-  Papa, tu m’écoutes ?

Marc lève les yeux de son téléphone et reporte ses prunelles sur l’adolescente aux cheveux noirs qui le fixe en croisant les bras. Tel un enfant pris en faute, il grommelle un instant avant de ranger son téléphone dans la poche de son éternelle veste en jean. C’est vrai. Le travail peut attendre.

- Excuse-moi. Tu disais quoi ?

A les regarder, on pourrait aisément se demander qui est le parent et qui est l’enfant. Mercy darde son père de son regard sévère avant de porter sa tasse de café à ses lèvres.

-   Je disais que j’allais m’engager dans l’armée, me raser la tête et me marier avec ma camarade de dortoir.

Un petit sourire satisfait se dessine sur cette adolescente espiègle alors que son père lève les yeux au ciel. Elle ricane quelques instants avant son menton dans le creux de sa paume. La présence de tout ce monde autour d’eux ne semble pas la déranger outre mesure. Elle est bien plus sociable que lui, ça ne fait aucun doute.

-  Non, en vérité, je voulais savoir quand est-ce que je pourrais revenir vivre chez toi. On est bien chez mamie mais je m’ennuie un peu, à la longue. Je sais que tu m’as envoyé chez elle parce que tu estimais que c'était mieux pour nous deux mais...
- Mais tu veux revenir, c’est ça ?

Elle hoche la tête et Marc se redresse sur sa chaise. Oh, il comprend. Il comprend le besoin de Mercy de revenir vivre chez lui. Des deux, c’est bien elle qui vit le mieux ce truc de père-fille. Leurs rapports tendus se sont apaisés depuis cet éloignement forcé, imposé par Bowman pour la protéger de la vie qu’il mène. Les instants où ils se voient ne sont plus des concours de sarcasme, de haussement d’épaules et de grincement de dents, d’un côté comme de l’autre. Et l’idée que sa fille vive à nouveau avec lui n’est pas pour lui déplaire, qu’on se l’avoue.  Après tout, il a bien Laura à la maison.

- Tu sais que je ne suis pratiquement jamais là, Mercy…
-   Je sais. Mais y’a Laura et puis… Au moins, chez toi, je peux aller sur Internet sans me faire gronder par Mamie qui pense que ça va me détruire le cerveau. Elle est gentille mais elle a peur de tout et je peux pratiquement rien faire sans qu'elle se mette à paniquer et à me faire un sermon.
- Elle a peur que tu deviennes comme moi. Ce n’est pas contre toi. Elle est maladroite mais elle ne veut que ton bien.

Le fait que Marc parle en bien de sa mère adoptive devant elle et fasse un instant preuve de maturité semble la choquer. Pour preuve, elle s’arrête un instant de siroter son café pour le regarder par-dessus sa tasse, plissant les yeux.

- Wow. C’est bien la première fois que tu ne dis pas quelque chose de mauvais sur elle ! Je devrais enregistrer tout ça et lui faire écouter.
- Que ça devienne pas une habitude. Si tu en parles à qui que ce soit, tu seras privée de sortie.

Elle ricane une nouvelle fois avant d’hausser les épaules, dans l’attente. Il ne pourra pas fuir le sujet éternellement et il sait qu’il devra faire un choix. A l’époque où il avait envoyé Mercy chez sa mère, il n’était pas encore émergé et n’avait pas retrouvé la maîtrise de ses pouvoirs. Sans compter qu’il n’était pas en mesure de se défendre lui-même contre un paquet d’ennemi. A présent, il en est capable et il le sait. Et il sera plus à même de protéger sa fille dans un appartement qu’il aura blindé de protection au préalable. Bien sûr, il y a toujours le problème Hydra mais Mercy vient déjà régulièrement chez lui, donc ça ne changera rien qu’elle y vive ou non. Alors il se redresse une nouvelle fois et soupire :

- D’accord. D’accord, tu peux revenir à la maison. Mais tu me laisses parler à ta grand-mère avant.
-  Pour de vrai ? Sérieux ?
- Oui. Et… on en reparlera après.

