Ça commence avec un message, sur son téléphone. Une surprise qui n’est pas des plus agréables mais qui pourtant change la donne. Des sourcils qui se froncent, des poings qui se serrent. Sean ne répond plus à celui qui est en train de lui parler, la conversation n’est plus aussi qu’un lointain souvenir. Le contenu du message, en revanche, ce contenu en particulier, éveille son intérêt comme jamais. D’un geste de la main, il congédie son interlocuteur, quittant sa place pour marcher de quelques pas en direction de la fenêtre. Les yeux rivés sur l’écran de son téléphone et les mâchoires serrées. Ce simple sms vient de relayer une affaire importante au second plan. Une adresse, un nom. Une revanche à prendre. Une tension vient nouer ses épaules alors qu’il se gratte nerveusement la tempe. Sa décision est prise avant même qu’il ne comprenne ce que ça implique. D’ordinaire, il enverrait quelqu’un faire le sale boulot à sa place. Après tout, il déteste se salir lui-même les mains. Il s’arrange toujours pour que ce genre de sale besogne soit accomplie par d’autres. Mais pas cette fois. Cette fois, ce sera lui qui s’en occupera.

Il compose un numéro, ses pas le guidant jusqu’à son bureau. La main qui ne tient pas l’appareil agrippe la poignée d’un tiroir, qu’il tire machinalement. Puis il finit par caler le téléphone entre son oreille et son épaule, tout en refermant ses doigts sur son arme. Son oeil expert inspecte le chargeur, compte les balles et le replace le temps que la sixième sonnerie s’écoule. Répondeur. Comme si c’était le moment. Il secoue la tête et réessaye, déposant l’arme sur le côté pour prendre appui sur la surface. Une nouvelle fois, il tombe sur le répondeur de son interlocuteur. Rageusement, il pose son téléphone à côté de lui. La colère qui s’aggripe à lui refuse de le laisser. Comme une ombre, elle le suit quand il se redresse, quand il fait les cent pas dans la pièce en cherchant à se raisonner. Se rendre là-bas, seul, ce n’est que pure folie. Ce n’est pas sa façon de faire, lui qui réfléchit à chacun de ses pas avec une prudence qui frise la paranoïa. Mais c’est d’une affaire personnelle dont il s’agit. Une vengeance, peut-être aussi. Un affront a été commis et il ne compte pas le laisser impuni. Il veut leur faire passer l’envie de s’en prendre à lui, une nouvelle fois. De menacer sa famille et ce qu’il a construit sous son nez. Laisser ce type en liberté, c’est pire que d’y aller. Alors il enfile sa veste, attrape son arme et son téléphone et décide de s’y rendre.

Il l’a mis sous surveillance, juste après leur petite attaque alors qu’il se trouvait avec Robin. Il fait parti des rares à s’en être sorti. Et à avoir fait l’erreur de le sous-estimer. Bien sûr, peut-on les blâmer ? Sean n’est pas imposant. Son visage est trop doux pour être celui d’un chef de gang. C’est peut-être là le piège, justement. Ce n’est pas la première fois qu’on ne le prend pas au sérieux. Ils ont tous fait cette erreur; les uns après les autres, jusqu’à ce que cela se retourne contre eux. L’autre s’est terré dans un trou en comprenant l’erreur qu’il a commise en survivant. Mais il n’a pas pu lui échapper bien longtemps. L’importance de tisser un réseau, c’est que Sean peut envoyer d’autres sonder les environs et l’avertir. Ce qui est arrivé. Une seconde d’inattention en allant chercher ses cigarettes, c’est ce qu’il a fallu pour qu’on le retrouve et qu’on le suive jusqu’à sa cachette. Quelques instants plus tard, sa position était envoyé à Caglar.
Sa voix est d’apparence calme quand il laisse un message sur le répondeur de Summers. D’ordinaire, ce sont des invitations qu’il laisse ou quelques tentatives de flirt. Jamais un message lui indiquant ce qu’il compte faire. Se débarrasser d’un rival et d’un ennemi qui a poussé l’audace jusqu’à l’attaquer sur son propre territoire. Au fond, Sean pourrait très bien se passer de Nathan Summers, il le sait. Mais c’est plus fort que lui. Et puis, au moins, il pourra dire qu’il a prévenu la police avant d’agir. En jouant sur les mots, comme à son habitude.

