« Jaime Moore, je- J'ai l'air d'une parfaite idiote, eut-elle envie de dire à la secrétaire qui la regardait à peine par-dessus ses lunettes de nana qui ne devait même pas en avoir besoin. La petite brune poussa un long soupir, incapable de savoir ce qu'elle devait vraiment répondre. Intérieurement, elle maudissait surtout Tyler de ne pas lui avoir donné les bonnes répliques à avoir pour commencer son premier jour au Shield. Mais venant de Tyler, il ne fallait à l'évidence pas s'attendre à grand chose... Pas grave, tenta-t-elle de se convaincre vaguement en prenant une grande inspiration. Il fallait y aller, nature peinture, et tant pis si ça ne passait pas. Ils n'allaient pas la virer à coup de pieds dans les fesses, sous prétexte qu'elle n'avait pas dit le mot magique à la secrétaire de l'accueil, pas vrai ? Je commence aujourd'hui. »

Elle esquissa un sourire un peu crispé, il fallait l'avouer, se dandinant sur ses talons peut-être un peu trop haut pour elle, qui étaient en train également de lui détruire les chevilles. Pas grave, encore, songea-t-elle en tentant d'avoir l'air le plus naturel possible dans une jupe crayon qu'elle avait acheté juste pour l'occasion et qu'elle ne remettrait probablement jamais.

« Deuxième étage, suivez le couloir jusqu'au fond, on viendra vous donner votre badge, lui répondit-elle sans plus la regarder. »

Un sourire, ça t'arracherait le botox peut-être ? pensa-t-elle très fort en fixant la femme qui ne lui rendit pas son regard. Dommage. Elle aurait pu comprendre le fond de son avis sur elle si elle avait daigné relever les yeux vers elle à ce moment précis. Bon ! Inutile de s'attarder plus longtemps, la petite brune fit volte-face, laissant derrière elle la dame de l'accueil avec qui ça ne passait absolument pas, essayant de suivre les indications qu'on lui avait laissé. Un peu incertaine sur ses talons, elle s'avança doucement jusqu'à l'ascenseur le plus proche. On le retint pour elle, elle remercia la personne doucement, avant d'appuyer sur le gros bouton « 2ème étage » qui n'attendait qu'elle. Au fond du couloir, au fond du couloir, répéta-t-elle dans sa tête pour ne pas se perdre.

Ting.

C'était pour elle. Jaime sortit de l'ascenseur et avança d'un pas presque décidé au fond du dit couloir. Des murs blancs, immaculés, des portes, à droite, à gauche. Et pas une trâce de son frère qui devait probablement se trouver dieu savait où dans cet immense batiment. La cadette des Moore fit un effort extraordinaire pour ne pas se perdre. Elle devait absolument être capable de retrouver son chemin ici, parce qu'y mourir de faim ne l'enchantait pas vraiment. Vint le bout du couloir, où elle tomba nez à nez avec un bureaucrate. Le type qu'on imaginait formellement faire de la bureaucratie. Elle se présenta, lui pas. Il lui donna ses affaires en lui sommant de lire le règlement de l'établissement. Et pour se faire, il lui demanda de ne pas rester dans ses pattes avec un poil plus de politesse cependant.

La petite brune fut coller à un bureau un peu étroit, avec un tas de papier à lire. Elle y passa bien une heure entière, sentant les muscles de son dos la tirer à force d'être penchée par-dessus la table. Sauf que personne ne la surveillait, et ce n'était pas comme ça qu'elle s'était imaginée sa première journée... Tyler n'était pas encore passé la voir, Gadreel non plus alors que l'un comme l'autre avaient promis de le faire. La brune poussa un long soupir.

On ne la surveillait pas ? Très bien. Elle avait fini de lire son règlement depuis bien dix minutes quand elle s'extirpa de sa chaise et se décida de faire sa visite guidée toute seule ! Sauf qu'en se dirigeant vers le couloir, d'un pas tout à fait décidé et conquérant, ses documents sous le bras, elle se fit prendre la main dans le sac à peine passa-t-elle la porte. « La main dans le sac », ouais... Plus ou moins : En rentrant pile dans un type qui devait aller d'un point A à un point B. Et entre les deux, celui qui se retrouva le cul par-terre après une cheville tordue à cause de ces affreux instruments de torture qu'étaient ses talons, des feuilles volantes partout autour, en poussant un petit « Hiii ! » qui entachait péniblement sa crédibilité, ce ne fut pas l'autre.

