Trois heures du matin. Grand homme halète. Grand homme court et son cœur bat rapidement contre sa poitrine contractée. Il court, oui et ses sourcils se froncent sur son front déjà bien plissé. Il a peur en vérité. Oh oui. Il a peur et des gouttes de sueurs coulent, glissent sur ses traits particulièrement crispés. Ses pas se font de plus en plus rapide. Sa respiration se fait de plus en plus saccadée. Son regard dérive sur sa gauche puis sur sa droite et il se fond toujours plus dans l’obscurité en quête d’arriver le plus vite possible à l’endroit souhaité.
- Merde.

Sa faute. Tout ça est de sa faute en vérité. Grand homme sert la mâchoire à cette pensée. Il sert les poings. Il craque ses doigts. Il ressent une forte culpabilité. Non. Il ne doit pas. Il ne se sent pas coupable d’avoir sauvé cette fille, cette innocente des griffes de ce démon détesté mais bon sang. Jodie. Non. Il tremble rien qu’à cette idée. Pourquoi? Comment ce monstre a-t-il fini par comprendre ce qui s’est réellement passé? Ce qu’il avait vraiment fait lorsque Avery s’était retrouvée prisonnière de ses griffes acérées? Bordel. Grand homme frissonne encore à ce message envoyé, le tirant sauvagement de son sommeil par la menace claquée. Par la sentence glissée d’un psychopathe, d’un ancien chef de son gang qu’il ne peut apprécier, approuver. Tant il en éprouve pour lui de la peur et de la haine entremêlées.
“Je sais ce que tu as fais. Tu m’as trahis. Je me demande. Tu crois que ta chère et tendre pourrait rembourser ta dette? Tu sais que je le ferais. Elle est si belle pour être cueilli. Elle sera parfaite pour remplacer celle que tu m’as volée.”

Message sournoisement cachée pour désigner Jodie comme une proie attitrée. Comme un moyen de se venger, car il sait très bien ce qu’elle représente à ses yeux et que sa perte le briserait. Littéralement. Complètement alors qu’il ne pourrait pas s’en relever. Simon est fourbe. Il le sait. Il le connaît. Il pourrait éclairer ses meurtres au grand jour. Il pourrait en parler à Sean, Hailey, Clint ou même directement les policiers mais Grand homme est coincé. Il sait qu’il ne pourra jamais. Il est coincé, oui et quand bien même, en cette nuit ce n’est en rien sa priorité.

Sa priorité se trouve en Jodie. En celle qui devrait être désormais qu’une amie, un amour du passé, un souvenir voilé mais dont il ne peut s’y conforter par peur de la perdre en cette heure sonnée. Son cœur bat vite contre sa poitrine. Ses muscles le martèlent à chaque pas engendré. Il veut la protéger. Il veut la préserver, la sauver. Et s’il doit être arrêté pour ça, voir tuer, il le ferait sans l’ombre d’un doute car non. Jamais. Il n’a pensé un jour l’oublier, la désigner comme une image du passé. Il le sait désormais dans sa poitrine brisée, tiraillée par une peur, une terreur qu’il ne peut refréner.

Grand homme court, oui. Il court et il n’en a que faire d’être épuisé. Il poursuit son chemin jusqu’à cet embrasement qu’il connaît pas cœur à force autrefois de l’avoir emprunté. Et lorsqu'il s'arrête, enfin, il relève la tête vers ces fenêtres tirés, réfléchissant au moyen le plus rapide de la retrouver. Utiliser l'interphone? Non. Harper le tuerait. Quoi que. En cet instant, Grand homme est prêt à tout confronter pour s'assurer que Jodie va bien. Escalader le bâtiment jusqu'à la chambre convoitée? Il le pourrait mais la distance reste impossible à monter. Le téléphone? Meilleur moyen. Grand homme sort à la hâte son téléphone portable et compose rapidement le numéro désigné. Durant ce laps de temps, il tape nerveusement du pied. Il fait les cents pas et murmure à plusieurs reprises aux sonneries teintées qui le rend angoissé au point d'accélérer ses allées retour dans la rue désertée.
- Répond. Répond. Répond. Bord… Jodie? C'est moi. Je sais qu'il est extrêmement tard mais s'il te plaît, ouvre moi au plus vite. Il faut. Ouvre s'il te plait. Je t'expliquerai.

Ⓒslythbitch.

Une peau rougeâtre, comme faite de braise. Une douce chaleur entourant tout son corps. Des voix, celles de ses sœurs mais aussi de ses parents… Etaient-ils vraiment ses parents ? Elle n’en était pas sûre. Elle avait peur d’eux. Elle voulait s’éloigner. Un manoir puis un homme en fauteuil roulant. Il lui disait quelque chose. Elle l’avait déjà vu quelque part. Une musique familière. D’où venait-elle ?

Jodie mit du temps à émerger de son sommeil et comprendre que la musique ne venait pas de son rêve mais bien de la réalité. C’était la sonnerie de son téléphone. Elle grogna et s’étira dans son lit avant de repousser ses draps, ayant cette étrange impression que la température de la chambre avait augmenté depuis qu’elle était partie se coucher. Elle papillonna des yeux, l’esprit encore embrumé, ayant déjà oublié les rêves qu’elle avait fait cette nuit-là. Ce qui lui occupait l’esprit à l’instant présent c’était une question. Qui pouvait bien l’appeler au beau milieu de la nuit ? Un contact de l’étranger peut-être ? Ce ne serait pas la première fois au vu de son métier. Mais elle n’avait pas repris de gros projets depuis la fin de la tournée donc elle en doutait.

Elle se redressa légèrement et s’empara du portable. La luminosité de l’écran l’éblouit un instant et elle mit plusieurs secondes avant de lire le nom affiché. Ce nom suffit à la réveiller brusquement. Elle s’assit sur son lit, les battements de son cœur accélérant légèrement le rythme. Sans attendre, de peur que la sonnerie ne prenne fin, Jodie décrocha et colla le téléphone à son oreille.

- Mok ? Tout va bien ?

Un appel au beau milieu de la nuit avait déjà de quoi inquiéter mais ce fut surtout le ton paniqué que son ex petit-ami avait employé qui lui faisait peur. Aux mots qu’il prononça, Jodie craint que quelque chose ne soit arrivé ou qu’il fut en danger. Elle se leva immédiatement.

- D’accord, je t’ouvre.

Elle sortit doucement de sa chambre qui donnait sur la salle de séjour et jeta un rapide coup d’œil à la porte menant à la chambre d’Harper, s’attendant presque à voir celle-ci s’ouvrir. Mais le seul qui observait Jodie à cet instant était son chien, qui leva la tête de sa niche, l’air interrogateur. Elle mit un doigt sur ses lèvres et lui intima de rester silencieux, comme s’il pouvait parfaitement la comprendre. Elle franchit la distance qui la séparait de l’interphone et appuya sur le bouton ouvrant la porte d’entrée de l’immeuble.