Il gare sa moto à quelques rues de distance de la planque de sa cible. Cette mission se fera en solo, tant pis. Trop de comptes à régler pour se permettre d’attendre. Le plan est simple, dans son esprit. Mettre l’autre hors d’état de nuire et envoyer de ce fait un message à Hard Shell. Se servant au passage abusivement de ses contacts au sein de la police. Entre Smith et Summers, Sean n’est pas sans allié. Même s’il se doute que Nathan ne va pas apprécier ce qu’il s’apprête à faire. Après tout, le but est de le livrer vivant mais ça s’arrête là. Un bras cassé, un doigt en moins, au final, ce n’est qu’un petit détail. Il retire son casque et jette un coup d’oeil à son téléphone. Toujours pas de réponse. Passant une main gantée dans sa chevelure désordonnée, Sean décide qu’il a assez attendu. Il a patienté assez longtemps pour estimer avoir le droit d’agir seul.  

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Un soupir sur le bord des lèvres, l’écho résonnant alentour. Doucement, se réverbérant à ses tympans, tandis qu’il déposait son sac à ses pieds. S’installant un instant sur la chaise de son bureau. Profitant d’un moment d’accalmie avant de rentrer chez lui pour la nuit. Summers souffla longuement avant de se redresser afin de récupérer la lanière pour faire remonter son sac. Retournant la sacoche, déversant le contenu sur la surface rigide devant lui. Cherchant d’un regard las et fatigué, parmi toutes ses affaires dispersées, le chargeur de son portable. Téléphone qui s’était éteint brusquement pendant sa patrouille avec son partenaire. Il avait pincé les lèvres, soupiré longuement en le constatant. La belle affaire que de ne plus avoir de de batterie durant les dernières minutes de son shift. Heureusement il n’était rien arrivé de tragique à déplorer lors de la ronde quotidienne dans les allées de la ville. Et Nathan n’avait pas non plus dégoté un quelconque indice pour retrouver les traces de sa soeur. Toujours disparue depuis bien trop longtemps. Il passa une main sur son front en y repensant, son regard se perdant sur le bordel présent sur son bureau. Le temps commençait à être long depuis la disparition de Rachel. Il pensait l’avoir retrouvée à un moment donné, mais… Cela n’avait été qu’une mésaventure, un cauchemar vécu en étant éveillé. Le souvenir de cet arme pointée sur lui, tenue par elle. L’horreur sans nom s’imprégnait à son esprit qui semblait sombrer devant la scène à laquelle il avait assisté. Et un poids amer pesait lourdement sur sa langue, une fragrance embaumant contre son palais. Sa gorge enserrée par les craintes qu’il gardait terriblement bien enfouies. Des peurs qu’il taisait, qu’il maintenait seulement pour lui. Qu’il masquait à autrui.

Ultime soupir glissant sur sa langue, Nathan s’extirpa de sa léthargie en entendant une supérieure l’interpeller. Il lui accorda un regard teinté d’une certaine curiosité. T’as l’air complètement crevé, Summers. Viens, un café te ferait pas de mal. Un petit sourire qui témoignait de son manque de sommeil conséquent ces derniers temps. Et Nathan hochait la tête, lui signifiant qu’il avait juste une dernière chose à faire avant de la suivre. Elle se retira après un regard compatissant, et l’agent attrapa enfin le chargeur qu’il brancha à la prise la plus proche de son bureau. Liant son portable à l’ensemble pour l’alimenter le temps de se prendre une pause café. Un voyant orange s’allumant pour manifester de la charge de l’appareil, Nate lança un dernier regard à son téléphone, avant de le retourner. Se levant tout en fouillant dans ses poches à la recherche de pièces de monnaie. Débarquant en plein milieu de la salle de repos avec ses maigres piécettes pour le sacro-saint café. Le saint-Graal lors des moments de fatigue extrême, comme ici. Nate s’approcha du premier distributeur, avant que sa supérieure ne l’intercepte. Une main sur son poignet, lui faisant abaisser son poing. Elle lui offrit une tasse de vrai café, tiré tout juste de la cafetière qu’ils s’étaient tous offerts la semaine passée. Gaspille pas tes économies pour cette horreur bon marché. Prends plutôt de la vraie caféine. Elle ria doucement et Nate rangea ses pièces en souriant, ricanant devant sa petite plaisanterie. Agrippant la tasse et trinquant avec elle, avant de la remercier. Apportant le récipient à ses lèvres, tout en la suivant vers l’une des tables en retrait.