Non, ce fut elle. Qui avait l'air d'une parfaite idiote et qui aurait mieux fait de ne jamais quitter son lit ce matin.

« Oui oui, ça va je- ouh ! Encore raté... »

Elle se retrouva à nouveau les fesses rivées au sol. Le combo talons + jupe crayon faisait des merveilles. Et le pire dans tout ça, c'est qu'il y avait quelqu'un pour le voir, pour vivre avec elle son humiliation et se retenir de rire très fort à ses bêtises. Jaime fit tout ce qu'elle put pour ne pas se mettre à rougir de honte. Ne pas non plus se mettre à pleurer, ou à se rouler par terre en tapant des pieds. Elle était désormais une adulte responsable, mature, et tout ça, et les adultes ne se comportaient pas comme des enfants capricieux. Alors, certes, rien ne se passait comme elle l'espérait pour un premier jour, et elle avait l'air d'une parfaite idiote à s'accrocher au chambranle de la porte pour se redresser, histoire d'avoir l'air assez empoté pour se débrouiller toute seule...

« Bon... Attendez, s'agaça-t-elle. »

Jaime eut évidemment l'air d'une parfaite idiote, mais elle réussit péniblement à se remettre sur ses jambes. Sauf qu'elle ne savait même pas à qui elle faisait mauvaise impression... Si elle devait un jour se distinguer comme agent du SHIELD, en tant que jeune femme dynamique et intelligente, c'était à l'évidence très mal parti... aussi lâcha qu'elle tout en relevant les yeux :

« Oui, va falloir travailler là-dessus, monsieur l'agent. Parce que là, vous êtes un danger publi- Puis, elle se stoppa. Elle venait de comprendre. Ce type, en face d'elle, n'avait rien d'un petit bureaucrate en costard miteux. C'était quelqu'un d'assez important, et elle était en train de lui parler comme elle le ferait avec son frère par exemple. Hm. Non. Pa-Pardon, je... »

Je suis une idiote, songea-t-elle avec un petit sourire poli en baissant les yeux. Elle devait ramasser les feuilles, les remettre dans l'ordre, remettre le règlement signé à son « tuteur » extrêmement occupé ailleurs... La jupe la serrant au niveau des genoux, elle réussit néanmoins à s'accroupir pour ramasser ses affaires. Elle les rangea un peu arbitrairement mais cependant avec pas mal de sérieux, avant de relever le nez vers le tombeur.

S'il ne lui était pas rentré dedans comme un mur, les choses auraient probablement été très différentes. Elle aurait pu se présenter comme une juriste assidue, ou comme une analyste indispensable. Là... Là, elle avait l'air d'une cruche, et rattraper ce faux départ le premier jour face à un collègue, ça allait être compliqué. Mais elle se devait d'essayer. Elle serra son dossier d'un bras contre sa poitrine, et tendit maladroitement son autre main pour saluer son vis-à-vis.

« Jaime Moore, j-je suis n-nouvelle ici, bafouilla-t-elle. On pourrait trouver le-... Le moyen de rattraper cette première fois d-désastreuse... Si vous avez besoin d'une analyste, je suis disponible ! »

Se tromper de portes... Si ce n'était que ça. Il y avait des étages, des portes, des couloirs par dizaines, des personnes plus ou moins connues et plus ou moins abordables, des bâtiments,... Elle n'avait officiellement visité que trois pièces, sans liens les unes avec les autres, devait encore se voir fournir un bureau et un ordinateur, quelques dossiers pour travailler...

« Vous êtes là depuis longtemps ? Demanda-t-elle d'une voix douce, faisant passer une mèche de cheveux derrière son oreille. Et... ça... ça vous arrive encore de vous tromper ? »

Parce que selon, elle savait qu'elle allait en avoir pour quelques temps avant de pouvoir vraiment s'orienter ici. Il y avait-il moyen de se procurer une carte, ou est-ce que les dirigeants du SHIELD comptaient sur la création d'une carte cognitive pour assurer la survie de ses agents dans les bâtiments consacrés ?
Bon. L'agent Barton se présenta.

