Going Under
Plusieurs jours se sont passé depuis la confrontation entre les civils et la Garde Rouge. Plusieurs jours se sont écoulé depuis que le QG s’est évaporé dans des éclats de flammes, mettant un terme au chaos. Plusieurs jours se sont également effrité depuis que Tao a ramené Gemma, sa mère de coeur, dans un état préoccupant, s’assurant de sa sécurité avant de s’en éloigner, pour éviter toutes questions.
Tao n’a pas le coeur à aller la voir. Il n’a pas le coeur à lui rendre visite directement. Il sait qu’il devra s’en expliquer. Expliquer pourquoi il s’est rangé du côté des Gardes, allant à frapper violemment des innocents avec sa clé à molette. Il sait qu’il ne pourra pas cette fois lui mentir. Comme il n’a pas su mentir plus longtemps à Avery, celle qui considère comme sa soeur. Ou à Paige. Paige, son ex petite-amie qui la prit sur le fait des semaines plut tôt, quand il était sur les traces d’un émergé pour l’abattre d’une balle. D’une seule. Émergé qu’il n’a jamais pu retrouver d’ailleurs, le mettant doublement dans l’embarras.
- Bordel.
Un râle qui s’échappe de ses lèvres pincées tandis qu’il marche dans la rue. Prend l’air, reste droit et fier malgré ses muscles crispés et sa mâchoire tendue. Car en ce moment, il a l’amère impression que tout lui échappe. Que rien ne va. Emprisonné dans des sentiments. Des émotions. Qui ne lui ressemblent absolument pas. C’est vrai. Tao n’a jamais été de ceux qui font dans les sentiments. Il n’a jamais été de ceux qui protège ses proches ni les défend. Pour la simple et unique raison qu’il ne pense généralement qu’à ses contrats. Des contrats qui lui offrent une somme alléchante, l’éloignant de tout principe sans culpabilité ni remord. Tuer non pas par plaisir mais par choix. Le choix d’un travail. D’un boulot qui a lui même choisi bien des années plus tôt.
Solitaire jusqu’au bout. Visage neutre et aucune marque d’affection. Pour personne. Pas même ses proches dont il a mit un point d’honneur à se tenir longtemps à l’écart. Alors pourquoi? Pourquoi, il marche là, sans aucune raison précise. Pourquoi il n’est pas en quête d’un nouveau contrat pour rattraper son erreur. Son unique erreur dans sa carrière plutôt bien réputée. Pourquoi il ne fait que penser. A Gemma. A Avery. A Paige. A la manière dont cette dernière lui a parlé, confronté. A la manière dont elle l’a retenue, maîtrisé. Ses mots claquent encore dans sa tête. Il aurait pu la tuer. Mettre un terme à sa vie pour se protéger. Oui. Il aurait pu l’abattre. L’abattre comme il a déjà abattu un ami. Un proche qui s'avérait être un émergé. Il aurait pu retourner alors à ses activités sans être dérangé mais l’amour qu’il a pour elle. L’amour qui lui porte encore malgré leur relation houleuse. A de quoi visiblement le perturber.
Tout le perturbe en vérité. Tao le sent. Il le sent et cela ne le lui plaît guère. Il ne sait pas sur quel pied danser. Tout paraissait si simple avant et il pousse un soupir. Il passe une main fébrile dans ses cheveux pour les repousser en arrière. Il doit se reprendre mais comment le faire alors qu’il a l’impression subite d’être face à un mur. A un mur qui le rend différent, pensif, le propulsant sur un chemin inconnu. Sans le vouloir vraiment. Il est tellement plongé dans ses pensées qu’il ne voit pas cette voiture arriver. Cette voiture luxueuse aux vitres teintées qui tourne à un coin de rue pour se rapprocher dangereusement de sa direction. Il est tellement plongé dans ses songes qu’il ne voit pas cette vitre s'abaisser. Cette arme se brandir alors qu’il se contente de fixer au loin, remettant de l’ordre dans son esprit quelque peu embrouillé.
“Hey ! Le monnayeur. De la part de Mr. Hall.”Ce fut seulement quand il entend son pseudonyme. Suivi de ce nom qui lui est étrangement familier qu’il comprend. Se retourne. Pas assez vite cependant pour éviter le drame à venir. Ce fut seulement quand il entend, perçoit cette détonation qu’il serre la mâchoire. Qu’il se crispe, s’abaisse légèrement mais il est déjà trop tard. Trop tard pour éviter cette balle qui se dirige à présent droit sur lui. Pour le punir d’avoir raté. Pour lui donner un premier avertissement dans son échec cuisant. Son premier échec qui pourrait bien lui coûter la vie dans cette rue déserte.
- Merde...
La douleur qu’il ressent quelques secondes après est brutale, soudaine, perçante. Son corps est propulsé en arrière. Un grognement rauque traverse la barrière de ses chairs et son genou claque violemment contre le sol. Sa vision se trouble. Instinctivement, sa main vient à se poser sur son flanc et il chancelle, essaye vainement de se maintenir en sentant un liquide chaud couler entre ses doigts. Touché. De plein fouet et quand il ne s’y attendait pas. Son visage se tend. Ses sourcils se froncent. La voiture s’éloigne dans un crissement de pneus et il pousse un unième grognement. Il tente néanmoins de rester debout. Ou du moins, de ne pas sombrer. Il sent son cœur battre à un rythme irrégulier. Ses muscles tremblent et il entend un nouveau bruit au loin. Il voit une silhouette se rapprocher sans qu’il ne parvienne cette fois à la distinguer. Un regard et ses dents qui se serrent tandis qu’il se refuse de perdre connaissance. De se mettre encore une fois dans une position de faiblesse. Mais la douleur le transperce et il titube, sent son dos frapper violemment le bitume, le propulsant à terre dans un état à demi-éveillé.