- Hé toi, on t'a arrêté parce que t'es télépathe ?

- Ou... oui...

- Bien. Dis moi ce que tu vois dans ma tête.

- Ma... mais...

- Tu sais qui je suis ?

- Vous êtes Logan Howlett, le Chef de la Garde...

- Bingo. Donc fais ce que je dis avant d'aggraver encore ton cas. Et dis moi ce que tu vois après.

- D'accord monsieur... je vois... j'y arrive pas. Chuis pas doué, vous savez ?

- M'en fous, réessaie, on a toute la nuit.

- Vous me donnerez à manger ?

- T'es dans mes geôles. Officiellement tu manges pas, tu dors pas, tu bois pas. Mais ça se passe pas comme ça. T'inquiète pas.

-...

- Quoi ? Tu veux ma photo ?

- Vous... vous avez l'air moins monstrueux que ce qu'on dit.

- Tais toi et fais ce que je te dis bordel.

- Oui m'sieur !!! Huuuum... attendez, je vois... des griffes et du sang. De l'incompréhension et de la peur. Vous êtes jeune et vous fuyez. Puis, vous êtes heureux, et vous vivez tranquillement. Mais la mort ne vous quitte jamais d'une semelle. Elle se répand autour de vous, et vous fuyez, encore. La neige est blanche, tachée de sang. Beaucoup de sang, presque autant que de larmes. De grands arbres, longtemps, des grognements de loup à vos côtés, mais ils vous aiment bien.
L'Asie, maintenant. Vous vous louez au plus offrant. Votre coeur est serré, toujours.
Puis l'amour, encore. La joie, puis de nouveau la tristesse, la haine, et la vengeance. Vous avez perdu un être cher, une amérindienne je crois.

- Silver... Silver Fox...

- Que dites-vous ?

- Rien, bouge toi le cul.

- Une guerre maintenant, terrible. Des explosions, des pays qui se déchirent, qui s'embrasent... et vous, là-dedans, vous passez toutes les épreuves qui se présentent à vous. La Grande Guerre, comme vous l'appelez... bien vite suivie d'une autre, où vous vous battez aussi, sur des plages grises et rouges. Partout où vous allez, le sang vous accompagne. Vous voyez aussi un bouclier bleu et rouge, mais pas le même rouge que sur les plages. Un rouge réconfortant.
Ensuite, vous être heureux, car vous allez avoir un fils. Au Japon. Mais ça se finit mal. Vous pleurez, encore, silencieusement.
Vous souffrez toujours, vous vous battez. Vous devenez violent, plus violent que vous l'avez jamais été. Vous tuez beaucoup, et puis vous vous souvenez. Et là, ça vous brise. Ça vous brise au point que vous voudriez mourir. Mais vous ne pouvez pas mourir. Cette période est longue... pleine de rage et de haine. Neige, sang, soleil et mort, tout le temps.
Métal aussi... vous vous perdez avec du métal, qui brille au soleil et tranche tout ce qui vous veut du mal. Vous n'avez plus peur de rien. Mais vous avez souffert, à un point que je n'arrive pas à ressentir.
Là, ça va mieux. Vous rejoignez un groupe. Les X-men. Ils ressemblent à la Garde Rouge, mais en moins brutale, en plus bénéfique. C'est beau à voir. Vous en faites parti. Ca vous plaît, ce sentiment d'appartenance. Vous accomplissez plein de choses, des miracles, des missions que tout le monde aurait pensé suicidaires. Mais vous gagnez, vous montrez à un monde injuste que vous êtes bon, et honorable...
Mais ce n'est pas l'avis de tout le monde, car votre mariage est un échec. Un échec triste, dans lequel est planté 800 ans d'histoire. Une lame, belle comme la lune, mais tout aussi inaccessible.
Vous aidez les vôtres de votre mieux, mais vous voguez de douleurs en douleurs, entre les fins du monde, les destructions, la haine et la mort, les pleurs... Je pensais ma vie terrible, mais vous... vous êtes à plaindre, monsieur...

- Sniff... Chuis pas là pour me plaindre. Continue.

