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Pas de fumée sans feu
✦ Welcome to the panic room where all your darkest fears are gonna come for you ✦
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Lun 19 Déc - 15:42
Je baille. Avant de me redresser sur mon lit. Sérieusement ? Mon corps essaie de me faire comprendre que je suis fatigué en baillant et pourtant j’arrive pas à dormir plus d’une demi-heure ? Je tends le bras vers la montre posée sur ma table de chevet. Cinq heure vingt trois. Bon. Encore une nuit presque blanche. Je repousse la couette en soupirant. Faudrait que je trouve la signification de ses rêves étranges un jour ou l’autre, mais pour le moment c’est juste un espèce de flou artistique que je pige absolument pas. Ca sert à rien de rester allongé plus longtemps. D’autant plus que si j’arrive effectivement à m’endormir ou à m’écrouler de fatigue, je vais pas me lever avant midi et ça me gonfle de perdre la moitié de ma journée. Je me gratte le torse une seconde. Il est trop tôt pour sortir, mais un peu d’exercice de tirs dès l’aube, ça a tendance à réveiller. Et ça me défoulera un peu. Mes pieds touchent terre et je me prends la tête dans les mais une seconde. Pfiou… C’est trop demandé, une nuit normale ?...

Après quelques instants, je me lève et récupère un débardeur qui traîne au sol. Avant toute chose, une bonne douche pour s’éclaircir les idées. J’y entre d’un pas traînant, ôtant juste le boxer que je porte avant de tourner le robinet d’eau chaude au maximum. Ca fait du bien. L’eau coule sur mon corps nu et ça file un sacré coup de fouet. Je repense un moment aux flashs et aux songes. J’arrive à distinguer un visage ou deux. J’ai l’impression que je devrais les reconnaître mieux que ça, et pourtant ça ne m’évoque rien de plus que de vagues souvenirs. Des souvenirs que j’ai pas l’impression d’avoir vécus, mais qui résonnent quand même comme s’ils m’appartenaient. Ca me décontenance un peu. Je secoue la tête. C’est pas l’heure de penser à ça. On verra la nuit prochaine. Pour l’heure, j’vais finir cette douche, et aller noyer mes incompréhensions dans le bruit assourdissant des flingues et l’odeur de la poudre. Ca, au moins, c’est un domaine qui me parle.

Je sors de la douche après une dizaine de minutes. J’aurai pas dû laisser l’eau chaude aussi forte, je suis en train de fumer comme une dinde de Noël qui sort du four. Tant pis. J’enfile rapidement un jean et le fameux débardeur blanc que j’avais ramassé plutôt, avant de sortir de ma chambre pour me diriger vers la salle d’armement. Je croise une ou deux personnes, mais il y a rarement du monde dans les couloirs à cette heure-là. Je m’énerve tout seul pendant une seconde ou deux en pensant à tous ces cons qui dorment du sommeil du juste avant de me dire que c’est pas raisonnable de les blâmer alors qu’ils y sont pour rien. Puis, je me rappelle que je suis pas raisonnable et je me calme pas. Respire, Myron, respire. Tu vas tirer sur des trucs, ça va te déstresser. C’est peut-être un peu primaire comme solution, mais je suis un singe, alors…

J’entre dans la salle d’un pas sûr, observant les alentours avec un petit sourire. Le premier de la journée. Il n’y a personne, encore. J’aime bien cet endroit. Il y a de tout ici, c’est un vrai paradis pour les dégénérés. Des armes en tout genre, des cibles en tout genre. Il y a même un ring et un endroit réservé à l’entraînement au corps à corps. C’est pas ce que je cherche là tout de suite, mais un sac de frappe c’est jamais désagréable pour se vider la tête. Ca forge le caractère et les poings. Mais pour l’heure, j’ai envie de dégainer mon calibre et de plomber quelques cibles, à défaut d’avoir une véritable personne à buter. Mais on peut pas tout avoir. Je vais sur le champ de tir d’un pas léger, presque détendu.

Avant d’essayer d’attraper mon arme à ma ceinture pour me rendre compte que je l’ai oublié dans ma chambre. Putain de merde. Je martèle le mur pendant quelques secondes en jurant comme pas possible. La salle est insonorisée, je ne risque pas de réveiller les autres. Et je m’en cogne de toute façon. Putain, c’est la première fois que j’oublie mon feu. Ca prouve bien que quelque chose cloche. Merde, merde, merde, merde !! J’inspire longuement. J’espère secrètement que quelqu’un d’aussi mal luné que moi va débarquer dans la salle avec l’envie de se foutre sur la gueule. Rien de tel qu’une bonne bagarre pour se remettre les idées claires. J’observe la porte. Cinq secondes. Dix. Vingt. Une minute. Deux. Personne. J’pouvais toujours rêver, apparemment. Tant pis. Je vais voir les armes. J’ai un choix assez impressionnant de pétoires, toutes aussi rutilantes les unes que les autres. Mais bon, je suis de la vieille école. Pour moi, rien ne vaut un bon vieux flingue semi-automatique. Facile à cacher, distingué, discret. J’aime le tape à l’oeil, hein, mais pour les armes, je suis de l’école des nostalgiques.

Je prends un Glock 18. Une valeur sûre. Je l’observe une seconde. Il est pas horrible, il ressemble au mien. Ca fera l’affaire. Je me mets sur le pas de tir. Il y a des casques et des lunettes de protection sur le côté, mais j’ai toujours trouvé ça ridicule. Pourquoi les gens utilisent ce genre de trucs ? On les a pas à l’extérieur, pourquoi on en aurait besoin ici ? Quitte à s’entraîner, autant que ce soit en conditions réelles, ça n’a aucune utilité autrement. Je hausse les épaules, avant de dégager le magasin. Il est plein. Parfait. Je plisse les yeux en direction de la cible en face de moi. Je l’aligne du bout de mon canon. Je presse la détente, pour la première fois de la journée. Ma balle vient transpercer la feuille de papier. Et j’enchaîne. Sans relâche. Une balle après l’autre. Au premier coup déjà, je me sentais mieux, et ça ne va qu’en s’améliorant. Je continue encore et encore. Je touche la cible à chaque fois, mais l’important n’est pas vraiment là. Je finis par vider le chargeur. J’en attrape un second, l’enclenche, et reprend mon exercice de yoga personnel.

