Partie I
«Maaaais! Je veux un smoothie !»Je tenais la main de ma mère, quelque peu ennuyée par ma demande. Elle était au téléphone avec un collègue à elle. Une belle matinée en perspective. Sauf qu'aujourd'hui, par le plus grand malheur de ma mère, je n'avais pas école. Ou plutôt, l'école avait fermé après avoir senti qu'il y avait une fuite de gaz dans l'air. Ma mère avait dû venir me chercher. Maintenant, elle se dépêchait pour ne pas être en retard à son travail tout en restant en contact avec son collègue pour une affaire.
« Non Stephanie. Je te l'aies dit plus d'une fois.»J'avais regardé ma mère d'un air abasourdi. Comme si me refuser ce smoothie était une chose des plus abominables. Je menais déjà la vie dure à ma mère. Et mon frère et ma sœur en rajoutaient généralement une couche. Aujourd'hui, ils n'étaient pas là. Je profitais donc de leur absence pour quémander de multiples choses. Mais ce n'était pas le moment. Entre le portable, les passages piétons, elle n'avait ni l'envie, ni le moment pour me faire plaisir.
« C'est pas juste !»C'est à partir de ce moment-là que mon don se manifestait. Seulement, je ne l'avais pas compris. Je croyais tout simplement que c'était le fruit du hasard. Forcément, je n'avais que 6 ans.
« C'est dingue cela. J'ai soif... Si soif...»« Maman ? Maman !»
Ma mère tomba par terre. Des personnes étaient venues rapidement lui porter secours. Ma mère fut saine et sauve. On avait mis ça sur le coup d'un malaise. De plus, c'était plus que plausible. Il faisait chaud et ma mère avait à peine mangé ce matin. Après un moment, les passants s'assurèrent que ma mère allait bien. Puis nous étions repartis sur notre chemin. Comme diraient certains, c'était le début des emmerdes.
Partie II
Bien que ce don se manifestât pour la première fois à ce moment-là, il ne fit son apparition de nouveau que quelques années plus tard. Je l'avais oublié jusqu'à ce jour-là. Ce n'était qu'une caresse, qu'une chose indéterminée que je n'avais pas comprise. Comme ces passants, j'avais toujours pensé que c'était un coup de la chaleur. En plus, ça n'avait pas recommencé. Enfin, pas avant ma douzième année.
Je ne savais même pas de quelle manière celui-ci fonctionnait. Mais depuis quelque temps, j'avais remarqué que diverses personnes avaient quelques fois faim, soif, ou une subite envie de dormir. Et cela m'arrivait le plus souvent au lycée. Mes voisins semblaient subir tous ces maux, sauf certains qui semblaient plus éloignés de moi. Je semblais comme immunisée. Je faisais alors semblant d'avoir faim, je mentais, pour ne pas qu'on ne s'étonne. De toutes les façons, on avait tous faim lorsque s'approchait l'heure du repas. Certains mangeaient même plus le matin, mais cela ne semblait n'avoir rien fait. Je simulais une certaine inquiétude, passer dans la masse, c'était ça qui m'importait à cette époque. De plus, je ne savais pas comment expliquer cet étrange phénomène. Comment se faisait-il que j'étais la seule à ne pas ressentir ces symptômes ? À croire que j'étais la seule qui mangeait bien le matin. Comment se faisait-il que j'étais la seule à ne pas ressentir ces symptômes ? Mais rien n'y faisait. J'étais la seule qui était immunisée. Bien que ces creux arrivassent bien souvent, quelques fois, cela se stoppait. Ou alors d'autres avaient un besoin irrésistible de dormir, de boire, ou encore d'aller aux toilettes.
Au fur et à mesure, je me doutais que ça vînt de ma propre personne. Une fois, je fus absente, et mes camarades de classe n'eurent même pas faim pendant le déjeuner. Le phénomène disparaissait lorsque j'en faisais de même. Personne ne semblait avoir trouvé le lien entre moi et cet étrange phénomène. Plus le temps passait, plus je ne savais que faire. Je savais que j'étais le problème. Je savais que je ne contrôlais pas ce qui se passait. Mais que ce quelque chose touchait les personnes qui m'entouraient. J'avais même remarqué qu'à une certaine distance, je ne pouvais pas donner l'un de ces symptômes. Et dès que les personnes s'éloignaient de moi en remplissant leur jauge de besoin celles-ci ne ressentaient plus le besoin de le satisfaire. Mon don avait donc ses failles. Néanmoins, il y avait beaucoup de questions qui restaient en suspens. Comment se manifestait-il ? Jusqu'à quelle distance pouvait-il se manifester exactement ? Qu'est-ce que j'avais ? Pourquoi créais-je ; sans le vouloir ; toutes ces choses aux personnes qui m'entouraient ? Il me semblait être la seule à avoir ce don. Même ma famille n'avait pas de «don» ou quelque chose dans ce genre. Rien pour expliquer tout cela. J'étais seule dans mon cas. Je me sentais terriblement isolée face à toutes ces personnes qui m'entouraient et ne se doutaient pas de ce qui se passait.
