Plic
Ploc
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Ploc
Ça doit faire un long moment que je fixe la perfusion de morphine parce que, quand je regarde de nouveau devant moi, j’ai mal aux yeux. D’un autre côté, j’ai dû jouer des pieds et des mains pour que l’on m’accorde une petite dose alors j’ai bien le droit de regarder la morphine comme le Saint Graal mais en mieux. Je m’installe un peu plus confortablement sur les oreillers, me demandant s’il n’y a pas un moyen plus rapide de réparer mes os. La magie, le vaudou, je prends tout tout tout tant que ça peut me guérir. Trois jours que je suis ici et je n’en peux déjà plus. Les hôpitaux n’ont jamais été un paradis pour moi, je trouve ça flippant. La seule chose qui m’empêche de prendre mes jambes à mon coup, mise à part la douleur, c’est de pouvoir discuter avec le docteur Nobley. Ça, c’est une femme comme on en rencontre peu, je l’adore, vraiment. Elle a ce je-ne-sais-quoi qui inspire confiance, comme si c’était une amie de longue date.

Toujours est-il que sans elle, je crois que j’aurais déjà fait des tentatives d’évasion (qui se seraient probablement soldées par des échecs cuisants). Je crois que ce qui m’énerve par-dessus tout, pire que la nourriture molle et les silhouettes en blanc, c’est mon incapacité totale à me débrouiller seul. Je galère à me laver, à faire mes besoins, à manger, à boire. J’ai horreur des vieux et le handicap me fait peur alors imaginez mon angoisse ! Alors je prends difficilement mon mal en patience. Surtout que le pourquoi je suis là est assez gênant. Me battre avec un type, ça nous arrive à tous. Se faire défoncer la gueule parce que le type est plus baraqué, ça arrive aussi. Mais quand ça se passe sur son lieu de travail, c’est tout de suite plus épineux. Alors j’appréhende la visite de mon colocataire et patron, Loki Odinson, qui va probablement me passer un savon de tous les diables.

Quand on parle du loup, voilà le beau brun qui arrive, toujours aussi classe en été comme en hiver. Ce n’est pas pour lui faire de la lèche mais c’est vrai qu’il est super cool comme mec. Sauf qu’il est probablement pas venu pour m’offrir un ballon « Bon rétablissement » donc en grand lâche que je suis, je fais mine de dormir. Sauf qu’il a bien dû me voir réveillé et paniqué à cause de la baie vitrée. Donc je finis par rouvrir un œil, affiche un air contrit de celui qui a été choppé en train de finir le Nutella à la cuillère à 3h du mat.

Hey ! Salut Loki…je suis pas mort donc ne loue pas ma chambre…

Bon….Loki n’a pas l’air décidé à m’étouffer avec un oreiller, bon point. Mais mieux vaut rester méfiant, je l’ai déjà vu piquer la dernière part de pizza. Ce type est un vicieux…  Toujours est-il que je garde un air de pauvre victime, ce qui n’est pas difficile vu que je suis à moitié shooté à la morphine et que j’ai la moitié de la gueule ravagée. Peut-être que mon cher patron et coloc aura assez pitié de moi pour passer l’éponge sur toute cette histoire (oui, l’abus de morphine me rend naïf mais qu’importe). Lorsque le brun m’annonce tranquillement qu’il n’a pas l’intention de louer ma chambre, je me détends un peu parce que ça veut dire qu’il n’envisage pas (encore) de me mettre à la porte. C’est que je me suis habitué à l’appart, moi !

-Alors, les joies de l'hôpital, racontes-moi ?

Je souris, soit il est vraiment pas en colère soit c’est le meilleur acteur du monde mais il me met à l’aise. Pour mieux me tuer !!!! Nan, oublions ces histoires de meurtre. Avec des efforts, je parviens à me redresser en position assise et ce sans même lâcher un juron ou un grognement. Même si j’ai dû perdre en pigmentation pendant un instant, l’honneur est sauf.

Oh bin…j’ai dû sécher l’atelier « dessine sur une strip-teaseuse » parce que la partie de poker s’est éternisée mais sinon, tout roule. Comme je suis allergique au caviar, je me rabats sur le homard, c’est triste mais c’est ainsi…Nan en fait, c’est atroce. J’ai mal partout, la nourriture est molle et la nuit, j’ai l’impression d’être dans un film d’horreur !

Et j’en rajoute à peine ! Loki doit me prendre en totale pitié alors autant jouer la carte du pathétique à fond les ballons. No shame, never.

Jusqu'ici, mon numéro à peine simulé de victime des hôpitaux semble fonctionner avec plus ou moins de succès. Heureusement que Loki n'est pas que mon patron mais aussi un ami très proche sinon je serais vraiment dans la merde. Je le regarde farfouiller dans un grand sac et mon cerveau (d') abruti me souffle qu'il va probablement sortir la corde pour me pendre. Ou une seringue pour m'injecter une bulle d'air. Ou alors, c'est une de ces peluches que l'on offre aux enfants malades, le genre qui tient un cœur marqué "Courage" ou "Champion" entre ses pattes.

Mais non, c'est bien mieux que ça, cent fois mieux même. De la nourriture ! De la vraie ! Qui résiste un peu sous la dent, qui est gorgé de gras ! Je prends le Saint paquet de Chips et le divin soda avec des yeux arrondis par la surprise et par la joie, les lève vers Loki avec la tête d'un gamin à qui on vient d'annoncer qu'au lieu d'aller à l'école, il va à Disneyland.

Loki Odinson, t'es mon putain de dieu ! Merci !