« C'est pas si moche, s'enquit-elle de dire avec les sourcils froncés. Je veux dire y'a... Y'a pire. »

Que pouvait-elle dire de plus ? Toujours aussi peu confiante, elle savait néanmoins que son propre nom n'était pas à envier. Jaime, à la fois pour les hommes que pour les femmes. Elle se trouvait sur un entre deux qui lui avait joué des tours durant l'adolescence. Et même avant, quand un corps n'est pas encore totalement sexué, ne se définissant pas. On l'avait déjà pris pour un petit garçon, quand elle avait les cheveux courts. Mais bon, ça... C'était limite dans une autre vie. Au moins, Clint, ça faisait Clint Eastwood, et le bonhomme avait fait quelques bons films qui se regardaient bien avec une bière et des chips.
Jaime se sentit néanmoins comme soulagée quand l'homme lui proposa de l'aider. Même s'il ne s'agissait pas vraiment d'une proposition, plutôt d'un état de fait. Avant d'ajouter très franchement que c'était un plaisir de la rencontrer, tout en lui souhaitant la bienvenue. Elle n'était pas si douée pour les relations professionnelles, surtout celles qui semblaient vraiment importantes. Et l'agent Barton ressemblait à quelqu'un d'important, quoiqu'on puisse en dire...

« M-M-Merci... Plaisir partagé, fit-elle d'un murmure en sentant sa tête s'enfoncer dans ses épaules. Je euh... Je dois remettre c-ces papiers à l'administration apparemment, puis euh... Trouver mon poste. Me mettre au boulot. Je ne sais pas du tout comment tout ça va se passer à dire vrai, je comptais sur m-mon frère, l'agent Moore lui aussi, c'est marrant on a le même nom -Hm oui enfin, c'est peut-être pas si drôle, désolée- pour m'aider mais... »

Mais... Ce crétin n'était pas là. Et elle afficha une petite grimace confuse en regardant Clinton, un sourire un peu forcé sur les lèvres suivant le pas.

« Bon, je vous suis, j'imagine, déclara-t-elle timidement en talonnant l'homme quand il lui montra la direction à prendre. Elle se devait maintenant de noter absolument tout ce qu'il lui dirait à propos des locaux, et s'en souvenir à tout jamais... Et la petite brune n'hésita pas bien longtemps à sortir un carnet de son sac et un stylo, pour être sûre d'être prête à apprendre par cœur et à réviser ce soir. Vous êtes... Enfin, vous travaillez dans un bureau vous aussi ? Vous êtes un responsable, un cadre, ou quelque chose comme ça ? »

Ce n'est pas la mort, mais ça ne fait pas très sérieux, eut-elle envie de lui rétorquer. Elle hocha simplement la tête avec une petite moue, réservée oui. Néanmoins, elle notait le fait que Clint semblait faire tous les efforts du monde pour la mettre à l'aise, aussi se promit-elle d'en faire autant pour qu'il continue. Ça consistait principalement à arrêter de bafouiller bêtement en le regardant, et ça n'était pas tout à fait gagné. Puis, comme elle avait à faire à un agent de terrain, quelqu'un qui se montrait au monde, tout ça... C'était étonnant, perturbant, pour le moins impressionnant aussi. Voilà le genre de personne avec qui elle travaillerait à l'avenir, donc...

« Vous mordez ?! Demanda-t-elle d'une petite voix aigüe avant de rire. C'était une boutade, Clinton Barton ne mordait pas vraiment. Enfin... Espérons. Elle ne dit rien de plus sur le moment, le regardant l'air de dire « moi aussi je peux faire de l'humour, même si ça n'a pas l'air très assuré ». Restait plus qu'à le convaincre en ayant l'air un peu moins paumée. »

Ce qui n'était pas chose simple. Elle se contenta de noter avec attention ce qu'il disait. Ponctuant les déclarations de quelques « Hmhm », « ah », « je vois » entendus, elle releva le nez vers lui en lui coupant un peu la parole :

« Alors rendons nous vers l'administration, et on verra le reste ensuite. »

Jusqu'ici, Jaime s'était montrée prude et réservée, mais cette fois, sa voix était ferme et déterminée. C'était l'endroit où elle DEVAIT se rendre en premier lieu, et elle n'entendait pas que Clinton en décide autrement. Aussi continua-t-elle à le suivre et à l'écouter, surtout lorsqu'il fit une remarque sur ses chaussures. La brune se stoppa, une moue sur le visage. Elle adorait ces chaussures, mais il avait raison : si elle continuait à marcher avec ici, elle allait prendre trop de retard sur son travail. Alors des chaussures élégantes et confortables feraient l'affaire... Ou un entraînement intensif pour marcher avec, et même courir avec.
Passons, il y avait bien des questions qu'elle avait envie de poser :