- C’est ouvert, murmura-t-elle au téléphone. Je t’attends devant l’appart’.

Au même instant, elle se rendit compte qu’elle n’était pas du tout prête à l’accueillir. L’urgence de la situation lui avait fait un instant oublier toute cette confusion qu’elle ressentait par rapport à Mok et tout lui retombait dessus. Alors elle retourna rapidement dans sa chambre, alluma la lumière et s’observa dans un miroir. Elle avait de tout petits yeux et les cheveux en bataille. Elle s’empara de sa brosse et arrangea sa coiffure à grande vitesse, regrettant de ne pas avoir le temps de se mettre de l’eau froide sur le visage. Vêtue d’un t-shirt et d’un short pour dormir, elle n’avait pas franchement belle allure mais ce n’était pas la première fois qu’il la verrait ainsi. Avant de retourner à la porte d’entrée, elle vérifia aussi son haleine, se faisant la réflexion que Paige se serait fait une joie de rire d’elle.

Elle tourna doucement la clé dans la serrure, de peur que cela réveille Harper puis ouvrit la porte d’entrée tout aussi lentement pour couvrir le moindre bruit. L’air frais du couloir l’assaillit et elle appuya sur l’interrupteur pour éclairer les lieux. Ses voisins auraient fait une drôle de tête s’il l’avait vu en pyjama à trainer dans le couloir au beau milieu de la nuit. Quelle heure était-il, d’ailleurs ? Elle regarda son écran et vit qu’il était trois heures passées.

Elle ne raccrocha que lorsqu’elle vit Mok apparaître dans le couloir, le souffle court et les cheveux collés contre ses tempes par la sueur. Il semblait avoir couru, ce qui ne fit qu’attiser l’inquiétude de Jodie. Elle aurait aimé lui demander ce qui n’allait pas mais elle ne voulait pas risquer de réveiller les voisins ou Harper. Alors, en silence, elle le fit entrer chez elle, refermant la porte derrière eux le plus silencieusement possible. Le chien s’était levé en voyant le visiteur et, par chance, n’en profita pas pour aboyer, se contentant de renifler Mok et quémander une caresse ou deux. Jodie fit signe à l’homme d’aller dans sa chambre, elle n’avait sans doute pas besoin de lui expliquer qu’Harper n’était pas au courant de sa visite. Elle incita au chien d’aller se recoucher dans sa niche puis rejoignit Mok dans la chambre, vérifiant une dernière fois qu’Harper ne s’était pas réveillée.

- Est-ce que tu vas bien ? demanda-t-elle aussitôt à l’homme dans un murmure. Tu n’es pas blessé ?

Elle le fit s’asseoir sur le lit, voyant qu’il était exténué, et lui tendit le verre d’eau qu’elle n’avait pas touché depuis qu’elle l’avait préparé avant de se coucher.

- Qu’est-ce qu’il se passe ?

L’inquiétude prenait le dessus sur tout le reste. Jodie n’était pas mal à l’aise à cause de ses sentiments et du rêve qu’elle avait fait comme elle s’y était attendue. Elle avait simplement peur pour Mok.

Ⓒslytbitch.

Grand homme est soulagé. Il est soulagé de l'entendre. Un soupir s'échappe de la barrière de ses chairs et il rejette légèrement sa tête en arrière. Il ferme brièvement les paupières. Son cœur continue néanmoins à s'accélérer et il hoche le menton, se frotte le visage, reprend difficilement sa respiration aux mots sonnés, murmurés de son ex petit amie qui ne doit pas comprendre la situation claquée.
- Merci.

Grand homme est soulagé, oui. Mais il reste inquiet. Il ne sait pas ce que Simon prépare. Il ne connaît pas ses plans. Il sait néanmoins que Jodie reste en danger et qu'il fera tout pour la protéger. Quitte à rester près d'elle. Coûte que coûte. Il ne veut pas la perdre et il fera tout pour la préserver. Oui. Grand homme comprend. Il comprend qu'il ne l'a pas l'oublier. Qu'il ne l'a jamais fait en vérité. Il comprend beaucoup de chose en réalité. Son cœur se serre à cette pensée et il se rue vers la porte pour pouvoir entrer. Le téléphone toujours collé à son oreille, il gravit les escaliers. Son souffle est haché mais il se raccroche à la voix de Jodie, toujours présente de l'autre côté.
- J'arrive.

Ses pas le mènent d’eux-même vers l’étage indiqué. C’est là où il se rend compte qu’il connaît encore par cœur le chemin dessiné. Les battements de son cœur s’accélèrent mais il ne relâche pas la cadence. Jamais. Il ne prend pas le temps de faire une pause. Il sera soulagé uniquement quand il se trouvera près d’elle, à ses côtés, à croire que sa présence le rassurerait. A croire que Simon ne pourra pas alors la toucher. Rien que cette idée le transperce et Grand homme en vient à monter les marches deux pas deux, manquant à plusieurs reprises de trébucher.

Le temps semble s’arrêter. Le chemin semble ralenti par sa propre peur qui vient à le frapper. Grand homme à l’impression, oui, qu’il met du temps à monter mais quand ses yeux accrochent cette silhouette familière. Quand il la voit enfin, dressée sur le palier, il ne peut refréner un soupir, oui. Un soupir de soulagement. Rassuré qu’il soit arrivé à temps. Rassuré que cette fois, il sera présent, prêt à contrer les plans de cet enfoiré qu’il déteste tant en réalité. Qu’il hais du plus profond de son être. Lui. Lui qui pourtant, malgré son appartenance à un gang, respire souvent la bienveillance et la bonne humeur pour ne pas laisser son trouble l’emporter.
- Jodie…

Sa voix est cassée, brisée par cette peur qu’il peut difficilement refréner. C’est un fait. Il ne l’a pas oublié. Il n’a pas oublié les sentiments éprouvés. Pendant un instant, il reste là, immobile, figé, les yeux rivés sur son “amie” à peine réveillée mais il se reprend aussitôt. Conscient qu’ils ne doivent faire aucun bruit, il se contente de hocher la tête. De la suivre dans l’appartement familier. Le souffle court, il ne dit rien en particulier et se retrouve surpris quand un chien vient vers lui pour le renifler. Sourire. Grand homme s’apaise légèrement et sa main vient caresser la tête de cet animal qu’il n’a encore jamais croisé. Simple geste passager dans ce tumulte oppressant et cette peur claquée. Simple pause dans cette course contre la montre. Dans cette terreur que Jodie soit la cible de son ancien chef de gang détesté.

