Against the crowds
we change the sides

Un énième appel, une nouvelle escouade qui, en quelques minutes à peine, a été montée. Un émergé retrouvé en plein cœur d'une foule paniquée. L'intrus s'étant retiré au fond d'un bâtiment à proximité. Croyant se cacher des forces spéciales et de l'autorité. Apeuré, ou seulement dérangé, il a fini par contrarier les plans d'une organisation renommée. Toujours est-il que le coup de fil reçu était salé. La voix de l'autre côté étant bien trop acérée et agacée, tandis que les ordres ont été donnés. Une équipe sur place, l'autre en renfort si jamais tout venait à être chamboulé. Et j'en viens à espérer que ce bordel sera vite terminé. J'ai encore des émergés à interroger au QG. Pas la peine de s'attarder en ces lieux désolés qui vont partir en fumée. On entre, on sort et le tour est joué. Et avec tout ça, j'aurai encore une autre victime en plus à attraper. Un nouvel émergé que je vais pouvoir récupérer et rajouter sur ma liste qui ne cesse de s'allonger. Une autre soirée passer dans une sensible obscurité, au cœur d'une précaire intimité. Entre l'émergé et mes soins prodigués à le faire avouer. Une victime de plus qui va se confier durant nos séances improvisées. Des informations utiles que je vais récupérer afin de m'approcher un peu plus de la vérité. D'effleurer cette réalité qui ne cesse de se déformer un peu plus à chaque jour qui se met à passer. Il le fallait. Pour nous tous, et notre sécurité. Ces émergés ne sont que des proies à chasser. Des individus frappés par un sort qui leur a été mauvais. Je ne crois pas à la magie ou à ces conneries d'habitude, mais là, tout semble indiquer l'opposé. Un contraire qui ne m'est guère étranger. Avec tous les prisonniers, j'en ai vu passer des atrocités. Des récits à en faire trembler les statues marbrées. Des souvenirs pouvant faire flancher le plus inébranlable des guerriers. Des manifestations totalement organisées où leurs différences ne sont plus que les seules choses que l'on puisse contempler. En écarquillant nos yeux totalement horrifiés devant les déformations dérangées. Et voilà qu'à nouveau, je retourne sur le terrain pour  appréhender l'une de ces erreurs en liberté. Qui ne demande qu'à être laissée de côté sans qu'on ne puisse la retrouver. Et ça, je ne peux le laisser passer. Il faut qu'on aille la retrouver, et qu'on la foute derrière les barreaux pour la maintenir en captivité. La personne court un danger, déjà pour sa propre personnalité, mais aussi pour tous les autres habitants à proximité. Qui sait quels genres de manifestations elle a pu prodiguer. Quels sont les enchantements qui l'ont transcendée pour qu'elle en arrive à émerger. Devant tant d'individus, au cœur d'une foule désorganisée et fracturée. On n'a pas eu plus d'informations sur l'actualité, juste qu'elle est toujours présente à proximité. Et le fourgon de la Garde Rouge ne va pas tarder à arriver sur place pour nous décharger. Afin qu'on puisse enfin s'en occuper. Et tout arranger.

Les portes s'ouvrent en un fracas assourdissant et le leader du groupe scrute avec attention nos formes tassées sur les bancs de côté. Il nous indique la marche à suivre, l'état des lieux et nous donne les indications précises sur la position de l'émergé. Je hoche la tête en même temps que mes collègues et expire la compréhension des ordres donnés. Me redressant par après, tandis qu'en une impulsion je m'élance hors du fourgon blindé. En à peine quelques secondes, je me retrouve au dehors à faire face à l'édifice marqué par les années. Il n'est pas désaffecté, et des individus s'y trouvent encore sûrement piégés. Prisonniers par ce destin cruel et cet émergé à la dangerosité non exagérée. Il est de notre devoir de le retrouver, mais au sein de toute cette pagaille, cela semble à peine être compliqué. Je devais être prudent si je voulais l'attraper. Et pouvoir l'acculer en un coin isolé afin de mieux le capturer. L'enfermer dans les prisons de la garde va enfin alléger d'un poids la conscience des habitants à proximité. Il serait temps d'y aller, pour qu'on puisse régler l'affaire sans trop se fouler. Mais aux dires des derniers rapports, l'individu est bien plus que dérangé. Complètement dangereux et belliqueux, prêt à attaquer s'il se sent menacer. Cela ne va pas être de tout repos, et je dois avouer que je n'en suis pas plus apaisé. Mais je ne peux me permettre de flancher ou d'être ébranlé. Je dois l'observer avec attention et l'attaquer au moment le plus adapté. Opportunité qui ne va pas se présenter plus d'une fois d'affilée. Je ne sais pas encore ce que cette mission va me coûter. Peut-être ma vie, peut-être ma stabilité. En prétendant que j'en dispose d'une avant d'élaborer des plans échauffés. J'esquisse un sourire amusé à cette idée. Mes iris accrochant la structure du bâtiment détruit et complètement amoché. Pire qu'un blessé de guerre revenant des tranchées. Le leader de l'opération appelle au silence alors qu'un autre individu se met à débarquer. Un que je n'ai pas souvenir d'avoir croisé auparavant, durant mes années passées. Le sergent le présente comme un agent infiltré. Un dénommé Barnes, agent de l'espionnage spécialisé. Enchanté. Je hoche la tête en sa direction, m'abaissant derrière les remparts mis en place pour nous protéger. Le temps d'un speech, d'un discours émouvant et motivé alors que tout nous est dicté. Le sergent s'en retourne un peu en avant pour mieux percevoir les points d'entrées. Alors que je me penche vers mes camarades en retrait. Tenez-vous prêts. Accroupi derrière ces barrières, tenant fermement mon arme de service, j'attends avec impatience que le feu vert nous soit donné. Et que carte blanche soit disposée durant notre assaut organisé. Cela ne tarde pas à arriver. En une fraction de seconde, l'équipe est élancée. Jetée dans le feu de l'action tels des drogués à l'adrénaline qui pulse en nos veines échauffées. Qui fait cogner le sang contre nos tempes étirées. L'heure de mettre fin à l'horreur provoquée par cet émergé à sonnée. Et à présent que l'on arpente le hall et les couloirs à la recherche de l'atrocité, je peux sentir contre mon épiderme l'appréhension crépiter. Le temps nous est compté.

Ⓒayaraven