« Vous êtes sur le terrain, donc ? Vous y faites quoi ? Elle le regarda avec les sourcils froncés. Dans les grandes lignes, pas la peine de me confier des secrets d'état, hein, fit-elle avec une pointe d'humour dans la voix et un sourire rassurant. Quand on débarque ici, c'est difficile de savoir sur quoi on va vraiment travailler et avec qui. Mon frère ne m'en a parlé que vaguement, mes recruteurs aussi en me faisant signer des clauses de confidentialités et tout ça, mais très franchement, j'ai du mal à voir le champ d'action qui nous est offert. »

Est-ce qu'elle avait une idée, même vague, de ce dans quoi elle se lançait ? Elle se rendit compte sur l'instant qu'elle allait gérer une dizaine de dossier pour rendre des interventions à l'étranger légales, fiables, bétons, et assurer l'intervention des troupes sur le terrain en faisant des miracles à chaque fois, tout en mettant à profil son esprit logique et sa capacité à improviser... ça allait demander du travail.

« Oh, ce couloir me dit quelque chose, fit la cadette des Moore, un peu distraite. Elle était passée dans ce couloir, elle le savait. Aussi n'attendit-elle pas Clinton pour s'y engager, reconnaissant l'une des portes et la photocopieuse non loin. J'en ai pour pas longtemps, attendez-moi Agent Barton. »

D'abord, déposer le dossier, ensuite... La suite.

Rappel de vaccin, donc. Elle le nota avec une pointe d'humour avant de se tourner vers Clint et de l'écouter avec une certaine attention. De toute façon, un certificat médial et des vaccins à jour étaient plus que nécessaire pour rentrer dans cette organisation ! L'homme lui parlait de son passé, de son accident rapidement, et du fait que le SHIELD l'avait démarché surtout pour ses qualités d'espion et son agilité. Elle qui n'y connaissait rien en tout ça. Elle se contentait souvent de jouer avec les limites pour permettre aux gens d'intervenir dans l'urgence dans des situations pénibles, Jaime ne voyait jamais rien de ces interventions, elle était celle qui les rendait juste possible.

Ils finirent par atteindre l'aile concernée, et Jaime ne pouvait décrocher du discours du soldat. Rien qui ne la concernait vraiment à dire vrai, mais quand même. Quand il lui annonça qu'il était souvent amené à travailler sur des armes avec des scientifiques, la petite brune releva le nez de son calepin pour le regarder avec de gros yeux surpris. Elle n'était pas vraiment une laborantine qui allait y passer ses journées. Elle avait un bureau et des dossiers à traiter, un ordinateur et une super imprimante magique, c'était bien suffisant...

« Sur vos armes ? demanda-t-elle d'une petite voix. »

Apparemment, la majorité des personnes au SHIELD était armée. Et elle, elle ne savait que tenir un stylo et taper sur son clavier. Allait-elle devoir passer par un entraînement spécifique pour apprendre à se servir d'un flingue ? A ce moment précis de sa vie, Jaime n'en savait juste rien. Elle n'était pas particulièrement attirée par les armes à feu, et se disait qu'elle n'en aurait pas forcément la nécessité. Bien confortablement lovée dans cette idée là, elle se sentait même assez différente de ses convives, sans savoir si un jour elle pourrait en avoir besoin.

Elle ne manquerait de toute façon pas à en toucher deux mots à son grand frère, qui saurait quoi lui dire. Et éventuellement lui apprendre certainement chose utile. Elle espérait qu'il ferait un saut à son bureau bien assez tôt pour la rassurer. Car si là elle se raccrochait à la conversation avec Clint, déposant son dossier à l'endroit souhaité en retournant sur ses pas, elle savait que l'homme ne serait pas toujours disposé à lui faire faire le tour des locaux ou simplement la discussion. Elle devrait être plus indépendante à un moment donné, et plus sûre d'elle aussi.

« Voilà, souffla-t-elle en revenant vers lui, les mains vides. J'imagine que vous avez souvent à faire à des analystes en fait, avec... Avec votre boulot, reprit-elle en se posant à côté de lui. En général, les collaborations se passent bien avec les têtes d'ampoules ? Même si elles sont... coincées ? fit-elle d'une petite voix, en espérant qu'elle n'était pas rangée dans le même sac. »

Jaime s'estimait elle même comme une fille assez sympa et ouverte, amusante même. Alors, ça accrochait ou pas avec certaines personnes, mais il n'empêchait qu'elle se savait assez humaine et dynamique pour ne pas être considérée comme une scientifique trop timide derrière ses grosses lunettes et ses cheveux mal coiffés.
De toute façon, Jaime n'était jamais mal coiffée.