Oui. Grand homme n’aurait jamais pensé se retrouver dans cet appartement dans cette circonstance frappée. Il n’aurait jamais pensé se retrouver ici, dans cette chambre, près de ce lit où ils se sont souvent enlacé. Le silence tend toujours à les encercler et la voix de son ex petite amie résonne soudain à ses oreilles sifflantes, humidifiées par la sueur écoulé. Es-ce qu’il va bien? Non. Non, pas vraiment. Sa gorge est nouée. Sa respiration ne veut pas se calmer et il met un certain moment à reprendre son souffle effréné. Il accepte de bon cœur ce verre tendu, adressé. Et lorsqu’il se retrouve assis, le regard posé sur Jodie qui tend à s’inquiéter, ses sourcils se plissent et il se rapproche. Il la prend dans ses bras pour être certain de sa véracité. Pour être certain qu’elle n’est pas blessée. Au diable la distance crée. Au diable la distance séparée. Bon sang, comme Grand homme est inquiet et ses yeux viennent à se fermer à ses propres mots énoncés, à sa propre voix glissée qui tremble légèrement sous cette peur oui - qu’il n’arrive plus à contrôler :
- C’est plutôt à moi de te le demander. Jodie… Je suis sincèrement désolé. Tout ça est de ma faute. Je.

Grand homme a du mal à parler. Il a dû mal à poursuivre. Sa poitrine se bombe sous chaque expiration poussé. Ses lèvres se pincent et il s’éloigne légèrement, baissant la tête avant de poursuivre dans une voix lassée :
- J’aurai tellement à t’expliquer. Mais avant, j’ai besoin de savoir. Es-ce que quelqu’un - un homme - a cherché aujourd’hui à t’approcher? Ou à te joindre de quelques façons? Par un message ou une visite, ou n’importe quoi qui aurait pu paraître étrange. Répond-moi, c’est important.

Ⓒslythbitch.

Un flot d’émotions l’envahit quand elle sentit les bras de Mok encercler sa taille pour la serrer contre lui. Surprise, elle entoura malgré tout ses épaules et posa une main derrière le crâne de son ex petit-ami dans un geste presque naturel. Bien qu’elle soit debout et lui assis, la différence de taille entre eux fit que la tête du géant se trouvait contre sa poitrine. Pour une autre personne, elle aurait pu s’offusquer, être gênée par une telle proximité. Mais cet homme qui s’accrochait à elle n’était autre que celui pour qui elle combattait ses sentiments. Cette étreinte surprenante, mais désirée, ne faisait qu’attiser l’inquiétude de Jodie malheureusement. Elle trouvait le comportement de Mok étrange alors qu’elle se souvenait de la gêne présente lors de leur dernière rencontre.

Aux mots prononcés par l’homme, d’une voix qui tremblait d’une peur certaine, Jodie ne put s’empêcher de lui caresser le crâne, entremêlant ses doigts aux cheveux bruns, dans un geste qui se voulait réconfortant. Il disait s’excuser. Mais s’excuser de quoi ? Qu’avait-il fait pour que tout soit sa faute ? Elle n’avait pas la réponse.

Mok s’éloigna légèrement d’elle mais il baissa la tête, ne permettant pas à la chanteuse d’observer son visage. Elle s’agenouilla devant lui en posant ses mains sur les bras de l’homme pour l’inciter à ne pas fuir son regard.

- Je ne crois pas non… répondit-elle en réfléchissant à sa question.

Était-elle en danger ? Quelqu’un avait-il proféré des menaces à son encontre ? Etrangement, elle était quelque peu rassurée de savoir que si quelqu’un avait des problèmes, ce n’était pas Mok mais elle. Le problème, c’est qu’elle ignorait pourquoi. Mok étant le seul au courant, elle devina qu’une menace avait peut-être été lancée pour l’atteindre lui, ce qui raviva son inquiétude.

- Un mec relou m’a abordé dans la rue mais je lui ai dit d’aller se faire voir, la routine quoi. Autrement, pas de messages ou de personnes suspectes. La seule chose surprenante c’est ta visite au beau milieu de la nuit, lui dit-elle sans la moindre accusation dans la voix. Qu’est-ce qu’il se passe ? Quelqu’un m’a menacé ?

Si c’était bien le cas, sans doute devrait-elle en parler à ses sœurs. A Harper parce que ça la concernait puisqu’elles vivaient ensemble et à Erica parce qu’elle était flic. Maintenant, si elle devait en parler à son aînée, il faudrait surement trouver un moyen pour ne pas inclure Mok dans l’histoire. Non pas parce qu’il n’était pas apprécié mais parce que ses activités le mettraient en périls en cas d’interrogatoire et, à bien y réfléchir, si Jodie pouvait lui éviter un tête-à-tête avec Erica, ça les arrangerait tous.

Elle se releva et s’assit à côté de Mok, se positionnant en tailleur pour lui faire face. Encore un peu chamboulée par cette étreinte qui, avouons-le, lui avait fait un bien fou, Jodie ne put s’empêcher de penser qu’elle était heureuse qu’il soit ici, près d’elle dans cette chambre. Cela faisait remonter des souvenirs heureux même s’ils étaient quelque peu amers maintenant qu’ils n’étaient plus que des amis.

Amis. Elle commençait à détester ce mot en la présence de son ex. Il n’y avait plus aucun doute, elle l’aimait toujours. Son cœur se serra à cette pensée.

- Tu m’as dit que tu avais beaucoup à m’expliquer, je t’écoute. Il s’est passé beaucoup de choses en mon absence ?

Ⓒslytbitch.

Oui. En cet instant, au diable la distance, leur séparation, l'appellation “ami” qu’ils s’entêtent tous deux à essayer de poser. Grand homme a peur pour Jodie et c’est pour cette raison qu’il ne réfléchit pas plus aux gestes formulés. Il la prend dans ses bras. Il entoure sa taille jadis appréciée et il pose sa tête contre sa poitrine comme lorsqu’ils étaient uni dans le passé. Cela lui fait du bien. De la savoir présente, vivante, en sécurité malgré la menace claquée d’un être qu’il a toujours détesté. Il ne veut plus la quitter. Non. En cet instant, il ne veut plus s’en séparer et sa gorge se noue à cette pensée. Il doit savoir. Il doit connaître la vérité. Il sait ce dont Simon est capable et le simple fait de l’imaginer l’approcher le rend terrifié, le rend en colère aussi. Une haine immense le traverse et il recule, baisse la tête, les yeux de peur peut-être d’être jugé.