Une idée me vint. Celle de me renseigner, de me connaître. Peut-être allais-je avoir une réponse plus que satisfaisante sur ce qui m'arrivait. J'avais une théorie. La période de puberté arrivant, peut-être que mon corps changeait et transmettait le message aux autres corps de la pièce via des phéronormes un peu plus puissants que la moyenne. Pour moi, c'était une histoire de message que mon corps donnait aux autres. Il avait une trop grande surdose et voilà tout. Une partie de la population avait des problèmes en tous genre, diabète, thyroïde et j'en passe. Alors, cela aurait été plausible. Bon, il était vrai que j'allais un peu loin. Mais ce qui m'arrivait ce n'était pas quelque peu incroyable ?
Cependant, malgré de nombreuses recherches à la bibliothèque, je n'avais rien trouvé de concluant. À part la pyramide des besoins d'Abraham Maslow. Cet homme avait décidé de hiérarchiser les besoins humains. Et au vu de mes observations, j'avais comme qui dirait, trouvé un lien entre moi et sa pyramide. Je semblais faire apparaître comme une nécessité un besoin, ou de le faire augmenter, au bon vouloir de mon esprit. Et ces besoins était-ce qu'il nommait en tant que besoins physiologiques. Il ne me semblait pas que j'avais accès aux autres paliers des besoins. Face à ces faibles sources de renseignement, il ne me restait plus qu'une chose. Tenter de me connaître, de voir mes limites et contrôler ce que j'avais. Le seul inconvénient, c'est que ce don était lié aux autres. Pour pouvoir m'entraîner, j'allais devoir user mes pairs. Au collège, c'était risqué. Par contre, le week-end, dans la rue, cela se passerait certainement mieux.
C'est ainsi que le week-end, j'allais à la piscine, au cinéma, au parc, simplement pour pouvoir saisir le mystère de mon pouvoir. J'en découvrais peu à peu les différentes facettes, semaine après semaine. Et il fallait le dire, c'était plaisant. Comme lorsqu'on faisait une bêtise et qu'on ne se faisait pas avoir par ses parents. Ou comme dans les Sims2 où l'ado faisait le mur sans se faire attraper par la police. Et bien l'adolescent en question, c'était moi, Stephanie Clarke. J'adorais ce que j'avais et m'en amusais même quelques fois. C'était très drôle de voir quelqu'un devoir aller aux toilettes précipitamment. Ou encore rire de ces filles qui s'enfilaient boissons après boissons parce que tu avais décidé qu'elles avaient soif aujourd'hui. Encore plus drôle lorsque tu prenais la dernière part de gâteau au chocolat, car tu avais décidé, en toute conscience, que ton frère et ta sœur n'avaient plus faim du tout. Il fallait bien l'avouer, j'avais un peu trop forcé là-dessus et j'avais pris un peu de bide. Ce qui était étrange, c'est que j'avais l'impression de me sentir comme un dieu. Mais je me trouvais néanmoins seule. Je ne connaissais personne qui pouvait avoir la même faculté que moi. Bien sûr, on parlait de gens qui possédaient des pouvoirs. Mais je trouvais que c'était des conneries toutes faites par la presse pour attirer un tant soit peu d'attention de la part de la population.
Je m'évertuais à canaliser mes aptitudes. De plus en plus, j'arrivais à progresser. Je m'excitais trop et me pensais invincible. Mes camarades arrivaient enfin à ne plus ressentir la faim ou un autre besoin. J'en éprouvais une certaine satisfaction. Ce n'était pas encore parfait. Néanmoins, j'y voyais une nette progression.