J'hésite à les manger maintenant et si je parviens à me retenir pour les chips de peur qu'avec la morphine, je ne me loupe en ouvrant le sachet et en mette partout, ma bouche se rue sur la paille pour avaler le soda. Je laisse échapper un grognement content, style Cro-Magnon devant de la bonne viande. Qu'Est-ce que ça peut faire du bien ! Je suis aux anges là et j'adresse un regard reconnaissant à mon sauveur tout en regardant les magazines et le lecteur de musique. Ca, ça va m'aider à tenir jusqu'au bout de la convalescence. De la musique !!! Je peux mourir en paix.

-Bien la nuit il y a très peu de personnel, tu pourras écouter de la musique tranquillement, se sera moins lugubre, sinon niveau santé, alors raconte moi ? Puis ton arrivé ? Tu as rencontré une infirmière charmante ?


Je reprend ma grimace de douleur quand il parle de ma santé même si au fond, je sais qu'il n'y a plus vraiment besoin d'attirer la pitié. Il m'a apporté de quoi me faire péter les artères, c'est que c'est toujours mon ami, non ?

J'avoue, j'ai passé les premiers jours dans un brouillard de douleur. Ce type m'a ravagé, t'as pas idée. La note a été salée entre les côtes cassées et le nez fracturé. Tout ce que je demande, c'est de retrouver mon magnifique visage de dieu vivant le plus tôt possible.

Et le pire, c'est que je ne plaisante pas, je suis un homme petit mais doté de traits très harmonieux, mon visage, c'est ma fierté alors il a intérêt à revenir à la normale. En tant que colocataire, Loki doit être habitué à mes élans de narcissisme alors je ne crains pas de le choquer. Son sourie en coin en parlant des infirmières m'amuse.

Tu sais, je suis plus infirmier mal rasé qu'infirmière court vêtue. Alors de ce côté-là, c'est chou blanc. Par contre, je dois ma survie au Docteur Nobley, une femme adorable qui me fournit en morphine et qui trouve toujours un peu de temps à me consacrer.

Je sens qu'une fois lancé, je pourrais parler d'elle pendant des heures alors je m'abstiens parce que ça peut être mal interprété et que moi-même, je ne suis pas sûr de vraiment savoir pourquoi ça m'anime à ce point. Elle est super gentille et tout mais ça va au delà de la sympathie et de la reconnaissance due à un médecin. Je préfère donc reporter mon attention sur mon gentil ami qui m'apporte de quoi survivre et que j'aime fort, que j'ai envie de lui faire des câlins et oh mon dieu je pense qu'il y a trop de morphine, je perd un tout petit peu les pédales là.

Ca doit te faire plaisir de pas être à l'hosto pour une fois. Je t'autorise à faire une petite danse de la joie. Vas-y Kiki, moque-toi un bon coup.

Crime serait d'oublier que Loki a traversé les mêmes épreuves hospitalières que moi voire même pire puisqu'il est presque un habitué des lieux. Qu'Est-ce que j'ai pu le plaindre toutes ces fois où il a été amoché, obligé de garder le lit avec autour de lui ces stupides mâchines au "bip-bip" incessant. Maintenant, c'est mon tour et je n'ai jamais ressenti autant de compassion envers quelqu'un. Mon coloc me prodigue des conseils concernant mon rétablissement, je prends tout tant que ça peut me permettre d'aller mieux vite.

N'empêche, ce n'est pas n'importe qui qui a le droit à une visite de son patron pour se faire entendre dire "surtout, ne reviens pas bosser, reste à glander au lit le plus longtemps possible". Ou alors, seulement dans les cartoons et parce que l'employé est atrocement maladroit. Ce qui n'est pas mon cas, du moins, il ne me semble pas. Bagarreur, oui, peut-être un peu de temps en temps mais maladroit, jamais. En tout cas, je ne vais pas refuser de me reposer, au contraire, j'apprécie beaucoup ce geste et pour un peu, je cesserais presque d'avoir peur pour ma vie.

-Une danse de la joie ? J'en suis à un stade ou même si ce n'est plus pour moi, j'ai horreur de ce genre d'endroit, donc non, aucune danse, parle moi plutôt de cette infirmière ?

Ah oui, Miss Nobley (pourquoi "miss", aucune idée, ça lui va bien je trouve), évidemment qu'il a envie que je lui parle d'elle, c'est le seul rayon de soleil dans cet hôpital. Avec le stock de cochonneries que mon cher et tendre patron m'a ramené, évidemment.

Docteur, pour être précis. Elle est super gentille et elle passe souvent prendre de mes nouvelles. C'est une jeune femme très jolie je trouve, et pleine d'énergie, tu la verrais enchainer les heures, ça se lit sur son visage mais elle tient bon. Je ne sais même pas comment elle fait avec un fils en bas âge...Bref, c'est mon modèle, je veux devenir une femme et lui ressembler.

Suivi d'un signe de tête disant que non, je n'ai pas du tout l'intention de changer de sexe. Ce n'est pas un acte que l'on fait à la légère et je suis très bien dans mon corps. (Ce commentaire d'apaisement est adressé à toute la ligue LGBT, je vous aime les enfants, vous êtes géniaux comme vous êtes).
Mais c'est vrai que j'admire énormément cette jeune femme et qu'elle m'est éminemment sympathique. Mais laissons-la de côté, histoire de ne pas ennuyer mon interlocuteur.

Et toi, tu as quelqu'un dans ta vie ?

J'adore assortir ce genre de phrase d'un regard mielleux de chiot comme si je m'intéressais à Loki dans ce sens...C'est grandement pour la blague mais c'est vrai que j'adore écouter les potins et le patron de l'Idunn est un bon sujet de commérages.