Car du coin de l’oeil, il voit s’approcher la raison de cette sortie familiale improvisée. Depuis qu’il est revenu, c’est la première fois qu’ils arrivent à se voir. Sans que l’un ou l’autre ne soit forcé d’annuler parce qu’il y a une urgence à régler. Et à présent qu’il a récupéré ses souvenirs, c’est la première fois qu’il revoit Aidan. Pour de vrai. Sans faux souvenirs au milieu. Si Bowman avait été du genre sentimental, nul doute qu’il aurait pu se sentir étrange à la vision de ce frère perdu qu’il retrouve enfin. Celui qui avait lancé sa quête effrénée, l’avait poussé à explorer des recoins interdits de ses pouvoirs. Celui qui était la cause indirecte de son pacte avec un dieu. Et pourtant, pourtant Marc ne se laisse pas submerger. C’est presque une réunion de famille normale. Comme si toute cette histoire n’avait pas existé. Il est présence de sa fille et son frère. Et il doit se concentrer sur ça. Uniquement sur ça.

Sans compter qu’il a un mensonge à tenir. Comme il ne peut décemment pas dire à son jumeau son vrai job, il va devoir rester concentrer sur sa couverture officielle. Officiellement, en dehors d’Hydra, Marc est éducateur spécialisé. Un rôle qui lui va à merveille et qui justifie la présence de Laura dans son entourage. Ce mensonge sert également à justifier les fois où on l’a vu trainer dans des endroits peu recommandables de Genosha en compagnie des recrues. On ne peut rêver mieux. Et alors qu’Aidan se rapproche de leur table, il se redresse, un léger sourire aux lèvres. Bien loin de la froideur qu’on peut lui donner dans son boulot ou cet air blasé qui lui sied à merveille. Un sourire, une chaleur qui n’est réservée qu’à ses proches. Mince alors, on dirait bien qu’il est heureux de revoir son jumeau.

Au repos. Enfin. Voilà un mot qui n’a plus fait partie du quotidien de l’homme fatigué depuis des lustres. Depuis son débarquement sur Genosha, en réalité. Il a fallu couvrir bien des choses, reprendre les erreurs des prédécesseurs et tenter de réparer les torts un peu, beaucoup, assimilés au SHIELD. Autant dire que le commandant en second n’a pas chômé depuis qu’il a osé mettre pied à terre sur l’île. Aujourd’hui est donc un jour particulier, puisqu’enfin, il peut traîner autant chez lui que dehors, sans avoir à se soucier d’une catastrophe imminente à gérer. Dans le fond, pourtant, Aidan n’est pas dupe. Il y aura toujours une profonde inquiétude qui le saisira, à chaque instant de la journée, comme à chaque heure de la nuit également. C’est son métier qui veut ça, c’est aussi sa personnalité. Tout est ancré dans son caractère, forgeant aussi bien l’homme que ses capacités. Se soucier des autres, c’est toute sa vie. Et s’il a commencé par jouer de celle-ci sur le terrain, maintenant, c’est en retrait mais toujours bien ancré dans le jeu qu’il perdure dans ses bonnes vieilles habitudes. C’est ainsi, et il a appris à l’accepter. Ça ne doit pas pour autant l’empêcher de vivre, et en cela, le plus jeune des Bowman a encore des progrès à faire. Séparer sa vie professionnelle de celle personnelle s’avère bien plus compliqué qu’il ne l’aurait jamais cru, encore plus en ces temps sacrément tendus. Toujours est-il que ce jour, il tente, à son tour, de laisser de côté ses bons vieux travers pour renouer avec des liens du passé.