Un beau matin d'hiver, j'avais alors 14 ans. Un gamin que je ne pouvais pas saquer s'amusait avec sa bande à embêter un autre enfant. Je n'étais pas rentrée dans ce conflit, pas forcément envie de rentrer dans ces histoires. Je pensais qu'un adulte interviendrait un jour. Mais les jours et les semaines passaient et l'enfant se faisait à chaque fois aborder par ce même groupe. Je pensais faire quelque chose, mais à 5 contre une, aucune chance. À part si j'usais de mon don. Je n'étais pas sûre que je puisse tous les faire passer à la casserole d'un seul coup. De plus, tout le monde aurait su et j'aurais été la bête de foire du collège. Je pensais en parler à un professeur puisque personne ne voulait bouger ses fesses. Mais si quelqu'un me voyait et rapportait les faits, je savais ce qui allait se passer. Ils viendraient s'occuper de moi.
Ce ne fut que lorsque je vis le garçon en question, tremblant, pleurant dans un coin que j'avais décidé d'agir. Je n'avais certainement pas l'âme d'un héros, ça non. Un peu de justice dans ce monde ne ferait de mal à personne. J'avais donc décidé de dénoncer ce qui se passait à un professeur. La situation s'arrangea et un des élèves fut exclut de l'établissement. Finalement, tout se finissait bien. Enfin, ça c'est-ce que je croyais. À peine, quelques jours après l'exclusion d'un des malfrats, à une pause midi, l'un d'entre eux vint à ma rencontre.
«Dis-donc, alors comme ça, on cafte ?»Bien entendu, il me barrait le passage à mon casier. Et nul doute que personne n'allait vouloir m'aider. Je zieutais derrière pour voir si je pouvais trouver une échappatoire. Mais apparemment ça allait être ma fête aujourd'hui, tous semblaient s'être donné rendez-vous à mon casier. Il ne fallait plus qu'espérer un miracle, comme un professeur passant par là comme par magie. Ou encore quelqu'un allant prévenir le corps enseignant. J'avais alors deux solutions à mon actif, nier ou assumer. L'un était plus suicidaire que l'autre.
« Oui.»C'était loin d'être une parole convaincante. J'étais suicidaire à l'époque. Ma réponse n'avait visiblement pas plu à mon gaillard puisqu'il tapa du poing sur un casier. L'effet qu'il voulait m'inspirer était celui de la peur. Et bien, je pouvais le dire, j'étais terrifiée. Comme si ça ne suffisait pas, des personnes s'étaient ramenées, afin d'admirer le spectacle.
« T'as osé ?»« Je ne serais pas obligée d'aller cafter si vous vous étiez arrêtés. Vous êtes allés trop loin.»Vous savez, le moment où votre langue parle plus vite que vos pensées? Et bien c'était exactement le cas à ce moment-là. Avec un air beaucoup plus menaçant, il se rapprochait de moi. Ses amis rigolaient. Je ne savais que trop bien ce qui allait m'arriver. Moi, je me maudissais intérieurement. Mais en le voyant approcher de moi, je me rappelais que j'avais quelque chose qu'il n'avait pas. Seulement, ça ne serait pas ça qui arrêterait la raclée qu'il semblait vouloir me donner.
« Tu sais, tout se paye dans la vie.»« Comme pour ton ami ?»Mon dieu ! Mais faites taire ma langue ! Il était encore plus furieux contre moi. Et moi, je n'espérais qu'une chose, que ça marche maintenant. Il allait me frapper, son poing était en l'air. Quand tout à coup. J'entendais, tout comme mes pairs, un étrange bruit. Qui se suivit d'une odeur nauséabonde. Je tentais un pas en arrière. Je regardais le garçon devant moi. Son pantalon qui était blanc avait comme qui dirait, changé de couleur. Il avait viré au marron. Il s'était arrêté, sa figure avait rougi de honte et il avait fui. Un surveillant était arrivé peu après, un élève l'avait prévenu de ce qui s'était passé.
Le fin mot de cette histoire ? Ce garçon a écopé d'un surnom peu glorieux. Il a finalement changé d'établissement, ne supportant plus les railleries de ses camarades. Je n'ai plus jamais eu de problème avec ce groupe. Pourtant, j'ai toujours senti chez l'un d'entre eux un regard étrange. Comme si celui-ci savait. Comme s'il avait découvert que ce qui s'était passé, n'avait rien d'un trop grand hasard. Je n'avais rien dit. Que pouvais-je dire? Au fait, c'est moi qui l'ais aidé à se payer la pire honte de sa vie! Et oui, c'est l'un de mes dons! Alors je vous préviens, si vous venez m'harceler ou m'attaquer, vous allez en chier! Non. En plus je me voyais bien me faire rejeter par les autres. Être différent, c'était prendre le risque de se faire rejeter par ses camarades. Malgré ses regards plus qu'insistants, celui-ci n'est jamais venu m'en parler ou quoique ce soit. Puis je suis arrivée au lycée.
