Combien de temps, Artémia et Tysha n'ont pas vu leur famille? De nombreux jours, de nombreuses semaines, de nombreux mois. Silencieuse, la jeune amazone sent son coeur se serrer à cette pensée. À la pensée de ce manque qui aurait pu être comblé à la perspective de les revoir. Là, maintenant, tout de suite alors qu'elles sont déjà en route même pour les retrouver. Cependant - oui - son coeur vient à se serrer. A se contracter bien qu'elle garde un visage fermé, concentré. Car les circonstances ne sont pas celles escomptées. Car les raisons de ce retour brutale ne sont pas celles choisies, souhaitées. Oui. Qui aurait pensé en ce début de semaine qu'elles recevraient un appel désespéré. Un appel de détresse de cette soeur, de cette amie, leur implorant de revenir pour un conflit qui peine à se régler. Pour un conflit qui mène leur tribu à mal, par des femmes qui ne supportent plus leur existence au point de les confronter.

Soupir. Regret de les avoir abandonné. Tension même éprouvé alors qu'Artemia - oui - regrette. Regrette à cette seconde écoulée d'être partie. D'avoir suivi sa meilleure amie, abandonnant sa famille aujourd'hui percée, titillée par des femmes - des semblables - qui n'approuvent en rien leur façon de vivre et de penser. Elle s'en veut quelque part. Elle s'en veut malgré elle alors que sa présence n'aurait pourtant rien changer. Elle le sait. Une inspiration comme pour calmer cette culpabilité et cette colère de voir sa tribu, sa famille, aujourd'hui insulter. Puis un regard. Un regard vers sa meilleure amie qui doit éprouver la même inquiétude qu'elle, depuis que Taila leur a brièvement expliquer au téléphone ce qui est en train de se passer.
- Tu penses que nous allons arriver à temps? J'ai tellement l'impression de les avoir trahi. On n'aurait jamais du partir. On aurait dû rester.

Surtout qu'en ce moment, l'Amazone est en proie à de drôle de rêve, à de drôle d'hallucination qu'elle est bien incapable d'expliquer. Cela a commencé doucement. Au début, elle n'y prêtait pas attention. Elle mettait ça sur le compte de la fatigue, du stress accumulé. Elle mettait ça sur le compte - oui - de ce qui se passait à Genosha. De cette tempête qui avait mit les deux femmes à mal, dans cette forêt - pourtant - où elle s'était toujours senti en sécurité. De cette guerre déclarée. De cette rupture entre le Shield et la Garde Rouge bien que cette dernière, elle n'avait jamais vraiment appréciée. Puis de cette mission. De ce sentiment nouveau. De cette curiosité. De cette bienveillance dirigée vers Noah, un homme qui tend maintenant à la perturber. Mais non. Cela a continué. Les rêves ont perduré et l'image de Tysha, baignant dans son sang, mourant dans ses bras, lui revient sans cesse sans qu'elle ne puisse rien contrôler. Sans qu'elle ne puisse rien démêler, n'osant même pas en parler, se confier par peur d'être jugée ou par simple fierté.
- Je n'aurai jamais pensé revenir dans de telles conditions. Pas toi?

Un soupir. De nouveau, un regard dirigé vers ce continent, ce pays qu'elles avaient pourtant toutes deux décidées de quitter. C'est si étrange. De revenir ici. De revoir ce lieu bien différent de l'île habité. Des souvenirs rejaillirent. Des bons comme des mauvais entremêlés. Artémia prend une grande inspiration comme pour se calmer. Comme pour détendre son cœur qui tend à s'emballer pour des raisons pas toujours expliquées. Le temps s'écoule. Les heures aussi et les deux amazones - bientôt - foulent cette terre sauvage, intact à la civilisation qui lui donne du baume au cœur, de l'énergie à se préparer à la suite enragée. Elles foulent cette terre - oui. Cette terre que certains voient comme inhospitalière alors que la nature garde ses droits dans ces lieux reculés.
- Taila doit nous attendre un peu plus loin.  

Une voix plus assurée. Une démarche plus certaine, dressée tandis qu'elle relève la tête. Retrouve le courage et la détermination de les aider. Comme une habitude, un soutien implacable, sa main vient prendre celle de Tysha et un murmure est lâchée, à la situation précaire qui semble se dessiner, là-bas, un peu plus loin dans les yeux dans leur sœur qui les attend, le corps tendu et l'arme en main, vigilante surement d'être espionner - ou pire - attaquer par ce qui devrait être des semblables et non des ennemies dressées. Des femmes qui auraient pu comprendre leur position au lieu de les haïr, pour ne pas partager leurs idées.
- Je pense que tu seras plus à même de parlementer et d'essayer de les calmer sans en venir aux mains. Personnellement, je ne suis pas sûr d'avoir la patience escomptée.

Ⓒslythbitch.