En soufflant doucement, le blond se concentre d’ailleurs sur sa destination. Au volant d’une Range Rover qui dévoile certains de ses penchants, il compte les minutes affichées sur le gps qui le sépare encore de son objectif. Est-ce ridicule d’avouer qu’il n’est pas encore totalement rendu familier de l’île ? Il a beau connaître certains quartiers comme sa poche, d’autres font toujours défaut à sa mémoire, et il se sent obligé de faire appel à la technologie ou plutôt, disons-le en vrai, aux smartphones pour le guider sur le droit chemin. Fut une époque, bien lointaine, Aidan en était encore à parcourir le monde, boussole et carte à la main. Mais ce temps est révolu, bien trop accoutumé qu’il est, désormais, à user de tout le matériel à sa portée pour faciliter l’avancement de chacune de ses missions. A croire que même un simple déplacement en voiture requiert donc un équipement spécifique, confondant une routine familiale avec une nouvelle cible à atteindre. Ah décidément, ce n’est pas encore demain la veille que le commandant saura diviser les aspects de sa propre existence. Malgré tout, si on omet ce côté un peu trop rigoureux chez lui, en l’instant, Aidan est plutôt content. Stressé, fort probablement, mais surtout heureux. Car s’il sort, s’il a daigné enfiler un jean et un sweat, quittant ainsi son éternel costard-cravate imposé par sa position au SHIELD, ce n’est pas pour faire la guerre, mais bien pour faire la paix. Une réunion assez particulière a été enfin décidée entre lui et son frère. Après avoir maintes-fois repoussées leurs retrouvailles par textos interposés, et ce par les sempiternelles excuses bidons racontées du style « Coincé au boulot » « j’ai une urgence, je te rappelle plus tard », « désolé, on m’a appelé pour intervenir sur un nouveau patient » qui sont toutes aussi déguisées les unes que les autres, la famille a finalement pu se caler un créneau pour se voir. Ce qui n’est clairement pas trop tôt pour Aidan, dont le seul être à lui manquer et qu’il n’a pas revu depuis son retour sur Genosha, c’est bien son aîné.

Il faut dire, pour sa gouverne, que les mensonges accumulés n’ont pas aidé à défendre sa cause. Aidan Bowman se dit médecin, plus particulièrement médecin sans frontières. Justifiant tous ses voyages passés mais aussi présents, ces silences radios dont il a fini par habituer sa famille à force de bosser pour une organisation supérieure à tout ce qu’il a toujours connu à ce jour. Alors c’est sûr que beaucoup de choses se sont déroulées depuis leur dernière entrevue, aux Bowman. Loin d’être un garçon narquois et joueur, toujours à frôler les limites de l’acceptable, Aidan a, depuis, largement grandi. Il se plait à dire qu’il est devenu un homme meilleur. Pour sûr qu’il est plus responsable, mature, bien dans ses bottes aussi. Pour un peu, il serait presque enfin le modèle que les parents ont toujours rêvé qu’il soit. Si ce n’est qu’il n’a pas fait ça pour eux, mais pour lui. Pour enfin aller mieux. En soupirant, un rictus au coin des lèvres, le blond parvient enfin à trouver une place de parking. Le gps sonne en boucle depuis quelques minutes, ce qui a fini par l’affranchir de ses pensées nostalgiques et réalistes, pour qu’enfin, il puisse sortir de son Rover pour se rendre dans le café où Marc et lui se sont donnés rendez-vous. Mercy sera de la partie aussi, et ce sera la première fois qu’Aidan verra sa nièce en compagnie de son père. Dire que Marc est père. C’est quelque chose que le jumeau n’aurait jamais imaginé. Quand bien même il n’a, pour le moment, aucun souvenir de son passé.

Enfin, le commandant passe la porte du café, rangeant son téléphone et ses clés nonchalamment dans les poches de son jean. Les épaules un brin tendues, il cherche de son regard azur les silhouettes familières de sa famille. Avant de repérer Mercy et Marc attablés, l’une sirotant une boisson et l’autre levant les yeux au ciel. Une moue amusée sur le visage à cette vision, Aidan se rapproche de leur position. D’abord hésitant, puis plus franchement quand son frère le repère enfin. C’est d’abord sa nièce qui, bien que dernière informée de son arrivée, se jette dans ses bras. Le serrant puis partageant une bise sur sa joue, lâchant également un léger rire à sa vue. Ouais, y a de quoi ricaner à voir une telle branche de la famille ainsi réunie. « Mercy, toujours aussi démonstrative. Dis-le que tu fais ça simplement pour embêter ton vieux père. » Plaisante doucement Aidan, provoquant Marc par son adjectif douteux, alors qu’il hésite encore à tendre les bras vers le concerné. Et puis finalement, il hausse les épaules. Ils peuvent bien s’autoriser ça non ? Des années qu’ils ne se sont pas croisés, une étreinte est au moins de mise pour l’occasion. Le blond y va franchement, exprimant une accolade digne du bon vieux temps. Ce n’est pas souvent que lui-même se montre assez émotif et chaleureux, au grand dam de ses collègues. Mais quand il est question de la famille, c’est tout de suite autre chose. « Marc. Ça fait plaisir de te voir. » L’éloignement leur sied, il a été profiteur aux Bowman qui sont bien loin de se détester, en dépit de tout. A son tour, alors, de se glisser sur une chaise, faisant un signe au serveur d’apporter un café pour compléter le trio improvisé. « Désolé, c’était la folie ces derniers jours, mais j’ai enfin pu me libérer. » entame quand même le cadet, regardant ses proches dans les yeux. C’est vrai que comme oncle et comme frère, il aurait pu se montrer plus présent. Mais s’il a manqué à ses devoirs, il a désormais le temps de se rattraper. « Alors ? Qu’est-ce que j’ai manqué ? »