« J'ai déjà fait du tir à l'arc une fois ! fit la jeune femme, vraiment toute fière d'elle en disant cela. Puis après on me l'a interdit parce que j'ai failli embrocher la reine des pompons girls. Sauf que la fin de l'histoire n'était bizarrement pas aussi romanesque qu'espéré, mais bon, ça, Jaime ne pouvait pas revenir dessus. Elle avait juste été un petit peu maladroite ce jour-là et avait malencontreusement visé une des nanas qui lui menaient la vie dure au lycée. Pourtant, à cette fille, il avait suffit une présentation avec son grand frère pour qu'elle tombe sous son charme et lui fiche la paix : Je ne comprends pas pourquoi... »

Oh, si, elle voyait très bien pourquoi. Parce que si on lui avait laissé cet arc et ces flèches entre les mains, Jaime en aurait profité pour retirer sur elle et ne pas la louper cette fois ; alors bon, loin d'être une passion pour elle, elle en aurait néanmoins retiré un plaisir certain de leurs botter les fesses salement quand elle se faisait emmerder par des pimbêches qui ne se sentaient plus. Ravalant son aigreur et les mauvais souvenirs de ses premiers temps au lycée, elle se reconcentra sur l'agent Barton :

« Donc vous... vous en sortez bien avec ? Il y a moyen de venir voir ça, un jour ? »

Elle était curieuse d'admirer ça. Il fallait dire que ce n'était franchement pas commun. Les James Bond avaient tendance à utiliser des armes ultra perfectionnées, des dernières technologies incroyables qui feraient tourner le crâne à n'importe qui. Choisir de rester à l'arc et aux flèches, c'était donc une décision qui valait carrément le détour, et l'agent Barton devait sacrément bien se défendre avec pour que sa hiérarchie accepte ça.
Néanmoins, la discussion se poursuivit sur un autre sujet, et devant le rire de l'agent, la brune choisit de s'expliquer :

« Les amis de mon frère avaient l'habitude d'appeler les gens comme moi, comme ça. Tête d'ampoule. Gratte papier. Grosse tête. Enfin, vous voyez. Elle haussa les épaules, comme si elle abandonnait l'idée de changer la manière qu'on avait de parler de son métier ou d'elle. Après tout, elle connaissait sa valeur : On se fait une image assez péjoratives de gens comme nous, et si certains ont tendance à un peu trop coller aux stéréotypes, je trouve quand même ça un peu dommage. »

Esquissant un sourire, elle hocha la tête :

« Mais si ça se passe bien ici, alors tant mieux. Elle regarda autour d'elle un temps, sans trop savoir où ils se rendaient. Elle termina par revenir vers Clint, le questionnant d'une voix douce : Ou allons-nous, du coup ? »

Elle avait probablement encore plein de choses à voir ici, et à découvrir. Donc, tant qu'à faire, autant user d'un vieux de la vieille pour en tirer avantage.

« Je tiens à préciser que j'étais innocente, Agent Barton. Une simple erreur de visée. »

Jaime eut un sourire mutin, qui en disait long sur l'innocence, oui. Innocente, innocente... Une simple erreur de visée, et si la flèche s'était rendue un peu plus à droite, sans doute qu'elle n'aurait plus été aussi innocente que ça. Mais bon, avec le recul et les années, tout ça ne valait plus vraiment le coup, ni la peine, de s'en offusquer. C'était un souvenir pour le moins amusant, qui montrait qu'elle ne se laissait plus faire aussi facilement qu'avant, et qu'elle avait sa manière de répondre à la provocation. Les pompoms girls n'avaient plus été un problème quelques jours plus tard, pas de quoi en faire tout un plat.
Dans tous les cas, l'homme semblait content de la voir s'intéresser à sa pratique, se permettant même une petite blague au passage. Jaime rit doucement, avant de rajouter avec des yeux brillants : « Alors c'est parfait, je viendrais voir. » Il lui faudrait trouver l'endroit en question, ne pas se perdre avant ça, ni mourir de faim dans les couloirs de l'établissement sans jamais retrouver sa route. Mais voilà, rendez-vous était pris pour elle, le reste n'était que du détail.

Même si sur la suite, la jeune femme se stoppa après l'anecdote de l'agent à ses côtés, les mains sur les hanches et la petite mine courroucée. Si son frère ne disait rien ? Pourquoi, avait-il besoin de dire quelque chose ? Avait-elle l'air d'une jeune femme qui ne savait pas se débarrasser des gêneurs toute seule ?