Sa faute. C’est de sa faute si son ex petite-amie en vient à être en danger. C’est indéniable. C’est de sa faute mais il ne peut se sentir entièrement coupable pour avoir sauvé Avery des griffes de ce monstre. Aurait-il supporté sa mort? Son viol? Non. C’est certain. Grand homme se serait senti coupable aussi toute sa vie. Il aurait rejeté la faute sur lui comme il l’a rejeté en tuant son ami. Alors qu’est-ce qu’il aurait dû faire? Appeler la police? Peut-être. Il aurait été probablement arrêté lui aussi mais qu’importe. Il sait néanmoins que rien ne doit se savoir et que Simon est de toute façon, à ce jour, intouchable. Il sait néanmoins qu’il ne peut rien dire car il mettrait cette fois son gang, Sean, Hailey, Andy, dans un très mauvais pas. Ce qu’il ne souhaite pas. Il est coincé. Toute cette peur rend ses pensées confuses et il ferme les yeux quelques instants pour se calmer. Pour remettre de l’ordre dans ses pensées. Grand homme sent alors les mains de Jodie poser sur ses larges bras et il lâche un soupir. Il se rend compte à quel point ce simple geste, ce simple contact lui a tant manqué. Tout en elle lui a tant manqué. Son cœur bat à un rythme irrégulier et Grand homme s’autorise à lever les yeux. D’ancrer son regard au sien pour s’y amarrer. Oui. Jodie lui a manqué. Il ne peut pas la voir comme une simple amie. C’est impossible. Une tristesse profonde l’accapare et seul un énième soupir s’échappe de la barrière de ses chairs aux mots écoulés, d’une menace pas encore frappée, ce qui le soulage quelque peu d’un poids qu’il ne peut plus refréner.
- Tant mieux. Tiens moi au courant si quelqu’un d’autre vient à t’importuner. J’accourrai.

Et il ne ferait pas qu’accourir pour la sauver. Il resterait près d’elle. Autant que possible pour la protéger. Grand homme se fait la promesse, oui, de la protéger. De la préserver de ce monstre. Jodie se lève et prend prend place à ses côtés, ce qui le fait à nouveau baisser la tête, surtout à la question posée.

Il sait. Il doit se confier. Il lui doit la vérité. Pourtant son coeur se serre dans sa poitrine. Ses poings se ferment aux mots bloqués, d’une longue histoire à raconter. Il lui doit la vérité. Il lui a promit. Tout en gardant en premier lieu le silence, Grand homme ferme les paupières et prend une longue et profonde inspiration avant de commencer.
- Oui. On peut dire ça. Disons que le gang a connu quelques changements depuis. Du pire au meilleur si je peux dire.

D’abord, cette attaque. Cette destruction pure et simple de son gang. Grand homme marque une pause et ses yeux se lèvent, se posent à nouveau sur son ancienne petite amie, prenant une énième inspiration pour continuer sur sa lancée.
- Il y a une attaque Jodie. L’ancien… mes anciens amis et mon ancien chef ont tous été tué par. Je n’ai jamais su par qui. Mais toujours est-il que oui, ils ont tous été tué. Quand je suis revenu, notre QG était décimé et je dois dire que j’ai eu beaucoup de chance de m'être absenté ce soir là sinon.

Il serait mort lui aussi, tué par ces ennemis dont il n’avait jamais connu leur identité. Autour d’eux, l’obscurité tend à les englober et Grand homme passe une main sur ses cheveux dépareillés, les repoussant en arrière dans un geste quelque peu empli de nervosité.
- Seul moi et un autre ont survécu. Sauf que cet autre a prit la place de chef et disons que son penchant pour le sadisme et le sang, à mener le gang à se tourner sur des affaires d’enlèvements, de viols et de meurtres. Je préfère t’épargner quelques détails mais l’une d’elle. Je n’ai pas pu me résoudre à le laisser faire. Il fallait que je fasse quelque chose. Que je la sauve comme je n’ai pas pu sauver les autres. J’ai pris mon courage à deux mains et je l’ai sortis de là mais sans savoir comment ni pourquoi, il l’a sû. Il a beau avoir fini par quitter le gang et laisser plus ou moins la place à des personnes bien meilleur pour le clan, il l’a su et il t’a menacé pour me menacer moi. Es-ce que tu comprend? Je….

A nouveau, ses paupières se ferment et Grand homme se pince les lèvres. Ses épaules se courbent et ses doigts viennent presque instantanément prendre les siennes, comme pour chercher à se faire pardonner.
- Je ne me pardonnerai pas s’il t’arrive quelque chose. Je préfère mourir que de te voir en danger par ma faute.

Ⓒslythbitch.

Jodie ne s'était jamais beaucoup intéressée au gang auquel appartenait Mok. Bien sûr, la curiosité était bien présente en elle et elle ne pouvait souvent qu'imaginer ce qu'il s'y passait, ce qu'ils y faisaient exactement. Rien de légal, ça, elle le savait. Alors, oui, elle avait parfois posé des questions mais elles étaient rares. Ce n'était pas parce que Mok ne voulait pas en parler, c'était elle qui refusait d'en savoir trop. Peut-être parce que, même si une part d'elle appréciait le danger et en était même attirée, elle savait également qu'elle n'approuvait pas réellement ce genre d'activité. Mais elle comprenait ce qui attirait Mok. C'était comme une seconde famille, elle remplaçait celle qu'il n'avait pas eu par le passé. Il se sentait entouré et quelque part, c'est vrai qu'une telle loyauté entre membres devait être agréable. Alors Jodie préférait ne pas trop en savoir. C'était la vie de Mok et même si elle en faisait partie, ou plutôt elle en avait un jour fait partie, elle préférait rester à l'écart de tout ce qui touchait au gang. L'ignorance n'était pas si mauvaise dans ce cas là. Et puis, peut-être que cela épargnait des déceptions. D'être déçue ou choquée de telle ou telle activité que faisait son ex petit-ami. Néanmoins, elle était sûre et certaine qu'il n'était pas mauvais. Cela, personne ne pouvait l'en dissuader. C'est pourquoi elle lui avait fait confiance. Certains penseraient sûrement que ce n'était pas raisonnable de faire comme si de rien n'était mais cela convenait à Jodie. Et puis, en tant qu'artiste qui avait une certaine notoriété, si jamais cela se retournait contre elle, son ignorance pourrait la sauver. Car évidemment, sa carrière était également un facteur à prendre. Oui, sa relation avait été risquée, mais elle acceptait ces risques et les gérait à sa manière.

Le risque que Mok soit en danger en était un évidemment. Et c'était bien ce dernier qui l'avait toujours le plus inquiétée. C'est pourquoi elle se redressa et se sentit soudainement effrayée en entendant que pendant son absence, tout le gang avait été décimé à l'exception de Mok et d'un autre, celui qui la menaçait désormais. Le simple fait d'imaginer un coup de téléphone en pleine tournée lui annonçant le décès brutal de Mok lui serrait le cœur. Mais il était vivant, face à elle. Elle se retint de chercher un nouveau contact même si l'envie de tenir sa main était forte. Juste pour le sentir vivant.

- Est-ce que ces personnes cherchent à t'avoir? A terminer le boulot? demanda-t-elle aussitôt, se demandant comment elle pourrait aider Mok si tel était le cas.