Ⓒslytbitch.

Certes la question de sa fille le prend au dépourvu. Mais ils ont tous les deux évolués. Marc n’est plus cet abruti fini, qui se noyait dans l’alcool pour ne pas avoir à affronter les obstacles qui se trouvaient en travers de son chemin. Il a renoué avec ce passé oublié, ces années avant cette illusion où il n’était pas un agent de l’organisation terroriste qui fait trembler l’île mais un sorcier solitaire, égaré et lancé dans une quête qui le dépassait. L’ancien et le nouveau Marc ont fusionné pour donner cette nouvelle version de lui. Toujours aussi cynique, toujours aussi blasé par la vie et ses aléas mais bien plus en paix avec lui-même. Et avec ses responsabilités nouvelles. Il sait qu’il ne sera pas le meilleur père du monde. Il ne sera peut-être même pas un quart du père que Mercy aimerait qu’il soit. Et puis il y a la magie. Il n’a pas besoin de se cacher avec Laura, car il s’est révélé à elle pour gagner sa confiance. Cela n’étonne donc pas la brune d’entendre des explosions venir de la cuisine ou d’être réveillée par la sonnerie stridente de l’alarme incendie parce qu’il a oublié d’ouvrir la fenêtre avant de faire brûler un truc. Mercy, elle, elle ne le sait pas.  En acceptant qu’elle revienne vivre avec lui, Marc comprend qu’il aura alors tout un pan de sa vie à réorganiser pour que cela n’impacte pas celle qui partage son sang. En attendant à son tour de découvrir si cette gamine possède des dons ou non, ce qui est un autre problème.

Mais ces préoccupations attendront plus tard. L’arrivée d’Aidan lui offre un répit sur la question. L’attention du père et de la fille est reportée sur le membre de la famille qu’il manquait pour que cette réunion soit complète.  Le sourire de Marc s’étire à la vision de ce frère qu’il n’a pas vu depuis bien trop longtemps. Il est devancé cependant par Mercy qui saute presque au cou d’Aidan pour l’entourer de ses bras et lui montrer l’étendue de son affection. Arrachant à ce dernier une remarque, visant expressément son frère d’une taquinerie habile. Presque machinalement, Marc répond :

- Vieux ou pas, ça reste moi le plus beau de nous deux.

Les habitudes ont la vie dure, tout particulièrement quand il s’agit de se vanner. L’accolade qui vient d’Aidan le surprend, sur le moment. Pas parce que ça vient de son frère, non. Il a toujours été plus démonstratif que lui à ce niveau, là où Marc peine à donner une tape compatissante sur l’épaule de sa fille ou de Laura quand elles lui font peur de leurs problèmes. Non, c’est simplement que justement, Marc ne s’est jamais habitué aux effusions d’affections, surtout quand elles sont dirigées vers sa personne. Et dieu sait qu’Aidan a toujours été et sera toujours l’une des rares personnes de son entourage à pouvoir un geste chaleureux envers son aîné sans que ce dernier ne se dérobe en grognant à grand renfort de menaces charmantes du style « Dégage de là ou je te crame.»
Le sentiment qu’exprime son jumeau est partagé, même si Marc ne sait pas comment l’exprimer autrement qu’un hochement de tête. Quand on est plus doué pour envoyer paître les autres que pour exprimer son affection, ça donne ça. Trente-quatre ans et toujours aussi handicapé socialement. Pourtant, son sourire ne s’efface pas, loin de là. Car l’appréhension qu’il pouvait ressentir à l’idée de revoir celui qu’il a perdu de vue depuis tout ce temps a cédé la place à une joie qu’il ne parvient pas à dissimuler ou quantifier. Ils se revoient enfin, après une éternité. Ce n’était pas faute d’avoir tenté, pourtant. Mais chacune des tentatives de retrouvailles s’est soldée par un contretemps. Soit à cause du travail de Marc, soit à cause de celui d’Aidan, quand ce n’est pas un facteur extérieur. Mais cette fois, ils y sont. L’un en face de l’autre - enfin presque - à la même table. Et avec Mercy en prime, qui ne perd pas une occasion de se montrer bavarde en présence d’Aidan.