« Je n'ai pas besoin de mon frère pour me défendre, figurez-vous ! Rétorqua-t-elle à l'homme en le regardant droit dans les yeux avec une mine de défi. Et puis, c'était juste des taquineries. Mon frère ne laisserait personne me faire du mal, puis il me connaît avec assez de caractère pour me débrouiller si quelque chose me gêne. »

Et toc ! Eut-elle envie d'ajouter sans le faire pour autant. Pendant un bref instant, la jeune femme eut l'air pleine de confiance, avant de se rendre compte que, justement, peut-être en avait elle trop eu. Elle manqua de rougir, esquissant plutôt un sourire à la suite en retrouvant son calme. Se raclant la gorge, elle fit, timidement, des excuses à l'homme. Ils étaient désormais dans l'ascenseur, et elle qui l'avait suivi jusqu'ici venait à peine de s'en rendre compte. Alors, quand il lui proposa la visite, la brune en eut les yeux brillants, un peu troublée aussi, néanmoins :

« Vous- Vous auriez le temps ? Je ne veux pas... Vous déranger, vous avez peut-être autre chose à faire ! »

Même si elle mourrait d'envie de voir où l'ascenseur pouvait venir, si c'était ailleurs que dans le hall d'entrée ou dans son bureau.

« Mais si pas... Volontiers, je vous suis ! »

Elle le vit appuyer dans un bouton, les sous-sol. C'était intéressant.

« Vous étiez blessé ? demanda-t-elle avec une pointe de curiosité dans la voix alors qu'il venait de lui dire que les médecins voulaient encore qu'il se repose. »

Sur l'instant, elle se demanda si ce n'était pas trop déplacée non plus de lui poser la question. Mais vu comment Clinton avait l'air nature peinture avec elle, elle se dit qu'il était temps de prendre un peu plus consistance et de se laisser aller. Après tout, des gens l'appréciaient pour ce qu'elle était, ça faisait d'elle d'une personne aimable et respectable. Et puis, elle avait bien remarqué que lorsqu'elle y allait franchement, l'homme n'avait pas l'air gêné. Il prenait même tout ça avec humour, plaisantant à ses blagues parfois un peu douteuses sans doute pour la mettre à l'aise.

Dans tous les cas, ils arrivèrent là où Clint voulait l'amener. Et Jaime eut l'occasion d'en avoir les yeux ronds. Les locaux étaient vraiment immenses, surtout pour ranger des appareils tels que les quinjets comme il le lui présentait. Son nouveau chouchou. Elle fronça les sourcils, un peu surprise et étonnée de voir ce genre d'engin dans un garage aussi grand. Mais pour l'instant, la petite brune n'avait pas les mots pour s'exprimer, aussi resta-t-elle un temps silencieuse...

Le SHIELD était un endroit étonnent. Mais elle n'aurait accès pour l'instant qu'à la super photocopieuse il fallait croire. De toute façon, ce n'était pas comme si elle savait conduire des avions ou piloter des 4x4 spéciaux qui se transformaient ensuite en lave-vaisselles ou dieu savait quoi. Muette depuis assez longtemps, elle réussit à articuler péniblement un « On peut vraiment rentrer dans ces... dans ces... » sans réussir à terminer sa phrase.

Se tournant vers Clint, puis de nouveau vers l'appareil qui devait faire dix fois sans taille, elle poussa un long soupir qui trahissait son étonnement, avant de lancer comme si ça venait du fond du cœur :

« C'est grand ! »

Et c'était rien de le dire ! Alors lui, en tant qu'espion et agent de terrain, il pouvait grimper là-dedans et les piloter ? Elle avait l'impression que si elle y mettait les pieds, l'engin se détraquerait tout seul, et finirait par se crasher alors qu'il n'avait même pas encore décollé. Elle se demanda si un jour, elle serait amené par un avion comme celui-ci sur le terrain. Si Tyler, lui, pouvait y toucher, s'il avait déjà pris place derrière les commandes de cet appareil. Il devait garder le secret sur plein de choses, sans doute sur ça aussi. Mais elle aimait croire qu'il en aurait été très heureux, et qu'il n'aurait pas pu lui cacher de bonheur là s'il en avait eu l'occasion :

« Le permis suffit pas à le conduire je suppose? »

Parce qu'elle n'avait qu'une petite voiture de ville, et il lui arrivait de rayer la carrosserie ou de cabosser les voitures des autres...