Elle se demanda également si sa sœur Erica en avait entendu parler. Plusieurs personnes qui décèdent en même temps et faisant partie du même gang, ça ne devait pas passer inaperçu non? Si elle l'avait su, elle aurait probablement cherché à savoir si ce gang était celui de son ex beau-frère. Sûrement en aurait-elle parlé à Jodie, non? Cette dernière n'était sûre de rien. Et elle n'était pas certaine que poser la question à Erica soit une bonne idée.

Mais ce n'était pas la perspective d'affronter sa grande sœur sur un terrain glissant qui l'inquiétait, c'était une autre peur qu'elle avait en elle. Une beaucoup plus sombre. Une peur qu'elle avait toujours espéré ne jamais devenir réalité. Celle que Mok puisse être capable d'actes affreux ou tremper dans des affaires beaucoup plus sombres qu'elle n'avait imaginé. Il faut dire que les mots enlèvement, viol et meurtre avaient de quoi choquer et effrayer. Oui, le gang s'était tourné vers ses activités et Mok y était resté. Mais il avait sauvé une vie en ajoutant qu'il n'avait pas pu sauver les précédentes, c'est donc qu'il devait avoir tenté d'agir, non? Jodie voulait le croire. Mais elle était bouche-bée par toutes ces informations qu'elle avait du mal à accepter et beaucoup de questions se bousculèrent dans son esprit. Elle ne réagit même pas lorsque Mok prit ses mains entre les siennes, ne sachant toujours pas quoi penser.

Il avait peur. Peur qu'il arrive quelque chose à Jodie. Mais c'était bien là la dernière inquiétude de cette dernière qui ne put garder le silence plus longtemps. Enfin, d'un ton calme et prudent, elle demanda :

- Est-ce que tu as pris part à... ces enlèvements et tout le reste? Ce que je veux dire c'est que, tu es resté dans le gang. Pourquoi?

Elle ne pouvait pas faire semblant. Elle avait besoin d'une réponse parce que l'implication de Mok pouvait tout changer. Ses sentiments, leur relation et sa vision du gang. Elle ne voulait pas qu'il donne raison à ses sœurs et elle ne voulait pas être déçue. Pas lui. Surtout pas.

- Tu dis que de nouvelles personnes - meilleures - ont pris sa place, mais est-ce que le gang a toujours les mêmes activités qu'avant? Parce que si c'est le cas, pourquoi y rester? Sachant que ça ne devait pas te plaire puisque tu as sauvé cette fille.

Elle aurait aimé le rassurer. Lui dire qu'il n'avait pas à se sentir mal vis à vis d'elle mais il y avait des choses plus importantes à ses yeux pour l'instant. Cette fois-ci, elle ne pouvait plus rester dans l'ignorance. Faire semblant que tout était rose alors que rien ne l'était juste parce qu'elle aimait cet homme qui tenait toujours ses mains entre les siennes. Elle avait besoin de savoir de quoi il était capable.

Ⓒslytbitch.

Grand homme a toujours autant de mal à respirer. Il est de plus en plus fébrile. Il ferme les paupières comme pour mieux se calmer. Il a tellement peur en vérité. Peur de perdre Jodie et de ne pas pouvoir la protéger. Il garde les paupières fermées. Il garde la tête baissée, confiant ses doutes, ses peurs, l'unique vérité pour ne pas avoir à lui mentir. Pour ne plus avoir à le lui cacher. Oui, il veut la protéger. Car il l'aime. C'est une évidence, une réalité qu'il ne peut plus repousser. Il l'aime et la simple pensée que Simon la touche lui est insoutenable. Il serre la mâchoire à cette éventualité. Son ex petite amie l'écoute attentivement et Grand homme murmure, susurre, quand elle lui demande si les responsables du massacre passé compte le retrouver.
- Non. Ils ne sont pas revenu depuis et je suis incapable de savoir qui ils étaient. Je crois que c'était l'ancien chef qui était visé.

Par qui. Pourquoi. Grand homme - non - ne pourrait pas le dire mais une chose est sûr, ce drame a marqué une plus forte tyrannie. Un cauchemar éveillé. Il aurait préféré que rien de tout ceci ne se soit produit, pour ne pas laisser cette ordure régner. Ses mains viennent à chercher celles pour qui sa peur est dirigée et son regard s'ancre au sien. Ses sourcils se plissent. Une culpabilité jaillit dans ses prunelles dirigées et un soupir est échappé. Car une autre question lui est posée. Une question légitime. Une question qui - jusque là - Jodie n'avait jamais vraiment cherché à appuyer.
- Non... Je n'en ai pas pris part. Du moins, pas personnellement. J'ai toujours fais en sorte de me tenir éloigné jusqu'à cette victime en particulier. Je ne pouvais plus supporter de fermer les yeux sur de telles atrocités. Mais j'ai fais des choses dont je n'en suis pas fier. Je ne cherche pas non plus à me faire pardonner.

Soupir. Grand homme n'a aucune excuse même si ce jour, cette soirée, il avait été forcé de tuer un ami dressé parce qu'il était bien incapable de s'y refuser. Simon savait. Il savait que quand il était sous son trouble, il ne pouvait pas lutter. Il savait que son âme pouvait parfois se détacher. Il en a joué pendant plusieurs mois sans aucune culpabilité. Mais il n'a pas d'excuse. Ses mains lâchent celles de son ex-petite amie pour se poser sur ses genoux pliés. Non, il ne cherche pas à se faire pardonner. Il l'a choisit. Il a choisit cette vie et il ne compte pas la quitter pour plusieurs raisons murmurées.
- Je suis resté car il s'agit malgré tout de ma famille. Ma seule famille. J'ai toujours été seul, incompris et ce gang - excepté cet homme - m'a toujours accueilli et apprécié sans me juger. Tu as toutes les raisons maintenant pour me repousser mais je ne tiens pas à te mentir. Je ne l'ai jamais souhaité. Tu peux m'en vouloir. Je ne t'en voudrais pas tu sais.

Car à cause de lui, voilà qu'elle se trouve menacé. Grand homme sourit mais son sourire est léger, attristé. Un soupir est échappé. Une grande expiration est poussée et une autre question lui est adressée, sur ce nouveau gang qu'il ne peut qu'approuver pour l'apprécier. Pour retrouver cette confiance qui s'était brisé par Simon et sa faculté à tous les emprisonner. Les soumettre à son unique volonté.
- Non justement. Ils ne sont pas comme lui. Ce sont des gens "bien". Ils prennent soin de nous et j'ai enfin retrouvé ma vrai famille. Ils ne sont d'ailleurs pas au courant de ce qu'on a pu traverser. On ne tient pas à le leur dire. L'homme nous en a empêché et très sincèrement, je ne voulais pas m'y confronter. Qui me croirait alors que c'est un excellent acteur qui a désormais une place insoupçonnée.