Puis, tout à coup, une voix retentit à l’intérieur de ma tête. J’arrive pas à dire si elle est masculine ou féminine, mais j’ai distinctement entendu Myron. C’est la même voix, ou les mêmes voix ? que j’entends quand je rêve. Je sursaute et un coup part du flingue. Sauf que cette fois, la balle évite la cible de presque un mètre et vient de planter dans un sac de frappe qui se met à perdre de son sable sur le sol. Merde… Je m’aperçois que je respire trop vite pour que ce soit normal, et que mon coeur bat la chamade. Qu’est-ce qui m’arrive, bordel de dieu ?...

Et… Je tourne la tête. Je hausse un sourcil, avant de prendre la parole.

“- Salut donzelle.

Quand est-ce qu’elle est arrivée ? Elle a forcément vu ma connerie. Enfin, cela dit, elle doit commencer à me connaître un peu, à force. Les conneries, c’est ma raison de vivre ou presque. Je la jauge de haut en bas, appréciant le spectacle. Neena est quand même sacrément bien gaulée, il faut le dire. Je regarde les balles qu’il reste dans le magasin, avant de soupirer.

“- Comment tu vas ? Tu voulais quelque chose ?

Je lui adresse un petit sourire. Je jette un oeil au sac de frappe, plus loin.

“- T’inquiète pour ça. Je nettoierai. J’ai la tête un peu prise, comme t’as sûrement pu le voir...

Non pas que je veuille pas discuter, mais un chargeur à moitié plein, ça me plaît pas. Alors je prends quelques secondes pour le vider sur la cible. Tous les tirs touchent la tête et je pose l’arme, avant de revenir à la demoiselle, haussant un sourcil en attendant sa réponse.
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Jeu 22 Déc - 16:46
Neena n'avait jamais vraiment eu de mal à se lever. De toute sa vie, elle n'avait non plus jamais été une très grosse dormeuse, se contentant de quelques heures efficaces, et quittant son lit aussitôt pour ne pas perdre plus son temps que ça. Mais depuis qu'elle était avec Frank, ses habitudes avaient légèrement changé. L'homme avait beau être un militaire pure souche entraîné comme jamais et stricte dans son quotidien, depuis qu'ils étaient ensemble, ils faisaient souvent des écarts à ce quotidien. Ils veillaient souvent tard le soir, pour se réveiller tôt en regrettant amèrement de ne pas avoir fait l'effort de s'endormir avant. Et toute la journée, ils ressemblaient presque à des zombies, pour mieux se retrouver le soir.

Le fait qu'ils ne vivaient pas vraiment ensemble, et qu'ils tentaient de préserver une intimité et une discrétion plaisante n'aidait pas non plus à faire des nuits complètes. Ce soir-là pourtant, Neena s'était organisée au maximum. Son petit frère passait la soirée chez son ami et voisin, pour ne rentrer qu'enfin de journée le lendemain. Elle avait donc pris son sac, sa brosse à dents, et s'était rendu dans la maison de Castle pour passer sa soirée en sa compagnie. Simplement vers vingt et une heure, son téléphone sonna pour lui annoncer qu'elle était attendue extrêmement tôt le lendemain au QG d'Hydra avec un client américain qui ne voulait pas se décaler de son horaire là-bas.

Du coup, à trois heures, elle avait du mettre un réveil. Enfin de compte, tout ceci ne lui servit à rien, vu qu'elle passa simplement la nuit chez Frank pour ne pas dormir du tout, s'extirpant de ses bras à lui un peu avant l'heure donnée pour s'enfuir discrètement. Si elle était punie de grasse matinée, ça n'était pas le cas de son compagnon. Elle se promit de faire simplement une sieste, sans regretter le moins du monde de ne pas avoir trouver le sommeil avant. La douche froide fut revigorante, le café un véritable sauveur, et la route jusqu'au QG se passa comme une lettre à la poste.

Du rendez-vous en question, elle ne s'attendit pas à grand chose. L'américain était un homme d'affaire souhaitant racheter une société à un vieux un peu grabataire se refusant à vendre à une personne d'autres que son petit fils. Sauf le dit petit fils était encore au collège, et ne prendrait pas la suite des affaires avant des années, au moins vingt ans. La compagnie avait besoin d'un PDG, et l'américain voulait être ce PDG. Mais il ne voulait pas avoir à laisser sa place à un jeune prodige. Il voulait l'intégralité de l'entreprise. Alors il fallait éliminer le vieux grabataire avant qu'il ne signe son testament impliquant la légation de ses biens à son héritier.

Il fallait de surcroit que la mort donne l'impression d'être naturelle. Une crise cardiaque, ou quelque chose de ce genre là. Beaucoup de données à prendre en compte, vu que Neena se doutait qu'approcher l'homme ne serait pas aussi facile que prévu. Il avait probablement des gardes du corps, une vie bien ordonnée, sécurisée, bref. En soi, une simple piqûre pour injecter de l'air dans le sang serait facile. Une embolie pulmonaire donnerait l'impression d'une mort inévitable. Elle accepta de prendre le contrat, ayant bien trois mois pour mettre tout ça en place et à exécution aussi.

Quittant la salle de réunion, et regardant son montre, elle ne mit pas très longtemps à se rendre compte qu'il était encore extrêmement tôt. Et que rentrer maintenant serait une sorte de coup d'épée dans l'eau. Elle ne pourrait pas vraiment dormir, retourner chez Frank pour le déranger était hors de question. Bref, elle se décida à faire un petit tour des locaux, s'attardant dans la salle d'entraînement où elle aurait tôt fait d'avoir de la conversation, et de trouver quelques personnes dignes de prendre le petit déjeuner avec elle.

Myron, par exemple. Myron, qui manqua de lui coller un pruneau dans la tête en plus de ça, et qui se permettait de lui donner un petit surnom en s'excusant du désordre. « Appelle moi encore 'donzelle' et c'est possible que je te fasse bouffer tes mains à coups de pelle. » Déclara Neena avec un grand sourire, à la fois amusé et sincère. La scène serait probablement très drôle, autant à voir qu'à faire. Surtout qu'elle en était tout à fait apte. « Il est trop tôt pour savoir ça. » Répondit-elle. « Par contre toi, tu ne dors pas et tu fais n'importe quoi. A mon avis, t'as un problème en plus de la tête un peu prise. » Et ce qui était pratique, c'était qu'il ne pouvait nier. Il n'y avait plus qu'à tout avouer.
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Jeu 22 Déc - 17:45
Elle me fait marrer, cette donzelle. A sa première phrase, je jette un oeil autour avant de lui rendre son sourire, amusé.