L'histoire de Clint la laissa silencieuse. A l'écoute mais silencieuse. Elle n'avait pas conscience du sacrifice que ça pouvait être que de rentrer dans l'armée, d'être sur le terrain. Le risque que tout ça représentait. Le fait qu'on mettait forcément sa vie en jeu, et qu'on avait à sa charge celle des autres... Elle ne sut quoi dire, alors elle préféra rester muette, baissant tristement le regard. Clinton avait risqué sa vie, y avait misé gros pour des convictions dangereuses finalement... Elle songea quand même qu'au SHIELD, il y ferait des choses mieux, il jouerait, peut-être, un jeu moins dangereux, mais même ça, elle n'en était pas sûre...
De toute façon, il n'y avait rien qu'elle pourrait dire qui changerait les choses, alors se contenter de simplement lui changer les idées seraient probablement un bien meilleur début.

« Des motos ? Demanda-t-elle doucement. Vous en avez une aussi ? Qu'est-ce que vous ne savez pas piloter ? Ça sera sûrement plus court d'en faire la liste, blagua-t-elle doucement. »

Fallait dire que pour être un bon espion, il fallait être polyvalent. Savoir plein de choses. Être aussi habile avec une arme à feu qu'un couteau, qu'un arc. Savoir conduire une voiture, une moto, piloter un avion, un train, un sous-marin... Tout ça à la fois. Elle n'était qu'une bonne analyste finalement, une personne habile avec les lignes de son code pénale, capable d'offrir une voie royale aux agents qui souhaitaient intervenir sur le terrain, et tout ça... Du reste, elle conduisait sa voiture à sa manière (en regardant la route certes, mais en étant toujours un peu tête en l'air), donc inutile de songer qu'un jour on puisse lui offrir les commandes d'un avion comme celui qu'elle avait sous le nez.

Et même si la proposition était tentante, celle de Clint, Jaime se contenta d'un sourire poli. Passer sous les radards du SHIELD juste pour l'amener faire un tour ? C'était osé. Un peu trop ? Pourquoi ferait-il ça pour une presque inconnue qui avait l'air d'une idiote ?

« C'est tentant, vraiment. Mais je n'ai pas envie de vous attirer des ennuis à peine arrivée, fit-elle avec un petit rire. Si un jour je monte en grade et que j'ai l'occasion de monter à l'intérieur, je ferais tout pour que vous soyez mon pilote, d'accord ? »

Elle garda son sourire, amusée par le comportement de l'homme, et de plus en plus en confiance. Oh, elle avait conscience du fait qu'il était bien plus important qu'elle, et de fait, bien plus intéressant en fait. Il avait vécu tout un tas de trucs que Jaime n'était même pas capable d'envisager un seul instant. Derrière son bureau et ses bouquins, le nez dedans sans pouvoir en décrocher... Ouais, y'avait plus trépidant, plus séduisant, comme vie, que celle d'une employée modèle. Mais elle était heureuse ainsi aussi.

« On peut aller voir à l'intérieur sans démarrer peut-être ? Demanda-t-elle poliment mais avec une pointe d'envie dans la voix en regardant l'agent à ses côtés. »

Ça valait le coup d'essayer.

« Vous pilotez vraiment cet engin ?! Lança-t-elle de but en blanc en le regardant avec les billes rondes. »

Jaime n'en croyait pas ses yeux. Elle était à l'intérieur de l'appareil, sans savoir où elle devait poser les yeux. C'était complètement dingue ! Tout y était fonctionnel évidement, bien organisé, c'était normal puisqu'on avait besoin que tout y soit particulièrement bien pensé pour pouvoir y décharger des stocks ou des soldats, ou au contraire en charger d'autres. Si cet appareil était capable d'accueillir des blessés, et tout ça... Jaime avait du mal à s'en remettre, c'était assez dingue de voir ce qu'ils étaient capables de concevoir aujourd'hui. Et dire que des agents s'embêtaient à apprendre à manipuler tout ça... Alors qu'elle, elle avait parfois du mal avec la photocopieuse et manquait souvent de s'en arracher les cheveux. Oh bon sang, elle se souvenait de sa première année à l'université, à ne pas savoir sur quel gros bouton appuyer pour faire marcher l'appareil ! Elle en avait pleuré une fois, de fatigue et de nervosité, jusqu'à ce que la bibliothécaire lui vienne en aide. Et cette femme était, depuis, son héroïne du quotidien...