Lorsqu’il retourna à son bureau, son premier réflexe fût d’allumer son portable. Il profita du temps de démarrage pour ranger ses affaires à nouveau dans son sac. Et entreprit de déverrouiller sa session sur l’ordinateur. L’écran s’allumant dans l’instant, tandis qu’il checkait les dernières informations. Vérifiant qu’il avait bien terminé de retaper quelques rapports et de réaliser les tâches de la journée. Jetant un coup d’oeil aux dernières activités en vrac reportées par le centre d’appel. Il ne s’attarda même pas sur la conversation groupée, qu’il avait mutée depuis son entrée au commissariat. Rien de mieux pour l’agacer qu’une sonnerie qui retentissait toutes les secondes pour des messages même pas importants à ses yeux. Une fois que Nathan considéra avoir terminé son dernier tour de vérification, il éteignit l’ordinateur pour de bon et reporta son attention sur son portable. Voulant voir s’il lui restait assez de batterie pour durer jusqu’à ce qu’il rentre à l’appartement. Mais quelle ne fût pas sa surprise que de voir au moins trois appels manqués, en l’espace de même pas cinq minutes. Tous originaires du même contact qu’il avait enregistré depuis déjà un bon moment. Sean Caglar. Un message laissé sur le répondeur, et le Summers regarda l’écran, totalement indécis. D’habitude, les messages laissés par Caglar n’étaient pas vraiment d’ordre prioritaire, et Nate avait tendance à plutôt les écouter lorsqu’il était tranquillement installé chez lui. Des jours après même. Mais là, le nombre d’appels et leur proximité temporelle entre chacun d’entre eux interpellait quelque peu sa curiosité. Son intérêt même, pour ainsi dire. Jamais Sean ne l’aurait seulement appelé plus d’une fois, et laissé un message sur le répondeur après la troisième tentative. Une sorte de crépitement assailli ses entrailles tandis que Summers s’attendait soudainement à quelque chose d’important. D’énorme. Peut-être que Caglar avait trouvé une piste sur sa soeur, comme leur arrangement le stipulait en somme. Ou alors, c’était encore autre chose. De bien pire.

D’un fluide mouvement, Nathan attrapa ses écouteurs et les brancha sur son portable, avant de composer le numéro de sa messagerie. Lançant l’enregistrement laissé sur son répondeur, ses doigts se crispant sur ses cheveux tandis qu’il fixait l’écran. La voix de Caglar résonna à ses oreilles, mais cette fois-ci, ce n’était pas un ton apaisé ou charmé qui lui parlait. Une certaine tension dans le timbre, une pression qui semblait émaner de ses propos. Des intentions claires qui ne laissaient aucunement place aux doutes. Nate écarquilla les yeux et se tira les cheveux en entendant la décision de son acolyte. Se relevant en trombe de sa chaise en arrachant presque son chargeur de la prise. Le balançant dans son sac qu’il agrippa à la dernière seconde. Prenant ses affaires à l’arrache, balancées en vrac sur son épaule alors qu’il s’élançait vers sa voiture en pestant mentalement. Jurant entre ses dents, contre l’idée totalement insensée de l’homme auprès de qui il accourait. Il tenta de le rappeler mais n’eut pas la chance escomptée de pouvoir le joindre. Un problème de réseau tandis qu’il passait par le parking au sous-sol. Rageusement, Nathan tenta de taper un message malgré ses doigts tremblants. Les fautes se succédant dans sa précipitation, il grogna furieusement avant de finalement supprimer ses réprimandes fumantes. Rangeant son portable dans la poche de son jean, il attrapa ses clefs et s’installa dans sa voiture en bazardant son sac en bordel sur la banquette arrière. Sans plus s’en préoccuper il démarra en quatrième vitesse et s’extirpa du parking en deux deux. Entrant l’adresse donnée par Sean sur son GPS pour y arriver le plus rapidement possible. Avant que l’autre ne fasse une monumentale connerie. Il ne cessa de pester tout le long du trajet.