“- J’suis tranquille pour l’instant, y’a pas de pelle dans le coin. Et j’crois me souvenir que c’est pas la première fois que je t’appelle comme ça. En plus, tu commences à me connaître, à force. Tu sais bien que c’est presque un automatisme.

Elle enchaîne sans répondre à ma question, à propos de mes problèmes. Je soupire et repose le flingue avant de poser mes mains sur mon visage et de me mettre une paire de claque pour me réveiller un peu. Tu parles d’une vie de merde… Je m’adosse au mur, la jaugeant du regard. J’ai pas spécialement envie d’en parler, mais bon. J’ai l’impression qu’elle va pas me lâcher.

“- Je fais toujours n’importe quoi. C’est ma manière d’être.

Je lâche un petit rire avant de secouer la tête.

“- Non, plus sérieusement, je sais pas trop, en vérité. Je dors peu, et quand ça arrive, je fais ces rêves étranges. Des voix. Des trucs flous. Des trucs que j’ai l’impression de reconnaître, et pourtant, c’est… Je sais pas trop comment le dire. Lointain. Un peu abstrait. Et là, quand je tirais, j’ai entendu mon prénom. Une voix. Ou deux. Familières, mais en même temps totalement inconnus. D’où le tir un peu foireux.

Je la fixe, une moue un peu gênée s’inscrivant sur mon visage fatigué. Je hausse les épaules.

“- J’sais même pas si c’est dû juste à mon manque de sommeil, mais j’ai l’impression de perdre un peu la boule. Je la regarde d’un air entendu, laissant planer pendant quelques secondes un silence évocateur. Non, je veux dire, ok, je suis taré de base. Mais là je te parle de vraiment perdre la boule. Comme si mon esprit était étranger à ce que je suis. Ou comme si j’étais étranger à mon propre esprit. C’est assez délicat à expliquer.

Je hausse à nouveau les épaules, avant de me décaler du mur pour récupérer l’arme et y remettre un magasin de munitions. Je l’observe une seconde. Posant une main sur le comptoir du pas de tir, je penche légèrement la tête et retourne mon regard vers la demoiselle.

“- Et voilà. Du coup, j’me retrouve à cinq heure et demi du mat’ à shooter dans du papier parce que c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour me vider la tête.

Je me perds un instant dans mes pensées, mon regard toujours sur Neena, même si je ne la vois pas vraiment. Je reste immobile quelques secondes. Je repense aux voix, aux impressions de déjà-vu, aux rêves énigmatiques. Puis je reviens à la réalité et adresse un nouveau sourire à la donzelle.

“- Mais t’as pas à t’inquiéter, Nee. Pour le boulot, j’assure. Tu m’as recruté, je suis pas là pour t’attirer des emmerdes. Je fais mon job correctement et tuer c’est pas si difficile que ça. Tu peux vérifier mes missions accomplies, tu verras bien que je suis toujours aussi bon dans ce que je fais, sans vouloir trop la ramener non plus.

Je me retourne, et presse à nouveau la détente. Les voix sont parties, et c’est carton plein. Une fois le bruit des détonations disparu, j’essuie l’arme et vais la ranger, sentant toujours le regard de la gonzesse posée sur moi. Je m’approche d’elle en souriant, avant de lui tendre mon bras. En profitant pour la jauger du regard, parce que ça aussi ça me vide la tête. Mater une silhouette d’ange, c’est toujours un bon moyen d’oublier la merde.

“- Je sais pas ce que tu fous ici à cette heure, mais un petit déj, ça te tente ? Ou un verre. Moi je préférerais le deuxième, mais bon, j’ai rien avalé depuis hier midi. Autant ne pas ajouter l’inanition à mes autres soucis. Faut que je sois opérationnel pour le terrain.

J’hésite encore à lui parler des trucs étranges qui m’arrivent parfois quand je me blesse. Ce machin avec mon sang. Je suis certain qu’elle va finir par me questionner en remarquant que je lui dis pas tout, mais j’ai vraiment pas envie de parler d’un truc que je comprends encore moins que le reste. Cela dit, elle a peut-être des réponses. On verra ça en temps voulu. Elle prend mon bras en acceptant l’invitation, et on se dirige vers la cantine. J’ai jamais trop apprécié la bouffe d’ici, mais bon… Faut bien se caler l’estomac. Faudrait qu’ils pensent à recruter un vrai cuisinier, ça éviterait de bouffer de la merde à chaque repas. Enfin, pour ceux qui vivent ici. Surtout qu’à cette heure-là, j’me vois pas trop sortir pour aller grailler à l’extérieur. Enfin. On arrive finalement à la cantine. Je laisse Neena s’installer et je vais chercher des plateaux remplis de choses et d’autres histoire qu’on discute autour d’un petit grignotage. Et d’une bonne bouteille d’alcool, pour ma part. Je m’installe en face d’elle, avant de me servir un verre. Je le descends cul sec avant de la fixer à nouveau, croisant son regard. Elle est vraiment canon.

“- Et toi, alors ? Tu fais quoi dans les locaux à cette heure-là ?
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Sam 24 Déc - 0:53
« Je peux essayer avec ton propre doigt. » Fit-elle après une petite moue, l'air de réfléchir à ce qu'elle allait bien pouvoir utiliser si jamais il venait à lui redonner un surnom qui lui donnait envie de tuer des chatons en les noyant dans de l'acide. Elle haussa simplement les épaules avant d'éclater de rire, parce qu'elle n'aurait pas l'autorisation de trucider une de ses recrues, même si c'était elle qui l'avait ramené ici. Surtout un nouveau qui avait du talent dans ce qui se faisait de pire. « Si y'a un problème, y'a que des solutions, c'est mon credo ça. » Fit elle en appuyant un clin d'oeil.

Myron, lui, était très talentueux là-dedans. A croire que c'était dans ses gênes, tout ça... Et quand il s'agissait de parler de choses assez troublantes, il n'y avait pas à dire, il était aussi le champion. Soit dérangeant, soit déroutant, soit... Tout ce qui se fait de pire. Neena l'écouta lui raconter ses insomnies et ses rêves, y trouvant dans son discours une similitude avait des impressions qu'elle pouvait avoir. Des impressions très gênantes qui revenaient de plus en plus régulièrement, desquelles elle n'avait parlé à personne.