Et maintenant qu'elle avait l'occasion d'admirer l'endroit où les pilotes s'installaient, elle ne savait franchement plus quoi dire. Il n'y avait pas de mots pour décrire un tel endroit. Jaime savait qu'elle, ici, serait totalement perdue. Par dépit, elle appuierait probablement partout et ferait se cracher tout le monde. Non, elle restait volontiers avec sa petite photocopieuse, c'était bien moins dangereux :

« Il y a tellement de boutons partout, c'est impossible ! Hoqueta-t-elle avec de gros yeux : Je suis sûre que y'a au moins un bouton qui fait le café ! Et je suis persuadée que si on lui pose une question, cette machine est capable de nous répondre ! »

Oh, elle hésita sur l'instant à vraiment poser une question. A lancer un truc compliqué, genre « quel est le mot le plus long du monde ? » pour voir si le tableau de bord allait lui répondre la bonne solution. Mais elle s'en abstint, avant de relever les yeux vers Clint. Elle lui adressa un sourire, secouant ensuite la tête. Elle avait l'impression d'avoir vu assez de choses folles pour toute sa vie, et pourtant, ce n'était que le début de sa collaboration avec le SHIELD. Elle venait à peine d'arriver. Est-ce que tous les jours du reste de sa vie allaient être du même genre ? Si oui, c'était génial !

« Pourquoi me montrer tout ça ? Vous savez que je ne viendrais quasiment jamais ici ? Fit-elle d'une petite voix en retournant vers la cabine arrière. »

Ils sortirent tout deux de l'appareil, comme pour continuer la visite, néanmoins, Jaime savait que l'heure tournait et qu'elle devrait à un moment rejoindre son poste pour prendre ses dispositions et commencer sérieusement à travailler. Elle ne pourrait pas papillonner pour toujours et s'extasier des gros bolides qu'ils gardaient dans un coin du garage.

« Je devrais peut-être retourner aux étages qui me concernent et voir à obtenir un poste. Je ne suis pas persuadée qu'ils vont mettre mon bureau dans le garage ! Blagua-t-elle simplement avec un sourire. »

Jaime esquissa un sourire. Oui, étage par étage, jamais ils ne termineraient d'en faire le tour avant l'an prochain. Elle en avait conscience, surtout en rentrant dans le bâtiment la première fois. Elle avait eu la peur bleue de ne pas retrouver sa route, de mourir de faim dans l'un des couloirs de l'immeuble, de finir comme une momie dessécher près de la photocopieuse. Mais de tout ça, il n'en fut rien, car elle avait quand même une vague idée de ou et de comment s'y rendre grace à lui. Continuant à sourire, elle annonça à l'homme qu'elle devrait y aller bientôt, et il hocha la tête en disant qu'il comprenait. Lui même était attendu, et il avait sans doute pris sur son temps pour tout ça...

La petite brune en était flattée. Encore plus quand il lui demanda si elle s'en sortirait, si elle retrouverait son étage. Oh, elle n'en était pas persuadée, mais elle devrait essayer au moins, toute seule, pour prouver qu'elle pouvait être indépendante et survivre à ce grand monstre qu'était le SHIELD. Piétinant sur place, elle secoua la tête un moment, semblant hésiter, avant de dire avec une petite moue sur le visage :

« Je devrais m'en sortir. Sa moue ne quitta pas ses lèvres alors qu'elle tournait les talons après lui avoir fait un petit signe de la main : Et si pas, j'enverrais un Barton Signal dans le ciel, surveillez bien. »

C'était une blague évidemment. Si elle avait un problème, elle ferait exactement comme d'habitude : elle s'effondrerait au sol pour se mettre à pleurer toutes les larmes de son corps en suppliant pour que quelqu'un ne la retrouve avant qu'elle ne meurt d'inanité. Mais ça... ça. Ça n'arriverait pas. D'ici là, elle aurait eu le bon réflexe de suivre un des employés jusqu'à la sortie, lui permettant de survivre de cette manière. Le bon sens...

Et un peu de sens de l'orientation. Elle allait en avoir besoin ici. Ses pas la menèrent jusqu'au l'ascenseur, elle eut le réflexe de regarder son téléphone une fois les portes fermées. Son frère devait être ailleurs, en mission à l'extérieur, sinon elle aurait déjà eu un appel de lui pour qu'ils se retrouvent dans les locaux. Tant pis. Que ce soit lui, ou Gadreel, elle finirait bien par les voir quelque part. Au pire, ils connaissaient encore l'adresse de sa maison.

FIN