Nathan arriva non loin de l’adresse et se gara sans même regarder où il était. Dans sa précipitation il n’avait même pas attaché sa ceinture, et ne s’en rendit qu’à peine compte en éteignant le moteur. Sortant du véhicule telle une furie, il manqua de trébucher dans sa précipitation. En cet instant, il n’était qu’une boule de nerfs qui tremblait. Une pression en ses entrailles, un crépitement qui sommeillait. Et sans plus de cérémonie, sans même se calmer, Nathan referma derrière lui et se mit à chercher. Commençant à inspecter les lieux en espérant trouver Sean à temps. Bordel. Bordel. Bordel. Il fit la moitié du tour du quartier, avant d’apercevoir sa silhouette. Ses formes ombragées par le temps, contrastant tout de même avec le décor. Ses iris accrochant les contours à quelques mètres de lui, Nathan s’arrêta brusquement. Le scrutant pour estimer ses intentions. Caglar avançait de manière déterminée vers l’entrée d’un bâtiment, et une alarme vrilla en l’esprit du Summers. Il ne pouvait le laisser foncer tête baissée tout droit vers le danger. Sans plus réfléchir, l’agent s’élança en sa direction. Impulsions sur impulsions, il combla la distance. Et alors que Caglar allait ouvrir la porte, Nathan s’écrasa de tout son poids sur lui. L’entourant de ses bras pour le foutre au sol dans l’un de ses meilleurs plaquages exécutés dans les règles. Le souffle coupé par l’impact brusqué, il se retrouva sur lui en un rien de temps, le maîtrisant grâce à l’adrénaline encensée dans ses veines gonflées. Toute trace de fatigue, envolée depuis. Son regard dépassé se posant sur les traits de Sean alors qu’il se redressait légèrement. Non mais ça va pas ou quoi là ? Il bloqua ses épaules et son torse de son avant-bras et appuya plus fermement pour le garder à terre. Tu vas arrêter tes conneries cinq minutes Caglar ?! Une expiration hachurée, tandis qu’il cherchait dans son regard. Une raison, une explication. Et la crainte en ses entrailles se dissipait doucement, bien que rien n’était encore terminé et encore moins entamé. Le soulagement de le voir encore en vie adoucissait quelque peu ses traits par après, et Nathan laissa échapper un soupir fébrile. Tu peux pas attendre un peu avant de foncer tout seul vers le danger, non ? Il fit glisser son bras hors du thorax de son acolyte pour le libérer doucement. Se relevant en soufflant bruyamment de désespoir et de dépit. Pardon. Il grommela entre ses dents, lui tendant une main pour l’aider à se redresser, se remettre sur pieds. Je peux comprendre que ça soit personnel et que ça nécessite une intervention en urgence, mais là, c’est un peu abusé quand même. Imagine si c’était un piège. T’aurais pu te faire buter. Foncer en solo là-dedans, c’est insensé, et dangereux. Même... Même pour quelqu’un comme toi, Sean.  ... Même avec un plan en béton armé. Il n’osait dire le fond de sa pensée, qu’il avait eu quelque part, peur pour lui. Et ça, c’était encore une chose qu’il garderait secret, enfoui, tout au fond de lui.

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C’est sans un regard en arrière qu’il avance. Les contours du bâtiment se dessinent devant ses yeux. Son téléphone est éteint, trônant au fond d’une des poches de sa veste. Veste dans laquelle il a calé ses mains pour se donner une démarche naturelle. Il tente de contenir la colère qui le pousse à foncer directement, sans même passer par la case reconnaissance des lieux. La sagesse aurait voulu qu’il prenne quelques uns de ses gars avec lui mais comme il s’agit d’une affaire personnelle, il estime qu’il a assez impliqué son gang. C’est envers sa soeur et lui que cette attaque était dirigée. Pas envers les Reapers. Son poing se serre et sa mâchoire se contracte. Depuis cette soirée, il n’a de cesse de penser à ce qui aurait pu se passer. Les conséquences tragiques que ça aurait pu avoir sur Robin, sur toute sa famille en entier. Robin s’était trouvée là au mauvais moment et c’était précisément pour cette raison qu’elle s’était retrouvée prise pour cible alors que Sean était visé depuis le début. Il s’écarte du mur. Une tension certaine noue ses épaules. Alors qu’il sort de l’ombre, sa démarche se fait plus déterminée. Il est hors de question de laisser passer ça. On ne s’en prend pas à sa famille en espérant revoir la lumière du jour. Ce connard a fait une erreur monumentale en s’imaginant qu’un tel affront aller rester impuni et que Sean resterait terré derrière ses hommes. Ce n’est pas parce qu’il n’est pas aussi souvent sur le terrain qu’il le devrait qu’il n’est pas capable d’agir quand le besoin s’en fait sentir.

Il est en face d’une porte et il s’y arrête, prenant un instant pour extirper son arme de son holster. Au fond, il n’attend qu’une excuse pour lui mettre une balle dans la tête. Une seule. S’il était parti dans l’idée de le neutraliser et de le livrer à la police, les quelques minutes de marche qu’il lui a fallu pour arriver jusqu’ici lui ont rappelé que cette histoire aurait pu finir bien plus mal. Et qu’il ne devrait pas faire preuve de pitié à son tour. Il est lancé dans une quête vengeresse. Ses traits tirés contrastes avec le visage amical qu’il offre au reste du monde. Ce masque sociable, aimable qu’il enfile quand il s’agit de se faire des amis et d’étendre son influence sur les bas-fonds de Genosha. La fureur s’est installée et il est prêt à aller jusqu’au bout. Sa main entoure la poignée de la porte et à l’instant où il s’apprête à l’ouvrir, quelque chose ou quelqu’un le projette au sol. Tout air quittant brusquement ses poumons, Sean lâche un hoquet de douleur sous l’impact. Il en lâche également son arme, qui finit sa course quelques centimètres plus loin.  Il n’a pas entendu la personne s’approcher et son esprit l’identifie tout d’abord comme une menace. Puis enfin, la raison revient et alors qu’il lutte pour se redresser avec la ferme intention de mettre un coup de poing à son agresseur, il reconnaît ce visage. Et cette voix. Summers.