L'idée d'aborder la présence de cette pièce toute blanche, dans laquelle elle souffrait à chaque fois qu'elle fermait les yeux, ne lui effleura pas l'esprit. Enfin si, mais elle s'y refusa. Ça ne concernait pas Myron. Et plus encore, elle n'avait confiance en personne, à quelques exceptions près. Si même à ces exceptions elle était incapable de parler, alors tout ça n'aurait aucun sens de le faire avec un collègue lointain, de qui elle n'était pas si proche, de qui elle ne connaissait que son passé et présent criminel.

Son futur aussi était carrément prévisible. Neena ne put cacher son air troublé, et sa réponse fut teintée de tellement de cynisme qu'on pouvait se douter qu'il se passait quelque chose dans sa tête : « Ouais ok, le gars il me dit au calme qu'il est en train de devenir taré, mais ça va quoi. Si tu pètes un cable, je préfère autant être au courant... ça va là ? » Parce qu'à défaut de pouvoir être sérieuse, la brune préféra, et de loin, prendre des gants et faire l'indifférente. Elle n'arrivait pas à assumer ces travers, sans savoir non plus ce que ça signifiait pour elle. « T'as intérêt à assurer. Si je dois me débarrasser de toi, je n'hésiterais pas longtemps. »

La menace passée, elle prit le temps de la réflexion : « Ça me fera peut-être un petit pincement au cœur... » Et laissant planer le doute sur sa sincérité, elle rajouta aussitôt : « Non je déconne. » N'était-elle pas une tueuse de sang froid ? Si. Elle affectionnait pourtant assez Myron pour le respecter. Pas assez pour se laisser aller à la confidence. Etait-ce un manque de respect ? Elle n'en savait rien. Juste une manière de faire, à défaut d'avoir une manière de bien faire.

« T'en as mis du temps à proposer ! » Fit elle en attrapant on bras, avant de rajouter : « C'est toi qui invites. » Parce qu'elle était comme ça aussi : opportuniste. Quand elle se retrouva assise en face de lui, à tourner la touillette dans son café qui ne contenait même pas de sucre, la brune prit le temps de lui expliquer : « Une nouvelle mission qui s'imposait. Sauf que le commendataire vient d’Amérique, et voulait pas se recaler aux heures de l'île, donc c'était à moi de bouger mon cul. » Révoltant, comme histoire, n'est-ce pas ?

« Heureusement que la mission est intéressante, sinon je l'aurais descendu pour ce réveil à trois heures du matin. » Chose qui n'était pas une blague. Il y avait des limites à tout, surtout avec une tueuse à gage au cœur de pierre. Un cœur de pierre qui avait un petit peu fondu ces dernières semaines, mais il était préférable pour elle que personne ne le sache : « Surtout que j'étais en bonne compagnie, ça m'aurait vraiment fait chié si ça avait été pour du vent. » Elle trempa ses lèvres dans son café, et manqua de se brûler la langue. « Hm, sinon, ça va ? Tu te fais à l'organisation ? »
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Sam 24 Déc - 7:37
“- C’est un bon crédo. Le mien, c’est ferme ta gueule, généralement.

Je parle avec un grand sourire, parce que ce n’est pas une insulte à son encontre. J’aime bien la formule, c’est tout. Il n’y a pas beaucoup de choses que je trouve grisante, à vrai dire. Mais lâcher un bon “ Ferme ta gueule. ” à un fils de pute qui n’a pas eu le temps de terminer sa phrase, c’est dans le top dix de mes activités préférés. Elle a pas très bien réagi quand je lui ai annoncé que j’avais l’impression de perdre la tête, mais c’était prévisible. Après tout, elle m’a recruté, donc j’imagine que si je foire, ça va lui retomber dessus aussi. Mais je sais être reconnaissant. Ca n’arrivera pas. Qu’importe ce qui se passe dans ma tête, le job est toujours accompli. C’est un fait qui ne se discute pas. Qui ne change pas. Elle m’a offert une place de choix qui m’a sorti de la rue, elle a de sacrées compétences, elle est mignonne. Pour ça et un tas d’autres raisons, elle a mon respect.

Par contre, sa menace me fait sourire. Je la regarde avec un air taquin. Avant de me pencher un peu vers elle pour lui demander, avec un rictus malicieux.

“- Si tu dois me débarrasser de moi, je sais que tu n’hésiteras pas… A essayer, en tout cas.

Je sais qu’elle est une tueuse. Professionnelle en plus. Et elle m’a formé à mettre un peu d’ordre dans le chaos dans lequel je gravite. Mais ça me donne aussi un avantage, parce qu’au final, elle est peut-être bien meilleure que moi dans cet ordre des choses mais dans le chaos, je reste encore au-dessus. Je pense. Espérons que nous n’ayons pas à le découvrir, mais je ne vois pas pourquoi ça arriverait.

Lorsque nous sommes l’un en face de l’autre, elle répond à ma question. Je hausse un sourcil en attrapant la bouteille d’alcool. Whisky. Pas dégueu. C’est moi qui paie, de toute façon. Je m’en sers un verre en l’écoutant, avant de le descendre cul sec. Y’a pas à dire, Jack est sacrément utile pour se réveiller. Ca fouette les sangs. Un pauvre connard qui se croit tout permis et dérange les gens à trois heures du matin. Ca se fait pas, franchement. Je comprends ce qu’elle veut dire. Elle finit sur un truc qui m’amuse.

“- Ah ouai ? Je pige clairement pourquoi ça te fait chier, du coup. En bonne compagnie hein ? Si j’avais été à ta place, je pense que ça m’aurait gonflé aussi. Après… Une bonne compagnie, ça finit toujours par se retrouver. Je te connais pas, donc j’en sais rien, mais une femme aussi canon doit pouvoir se trouver un mec en claquant des doigts si elle le veut.

Je me ressers un verre en souriant à nouveau. Discuter avec Neena, ça fait du bien, mine de rien. Une relation de travail intéressante que j’apprécie vraiment, au-delà du fait qu’elle a l’air de ne pas me prendre pour un imbécile. J’ai pas l’habitude d’être traité avec un minimum de respect. Généralement, ma grande gueule dérange mes interlocuteurs, assez pour qu’ils me prennent pour un mec sans défense. Cela dit, ça m’arrange bien qu’ils le pensent. Parce que quand je finis par leur tomber dessus, ils ne voient rien venir…

Je me rends compte que j’ai absolument pas touché à la bouffe. J’attrape une pomme, avant de croquer dedans. Ca se marie pas mal avec le whisky, mine de rien. Elle me demande comment ça va, et si je m’intègre bien à Hydra. Je hausse les épaules. Ca va pas trop mal, en vérité. Je finis par lui répondre en tendant la bouteille.