- T’as raté quelque chose d’incroyable ! Figure-toi qu’il a eu un mot gentil pour Mamie juste avant que tu arrives !

Marc se passe une main sur les yeux en soupirant. Il aurait dû se douter, que Mercy n’allait pas tenir sa langue.

- J’ai encore perdu une bonne occasion de me taire, tiens. A t’entendre, on dirait que je passe mon temps à dire des saloperies.

Bon, d’accord, il doit avouer qu’il n’est pas allé de main morte avec elle, au fil des années. Et sa seule excuse est qu’il a été con. Mais tout de même, il s’est arrangé avec le temps. Sa prise soudaine en maturité lui a fait prendre conscience d’éléments qu’il refusait de voir auparavant. Mercy a aidé, bien sûr. Quand le bien-être de son enfant est en jeu, n’importe quel parent est capable de mettre de côté sa rancoeur envers ses propres parents. Le temps a fait le reste. Madame Bowman et Marc peuvent à présent se parler normalement, sans que ça finisse par se hurler dessus parce que l’une demande à son fils d’arrêter d’agir comme un imbécile ou parce que l’autre se vexe et prend la moindre de ses remarques comme une attaque personnelle. Se retrouver de l’autre côté de la barrière l’a rendu plus conciliant avec les erreurs que sa mère adoptive a pu commettre avec lui.
Il grommelle en se laissant glisser contre sa chaise, dans une pose nonchalante qui lui ressemble bien. Mercy ricane en adressant un clin d’oeil à son oncle, au grand dam de Marc qui secoue la tête en la regardant d’un air désapprobateur, bien qu’il ne soit pas vexé une seule seconde par la situation. Ils ont presque l’air d’une famille normale, ainsi. Et « normal » est un mot qui ne figure pas dans son vocabulaire, pourtant. Méfiance, il pourrait y prendre goût.

- La routine habituelle, sinon. Le travail, les gamins, la vie. Et toi, quoi de neuf ?

L’attention de Marc étant portée vers son frère, il ne voit pas ce qui est en train de se jouer plus loin. Les murmures paniqués mettent un moment à parvenir à la table des trois Bowman. Le rouge reconnaissable de la Garde ne tarde pas à apparaître cependant, bien visible et toujours aussi menaçant. Bien entendu, il fallait qu’ils se retrouvent au seul endroit de la ville où une inspection surprise de la gestapo de Genosha a lieu ce jour-ci. Mercy se tasse contre sa chaise, palissant à vue d’oeil. Marc reste immobile, bien que tendu comme un ressort, d’un seul coup. Merde. C’est le mot. Il est censé la rassurer, là, non ? Il se redresse alors sur sa chaise pour attirer l’attention de sa fille.

- Ne panique pas, tout va bien se passer. On est là.

Dit-il ces mots pour elle ou pour lui ? C’est la question à dix milles dollars. Marc échange un regard avec son jumeau un instant avant que l’un des ces connards en rouge - vague indice de l’affection que l’aîné leur porte - se pointe à leur niveau. Il tente tant bien que mal de faire fi des éclats de voix qu’il entend plus loin, entre une garde et une civile pour se concentrer sur le problème qu’ils ont sur les bras. Il ne sait pas ce qu’il en est de Aidan et de Mercy à ce niveau, mais lui, il a bien émergé. Et il va devoir faire semblant jusqu’à ce que l’orage passe.