- Mais b…

Pas le temps de jurer car Summers le plaque de belle au sol, l’empêchant de se relever en lui bloquant le torse. Sean grogne. Voilà qu’il se fait sermonner. La respiration haletante, il comprend enfin la situation dans laquelle il se trouve. Nathan est arrivé, contre toute attente. Et l’a plaqué au sol comme on plaquerait un adversaire au football. Il se trouve au-dessus de lui, cette fois. Et si Sean n’était pas en proie à une colère froide et déterminée, cette inversion des rôles aurait pu le faire sourire. Après tout, c’était lui avait atterri sur Summers lors de leur première rencontre. Les yeux de Sean accrochent cependant le visage inquiet de l’autre. Ses lèvres, aussi. Lui coupant cette envie de sourire et de rire de la situation. Comme si c’était bien le moment. Lorsque Nathan le libère en s’excusant, Sean se redresse péniblement, grommelant à cause de la douleur que l’impact a causé. Il hésite une fraction de seconde avant de saisir cette main tendue sur lui. Si Nathan pouvait au passage remettre sur pied sa fierté blessée, ce serait fort aimable. Sean réajuste sa veste avec mauvaise humeur alors que Summers lui fait la morale sur l’immense connerie qu’il s’apprêtait à faire. Et même s’il sait pertinemment au fond de lui que son interlocuteur a raison, Sean ne peut s’empêcher de secouer la tête avec agacement. Mais c’est vrai. Cela peut très bien être un piège. Après une disparition éclair, la cible qui réapparaît comme par magie ? Ce type était dans son gang auparavant, il peut très bien savoir comment Sean fonctionne. Mais une fois de plus, la fierté de Sean refuse de l’admettre. Il est sur de son coup et il veut aller jusqu’au bout. Quand au plan au béton armé, Sean préfère se faire arracher la langue que d’avouer à Nathan que son seul plan était d’entrer et de vider son chargeur dans la tronche de cet enfoiré. Quelque chose lui dit que ça n’arrangerait pas son cas.

- Okay, j’ai compris ! La prochaine fois, j’attendrais.

Il lève les yeux au ciel avant de se baisser pour ramasser son arme. Malgré cette entrée en matière chaotique, cependant, ce n’est pas pour lui déplaire que Nathan soit là. Même s’il est venu pour l’engueuler et probablement pour le dissuader d’aller jusqu’au bout. Il pose une main sur sa hanche, adoptant ce ton mielleux qu’il ne réserve qu’à Nathan.

- T’as rappliqué en courant jusqu'ici juste pour m’engueuler ?

En prononçant ces mots, Sean ne peut dissimuler le demi-sourire qui se dessine sur son visage. Il brise cette distance entre eux, ne s’arrêtant qu’à quelques centimètres de lui.

- Fais gaffe, Summers, je pourrais presque croire que tu t’inquiètes pour mon intégrité physique. Et vu l’inquiétude que je peux lire sur ton joli visage, on dirait que c’est le cas.

Puis, il se détourne. Son sourire s’efface dès l’instant où ses traits ne sont visibles pour Nathan. Replaçant avec soin son arme dans son holster, il profite de ce geste pour tenter de calmer ces tremblements et cette tension qu’il cache. Tourner le dos à Nathan lui offre ainsi l’occasion de se remettre de ses émotions et surtout, de réfléchir à la conduite qu’il doit à présent adopter. Un rire s'échappe de ses lèvres, cependant, alors qu'il prend conscience de l'absurdité de cette situation dans laquelle ils se trouvent tous les deux. Un rire malvenu et qui pourrait tout aussi bien être mal interprété.
 