“- Un peu de ça dans ton café ? Je lui souris, avant de regarder autour de moi en hochant la tête. J’ai pas encore rencontré grand monde, à vrai dire. Mais le boulot me plaît, en un sens. Ca me donne un endroit où vivre, en plus. Avant, j’avais jamais réellement de place fixe où me poser, juste des planques ça et là. Et je dois avouer que les bons clients étaient rares. Vendre des armes quand on traite avec des cons, c’est comme donner de la confiture aux cochons.

Je me penche vers elle en terminant la pomme, sur le ton de la confidence.

“- D’ailleurs, tu veux que je te dise un truc ? A chaque fois qu’on avait rendez-vous, c’était libérateur, parce que je savais que ça serait droit, honnête - enfin, tu vois ce que je veux dire par honnête - et que j’allais pas avoir à descendre quelqu’un. Non pas que je m’en plaigne habituellement, mais bon, un peu de calme de temps en temps ça fait jamais de mal, pas vrai ?

Je ris légèrement avant de me servir une tranche de jambon et un morceau de pain. Je bois une gorgée en continuant.

“- Après… Je dois t’avouer que le côté imprévisible de la vie extérieure me manque un peu. Tu sais, cette adrénaline. Ne pas savoir si on va finir la journée tranquillement couché dans un lit ou au fond d’un trou à pourrir pour le restant de l’éternité. J’ai toujours aimé le chaos, tu m’as ramené l’ordre, et même si c’est pas mal… J’aime le chaos. Ca évite de se sentir… prisonnier, en un sens. Cela dit, j’ai toujours autant tendance à m’attirer un paquet d’emmerdes quand je sors pour me détendre. Ca fait du bien.

Je m’adosse à ma chaise. Je suis fatigué, mais le whisky qui commence à courir dans mes veines commence à faire effet. J’ai la tête qui tourne légèrement, mais ça va. C’est gérable. Je souris à nouveau.

“- Ca me manque un peu de baiser aussi, mais bon. Ca, ça va et ça vient. Et toi alors ? Comment tu vas ?
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Lun 26 Déc - 12:49
Il était gentil, Myron. Vraiment gentil. Du genre à croire qu'il pourrait résister à une chasseuse de tête de son niveau. Ils faisaient peut-être le même métier, de manières très différentes il fallait le dire, Des méthodes loin de se retrouver. Mais Neena faisait ça depuis des années sans broncher, et était capable de tenir tête ici à bien des gens. Des brutes épaisses comme Frank, qu'elle avait déjà envoyé chez le médecin dans un état de cassage de gueule tellement avancé que ça en était presque humiliant. Ça ne voulait pas dire, dans tout ça, qu'elle ne pouvait pas se sacrifier un peu. S'il fallait boiter deux semaines pour venir à bout d'un ennemi, alors elle n'hésitait pas à sacrifier une jambe.

Mais c'était un autre sujet. Comme celui d'aborder les conquêtes avec Myron. Elle ne put s'empêcher de pouffer de rire à sa remarque. Elle, canon ? Entre lui, Jax et Sergeï, elle commençait sérieusement à se poser des questions à propos de tout ça. Si elle était en effet si belle qu'ils avaient l'air de le dire. Elle demanderait confirmation à Frank, même si le zig avait à l'évidence un parti pris : s'il voulait pouvoir retremper le biscuit, il aurait tout intérêt à dire simplement oui, et pas autre chose. Elle riait à l'avance de ce moment à deux. Elle imaginait tellement bien sa tête de six pieds de long, à la fixer en se demandant si c'était un piège.

« Tu as raison, la bonne compagnie je peux la voir régulièrement. » Première fois qu'elle admettait que sa relation était plus durable qu'autre chose. « Mais toi un jour, tu vas avoir des problèmes à simplement te dire que si une nana est jolie, elle peut avoir ce qu'elle veut. » Souffla-t-elle. « Un jour, y'en aura une trop belle et plus intelligente que tu le penses, qui va te faire faire n'importe quoi et t'auras tout à assumer le lendemain. J'ai hâte de voir ça. » Termina-t-elle avec un grand sourire, en refusant poliment de rajouter de l'alcool dans son café. Trop tôt pour commencer ça.

Mais si lui avait envie de se faire mal aux cheveux, qu'il fasse. Probablement que ça l'aidait aussi à dormir, à n'en pas douter. Quoiqu'il en fut, elle l'écouta. Myron avait l'air de se plaire ici, de se faire doucement une place. Même s'il n'avait pas rencontré de foule, même s'il n'était apparemment pas l'homme le plus social d'Hydra, il s'en tirait à bon compte. De confession en confession, la brune esquissa un sourire en trempant ses lèvres dans son café. La chaleur et l'amertume du liquide la revigorèrent un moment. Elle reprit :

« A toi de voir maintenant comment tu veux vivre ta vie. Ici, t'es pas obligé d'y séjourner, c'est un bonus. » Raconta-t-elle. « Moi, j'y habite pas. Je viens pour les missions, et parfois les entraînements. Rarement plus. Et à côté de ça, j'ai ma vie, elle se déroule comme elle se déroule. Il y a pas foule, mais le monde qu'il y a me suffit. » Elle ne pouvait pas certifier qu'elle était à cent pour cent heureuse. Mais une chose était sûre : elle était loin d'être malheureuse aujourd'hui. « Si tu préfères retourner dehors et te rendre disponible quand on t'appelle, tu peux. » Elle se racla la gorge : « Tu pourras retrouver ton chaos, et baiser aussi. »

Ca avait le mérite d'être clair au moins. Quand à elle : « Ca va » Fit-elle simplement. Même si c'était un peu court, alors sur le moment, elle préféra se laisser aller, parce qu'il le méritait : « Je crois que c'est une période heureuse, j'ai rarement connu ça. » Elle se racla la gorge : « J'veux dire, j'ai toujours eu une vie très monotone, entrecoupée de moments de merdes, et d'autres plus cools. Mais là. J'sais pas... Si t'enlèves les bizarreries de cette île, c'est bon. »
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Lun 26 Déc - 18:03
J’écoute son discours d’un oreille attentive. Je pense pas qu’elle ait raison. A part certains besoins physiques irrévocables, mes besoins sentimentaux sont limités. L’amour et ce genre de choses, très peu pour moi. En plus, je ne sais pas si c’est lié à ces rêves ou ses sensations étranges que je ressens parfois, mais j’ai souvent l’impression que mon coeur est… bloqué. Que quelque chose y est caché et que c’est pour ça que je pense pas que l’attachement intime soit possible pour moi. J’ai autre chose à faire que de m’inquiéter à ce sujet. D’autant plus que vu mon caractère… Je souris à Neena quand elle refuse l’alcool, avant de lui répondre.

