pour instaurer la terreur chez sa propre soeur. « Disons que depuis quelques temps, j'ai affaire à une situation alarmante. Cela fait plusieurs mois que j'essaie de mettre la main sur un criminel qui... » Ce qu'il est compliqué de se confesser. « Qui semble en avoir après moi. Pour une raison encore inconnue. » Elle lève les yeux vers Samira, attend sa réaction. Sa gorge se noue et elle joint ses mains, ne sachant plus quoi dire. Le mal est fait, de toute façon. Le mal est entré dans sa maison.

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Un grand sourire s’installe sur mes lèvres.

- Tu sais tout aussi bien que moi que je leur répéterai mot pour mot ce que tu viens de dire.

Cacher ma puissance suprême à mes frères ? Jamais de la vie. Aelys venait de dire que j’étais la plus mature de la fratrie et je comptais bien leur faire savoir. La prochaine fois qu’ils me demanderaient de respecter mes aînés, j’aurai une réponse toute préparée. Il ne faut pas se méprendre, même si je ne partageais pas le sang des membres de ma famille, ça n’empêchait pas le fait que j’y étais très attachée. On aurait pu penser que des adolescents qui arrivent un beau jour chez soi ne m’aurait pas plu. Et c’était vrai, du moins ça l’avait été au début. A vrai dire, quand Aelys m’avait parlé de sa décision concernant Ben et Kaine, j’avais eu peur. Je ne voulais pas d’inconnus chez moi. Et si ça se passait mal ? Et s’ils me volaient ma sœur ? Au final, j’avais gagné deux grands frères sans qui je ne m’imaginais plus vivre. Et les embêter était désormais un devoir auquel j’étais très attachée.

Mais je vois bien qu’il n’est pas l’heure de plaisanter. Aelys semble très nerveuse et ça m’inquiète. Alors je raconte ce qu’il s’est passé en gardant mon sérieux, surveillant ses réactions. J’ignore quoi mais quelque chose me met mal à l’aise. J’ai l’impression qu’elle a quelque chose en tête qu’elle retient de partager. Pourtant, elle n’hésite pas à me dire que les autorités ne sont pas fiables sur Genosha. Même si j’en étais déjà convaincue, l’entendre des lèvres de ma sœur a un effet effrayant. Avant, je pouvais essayer de m’en dissuader. Plus maintenant.

- J’essayerai de trouver son nom alors, je ne le connais pas vraiment. Merci d’essayer en tout cas. lui dis-je avant qu’elle ne réponde à ma propre question. Tu travailles trop ?

Une nouvelle question car je m’inquiète. Je connais Aelys, je sais que ce n’est pas une simple fatigue. Elle pourrait peut-être en convaincre Ben et Kaine mais pas moi. Je sais qu’elle n’agit pas ainsi quand elle est exténuée. Elle ne semble pas inquiète ni même évasive. Elle me cache quelque chose, je le sais. Alors, j’attends qu’elle me le dise car je n’ai pas l’intention d’abandonner. Même si ça m’inquiète, je ne peux pas faire comme si je n’avais rien décelé dans son regard. Je dois savoir.

- Qu’est-ce qu’il y a Aelys ?

Alors, elle me dévoile la vérité. La panique que je pensais avoir laissé sur le campus universitaire me rattrape d’un coup, faisant battre mon cœur à toute allure. Je sens une chaleur s’emparer de mon visage, comme si ma tête allait exploser. Ce qui arrivait à chaque fois que la peur s’insinuait en moi. Je me rapproche de ma sœur en quelques pas et lui prend la main, comme si ça pouvait arranger quoi que ce soit.

- Comment ça il en a après toi ? Qu’est-ce qu’il a essayé de faire ? T’en as parlé à quelqu’un ? Tu sais qui il est ?

Je me rends bien compte que je l’assaille de question mais l’idée qu’on puisse s’en prendre à ma sœur m’est insupportable. Nous avions déjà perdu nos parents, je ne voulais pas la perdre elle non plus. Et soudain, je comprends son inquiétude quelques instants plutôt.

- Tu pensais qu’il aurait pu s’en prendre à moi aussi ?

Bien sûr, l’idée d’un criminel qui cherche à me faire du mal pour atteindre Aelys est absolument effrayante, mais étrangement, c’est surtout à Ben et Kaine auxquels je pense. Est-ce qu’ils étaient en danger eux aussi ?