Partie III
La liberté, les cours qui deviennent plus intéressants. J'aimais ça. En revanche, je ne pouvais pas souvent sortir, je n'avais pas beaucoup de sous dans ma pauvre tirelire. Mes parents me donnaient un peu d'argent. Mais pas assez selon moi. Je demandais à en avoir plus. Au vu de leur travail d'avocat, je savais qu'il pouvaient augmenter l'argent de poche. Mais selon eux, je n'en avais visiblement pas besoin. Après quelques disputes à ce sujet, ils finirent par me conseiller d'aller chercher un emploi à mi-temps. Je mis un peu de temps avant de trouver quelque chose.
Travailler dans un restaurant, c'était assez compliqué. Un challenge pour moi. Il fallait être rapide, serviable, savoir, servir le repas sur un plateau, être poli avec les clients, répondre à leurs sollicitations. Être partout à la fois sans toutefois pouvoir se dédoubler. Je me sentais décidément bien utile en tant que serveuse. C'était vraiment difficile durant les moments de rush et avec certains clients qui pouvaient se révéler assez difficiles. Et un jour, le restaurateur annonça qu'un matin qu'il fermerait prochainement son restaurant, il n'arrivait pas à obtenir assez de recettes à son plus grand malheur. Je me voyais très attristée pour lui et je ne savais que faire pour lui. Je voulais l'aider. Mais c'était les clients qui manquaient à l'appel. La nourriture n'en était pas en cause, je le savais puisque je l'avais goûtée.
C'est alors que j'eus cette idée malhonnête. Mon don, ce don qui ne me servait pas à grand chose durant mon quotidien. Pourquoi ne pas en user ? Si j'en faisais bon usage, le propriétaire ne fermerait pas.
La décision serait fatale pour moi, qui avais besoin de ce boulot. J'en avais besoin. J'aimais le fait d'être indépendante. De cette façon, je pouvais économiser pour plus tard, ou même faire mes propres achats. C'est sûr que j'aurais pu chercher un autre travail. Néanmoins, j'étais attachée à l'endroit, au patron, à mes collègues. Je trouvais ça tellement triste que j'avais finalement décidé d'agir.
En quelques jours, des estomacs gargouillaient et venaient à nous pour manger à leur faim. Bien entendu, il y eu quelques petits ratés. Voir quelques fois, j'allais un peu trop loin. Par exemple, j'avais voulu qu'une personne commande à boire. Et elle s'était évanouie. La situation n'avait pas été trop grave. Mais j'avais culpabilisé. Comme quoi, je ne contrôlais pas toujours ma capacité. Cela me faisait prendre conscience que c'était dangereux et que je devais être prudente. Ou alors un accident arriverait bientôt. J'avais alors décidé de moins user de mon don, puisque de toutes manières, les affaires avaient repris. Mais quelque temps après j'annonçais ma démission. Je ne savais pas pourquoi, mais l'envie d'user de mes capacités me démangeait. Et j'avais peur de faire une erreur qui puisse être fatale. De plus, je me doutais qu'un jour, quelqu'un se douterait que quelque chose était étrange. Et que certains coïncidences n'étaient pas que le fruit d'un certain hasard. J'avais peur qu'on découvre qui j'étais réellement, une mutante.
Après avoir arrêté, je stressais un peu. J'étais effrayée à l'idée que le patron ait compris que j'avais influencé ses clients. Ou du moins, leur estomac. Pour me décompresser, je sortais avec des amies. Puis un jour, je revis ce mec. Celui qui avait failli me frapper. Il m'avait reconnu. Il semblait avoir vieillit de dix ans, prit un peu de poids. N'ayant rien à lui dire, je passais mon chemin avec ces mêmes amies. Sauf qu'une main m'agrippa. Et me retourna d'une façon très brutale. Au point où j'échappais un cri de douleur. C'était lui. Et il n'avait pas l'air de vouloir me faire un câlin.
« Toi...»Sa voix avait le ton d'un reproche.
« Je sais que c'est toi !»J'écarquillais les yeux. Pardon ? Que voulait-il insinuer ? Ou avait-il toujours cette histoire en tête. Du fait que j'ai été dire pour son pote ? Après tout ce temps ? Il avait la dent dure ! Mais il m'en voulait de ça ? Oh, et puis je n'avais rien à perdre. Nous étions dans la rue et mes amies n'étaient pas loin de moi. Que pouvait-il bien me faire ?