Grand homme marque un silence. Un nouveau. Son regard est dirigé sur Jodie et il s'autorise un geste - un seul - passant une main sur sa joue pour, légèrement, la caresser. Geste qui lui avait manqué. Geste qui tend à le faire frisonner. A lui faire serrer le coeur comme jamais. Pour entendre encore la sinistre vérité. D'un bonheur brisé, cassé, aujourd'hui encore bancal, précaire, par ces confessions échangées.
- Jodie. Je sais que tu as peur toi aussi. Que tu t'inquiète. Que tu ne comprends peut-être pas les raisons qui me poussent à rester. Si tu veux que je pars, je m'en irais. Je ne te forcerai jamais à m'imposer à nouveau dans ta vie mais je refuse qu'il t'arrive malheur par ma faute. Je refuse qu'on te fasse du mal. Je suis prêt à me montrer discret pour ça. Quitte à ce que tu ne me vois pas, pour ne pas te mettre dans l’embarras.

Ⓒslythbitch.

Jodie se rendit compte qu'elle avait retenu son souffle quand Mok lui apprit que personne jusqu'ici n'avait cherché à terminer le boulot et mettre un terme à sa vie. Elle respira à nouveau, soulagée mais toujours anxieuse. Peut-être avait-il été chanceux? Peut-être ceux qui avaient décimé son gang ne l'avaient pas oublié? Ces questions se bousculaient dans son esprit et elle savait qu'elle n'avait aucun moyen d'avoir les réponses à ses questions car son ex petit-ami les ignoraient tout autant. Elle ne pouvait qu'espérer qu'il était hors de danger.

Puis, l'aveu. Non, il n'avait pas pris part à ces enlèvements, aux viols et aux meurtres. Jodie ignorait si elle pouvait se réjouir. Une part d'elle était soulagée mais une autre n'acceptait pas qu'il ait fermé les yeux sans rien faire, qu'il ait laissé des victimes connaître d'affreuses souffrances alors même qu'elles étaient innocentes. Comment pouvait-elle accepter cela? Comment pouvait-il lui-même accepter de telles choses? Voilà pourquoi elle avait toujours préféré rester dans l'ignorance, parce que sa conscience  et l'amour qu'elle portait à Mok la tiraillaient à chaque instant. Sa propre sœur avait pour ordre de protéger la population. La protéger de personnes dangereuses et la protéger de personnes comme Mok, celles qui fermaient les yeux sur des actes horribles.

Jodie s'en voulu encore plus d'être partie. Si elle était restée, peut-être Mok n'aurait-il pas ressenti ce besoin de rester accrochée à la seule famille qu'il avait jamais connu. Elle aurait pu être la famille qui lui manquait et le tenir éloigné de toutes ces activités affreuses. "Tu peux m'en vouloir" avait-il dit. Oui, elle lui en voulait. Mais alors pourquoi ressentait-elle toujours de si forts sentiments à son encontre? Pourquoi, alors même qu'il lui avouait toutes ces choses horribles, elle avait envie de serrer l'homme contre elle?

Jodie ferma les yeux quand elle sentit la caresse de Mok sur sa joue. Geste qui lui serra le cœur tant il lui avait manqué, tant il rendait la situation plus difficile pour elle. Elle essaya de lutter contre cette panique qui s'installa en elle alors que le garçon proposait de sortir de sa vie. Non, elle ne voulait pas le voir partir. Elle l'aimait toujours, elle ne voulait plus être loin de lui. Mais le fallait-il?

- Tu as fermé les yeux... murmura-t-elle, sans accusation dans la voix.

Elle rouvrit les siens doucement, luttant contre ce corps et ces sentiments qui réclamaient de la proximité avec l'être aimé, pour poser une question. Une seule :

- Est-ce qu'il y a autre chose que je dois savoir?

Sa conscience espérait que quoi qu'il dise, elle trouverait le courage de rester éloignée de lui mais son cœur espérait le contraire. Elle voulait passer outre tout ça, effacer ce qui avait été fait - ou non -, ce qui avait été dévoilé et se contenter de l'aimer comme elle l'avait toujours fait. Sans qu'elle ait mauvaise conscience.

Ⓒslytbitch.

Vérité éclatée. Vérité murmurée. Grand homme a mal. Grand homme culpabilise de n'avoir rien fait, rien dit sur les autres femmes violées, tuées. Il portera ce poids toute sa vie. Il le sait. Sauver cette innocente - Avery - ne changera rien à ce qui s'est passé. A ce que le gang a enduré. Oui, il le sait. Il comprend Jodie. Il comprend sa peur, ses doutes, sa déception pour lui-même, culpabiliser. Mais il ne veut pas faire semblant. Il ne tient pas à lui mentir. Elle doit savoir la vérité. Oui. Il lui doit, pour la mettre aujourd'hui en danger. Un léger sourire est esquissé. Un sourire attristé, crispé. Un geste est autorisé et il porte une main à sa joue pour - lentement - la caresser. Geste qui lui a manqué. C'est indéniable. Grand homme ne peut plus lutter contre des sentiments qu'il n'a jamais oublié. Il ne peut plus lutter contre cet amour qui a fini par se briser. Qui a fini par les éloigner. Cette vérité ne les aidera pas à se retrouver. Oui, il le sait mais il ne peut rien lui cacher pour vouloir à tout prix la protéger, la préserver de cet homme qui tend aujourd'hui à la menacer. A les menacer pour savoir parfaitement ce qu'il ressent, envers cette femme où le mot "amitié" n'est pas vraiment possible ni envisagé en fin de compte. Grand homme a essayé. Oui, il a essayé mais ses sentiments sont encore trop fort pour l'accepter. Pour accepter de n'être qu'un simple ami même s'il réalise que cette vérité a de quoi encore plus les malmener.

Sa gorge se serre à cette pensée. Son regard s'ancre à l'être aimé alors qu'un murmure est lâché. D'une vérité - oui - qui a de quoi, encore plus, les déchirer. Il doit l'accepter. Si elle ne tient plus à le voir, il doit l'accepter - oui. Il est prêt à le faire, quitte à s'éloigner, la protéger dans l'ombre pour qu'elle puisse elle-même avancer. Sans le voir pour la perturber.
- Je sais.

Grand homme ne peut rien dire de plus. Il sait. Oui, il sait qu'il a merdé. Qu'il n'aurait jamais dû fermer les yeux sur de telles atrocités. Qu'il continue quelque part à le faire en refusant d'en parler à ces nouveaux chefs de gang appréciés. Pour protéger aussi ses amis, sa famille trouvée d'une menace accumulée. Il est coincé. Sa gorge se serre mais Grand Homme reste digne, droit, ne cherchant pas - non - à se faire pardonner. Il n'en a pas le droit. Ses doigts glissent sur sa joue et un nouveau soupir est échappé. Une larme perle au coin de ses yeux plissés. Une nouvelle question est posée et sa tête s'abaisse, sa main retombe, soufflant enfin comme une confession auquel il s'était promis - pourtant - de ne pas lui en parler. Pour en éprouver tout le poids sur ses larges épaules voûtées.
- J'ai tué un homme. Un ami. Ou plutôt, on m'a obligé à le faire.