“- Je ne dis pas qu’elle puisse avoir forcément ce qu’elle veut. Je dis juste qu’une fille qui veut assouvir ses désirs charnels… Bah elle a pas à chercher longtemps avant de trouver un éventuellement mec à mettre dans son pieu. Je ris un peu, avant de poursuivre. Et pour le reste… Ca m’étonnerait que ça arrive. Je suis vraiment casse couille, tu sais ? Les gonzesses trop belles et intelligentes fuient, généralement. J’suis pas vraiment un enfant de coeur et même si je me fais aborder de temps en temps quand je sors, à cause de ma gueule, dès que j’ouvre la bouche, ça dissuade. Ca peut suffire pour une nuit, mais pas pour le reste. Et je m’en porte pas plus mal.

J’ai laissé tomber sa première phrase. Si elle voit sa bonne compagnie régulièrement, ça la regarde. J’entre pas dans sa vie privée. Avec Neena, on se respecte au niveau professionnel, on est collègue, je vais pas m’immiscer dans sa vie. Ca m’intéresse pas. Evidemment, je suis curieux comme tout le monde, mais avec Neena, je sais pas. Ca ne me viendrait pas à l’esprit. Elle reprend la parole. J’écoute en inclinant légèrement la tête. Elle a pas tort, mais bon… Je sais pas. Je hausse les épaules.

“- C’est pas la question, en vérité. Habiter ici ne m’empêche pas de sortir, de baiser de temps en temps et tout ça. Quand au chaos… Je suis un aimant à emmerdes. Le chaos, il finit forcément par me retrouver. Je sors boire un verre dans un bar, ça finit en baston générale. Je vais acheter des clopes, je tombe sur un groupe de connards mal lunés qui veulent me faire la peau. La rue, c’est pas simple. C’est un environnement où je me sens bien, c’est vrai. Que je connais, depuis longtemps. Où j’ai fait beaucoup de pognon. Mais malgré ça, avoir un endroit où être sûr, un lit où être sûr de pouvoir se pieuter le soir, c’est rafraîchissant. Pour le moment en tout cas. Rien ne dit que plus tard, j’irai pas me prendre un petit appart’ parce que j’en aurais assez de vivre au QG. De toute façon, tant qu’on effectue nos missions correctement…

Je termine mon assiette avant de reprendre un verre de whisky. Avoir sa vie à l’extérieur ? Je la regarde, dubitatif.

“- Tu veux me faire croire que tu arrives à concilier ton boulot à Hydra avec une vie… normale ? Si c’est le cas, tu m’impressionnes d’autant plus. A se demander qui est la vraie Neena. Celle qui est en face de moi… Ou celle du dehors. La jeune femme avec sa vie hors Hydra. Peut-être les deux en même temps. Je souris à nouveau. Mais tu sais, j’avais pas une vie normale à l’extérieur. Trafiquant d’armes. C’est pas vraiment une profession qui donne droit à une vraie vie. Au final, avoir une vraie vie, ça m’est égal. Dans une vraie vie, il y a des limites. Des concessions à faire. Des règles. Et je tiens trop à ma liberté pour avoir envie de ça. J’ai pas choisi cette ligne de travail pour rien… Bon, le côté taré a joué aussi, je dois dire.

Et pour baiser, ça finira bien par se débloquer à un moment ou à un autre. Rien que dans le QG d’Hydra, y’a des bombes atomiques et je pense pas être dégueulasse, en tout cas physiquement. Elle finit par me répondre. Je souris doucement en l’écoutant parler de son bonheur et de sa vie, et mon sourire s’efface doucement lorsqu’elle termine de parler. Je me penche un peu en avant et récupère mon verre que je vide à nouveau. La chaleur du liquide brûlant me donne un coup de fouet et je grimace avant de hausser un sourcil en observant attentivement Neena.

“- Qu’est-ce que tu veux dire ?

Je me sers à nouveau un godet.

“- Les bizarreries de l’île ?

Elle parle de ses rumeurs sur les pouvoirs ? Ou ce truc qui m’arrive parfois quand mon sang coule et que j’ai l’impression d’avoir ce… pouvoir. C’est peu arrivé et je l’ai généralement relégué au fin fond de ma mémoire. J’ai déjà assez de soucis avec ces foutus rêves pour me poser la question de savoir si je suis en train de me transformer en alien ou je ne sais quoi. Mais si c’est la jeune femme qui lance l’idée, alors j’enchaîne.

“- T’entends quoi par là ? Qu’est-ce qui se passe, en dehors de la merde que fout la Garde ? Tu ne parles pas de ça, non ?
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Lun 26 Déc - 19:57
« C'est pour cette raison que je selectionne les gens qui rentrent dans ma vie. » Répondit simplement Neena à la mine interloquée de Myron à propos de sa vie annexe. Ou était-ce sa vie réelle. Elle même parfois ne savait pas vraiment comment s'y retrouver, et quoi en dire. La division, la ligne, entre les deux, n'était pas toujours très claire, pour elle surtout. Pour son petit frère également. Elle était contente d'avoir pu trouver chez Frank un complice, mais également une personne qui la comprenait parfaitement là-dedans, pour avoir tenter de maintenir sa famille à l'abri de tout ça. Et qui savait à quel point ça pouvait échouer. Elle ne voulait pas échouer sur ce terrain là, ça avait trop d'importance pour elle.