« Oui, on en a déjà parlé, c'était bien moi qui avais cafté.»«NON! Je ne te parle pas de ça !»Je le regardais d'un air encore plus étonné. De quoi pouvait-il bien parler ? Il n'avait pas été exclu. Et en plus, c'était lui qui était parti. Il me tenait toujours par son bras, tandis que de l'autre, son index me pointait, d'un geste accusateur. Tout comme son visage.
« C'est toi qui m'as foutu la honte. Je le sais maintenant. Je me suis remémoré de nombreuses fois ce moment. Je sais que c'est toi. Comment, je ne sais pas. Mais tu as fait de ma vie un enfer. UN ENFER TU ENTEND ? Tous ces élèves qui me regardaient. Et qui savaient ! Ils riaient dans mon dos ! Et ça ne s'est pas arrêté ! Tout ça c'est de ta faute !»C'était ça ! Je n'en avais pourtant parlé à personne. Et lui, il avait deviné que c'était moi ? Non, il déconnait. Ce n'était pas possible. Il devait délirer. Il était d'ailleurs très étrange.
« Non, écoutes, tu te trompes.»«TAIS-TOI!»La violence de ces mots m'avait surprise. Il me prit par le col, venant me chuchoter à l'oreille ces quelques phrases qui me faisaient plus que frémir.
« Je sais que je ne me trompe pas ! C'est toi qui m'as fait le coup ! Ce ne peut être que toi ! Tu dois faire partie de ces mutants. Je le sais ! Mais moi, je l'ai découvert ! Tu es dangereuse! Pour moi, pour eux!»Finalement, il ne semblait pas tellement délirer. Il avait l'air d'être très... Perspicace. Pourtant comment pouvait-il s'en douter ? Et qu'est-ce qu'il attendait de moi exactement ? Des excuses ? Et pourquoi me tenait-si aussi fermement mon bras ? Je tentais de me dégager de son emprise, mais il me serrait plus fort. J'essayais une seconde fois, mais il réitéra son emprise. Je ne pouvais pas m'en aller. Une de mes amies commença à s'inquiéter et se rapprocher pour venir m'aider. Il la repoussa violemment. J'avais en main une information assez importante. Il est devenu plus dangereux et plus violent avec le temps. Dire des bêtises n'allait clairement pas arranger ma situation. Et pas un policier en vue pour arranger ça. Une amie à moi avait saisit son téléphone. J'espérais qu'elle en appelait un. Il se redressa, me tenant toujours aussi fermement.
« Mais grâce à moi, tout ira mieux!»Il sortit son couteau. Des passants criants, certains s'enfuyaient. Vite vite vite. Me dégager vite fait. Je tentais de l'empêcher, avec mes deux mains. Il avait de la force le bougre. Je me débattais comme une lionne afin de lui échapper. Rien à faire! Il me tenait fermement. Plus qu'une seule solution. C'était un cas de force majeure! J'activais ma faculté celle de lui donner soif. Au bout d'un moment, il se sentirait mal. Je tentais d'accélérer le processus afin de le faire flancher. Je ne voulais rien lâcher, avant qu'il me lâche la grappe. Une amie tenta de m'aider, mais ne pu rien faire, il la rejeta par terre. Je tentais de me dépêcher. J'entendais alors qu'il déglutinait. Je le sentais plus faible, encore un peu et ça serait bon. Et d'un coup, il tomba à terre. Ce fut si brutal, que son couteau se planta dans mon épaule droite. Une vive douleur me traversa. Une de mes amies vint à moi, afin de m'éloigner de l'adolescent en question. Au bout de 5 minutes, il ne s'était toujours pas relevé.
La police arriva, quelques temps après, elle demanda des témoignages de ce qui venait de se passer et appela ensuite une ambulance. Je fus emmenée tout comme lui là-bas. Un policier vint me voir. Lorsqu'on m’interrogea je livrais la vérité en omettant bien entendu le fait que j'étais dotée. Je racontais même l’altercation que nous avions eu il y avait quelques années. Ayant la même version que mes amies et des passants, on me laissa. Avant qu'il ne parte je posais une question au policier en question.
«Qu'est-ce qu'il est advenu de lui?»«Oh hum. Il est en soins intensifs»J'avais appris peu après sa mort. Face à mon air choqué, on avait tenté de me justifier celle-ci.