Oui. Confession lâchée. Murmure à peine audible. Grand homme ne voulait pas lui en parler mais il lui doit l'entière vérité. Il ne veut rien lui cacher. Il ne peut plus le faire même si cela signifie, la perdre à jamais et vivre dans leurs seuls souvenirs dessinés. Son regard se perd au loin et un silence tombe. Il prend une inspiration pour continuer. Son cœur bat à un rythme irrégulier mais Grand homme garde courage. Il est soulagé quelque part de pouvoir en parler, le souffler. Comme un poids - oui - qui a besoin de se relâcher même si pour ça, il risque de perdre Jodie, ce qui lui déchire l'âme - bien plus qu'il ne pourrait l'imaginer.
- Il m'a obligé à le faire quand... quand je n'étais pas vraiment là.

Sourire. Sourire attristé. Regard échangé alors que Grand homme sait pertinemment qu'elle comprendra ses paroles murmurées, cachées. Elle connaît son trouble. Elle l'avait accepté. Grand homme ne pourra jamais autant la remercier pour ça et il s'autorise cette fois à s'avancer. A déposer sur le front de sa bien aimé, un dernier baiser. Car il sait également que cette dernière confession peut marquer un au revoir définitif. Il a mal. Il a peur rien que d'y penser mais il comprend. Non. Il ne cherchera jamais à s'imposer. Avant même qu'elle ne dise quelque chose, Grand homme se redresse, se lève, se dirige vers la porte fermée et murmure cette fois en un dernier regard échangé.
- Je resterai dans l'ombre pour ne pas te mettre mal à l'aise. Je te protégerai, coûte que coûte. Tu peux compter sur moi même si tu ne me vois pas. Je suis désolé - Jodie. Je le suis sincèrement. Pour tout. Tu n'aurais jamais dû te retrouver derrière tout ça.

Ⓒslythbitch.

Elle pensait que rien ne pouvait être pire. Que rien ne pourrait la déstabiliser plus que l'affrontement entre sa conscience et ses sentiments. Mais la nouvelle révélation de Mok la glaça d'effroi, une émotion si forte qu'elle n'avait rien ressentie de tel depuis qu'elle avait appris le décès de sa nièce. On n'était jamais préparer à affronter la mort. Encore moins quand un être aimé l'avait donné.

Elle aurait sans doute dû être en colère. Voir ses sentiments se transformer en poussière tandis que le dégoût prendrait place dans son cœur. Mais rien de tout ça. Car son choc initial s'estompant doucement, de l'inquiétude mêlé à de l'effroi prit forme en Jodie. De coupable, Mok était passé au statut de victime dans son esprit, non sans un certain soulagement. Oui, elle était soulagée qu'il n'ait pas tué un homme en toute conscience et de sa propre décision. Cela rendait les choses plus faciles à accepter, même si ça n'en restait pas moins effroyable. Il avait été manipulé alors qu'il était au plus fort de sa vulnérabilité.

Jodie mentirait si elle disait qu'elle comprenait parfaitement le fonctionnement du trouble de Mok. Souvent, elle n'avait pas su quoi faire. Elle avait même été déçue parfois. Elle voulait passer un moment avec son copain mais ce dernier était bloqué quelque part dans sa tête, laissant un corps peu expressif et vulnérable. Mais elle avait appris à vivre avec et, surtout, à laisser faire les choses. Jamais elle n'aurait voulu utiliser ce trouble à son avantage. Quelqu'un de beaucoup moins empathique n'avait pas eu la même vision des choses.

Oui, il était une victime. Mais que pouvait-elle lui dire à l'instant présent? Comment formulait ce qu'elle pensait alors qu'il venait de faire une telle révélation? Elle entrouvrit les lèvres mais aucun son n'en sortit, incapable de prononcer quoi que ce soit alors que Mok déposait un baiser sur son front. Elle avait un mauvais pressentiment sur ce geste. Et alors, sa crainte devint réelle quand elle comprit que c'était un baiser d'au revoir. Désemparée et n'ayant pas le temps de dire quoi que ce soit, elle vit Mok se diriger vers la porte de sa chambre et s'excuser, lui promettait de rester dans l'ombre pour ne pas la gêner mais qu'il continuerait malgré tout à la surveiller.

Un sentiment de panique l'envahit brutalement. Non, elle ne voulait pas qu'il parte. Pas une nouvelle fois. Elle en oubliait le débat intérieur qui avait fait rage les minutes précédentes. Elle repoussa sa conscience dans un coin et céda à ses sentiments. Rien d'autre ne comptait à l'instant présent. Quoi qu'il ait fait, elle resterait auprès de lui s'il le voulait bien. Elle ne pouvait pas le laisser partir.

Elle se leva et, sans réfléchir, parcouru la distance qui les séparait à grands pas avant de passer une main derrière le crâne de Mok et de l'attirer à elle, posant un baiser sur ses lèvres. Tout son corps s'électrifia et elle oublia un instant tout ce qui avait été révélé, se concentrant sur le moment présent.

Quand leurs lèvres se séparèrent, la réalité lui revint brutalement et elle s'éloigna légèrement de Mok, confuse. Comme si elle venait de se réveiller.

- Désolée. J'aurais dû demander ton consentement...

Quelle conne. Elle s'était laissée emporter par ses sentiments sans savoir si c'était réciproque. Un simple "non, ne pars pas" aurait suffi. Pourtant, malgré ses regrets, ce baiser elle le désirait toujours et plus ardemment encore.

- Reste, s'il te plait. Je ne veux pas que tu disparaisses. dit-elle toujours honteuse avant de lui partager enfin ce qu'elle pensait de sa dernière révélation: Il s'est servi de toi. Ton ami n'est pas la seule victime dans cette histoire. Toi aussi tu en es une.

Elle voulait qu'il comprenne qu'il n'avait pas à partir car elle ne lui en voulait pas. Elle en était incapable.

Ⓒslytbitch.