- Vous affrontez des êtres tels que l'imagination humaine ne suffit pas pour les concevoir... et vous en côtoyez certains du même type. Des groupes bénéfiques, et d'autres maléfiques, mais vous apprenez de vos erreurs à chaque fois que vous perdez un être cher, et vos pouvoirs ne suffisent plus à calmer la douleur... vous n'en pouvez plus de ce monde injuste, violent, absurde, et pourtant vous continuez d'avancer parce que des gens comptent sur vous. Il s'est passé tellement de choses... je ne saurais parler de tout...

- Ça va, je les ai bien en tête, tu peux continuer.

- Non mais, depuis le début, je veux dire. Vous devriez être mort, si vous étiez un être humain normal. Mais non, vous êtes là devant moi, à me parler, alors que ceux qui n'auraient pas dû perdre sont vaincus. C'est incroyable. Vous êtes incroyable.

- Trêve de flatteries fiston. Abrège.

- Vous... vous êtes devenu la Mort sur Terre.

- Ouais... disons que c'est une longue histoire.

- Vous avez cependant triomphé, et vaincu celui qui vous contrôlait. Vous avez frôlé l'apocalypse plus que jamais à ce moment là, je le sens dans mon esprit.

- C'est pas peu dire...

- Pardon ?

- Rien, j't'ai dit. Si je te parle pas directement et distinctement, réponds pas.

- Vous n'avez pas été qu'un destructeur, loin de là... vous avez bâti, aussi, beaucoup. Des gens, des cultures, des esprits. Formation, contrôle, aide, développement. Mort, solitude, exploits et grandeur se sont entremêlés pour vous offrir une place de choix dans le monde.
Mais ça ne vous a pas empêché de perdre votre amour, celle que vous appeliez de vos songes les plus fervents. Vous ne vouliez que son bonheur, sa joie, son sourire, et elle est morte sous vos yeux, avec comme seule compensation la mort futile de son assassin.

- Tais toi...

- Vous la pleurez encore, et vous souffrez car vous la voyez tous les jours... comment se fait-il ?

- TAIS TOI !!!

- NON !!! Ne me frappez pas encore... vos poings sont rudes... ils sont vieux et usés, forgés pour faire mal... arrêtez...

- Parle alors, mais plus de ça.

- D-d-d'accord... vous avez commis une boucherie, tuant amis comme ennemis, mais ce n'était pas vous, pas vrai. Je sais que vous ne feriez pas ça, vous n'êtes pas un monstre. Vous êtes quelqu'un de bien.

- Quelqu'un de bien ? Tu m'as regardé ?

- Oui, au fond de vous. Et j'ai vu la lumière.

- Bah, foutaises... tu serais pas un peu protestant sur les bords ? Ou catholique, je sais plus ?

- De quoi ?

- Nan rien, tu me rappelles quelqu'un de bleu, et d'adorable. Un vrai ange.

- Et après, je vous vois au sein d'une autre équipe, plus diversifiée, moins close. Et vous êtes plutôt content d'être là, de vous montrer et de prouver au monde que vous êtes capable du meilleur. Puis... le vide, suivi d'un visage borgne qui venait vous aider... vous ne l'avez jamais vraiment aimé, mais je sens du respect pour lui.

- Ce sacré connard de Fury... ouais, un bel enfoiré, mais j'ai jamais vu un aussi grand patriote... pas même Rogers. Nan, oublie ce que j'ai dit. Et ensuite ?

- Le flou blanc... on passe de ça à... notre monde ? Vous venez d'ailleurs, monsieur ?

- Non, ça fait 10 ans que je suis Garde Rouge, tu devrais le savoir. Tout le monde le sait.

- Mais après ça... c'était étrange... pourquoi vous avez ça dans votre tête ?

- Je suis compliqué. Maintenant file, la voie est libre à cette heure-ci. Va te cacher dans le maquis, qu'on te revoie plus. Ça m'emmerderait de te recroiser après le service que tu m'as rendu.

- Je... je sais pas quoi dire.

- Bah dis rien et casse toi alors. Ce sera plus simple pour tout le monde.

- Merci.

- Pfff... ces télépathes... ils connaissent trop bien les gens...