«Il était très malade vous savez. Il était renfermé depuis un certain temps. Il prenait beaucoup de médicaments. Ce n'est pas votre faute.»Mais je savais pertinament que c'était de ma faute. Je culpabilisais. Je croyais qu'il s'était évanouit, rien de plus! Et que je m'en serais sorti comme ça! J'avais causé sa mort. J'étais relâchée, pourtant j'étais bien coupable d'un crime. Mes amies tentèrent de me consoler, en vain. Il fallait que je trouve une solution. Quelque chose pour me canaliser. Quelque chose qui me permette de mieux canaliser mes aptitudes. Rien ne semblait pouvoir m'aider. Il fallait que je cesse d'utiliser mon pouvoir. Ou mieux les contrôler. Ce que ça m'avait appris c'est que, au contraire de ce que je pensais, je n'avais pas le contrôle total dessus. M'entraîner, je l'avais déjà fait. Cependant, cela n'avait pas suffit visiblement.
Un dimanche, la famille s'était réunie. Les cousins, les tantes, tous discutaient plus ou moins joyeusement. Beaucoup de bruit, de rires, de gargouillement. Je discutais avec des cousins à moi. Nous étions très portés sur un sujet d'actualité qui nous avaient tous interloqués. Après un moment, la cuisinière du jour ordonna à toute la famille de se mettre à table. Nous continuions notre discussion. Jusqu'à ce qu'on oncle commence à poser la question fatale.
«Alors dis-moi, qu'est-ce que tu voudrais faire plus tard?»«Des études pour devenir légiste.»Un grand blanc. Tout le monde savait ce que cela connotait. Certes, c'était un métier comme un autre, mais il était beaucoup plus morbide. Ils s'attendaient peut-être à ce que je continue le métier de mes parents et devienne une avocate. Cela ne m'intéressait guère. C'était peut-être intéressant, mais rouler dans la farine des personnes, ou même protéger un coupable ne me plaisait guère.
J'aurais pu faire croque-mort, ou un métier dans la restauration. Mais l'un était trop triste, faire face aux personnes endeuillées me semblait compliqué. Les blagues seraient terriblement mal perçues. Et l'autre me ferait sûrement user plus qu'autre chose mon don. Et une erreur était si vite arrivée ! J'avais bien commis des erreurs, dû à mon incapacité à contrôler correctement mon don. Cela allait beaucoup mieux, je devais l'avouer. Cependant, je me faisais peur. Je n'étais pas à l'abri d'une erreur. Le métier de légiste me semblait alors être une bien meilleure option. Je partagerais mon temps entre les vivants et les morts. Un travail qui me serait certainement dur mais aussi encourageant. Je voulais aider les gens, tout simplement. Et aussi comprendre pourquoi j'étais dotée alors qu'eux, non. J'avais envie de savoir ce qu'il y avait de particulier en moi et que les autres n'avaient pas. J'aurais bien pu faire de la recherche. Mais j'aurais sûrement été plus surveillée que si j'examinais des morts.
« Mais pourquoi ?»« J'ai envie de donner de l'espoir aux gens. De les aider. Mais aussi de leur redonner une certaine dignité.»Certains hochèrent la tête, puis on posa la même question aux autres jeunes. Je n'avais pas dit une autre de ces raisons. C'était assez compliqué de tuer un mort. Non ?
Mes années au lycée se passèrent sans trop de problèmes. Comme tous les adolescents, je me disputais avec mes parents ou avec mon frère et ma sœur. Divergence d'opinions, objet qui avait mystérieusement disparu, ou dernier dessert pris par l'un d'entre eux. Arriva la fin de mes années de lycée où je pue rejoindre une fac de médecine. J'avais déménagé dans une résidence universitaire. C'était tout simplement plus simple pour moi. De plus, je me sentais plus libre et libérée des contraintes du train-train quotidien.
Bien entendu, les études étaient dures. Les nuits blanches étaient plus que nécessaire pour terminer le travail ou d'apprendre les notes prises en cours. Je n'avais pas peur de la charge de travail. Il y avait pire que ça. Et je ne voulais absolument pas redoubler. Alors je multipliais mes efforts et ne lâchais rien.
Partie IV
Pendant ma 26ème année, une amie à moi, nommée Mary Elizabeth m'invitait à son mariage. Elle en était à sa dernière année d'études et avait décidé de fêter l’événement de façon grandiose. Elle nous annonçait le rôle qu'on devait tenir à sa cérémonie. J'eus le rôle de la personne demandant des souvenirs aux gens, leurs impressions et j'en passe. On me connaissait pour avoir un bon sens relationnel avec mes pairs.