Oui. Grand homme est désolé. Désolé de l’avoir mise dans cette situation. Désolé de ne pas être ce qu’elle espérait. Désolé de n’avoir rien fait. Son cœur se serre mais il prend la décision de se lever, de l’embrasser sur le front en un dernier adieu murmuré. Il a mal. Il souffre mais oui. Il prend la décision de la quitter et d’accepter son choix de ne plus le voir après ce qu’il vient de confier. Grand homme anticipe - oui. Il fait en sorte de lui promettre de la protéger. Dans l’ombre. Sans qu’elle n’est à le revoir pour ne pas plus la blesser. La toucher. La forcer. Il lui fait la promesse de veiller sur elle - à l’écart. Même si cette décision le déchire sans qu’il ne s’autorise à le montrer. Il l’aime. C’est indéniable. Il l’aime et c’est cet amour qui le dirige vers cette porte pour disparaître derrière elle. Il n’a pas à la forcer - non. Il n’a pas à lui demander de lui pardonner. Il ne compte pas le faire. Il ne tient pas à le faire. Il connaît ses erreurs et il est prêt à les accepter. Ses muscles se tendent. Sa mâchoire se serre mais un léger sourire est esquissé alors qu’il regarde pour la dernière fois la femme qu’il a tant aimé. Tant désiré. Tant partagé. Au moins - à présent - elle sait la vérité. Cette simple pensée suffit à le rassurer et il sent comme un poids quitter ses larges épaules dans cette tristesse éprouvée. Une chose est sûr, il ne laissera pas Simon approcher. Une chose est certaine, il fera tout pour la préserver. Quitte à se mettre lui-même en danger. Un nouveau sourire esquissé et des mots qui le traversent. En silence. En gardant malgré tout ses lèvres scellées.
“Je t’aime… Jodie.”

Oui. Grand homme est désolé et il s’apprête à disparaître pour de bon. Il s'apprête à la laisser tranquille sans imaginer une seule seconde que cette dernière l'en empêche en brisant subitement l'espace créé. La barrière dressée. Ses paupières papillonnent et il se fige au baiser échangé. Au contact soudain de ses mains sur sa nuque comme pour l'empêcher de s'en aller. Grand homme - oui - reste figé, surpris. Il reste immobile, les bras le long de son corps crispé mais ses muscles finissent par se détendre et ses yeux se ferment à ce doux baiser inespéré. A ce baiser dont il croyait pourtant ne plus être digne depuis qu'ils se sont quitté. Est-il en train de rêver? Un frisson le parcourt et l'une de ses grandes mains glissent sur la taille de sa bien aimé. Il a peur de se réveiller. Tout lui semble tout à coup irréel et il garde quelques instants les yeux fermés lorsque Jodie se recule, brisant ainsi ce contact tant apprécié.
- Jodie…

Oui. Est-il en train de rêver? Ses mots sonnent à ses oreilles et Grand homme sourit. D'un léger sourire béat bien que son esprit se demande encore si c'est réel. S'il n'est pas tout simplement en train de fantasmer. Par ailleurs, le mérite-t-il? Mérite-t-il son pardon? Son amour après ce qu'il a confié? Son regard se pose sur elle et il reste encore là - immobile - l'écoutant lui implorer de rester. L'écoutant lui murmurer de ne pas disparaître. Son cœur bat avec force contre sa poitrine serrée. Grand homme sent de nombreux sentiments le tirailler et une larme coule d'elle même alors que sa bien aimé finit par lui dire qu'il n'est pas le coupable confié. Il a du mal à y croire. A le réaliser. Il se sent coupable. Il le sera toujours en réalité. Même sous l'emprise de son trouble, il l'a fait. Il a tué son ami sans qu'il ne puisse le sauver. Sa mâchoire se serre et grand homme baisse la tête avant de - lentement - la redresser. Il ne dit rien. Du moins - pour l'instant. Il quitte enfin son immobilité et il brise à son tour la distance qui les sépare pour coller ses lèvres contre les siennes en un nouveau baiser inespéré. En un baiser presque passionné tandis que son front se colle ensuite au sien en un geste presque déchiré. Parce qu'il a dû mal à y croire et il a soudain peur de se réveiller.
- Pourquoi? Comment… comment tu peux encore m'aimer après tout ce que je viens de te confier? Je ne te mérite pas. T'ai-je déjà mérité? Je t'aime tellement Jodie. Bien plus que ce que tu imagines. Si tu savais comme je m'en veux. Je ne comprend pas comment tu peux encore me pardonner.

Ⓒslythbitch.

Elle avait toujours aimé trop intensément dans ses histoires d'amour. Dans ses vraies histoires d'amours. Pas dans des histoires sans lendemain que parfois elle préférait car elles étaient moins problématiques. On passait un bon moment avec une personne puis on passait à autre chose sans en souffrir. Car Jodie pouvait très rapidement souffrir quand ses sentiments, s'ils étaient présents, étaient forts. Et ils l'étaient toujours. Elle se laissait complètement subjuguer par ce sentiment d'euphorie que pouvait lui provoquer une personne et elle finissait par en souffrir quand cette histoire prenait fin. Elle avait souffert quand ça c'était terminé avec Aaron. Garçon qui était réellement sorti de ses pensées quand elle avait rencontré Mok. Quand ça c'était terminé avec ce dernier, là encore elle avait souffert, même si elle avait essayé de se convaincre du contraire. Aimer était trop intense pour elle. Ses sœurs lui avaient déjà dit que ses histoires d'amours ne la feraient pas aussi souffrir et ne seraient pas si mouvementées si elle s'entichait d'une personne qui ne jouait pas avec les autorités de la ville constamment. Elles n'avaient pas tort sur ce point là. Mais ces bad boys avaient ce quelque chose qui l'attirait. Qui la faisait se sentir... proche d'eux. Comme si, sans vraiment savoir pourquoi, elle se sentait appartenir à leur monde. C'était étrange.

Mok n'était pas réellement un bad boy à ses yeux. Parfois, il contrastait trop avec le monde auquel il appartenait. Et pourtant, voilà que les sentiments de Jodie lui avait de nouveau jouer un tour. Mok possédait toujours son cœur et ses révélations ce soir n'avaient en rien ébranler ce qu'elle ressentait pour lui, alors même que sa conscience lui dictait de s'éloigner. Qu'il valait mieux faire un trait sur lui parce que cette histoire était trop risquée pour sa carrière, sa famille et sa vie entière. Mais son cœur avait dicté ses actions et elle avait fait son choix. C'était lui qu'elle choisissait.

Avoir un cœur de pierre aurait été plus facile à gérer. Cela l'aurait protégé de beaucoup de choses. Mais il fallait croire que Jodie aimait jouer avec le feu ou du moins qu'elle l'acceptait, sans trop de peur étrangement, si ça lui permettait de ne plus être éloignée de Mok. Et quand il l'embrassa à son tour, les quelques doutes qu'elle avait encore pu avoir s'évanouirent.

- Je t'aime aussi, commença-t-elle par lui dire en essuyant du pouce la larme qui avait coulé sur la joue de Mok. Pourquoi je te pardonne? Ma conscience me pose la même question. Je sais que je ne pourrais pas oublier mais je suis aussi convaincue que tu as été une victime toi aussi.

Oui, elle aurait aimé lui en vouloir et elle n'aurait sûrement pas eu la même indulgence si un inconnu lui avait fait de telles confessions. C'était même certain. Mais c'était Mok qui se trouvait en face d'elle. Pas quelqu'un d'autre.

- Ce dont je suis sûre c'est que je regrette que nous nous soyons séparés. Je veux que tout redevienne comme avant. Être avec toi. Peu importe ce qu'il s'est passé entre temps.

Ⓒslytbitch.