Genosha était un rêve... mais comme l'a si bien dit Logan un peu plus haut, les rêves, ça puait comme son cigare. Dès qu'il ouvrit un œil sur cette île, Wolverine sentit qu'il y avait quelque chose de louche, de bizarre. Et il ne s'était pas trompé. L'air lui même sentait le changement, au point qu'au début, l'odorat du X-man s'en trouvait tout embrouillé. Petit à petit, il fit la découverte de ce nouveau monde, de cette alternativité créée par Wanda Maximoff, ainsi que la place qu'on lui avait attribué. Ca faisait dix ans qu'il servait la Garde Rouge, l'unité de répression d'élite de la Maison de Magnus, en tant que Chef. Soit. Il était haut placé, ce n'était pas une mauvaise chose. De là, il aurait accès à bon nombre d'informations. Tout se révélait fou dans ce monde. Les morts vivaient, la paix régnait. La perfection, en somme. Heureusement que la Garde Rouge servait au maintien de l'ordre, sans quoi ce paradis aurait depuis longtemps été réduit en cendres. Wolverine travailla ardemment à sa couverture, se forçant à la cruauté, à la violence, à créer la peur. Cela allait contre ses principes, mais il le fallait... sinon, on le remplacerait, et il finirait sans pouvoir décisionnel.
Au fil de ses rencontres, Logan s'aperçut que les membres de son unité étaient tous plus ou moins des X-men. Jean, Scott, Diablo... Mystique, autrement appelée Raven, se montrait comme d'habitude pleine de surprise, et très vite il s'attacha à elle. Sans Magnéto et sa folie, qu'est-ce qu'elle pouvait se montrer sympathique... enfin, y avait des limites, mais tout de même. Ça changeait agréablement. Il la prit comme coéquipière privilégiée, et lui laissa même entendre à plusieurs reprises qu'il avait des pouvoirs, comme lorsqu'elle dut le soigner et qu'elle n'en eut pas besoin (facteur régénérant aidant, bien sûr). Il lui fit confiance, et jusque là, ça marchait plutôt bien. S'il n'était pas Wolverine, avec tout son passé et toutes ses connaissances, il lui confierait sa vie.

Au sein de la Garde Rouge, il accomplissait des missions parfois à la limite de ce qu'il accepterait de faire pour conserver son identité. Certains mutants et surhumains étaient morts sous sa botte, sous ses balles ou sous ses coups. Il s'en voudrait toute sa vie, si ce n'est plus. Mais il ne réagissait pas, et achevait tout le temps ses objectifs.

Retrouver Jean fut terrible... la voir devant lui, vivante, inspirant l'air qu'il expirait le chamboula. Et encore ici, comme partout il semblerait, elle n'avait d'yeux que pour le fabuleux, le génialissime, l'enculé de Scott Summers. Qui sortait avec Emma Frost. Et qui était sur le point de tromper Jean dans le vrai monde, avant qu'elle ne meure. Peuh... elle le voyait comme son grand amour, alors que juste sous son nez, une bête en cage, toute douce, toute gentille attendait simplement qu'on la libère. Plutôt que de se torturer et souffrir davantage, Logan laissa tomber toute chance de l'avoir auprès de lui, et chercha ailleurs. Car oui, personne ne lui avait dit qu'il devait passer tout son temps sur Genosha seul.
Raven lui plaisait de plus en plus, il était vrai, et s'il trouvait certaines jeunes femmes particulièrement belles, il n'oserait jamais s'en approcher.
Maria, qui ressemblait beaucoup à celle qu'il avait connu.
Gamora, la Garde Rouge, se révélait plutôt jolie, mais non. Mélanger vie privée et "travail", ça apportait rien de bon.
Natasha... ah, la petite Nat... il l'avait croisé à bon nombre de reprises, au SHIELD comme ailleurs (il fut un de ses formateurs officieux).
Bah, la fortune ne s'était que rarement montrée bonne avec lui question amour. Howlett s'en voudrait qu'il arrive malheur à l'une d'entre elles. Bien qu'il souffre de sa solitude, elle est son fardeau, et la refuser cause plus de soucis que ça n'en résout.

Actuellement, Logan cherche à prendre un peu de recul. Que faire lorsqu'on sait que le monde dans lequel on vit est une farce ? Pour le moment, il se laisse aller, veillant à bien traiter les prisonniers qu'il pouvait avoir, tout en maintenant son aura de cruauté et de contrôle sur Genosha.
Pour le passé, pour le présent et pour l'avenir, il se devait d'agir... ou pas.