CODAGE PAR AMATIS

Just turn your fears into trustLe sourire de la mentaliste se fane rapidement malgré les plaisanteries échangées. Le sérieux reprend un peu trop naturellement le dessus sur la conversation des Cantela, et Aelys se voit obligée de recouvrer un air inquiété. Que ce soit à cause de la Garde Rouge comme du Prédateur présumé, elle a le sentiment que tout est fait pour porter atteinte à ses proches tant aimés. Forcément, alors, pour son cerveau qui carbure à toute allure, elle ne peut que faire le lien entre l’agression et le chasseur, quand bien même il n’y a rien, de prime abord, qui puisse véritablement les rapprocher. Serait-ce donc ça, le fait de devenir paranoïaque ? La medium serait-elle si perchée qu’elle n’en arrive plus à distinguer la moindre parcelle de réalité ? Un soupir accompagne cette triste pensée, et la femme porte une main lasse à son front, l’essuyant en un geste nerveux malgré elle. Entre ça, et ces cauchemars qui ne cessent de la hanter, qu’importe que ce soit en pleine nuit comme en pleine journée, Aelys est lentement en train de perdre pied. Et plus elle se fissure, plus elle se dévoile devant la plus jeune, qui devient concernée à son tour. Ainsi donc, il lui appartient de la rassurer avant qu’il ne soit trop tard. « Je t’en prie, c’est la moindre des choses. » entame-t-elle dans un sourire, avant de continuer. « Oui, c’est une période compliquée en ce moment. Entre les sceptiques habituels du cabinet, et la collaboration avec la police qui prend de plus en plus de temps, j’ai l’impression de passer mon temps à déjouer d’horribles plans criminels. Mais ne t’en fais pas, ça va aller. » La mentaliste use de sa formation pour tenter de convaincre Samira que tout va bien. Mais le mensonge est bien trop gros pour qu’il puisse si facilement passer d’un haussement d’épaules. D’autant plus quand sa propre sœur est aussi fine observatrice qu’elle.

En soufflant alors, Aelys comprend. Elle ne peut mentir plus longtemps vis-à-vis de la plus jeune, qui la perce à jour rapidement. Insistant sur la cause véritable de ses traits déformés, voilà que la medium se retrouve à craquer. Se confessant en des mots hésitants, mais qui parviennent néanmoins à la soulager d’un poids. Omettre tant d’éléments constitue une peine lourde à porter pour la brune, dont le palpitant se retrouve désormais un peu plus léger du fait de sa confidence chuchotée. Mais désormais, elle s’en veut. Car en faisant suivre ses problèmes à sa sœur, elle la rend irrémédiablement liée à ces derniers, le danger étant, de fait, forcément plus présent. Ses iris voilés se posent sur le visage de Samira, y décelant un affolement soudain, mais elle n’a pas le temps de faire marche arrière que la cadette s’est déjà rapprochée, lui serrant la main en un geste doucereux. Le geste délicat la fait soupirer de sympathie, les traits encore crispés se détendant légèrement. Aelys lui rend sa pression en remerciement, s’excusant, aussi, de ce fardeau qu’elle lui impose à son tour. Cherchant surtout à calmer la plus jeune et sa salve d’interrogations balancées, qui saute à la face même de la medium. « Heyy, doucement, ça va aller, okay ? » Elle n’y croit pas vraiment, la mentaliste, mais elle veut surtout s’assurer que Samira ne cède pas à son tour à la panique. « Je suis désolée, je n’aurais pas dû te dire ça comme ça, de but en blanc… » Mais y avait-il une autre façon de procéder ? Très honnêtement non, et elle le sait. Et puis, autant être honnête. Enfin avouer une telle énormité, c’est une décharge presque réconfortante pour elle, qui peut s’ôter d’une omission parmi tant d’autres.

En apaisant doucement Samira et ses questions d’un geste de la main, Aelys les invite à s’écarter tranquillement pour se poser sur le canapé réservé habituellement à ses clients. S’asseyant sans mots dires, la medium profite de ce court laps de temps pour mettre de l’ordre dans ses idées, et enfin répondre aux demandes de sa cadette. Bien qu’en vérité, quoi qu’elle puisse dire, le mal ne peut plus être écarté. « C’est… particulier. Mais rassure-toi, il ne m’a jamais attaqué physiquement. » Il a été beaucoup plus pernicieux que cela, mais elle s’abstient de le confirmer à voix haute. « C’est plus psychologique, réfléchi. Ça a commencé par l’envoi de mots, de poèmes un peu sombres. Bêtement, je ne l’ai pris que comme un de ces fous furieux qui méprisent mon travail, qui se jouent de ma profession. Et puis… » Elle se tait. Parce qu’elle s’apprête à se contredire d’ores et déjà. En soupirant, elle serre un peu plus la main de sa sœur, reprenant : « Et puis il s’en est pris à Silke. Et c’est là que j’ai compris qu’il ne plaisantait pas. Ça fait plusieurs mois que ça dure. Lena et Silke sont maintenant au courant, mais j’ai mis du temps à leur avouer. De peur que… » Elle s’interrompt à nouveau, la brune, enfouissant son visage entre ses paumes. Elle retient avec force un sanglot, mais prend quelques secondes supplémentaires pour poursuivre son témoignage à demi-mots. « De peur qu’il s’en prenne encore à elles. Alors, j’ai aussi eu peur qu’il s’approche de vous. De toi, de Ben, de Kaine, de Kwan, et qui sais-je d’autres encore. » Aelys relève la tête, plongeant ses prunelles dans celles de la cadette. « Je suis désolée. Je ne savais pas comment le dire, et je n’ai toujours pas réussi à découvrir de qui il s’agit. Il a toujours un coup d’avance sur moi, ce qui me laisse à penser qu’il est haut placé. Alors quand tu m’as dit qu’il y a eu une rafle en ta présence, j’ai cru, pendant un instant, que c’était lui qui l’avait provoqué exprès. » Un ricanement moqueur, parce qu’elle se traite mentalement de stupide, accompagne ses dernières paroles. « Mais c’est ridicule. Il n’y a aucun lien, et tu vas bien. C’est tout ce qui compte. Et je te promets que je vais m’occuper de ce problème. Je vais trouver un moyen et mettre un terme à toute cette histoire. » Une bonne fois pour toutes.

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