« Il y a celle que je suis au travail. Et il y a celle que je suis vraiment. » Déclara-t-elle. Myron n'avait découvert d'elle que 10%, peut être moins, de ce qu'elle était, de sa vraie identité. Peut-être parce que Neena ne connaissait que 30% d'elle, que le reste n'était qu'un souvenir flou, qui ne semblait pas lui appartenir. Pour tout dire, elle était parfois un peu perdue avec elle-même, mais tentait d'aimer ce qu'elle avait. De s'aimer aussi. « J'ai longtemps cru que mon boulot devait conditionner ma vie, mais même si c'est en partie vrai, ça n'a pas besoin d'être une obligation non plus. »

Elle ne manqua d'ailleurs pas de rire à la remarque de Myron. Terminant son café, elle reposa sa tasse sans en rajouter, se contentant d'un : « Si tu crois qu'être mercenaire, c'est avoir une vie normale... » léger. Elle plaisantait évidemment. Parfois, être mercenaire, c'était pas des plus simples. Il n'y avait pas de mode d'emploi pour bien faire les choses, mais Neena s'était rendue compte que le mode d'emploi pour la vie en générale n'existait pas. « Je pense juste que parfois, on n'a pas le choix. On ne peut pas vivre égoïstement à jamais. »

On ne pouvait pas être seul pour toujours. L'humain était un être social. Elle avait essayé pourtant se garder les autres à distance, de ne pas se faire d'amis. Et puis, elle avait appris à connaître Stephanie, Wade, Lazarus, même Aaron qui l'avait fait incroyablement souffrir, Frank finalement. Comment pouvait-elle les garder à distance pour de vrai ? Comment pouvait-elle seulement vouloir ne pas les connaître. Parfois ça la faisait souffrir de les savoir malheureux ou en danger, et parfois elle était en colère contre certains d'entre eux... Mais... Si elle n'éprouvait pas toutes ces choses là, ces sentiments... Pourrait-elle être simplement un être humain ?

Neena se sentait plus heureuse maintenant qu'elle vivait des choses simples en compagnie d'un homme. Oh, bon sang, ce qu'elle pouvait douter, constamment. De lui, de la situation, mais surtout d'elle. Mais elle n'avait pas souvenir de s'être autant épanouis dans une relation de sa vie. Et c'était quelque chose pour elle. Alors... Forcément qu'elle commençait à s'interroger pour de bon sur ce qui pourrait gâcher cet équilibre précaire qu'elle parvenait à construire. En particulier, de ça : « Ouais. Les bizarreries de l'île. » Reprit-elle en haussant les épaules.

Sourire en coin, elle ne savait pas vraiment par quoi commencer. Elle n'avait pas vraiment de preuves, juste des impressions qu'elle partageait apparemment avec bien des personnes dans sa vie. « Les émergents qu'on chasse pour les avoir avec nous, les expériences d'Hydra, les prisons de la garde, même toi et tes faux souvenirs. » Elle ne voulait pas se mettre dans le même sac. Elle ne savait pas si elle partageait ça avec Wade et Myron. Mais elle devait admettre que quelque chose n'allait pas. Quelque chose se tramait, en sous-main. « Tu n'es pas le premier à m'en parler. »

Elle mit un certain temps avant de lui raconter. Cherchant surtout la tounure à prendre. Elle ne voulait pas que Wade soit dans une mauvaise posture, et elle ne voulait pas non plus qu'il sache que ça pouvait être son cas aussi. « Un ami... S'inquiète de voir des choses qu'il n'a jamais vécu. » Mentionna-t-elle simplement, sans aller plus loin dans l'histoire. Esquissant simplement un sourire, elle attrapa une pomme en sortant son couteau papillon de sa poche, et la découpa habilement : « Je ne sais pas si c'est l'île en elle-même, ou autre chose. Je ne peux pas dire. » Trop d'hypothèse, pas assez de preuves. « Mais ouais, cette île est bizarre. »
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Mer 28 Déc - 12:03
Deux personnes ? Ca se tient. Mais comme elle le dit ensuite, le boulot conditionne qui on est et notre vie, dans tous les cas. Cela étant, je suis pas certain que ce ne soit pas une obligation. Je trouve même pas que ce soit un choix. Moi, j’ai jamais eu à me poser la question, de toute façon. Je suis Myron. J’ai toujours été comme je suis. Je ne renie pas ce que je suis. Je n’ai qu’une vie et elle s’accorde avec toutes mes envies. J’ai pas réellement le besoin de dissocier quoique ce soit, en vérité, mais je peux comprendre ce que veut dire Neena. Même si je suis pas d’accord à 100%. Je me redresse légèrement pour lui répondre.

“- Je sais pas trop, pour l‘obligation. Au boulot, et quelque soit le boulot, tu acquiers un savoir-faire. Des automatismes. Une manière de penser et de réfléchir particulièrement. Et si t’arrives à en faire abstraction dans ta vie à l’extérieur, je te tire mon chapeau, mais je sais pas si c’est réellement possible.

Elle me fait rire ensuite avec sa remarque sur le métier de mercenaire. Je hausse les épaules.

“- Bah que ce soit une vie normale ou pas, c’est la mienne, maintenant. Enfin, plus ou moins. Ce que je trouverais anormal, c’est si je bossais en temps que comptable, ou une connerie de ce genre là. Tu te vois en comptable ? Ou en concierge ? Ou en employé polyvalent dans un supermarché ?

Je lâche une grimace volontairement horrible, avant de rire à nouveau.

“- Je pense pas que vivre seul et sans contact soit synonyme de vivre égoïstement. Surtout dans notre branche. C’est même plutôt l’inverse.

Au contraire. Personnellement, si je peux éviter de m’attacher, ça m’arrange. J’ai pas besoin d’avoir quelque chose pour me parasiter l’esprit. Et avoir quelqu’un de proche, des amis… Quelqu’un dans sa vie… De la famille. Je sais pas. Ca me semble un peu inutile, et surtout un peu dangereux. Je sais pas si le plus égoïste, c’est de rester seul, ou d’attirer un tas de gens dans ce monde tordu dans lequel on évolue à Hydra. Si ça fait de moi un être sans coeur, qu’il en soit ainsi. Toujours est-il que je vis parfaitement bien avec ce constat et qu’il ne me gêne pas outre mesure. Tant que je reste fidèle à mes idéaux.

Les bizarreries de l’île. Ouai. Y’a d’autres choses à penser qu’à savoir si je vais finir par être plus sociable. Elle m’énonce une petite liste de ce dont elle parle et elle est intéressante, mais c’est le dernier point qui me met la puce à l’oreille. Les faux souvenirs ?...

