Je regarde par la fenêtre, incapable de me concentrer plus longtemps durant ce cours de littérature anglaise. Je dessine sur le coin de ma feuille, je bouge mon stylo de gauche à droite en me faisant la plus discrète possible et je rêve de plage. D’aussi loin que je me souvienne, je ne me suis jamais vraiment considérée comme étant quelqu’un qui adore l’eau. Mais étrangement ces derniers temps, je ne peux m’empêcher de vouloir absolument maîtriser l’art du surf. Mon idée « saugrenue » a d’ailleurs fait rire mon père quelques minutes avant qu’il ne réalise que j’étais plus que sérieuse. Je ne suis pas une sportive après tout alors forcément, une nouvelle pareille étonne. Teddy s’est contenté de m’adresser un grand sourire avant de me dire que si j’avais besoin d’une quelconque aide de sa part, il serait plus qu’heureux de m’aider – évidemment, monsieur le sportif est toujours prêt à aider dans ces cas-là, pas comme face à ses maths. Kate a, quant à elle, déclaré qu’elle viendrait en faire avec moi, mais pas maintenant, pour je ne sais quelle raison. Alors j’ai toujours été seule face aux vagues pour l’instant. Cela ne me dérange pas plus que ça en fait, même si je suis bien loin de rester droite sur ma planche. Ou de rester debout sur ma planche tout court, pour être honnête. Un coup de coude de la part de ma voisine me rappelle que je dois arrêter de rêvasser et que je dois prendre des notes. Je m’exécute en me promettant d’aller faire un tour à la plage tout à l’heure, toujours loin d’avoir ma concentration optimale à ce cours. Heureusement que c’est le dernier cours de la journée.

La sonnerie sonne, je lâche un soupir de soulagement que je ne pensais pas retenir jusque-là Je ne peux m’empêcher de me demander à quoi cela va me servir de connaître tous les petits détails d’une œuvre d’Hemingway dans mon futur métier d’ingénieur. « Pfiou, je suis bien contente d’être sortie de là, moi. », dit Kate en sortant de la salle. Je lâche un petit rire et souris. Très clairement, je ne suis pas la seule à penser que ce cours n’est pas des plus intéressants. «  A qui le dis-tu ! Hemingway commence à me sortir par les trous de nez. » Nous retrouvons rapidement Teddy et Billy, eux aussi bien contents d’avoir fini leur journée. Nous discutons un peu et les garçons décident d’aller se balader en ville. Je leur dis avec un sourire que je les rejoins plus tard, l’appel des vagues se faisant de nouveau ressentir. Je les laisse et me dirige sans plus attendre vers la plage, sans planche, avec une simple envie de me libérer l’esprit seule, pour changer. Et revoir un peu ma posture sur le sable, ce sera ça de gagner. Le trajet vers la plage est rapide. Je suis presque étonnée de la trouver vide. Du moins, vide avec un jeune homme que je reconnais de loin. En Sabah Nur. Je ne le connais pas vraiment, simplement de loin. Nous avons été dans la même classe dans mon ancien lycée sans réellement se connaître, se parler. Juste un simple camarade de classe. Alors je m’installe à une distance acceptable, ne cherchant pas à le déranger. Il place des boîtes de conserve vide en face de lui. Je ne peux m’empêcher de regarder, curieuse comme jamais. Que compte-t-il faire avec ? La réponse ne se fait pas attendre : il agite les mains devant elles et par magie, l’une d’entre elles bouge. Sans réfléchir, oubliant ma présence sur cette plage, je m’avance avec surprise vers lui, rapidement. « Whoa, c’est génial ça ! Magie ou non, comment tu fais ça ? » J’ai cinq ans à nouveau et plus aucun filtre. Je dois sûrement le surprendre et vais réussir à le braquer mais je m’en fiche, je veux en savoir plus. Peut-être que cela m’aidera à comprendre ces histoires de changements de taille subtils que je subis. Savoir si je suis folle ou non.