Une semaine à Las Vegas entre copines pour terminer l'année et fêter le mariage de Mary Elizabeth là-bas. Nos cris, nos rires, nos joies me rendaient heureuse. Au milieu de la semaine, nous assistions à un sublime mariage.
Nous avions décidé, entre amies de rester quelques jours ici, pour nous reposer et profiter encore de la merveille, bien qu'éphémère, qu'était cette ville de plaisir. Nous savions que l'argent était le moteur d'ici, et nous savions que nous n'étions pas faites pour rester ici.
L'avant-dernier jour, chacune avait décidé de vaquer à ses occupations, d'aller où elle le souhaitait. Puisque le lendemain, nous repartions chez nous. Seule, j'avais décidé d'aller aux machines à sous. Puis j'étais allée à un spectacle. Par la suite, je m'étais ensuite dirigée vers un bar en début de soirée. J'enchaînais les verres d'alcool, verre par verre, tout en riant joyeusement avec mes compagnons d'infortune. La suite ? Je ne m'en rappelle plus. Je me réveillais le lendemain matin dans un lit, à moitié nue. On l'aurait deviné, j'avais dû dîner en charmante compagnie. Sauf que la charmante compagnie et moins avions plus que passé un bon moment. D'après celle-ci, nous avions profité de la nuit d'hier pour nous marier ensemble. Je ne vous fais pas dire la surprise que c'était pour ma part. Après moult discussions, nous avions décidé de régler ça plus tard. Je devais faire mes valises et rentrer en compagnie de ces mêmes amies.
Cette personne était finalement venue durant le week-end, je l'avais reçu et nous avions discuté. Je parlais alors d'un divorce express. Mais cela ne lui plaisait pas. Apparemment la seule chose dont la personne était sûre était que ce n'était pas erreur. Malgré mes protestations, celle-ci insistait tellement que je lui donnais une chance. Et tout a commencé à partir de là.
Je l'avais mise au courant sur mes études, du fait qu'elles étaient très prenantes et que là, j'étais beaucoup plus disponible que je ne le serais dans quelques mois. Rien ne l'avait fait changer d'avis. Elle restait sur ses positions. On se voyait autant qu'on le pouvait et pratiquait diverses activités ensemble. Les mois passaient et on se voyait plus rarement. Généralement pendant les vacances. Aussi étrange que cela puisse paraître, je me sentais bien avec cette personne. Je ne pouvais pas expliquer, mais c'était elle, c'était moi. Finalement, ce n'avait pas été une erreur. Drôle de situation que de se marier avant de pouvoir, s'aimer et se connaître. La seule chose difficile était que j'allais devoir annoncer à ma famille que je m'étais mariée. Et qu'on ne se connaissait seulement que depuis notre mariage. J'annonçais la nouvelle un mois de décembre, lors de mes 27 ans. La nouvelle ne fut pas très bien prise par mes parents, sous le choc de cette nouvelle information que je leur avais «cachée». Il fallut au moins quelques mois pour qu'ils digèrent cela.
À 29 ans, je finissais mes études et je devenais légiste. Mon cœur et moi emménagions alors ensemble. La vie était plutôt heureuse. Je n'avais pas usé de nouveau mon don jusqu'à ce que mon amour ait quelques difficultés pour dormir ainsi que pour manger. Au début, je ne voulais pas m'en mêler. Je pensais que ça lui passerait tout simplement. Je lui proposais divers médicaments. Mais niet, ma moitié ne voulait pas en utiliser. Et son état restait au même stade. Après quelques hésitations, j'utilisais à nouveau ma capacité. Non sans crainte, et j'avais veillé à ce que tout se passe pour le mieux. Au départ, c'était pour la nourriture, je lui faisais sentir le besoin de se nourrir quelque peu. Plus les jours passaient et plus j'augmentais ce besoin pour que mon amour puisse faire des repas entiers. Ensuite, j'usais de mon pouvoir pour que mon amour tombe de sommeil. Ma moitié pouvait à nouveau dormir, ce qui me rassurait. Je ne voyais plus ces cernes et cette mine si fatiguée.
Une semaine après j'avais arrêté, puisque ça avait l'air d'aller mieux. Voyant qu'effectivement cela allait, j'avais envie de lui avouer que j'avais participé à cela. Néanmoins, j'avais toujours peur, peur d'être rejetée, d'être incomprise, d'être prise pour un monstre. Les mutants n'étaient pas vraiment appréciés. Qu'en pensait donc ma moitié? Au final, je ne lui avais rien dit.