“- Moi et mes faux souvenirs ?... Je n’ai jamais parlé de faux souvenirs. Juste de vagues impressions…

Je la laisse finir, et elle m’annonce de but en blanc que je ne suis pas le seul qui lui a parlé de choses de ce genre. Je hausse un sourcil, étonné. Si je ne suis pas le seul… Elle a l’air de chercher ses mots, et ça me fait cogiter. Si je ne suis pas le seul, pourquoi personne n’en parle ? Après, je suis peut-être là depuis trop peu de temps pour savoir si c’est un truc censé être connu de tout le monde, ces histoires de faux souvenirs ou je ne sais quoi, mais… Je secoue la tête. Pas besoin de conjectures. Elle reprend. Je l’écoute attentivement alors qu’elle joue de sa lame sur une pauvre pomme qui n’avait rien demandé à personne. En même temps, elle est là pour être mangée, alors…

Je croise les bras sur mon torse, avant de me pencher vers elle.

“- Un ami ?... Mon ton est légèrement sceptique. Enfin, bref. C’est effectivement étrange. Après, est-ce que ça vient vraiment de l’île ? J’ai pas l’impression qu’elle soit plus bizarre qu’une autre partie du monde. Enfin… J’hésite à lui parler des histoires avec mon sang. Ca me trouble un peu d’y repenser. Et puis cette histoire d’ami… Et toi ? Ca t’arrive, des trucs de ce genre ?
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Jeu 29 Déc - 16:01
« Non effectivement, je ne me vois ni en comptable, ni en concierge, ni rien de tout ça. » Rigola Neena en regardant Myron. Franchement, elle était en train de se l'imaginer lui dans une tenue de super marché, avec sa petite casquette et son veston, et c'était franchement tordant. Ça ne collait pas du tout à ce qu'il était dans les faits, loin de son image de mauvais garçon et mauvais amoureux, Gardant son sourire, la brune approuva néanmoins ses dires : Effectivement ça n'était pas égoïste que de vouloir rester seul compte tenu de leur métier. Mais quand ils n'avaient pas de choix, laisser les autres à distance n'était pas non plus le plus pertinent. « Ce n'est pas la meilleure vie du monde, mais c'est la notre. » Souffla-t-elle simplement. « Tant qu'on est les meilleurs dans ce qui se fait de pire, il n'y a pas de quoi rougir. » Rajouta la mercenaire.

Occupée à découper sa pomme, elle capta complètement l'attention de son interlocuteur avec ses paroles à propos de ce qu'elle avait déjà vécu. Et elle peut noter le scepticisme du jeune homme sur ses paroles. Roulant des yeux pour passer à la fois sa gêne et son exaspération, la jeune femme continua ses méfaits envers cette pomme sans défenses alors qu'il cherchait un peu à comprendre où elle voulait en venir. Il pouvait ne pas la croire pour Wade, elle n'avait pas besoin qu'on la croit en fait. Elle savait exactement ce qu'elle avait vécu : « Un ami, oui. » Reprit-elle en affirmant du chef. « Il était chez moi une fois, et il a fait une crise, un peu bizarre. Comme une absence mais en plus... Etrange. » Raconta-t-elle comme une anecdote.

Alors que sur le moment, elle avait été obligé de lui coller une méchante gifle pour le faire revenir à la réalité. Jamais ça ne lui était arrivé avant, et elle n'avait pas envie que ça se repasse sous ses yeux. Mais Neena avait l'impression d'avoir mis le doigt dans un engrenage, un peu malgré elle cependant. Comme si... Comme si elle n'avait pas le choix que de faire partie de cette histoire. Elle devait en être, parce qu'elle était impliquée, d'une manière ou d'une autre. Ici, avec Wade, avec Myron. Probablement avec Frank, même s'ils n'en avaient jamais parlé tous les deux. Et le phénomène la touchait plus intimement encore qu'elle ne pouvait l'imaginer.

« Il m'a expliqué après avoir vu quelque chose, avec une impression très présente en lui que c'était un souvenir mais qu'il ne voyait pas ou, et quand, il avait pu vivre ça. » Rajouta la brune en regardant son vis-à-vis dans les yeux. « Tu peux prendre tous les tons dubitatifs que tu veux, ça n'enlève rien au fait que c'est vrai. » Quand à la seconde question de Myron, elle se sentit un peu mal à l'aise. Mais la curiosité jouait. Et il voulait savoir s'ils étaient deux, ou plus en fin de compte. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle se retrouvait avec les mêmes problèmes, et n'était pas sûre que ça ne soit pas Wade qui lui ait refilé sa bêtise.

« Parfois. » Admit-elle à contre-coeur en détournant les yeux, franchement gênée de devoir le faire. Elle n'aimait pas, ça donnait l'impression qu'elle était folle, et plus encore, que quelque chose n'allait pas. Qu'elle était faible. Or, Neena se refusait tout simplement à avoir une quelconque faiblesse, ou que ce soit. Du coup, elle se contenta d'expliquer de manière très détachée pour ne pas laisser penser que ça la troublait : « J'ai une image précise qui me revient en tête. Une pièce blanche dans laquelle je suis enfermée étant gamine. » C'était déjà glauque rien que d'en parler. « Mais ça ne correspond à rien pour moi. Or, j'ai vraiment l'impression que c'est réel, et que c'est arrivé. »

Rien qu'à s'entendre, elle avait l'impression d'être complètement timbré. « Ces derniers temps, l'image s'affine, mes certitudes aussi. » Comme l'intime conviction que quelque chose, dans sa vie, avait été particulièrement terrible. Une cicatrice qui ne guérissait pas et qui après des années refaisait parler d'elle. « Je ne sais pas si c'est l'île. Je ne sais pas si c'est autre chose. Ça vient forcément de quelque part. » Rajouta-t-elle avant de se reprendre tout de suite, plantant son couteau dans la table à côté : « Ecoute... Tu vois quand je m'entends parler de ça, je me sens déjà terriblement bête. Et j'ai l'impression d'être folle. » Commença-t-elle : « Alors si tu en parles à quelqu'un, non seulement je nierais tout en te faisant passer pour un taré fini à la pisse. Mais surtout, crois moi qu'on retrouvera jamais ton corps. »

Et là, elle le fixa l'air de lui dire « compris ? » et il avait tout intérêt à dire oui, ou ce couteau allait finir dans son globe oculaire.
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