Un instant de flottement. De silence accaparant. Le temps ralentissant sous l’échange aux airs accablants. Réprimande tempérée envers l’être qui s’était retrouvé contre terre, plaqué. Crainte teintée dans les propos énoncés. Soupir prononcé par après, tandis qu’il se redressait. Préférant cesser les paroles avant qu’elles ne deviennent reproches acérés. Taisant cet élan dont l’impulsion l’avait soudainement empoigné. Nathan entamait le retour à une certaine composure en calmant l’épanchement échappé. Reprenant une longue inspiration pour apaiser la panique encensée. Sa main s’élevant vers Caglar, encore étalé non loin de ses pieds. Une offre réalisée instinctivement, qu’il était libre d’évincer, ou de favoriser. Accord tacite pour se racheter de la faute commise, mais non regrettée. Summers avait agi sur l’instant, en conséquence, et n’avait pas mis longtemps à prendre sa décision pour stopper l’autre de se lancer dans ce qui semblait n’être qu’un piège tout tracé. L’impact avait résulté en une bousculade, les deux s’écroulant au sol, le souffle coupé et l’épiderme sensibilisée. Mais en aucun cas, Nate ne regrettait. Il avait pu intercepter Sean à temps, et cela le soulageait plus qu’il ne l’avait pensé. Il n’avait rien espéré en retour, si ce n’était de se prendre une branlée verbale pour le fait de l’avoir arrêté. Mais il fut surpris de constater, qu’il en était au final, tout autre, lorsque la réponse lui fut accordée. La main de Sean s’insinua dans la sienne, scellant l’offre qui était alors acceptée. La main tendue vers le déchu, attrapée. L’aidant à se redresser, corrigeant le tort causé. Nathan évita son regard alors qu’il s’excusait, tirant sur ses bras pour le relever. Sa voix ne portant pas très loin, juste suffisamment élevée pour que l’autre puisse l’entendre, l’écouter. Les expressions et gestuelles du plus jeune répondant d’elles-mêmes à ce que Nate exprimait. Il pouvait sentir l’agacement du criminel, telle une pression contre sa peau échauffée. L’humeur massacrante suite à la fierté écrasée. L’ego mis à mal, pouvant se relâcher à tout instant et par derrière, le tacler. Mais contre toute attente, ce fût une voix résignée qui s’élevait. Sean concédait. Il venait de capituler.

Les paupières de Nate se fermaient doucement, alors qu’il laissait un soupir s’échapper. Une expiration bien allongée, après une inspiration écourtée. Prenant en compte la réaction et la réponse du plus jeune, qui déjà récupérait son arme, lâchée dans la mêlée. Tombée un peu plus loin lorsqu’il l’avait percuté. Nathan s’imprégnait quelques secondes de l’instant, où rien ne semblait pouvoir le perturber. Le temps que son acolyte ne revienne vers lui, ou qu’un ennemi du criminel ne les surprenne dans la foulée. Il profitait de ce moment pour réfléchir à la stratégie à exécuter. Sean ne serait certainement pas d’avis de se retirer. De faire demi-tour alors qu’il se retrouvait déjà sur place, prêt à y aller. Il était paré. Déterminé. Et à présent, accompagné. Summers ne voulait point le laisser s’y rendre seul, par mesure de sécurité. Même s’il avait écouté ses déblatérations laissées sur son répondeur, et qu’il avait réalisé l’ampleur de l’action que Sean voulait exécuter, il n’en saisissait pas encore toutes les subtilités. A dire vrai, l’agent n’avait aucune idée du plan fomenté par le criminel, mais espérait tout de même qu’il ne voulait pas simplement foncer dans le tas, tête baissée. Réagir sous l’impulsion d’une colère manifestée n’était pas le plus judicieux à faire, mais par chance, il était parvenu à le tempérer. À quelque part, le calmer. Et le ton qu’il employait la seconde d’après confirmait ses pensées. Nate rouvrit les yeux, les levant au ciel en lâchant un soupir quelque peu amusé. Pas pour t’engueuler non. Croisant les bras contre son torse, Nate laissa ses iris s’ancrer sur le visage de Caglar, qui s’était plus encore rapproché. Plutôt pour t’arrêter avant que tu ne fasses une énorme connerie que tu pourrais regretter.. Summers détailla la posture de l’autre d’un coup d’oeil concentré. Un maintien plus décontracté, une main posée sur sa hanche, un sourire au coin des lèvres, alors qu’il le regardait. Sa réplique au ton mielleux, le faisant presque ricaner, tant elle était vraie. Il s’inquiétait pour lui, mais il savait également qu’il pouvait se gérer si la situation le demandait. Alors plutôt que de laisser paraître une crainte, bien que loin d’être injustifiée, Nathan esquissa un sourire après avoir lâché une expiration amusée. Secouant la tête et détournant le regard, sans plus s’exprimer sur le sujet.