Bien sûr, tout n'était pas rose, nous avions quelques disputes. Mais qui n'en avait pas ? Par exemple sur le programme télé. J'avoue avoir quelques fois triché. J'ai quelques fois usé de mon don pour l'endormir et pouvoir pleinement regarder ce qui me plaisait. Quelques fois, je me sentais coupable, mais c'était qu'une fois de temps en temps après tout ! Et puis, comment savoir que j'usais une de mes capacités ? Pour me justifier, j'accusais la tisane ou ses coups de fatigue d'être responsable de son sommeil quelque peu instantané. Oui, mais que voulez-vous, j'aimais l'embêter.
Le temps défilait, au fil des saisons. J'aimais encore plus la personne qui partageait ma vie. Seulement, je ne m'attendais absolument pas à ce qui allait arriver durant l'année de mes 33 ans. On m'avait appelé pour aller récupérer un corps et l'examiner. Bien entendu, je n'étais pas à l'heure et je n'avais même pas pu prévenir puisque j'avais oublié mon portable.
« Excuse-moi du retard ! Y a eut un accident et ça a duré longtemps ! En plus personne n'a voulu m'aider, j'ai dû demander à des collègues de venir m'aider !»Je fermais la porte, enlevant mes chaussures de façon assez rapide. Je fermais la porte à clé. Et me retournais prête à me faire embrasser. J'avais fermé les yeux durant un très très long moment jusqu'à les rouvrir. Apparemment, la personne que j'attendais devait sérieusement me bouder. Je n'avais jamais eu un accueil aussi glacial que ça. J'enfilais mes chaussons cherchant mon amour des yeux.
« Bah alors, tu ne viens pas m'accueillir ?»Rien. Pas de réponse. D'habitude, j'avais le droit à un « J'suis là » ou même une réaction ! Pourtant, on ne s'était pas fâché, non ? Sur la table, était posé une tasse avec un journal. Lorsque j'avais touché la tasse, elle semblait froide. Je jetais un coup d'œil à la page du journal. Un titre racoleur sur les mutants.
Juste un mot.
«Pardon». Sur le coup, je n'avais pas compris. Dans l'appartement, rien n'avait bougé. Après plusieurs allers-retours, j'avais tout compris. Seulement une valise et quelques-uns de ses vêtements avaient disparu. Rien d'autre n'avait été emporté. Je lui avais téléphoné, cela sonnait dans le vide. Pas de numéro attribué que ça disait. J'espérais son retour et une explication. De toutes les manières, il restait ses vêtements, un peu d'argent et d'autres objets. Les jours passaient et rien. Aucune nouvelle. J'en parlais à mes collègues, mes amis et ma famille. Ils étaient tous d'accord sur un point. Cette personne voulait se faire oublier et avait décidé de me quitter. J'espérais toujours un retour de sa part, mais rien. Quelques mois après, des amis vinrent m'aider à faire le tri et jeter ses affaires.
« L'amour, c'est une belle connerie.»J'avais déposé le dernier carton avec ses affaires dans le camion que devait conduire un ami. Voilà, c'était fini. Notre mariage avait été aussi rapide que notre divorce. Tous deux avaient la particularité de me questionner. D'ailleurs, qu'est-ce qui m'avait décidé à me marier ? Surtout bourrée ! En quoi cette nuit m'avait permis de voir cette facette ? Je n'avais jamais rien pu lui arracher d'autre. J'étais restée car je l'aimais. Et je l'avais payé au prix fort. Avais-je été manipulée ? Je ne le saurais sans doute jamais. Ces mêmes amis restèrent ave moi afin de me faire retrouver le sourire, le soir, ils me laissèrent seule. Je rentrais seule dans notre ancien appartement. Il me semblait trop grand pour moi. Ma seule occupation après mon travail était de regarder la télévision. Géniale me dirait-on ? Je regardais même les matches de foot, regrettant que tout soit fini. Je visionnais toutes les émissions que mon ancienne moitié regardait. J'avais même gardé certaines photos. Et c'était tout.
Après quelques semaines, je décidais de déménager dans un appartement moins grand que celui-ci. Je voulais une sorte de nouveau départ. Et l'oublier. Je voulais recommencer. C'est ainsi que le jour de mon anniversaire, je m'installais dans mon nouveau chez moi. Ce n'était peut-être pas aussi bien que celui que j'avais auparavant. Mais ici, au moins, il n'y avait pas tous ces souvenirs. Je pouvais passer à autre chose.