Décroisant ses bras, les laissant retomber le long de des flancs, Summers se mouvait ensuite dans l’espacement pour s’adonner à observer. Prendre le bâtiment d’une vue d’ensemble était plus confortable et pratique, que de traîner près de la porte d’entrée. Ainsi, son regard accrochait les différents points d’intérêts. Des fenêtres aux pentes de la toiture, en passant par les portes et les fentes dont les murs étaient zébrés. Ses traits s’étiraient tandis qu’il scrutait les accès. Ses muscles se crispaient alors qu’il contemplait les divers possibilités. Estimait un chemin moins voyant que celui habituellement emprunté. Il fallait garder une certaine main mise sur la situation, et notamment ne pas se faire repérer. S’ils pouvaient rentrer dans le bâtiment, cartographier les lieux et comptabiliser le nombre d’individus présents à l’intérieur sans se faire voir, cela leur donnerait déjà un avantage bien conséquent et considéré. Nate se doutait bien que Sean avait une certaine connaissance de ces statistiques, mais les facteurs pouvaient toujours être influencés. Par le hasard, ou même par une prétendue destinée. Qu’importe, de toute évidence, ils ne pouvaient pas rester là les bras croisés. Nathan soupira brusquement en reculant d’un pas, entrouvrant les lèvres pour se mettre à parler. Et alors qu’il allait questionner Caglar sur la manière dont il voulait procéder, ce dernier se mit à rigoler. La sonorité s’imprimant alentour, caressant ses tympans, le laissant quelque peu perturbé. Nathan fronça les sourcils, et plissa ses yeux devant le ricanement épanché. Qu’est-ce qui t’am... Sa question mourut avant même d’être entièrement exprimée. Ses iris captant un signe particulier. Des tremblements dans la main de Sean, qui l’intriguaient. Le mouvement l’interpellant instantanément, alors qu’il l’observait. Jamais Caglar n’avait été aussi démonstratif et stressé dans une telle situation, depuis que Nate le connaissait. D’avoir cela sous les yeux à l’heure actuelle était une scène des plus déconcertante, et pour cause, elle l’avait complètement déstabilisé. Summers fit un pas, prudemment, en la direction du moins âgé. Ne voulant point le brusquer, et aucunement le forcer à montrer sa fébrilité, ni à la cacher. Sean. Il l’appelait doucement, tendant la main vers lui, l’incitant à enlacer sa paume tournée. Viens. Léger mouvement du poignet. Reste pas trop près de la porte, on pourrait se faire voir. Regard adouci pour montrer ses intentions nobles, de juste l’emmener à l’écart et de, quelque part, le protéger. Lui éviter un sort non désiré. Là. Alors que Caglar se mouvait enfin, rejoignant Summers, qui les décalaient, les emportant un peu en retrait. Il tremblait toujours, et Nate pinça les lèvres, étrangement touché.

Je sais que ça te tient à cœur et que tu voudrais t’en occuper dès maintenant, même si c’est peu prudent. Lentement, il commençait à s’exprimer, tentant de mettre les choses à plat, et de l’apaiser. C’est important pour toi, et je comprends. Au point d’y aller sans aucun backup, je ne peux qu’imaginer l’intérêt que ça peut avoir à tes yeux. Nathan cligna des paupières, et son visage se pencha sur le côté. Tandis qu’il ne pouvait le quitter des yeux, son regard uniquement sur lui, focalisé. Je me doute que tu ne veux pas faire demi-tour et rentrer bredouille, vu ta réputation et ton caractère. Mais sache juste que tu n’es pas obligé d’y aller, si tu ne veux pas, ou si tu ne le sens pas. Tu peux rentrer chez toi, et je ferai un tour du périmètre, juste pour dire. Tant qu’on est pas repérés, on est pas forcés de rester, okay ? Sa main vint s’élever pour se poser contre son épaule, en guise d’un certain réconfort, d’un support qu’il voulait montrer. Il était là, si Sean en avait besoin, si sa présence était désirée. Et si les mises en gardes n’ont vraiment pas servies et que tu veux quand même y aller maintenant, bah, alors go. Je suis là, s’il faut. J’ai pas rapporté grand chose, mais j’ai répondu à ton appel. En quelque sorte. Une esquisse de sourire, alors qu’il laissait retomber sa main sur le côté. Tu ne m’as pas appelé pour rien, peu importe ta décision. Nathan avait exposé les alternatives, avait tenté de le rassurer sur le fait qu’il pouvait se tirer. Cela ne lui ferait pas pour autant perdre son avantage sur celui qu’il recherchait. Et il espérait que Sean le comprendrait. Mais Summers avait été tout de même sincère, en lui expliquant qu’il serait là, si le besoin s’en ressentait. Il avait établi les points de bases, il ne restait plus qu’à Sean de se décider. C’est toi qui voit Caglar. Et à Nathan de patienter. D’attendre, à ses côtés. Et d’espérer qu’entre temps, les tremblements cesseraient.

Ⓒslytbitch.

Qu’est-ce qu’il est censé faire ? Tourner les talons et laisser couler la tentative de meurtre à laquelle Robin et lui ont échappé ? Retourner chez lui, la queue entre les jambes et ravaler sa fierté ? Plutôt crever. Ça va plus loin qu’une question d’honneur. C’est une vengeance pure et simple, un avertissement. S’attaquer à lui, c’est une chose. Mais s’en prendre à sa famille en est une autre et cela suffit pour le rendre à nouveau ivre de rage. Les siens sont peut-être la seule chose qui compte à ses yeux et il est prêt à tout pour eux. Y compris à avoir recours à la violence, bien qu’il la méprise au plus haut point. Il est prêt à ranger son aversion pour l’usage excessif de la force quand il s’agit de protéger son clan. Malgré tout, il a conscience que son plan est loin d’être sans faille. A la limite du suicidaire, même. Ce n’est pas pour rien qu’il a fait appel à Summers. Peut-être espérait-il inconsciemment que ce dernier allait le retenir et l’empêcher d’aller plus loin. Il ne s’attendait pas en revanche à réagir comme ça. Rire nerveusement et trembler comme une feuille. Son masque de confiance s’est fissuré et ce qu’il laisse entrevoir ne lui plait absolument pas. La partie visible de l’iceberg le rend vulnérable aux yeux de Nathan et ça, c’est encore plus insupportable pour Caglar qui connait l’importance de l’image qu’on renvoie. Comment obtenir le respect d’une bande de délinquants si on est pas sûr de soi ? Si on n’est incapable de parler sans bredouiller et qu’on bute sur ses phrases tous les deux mots ? Comment garder le contrôle lorsque les émotions sont affichées aussi ouvertement ?

La voix de Summers dans son dos l’oblige à redresser doucement la tête et arrêter de rire. Il ne se retourne pas complètement, pour ne pas montrer qu’il est soudain assailli de doute. Mais c’est inutile. Il se doute bien que Summers l’a vu. Rien qu’à entendre le ton qu’il emploie avec lui et la main qu’il tend dans sa direction. Sean hésite. Sa fierté le pousserait presque à ignorer Nathan alors qu’il l’a appelé en premier lieu. Il décide cependant de mettre son égo en veilleuse et de répondre à cette invitation en serrant la mâchoire. Au départ, il regarde ailleurs. Parce qu’il sait très bien qu’il suffira à Summers de lire dans ses yeux pour comprendre. Même s’il a déjà compris. Ses mots brisent le silence et glissent sur Sean qui finit par soutenir son regard. Il semble lui dire ce qu’il a besoin d’entendre. Qu’il pourrait faire demi-tour et rentrer. Laisse ça derrière lui et continuer sa vie. Mais alors que Nathan poursuit, la certitude que ça ne marchera pas se glisse dans son esprit. Son ennemi ne s’arrêtera pas, lui. Du moins, pas tant que Sean et Hailey se débarrassent de lui pour de bon. Et ce complice, bien à l’abri derrière sa forteresse de béton est un pas en avant le reprochant de ce but. L’idée du piège est toujours présente. Quiconque connaît Caglar se doute bien qu’il ne laisserait pas passer une occasion pareille de se venger. Ses poings se serrent lorsque Summers achève sa tirade. Au moins, il y a une bonne chose dans cette situation tordue : il est avec lui. Au risque de se faire entraîner dans une chute prévisible. Sean baisse la tête et inspire longuement.

- Je ne peux pas faire demi-tour. Pas maintenant. Quand je t’ai appelé, je pensais simplement qu’il me suffirait de rendre visite à ce fumier et de lui faire peur. Mais plus maintenant.

Il redresse le menton et accroche le regard de Summers. Il doit savoir à quoi s'attendre.

- Je ne te demanderais pas de me suivre aveuglément car si j’entre là-dedans, je ne compte pas faire de quartier. Ne me dis pas que tu es avec moi si tu ne sais pas à quoi tu t’engages en me suivant à l’intérieur. Tu risquerais de regretter tes paroles.

Si les mots de Sean peuvent paraître soudainement très durs comparé à la douceur avec laquelle Nathan s’est adressée à lui, c’est bien pour qu’il comprenne. Sean lui laisse le choix, à son tour, de le suivre ou de partir. Car une fois qu’il aura franchi ces portes, il est hors de question qu’il s’arrête tant qu’il n’a pas atteint son objectif. Et histoire que les choses soient claires, il lui dit de but en blanc :

- J’ai l’intention de le tuer.

Un silence se fait, le temps qu’il laisse ses mots faire du chemin dans l’esprit de Nathan. Maintenant, si Summers le suit à l’intérieur, c’est son choix. Sean s’écarte de lui, lentement. Réerrange sa veste et ses gants pour laisser à l’autre le temps de réfléchir. Une fois qu’il estime qu’il lui a laissé assez de temps, Sean se tourne une nouvelle fois vers lui :

- T’as toujours envie de me suivre, maintenant ?

Un ton plus doux, moins dur. Comme si le Sean froid et calculateur s’était retiré pour laisser place au rôle qu’il endosse face à Nathan. Il fiche ses mains dans ses poches et patiente, tout en ajoutant avec un demi-sourire :

- Ça me déplairait pas de t’avoir dans mon champs de vision mais je ne peux pas te demander de faire ça avec moi si tu n’en es pas sûr à cent pour cent.