Back to Wabakimi, my friend

La marche silencieuse du moment me force à batailler avec mes pensées intérieures. Je me mordille la lèvre alors que quelque part, ma gorge se noue à l’idée de revenir au village. J’ai l’impression que cela fait des lustres que je n’ai plus eu de contact avec ma famille, mes proches là-bas. Des mois, facile, si ce n’est plus d’une année. C’est assez rare que l’on retourne au sein de Wabakimi il faut dire, plus encore alors que je suis la première à vagabonder un peu partout ailleurs sur l’île de Genosha et à l’extérieur de celle-ci. Malgré tout, je ne sais comment envisager ce retour inopiné. Parce qu’à ce stade, il n’est ni voulu, ni forcé. Les circonstances de cet aller au bercail sont en effet quelques peu improvisées. Un appel d’une sœur de cœur, Taila, c’est ce qu’il aura fallu pour motiver notre voyage à durée indéterminée. L’amazone nous apprenant alors, rapidement, usant de cette technologie tant récriée par notre communauté, que le village est en danger. Menacé par des femmes de « l’autre côté », rendues déraisonnées par la haine, la rancune et sûrement la peur de voir notre petit peuple vivre ainsi reclus du monde, enhardi par la méfiance, pour ne pas dire la détestation de l’homme. Je retiens un soupir, maudissant ce conflit ainsi ouvert. Quelque part, je m’en veux. D’être partie, de n’avoir pas su convaincre les miens d’évoluer, de tolérer un peu plus le reste de l’humanité. D’un autre côté, je me dis aussi qu’on l’a cherché. A s’isoler dans la forêt, à revenir à des méthodes de vie plus traditionnelles, voire préhistoriques, causant ainsi l’incompréhension au sein d’une société civilisée qui ne se trouve qu’à quelques kilomètres à peine de notre localisation. Mes sentiments sont contradictoires, et je me déteste pour ça. Pour ces impressions que j’ai échoué, que j’ai déçu ma communauté. Mais aussi pour ce ressenti opposé qui m’habite, qui me pousse à croire que nous avons attisé la haine de l’autre, et que nous n’avons jamais rien fait pour la morceler, pour tenter de comprendre également le point de vue de l’autre. En clair, je suis mitigée, divisée. Comme je l’ai toujours été, quelque part, et c’est bien pour ça aussi que j’ai voulu découvrir le monde à ma manière.

Sauf qu’on voit le résultat aujourd’hui. Je soupire, une moue déformant mes traits. Je ne dis pas que notre départ ait vraiment tout changé. Notre égo, à Artémia et moi, n’est pas aussi alimenté pour vraiment croire à ça. Je songe simplement que nous aurions peut-être pu avoir plus d’impact au sein de notre communauté, si nous étions restées. Ou bien, on aurait pu partir moins loin, convaincre d’abord les canadiens du bien-fondé de notre existence, mais surtout de notre pacifisme. Oh et puis merde. Est-ce que je vais vraiment me convaincre de ça ? Je suis complètement heureuse de ma vie actuelle, sur Genosha. C’est égoïste, mais j’ai enfin trouvé un but à mon existence, et je ne compte pas foutre tout en l’air en un claquement de doigts. Je ne regrette pas mon choix. Je savais qu’il aurait des conséquences. Je ne pensais juste pas que notre village serait à ce point mis en cause par d’autres êtres vivants. Pour ça, bien sûr, j’ai mes remords. Mais qu’est-ce que ça aurait changé que deux âmes soient présentes en plus dans le village ou non ? « Ne dis pas ça. Tu sais bien que ça n’aurait rien empêché. Notre communauté diffère bien trop du reste de la civilisation pour ça. » Mais oui, quelque part, je suis persuadée qu’on aurait pu agir au niveau de ces femmes qui nous attaquent, si nous avions pu nous rencontrer. Mettre les points sur les i sur nos façons de vivre mutuelles. « Nous allons arriver à temps, je te le promets. » J’ajoute malgré tout, guère convaincue. J’essaie de rassurer autant ma meilleure amie que moi-même. Je me sens surtout responsable d’Artémia, tout de suite. Je sais qu’elle s’en veut, qu’elle se sent coupable. Et j’ai le sentiment que tout est de ma faute. Sans moi, elle ne serait pas partie. D’un autre côté, je ne pense pas que sans elle, j’aurais osé poursuivre mon rêve non plus. Oh bon sang, je me sens si mal.

Je retiens un nouveau soufflement, choisissant le refuge agréable du silence. Nous nous approchons sérieusement de notre maison, de notre domaine familial, que nous avons quitté il y a longtemps maintenant. J’ai l’impression que cela fait une éternité. C’est loin d’être le cas, mais bizarrement, plus on avance vers les nôtres, plus je me sens étrangère à cet endroit qui m’a vu grandir. J’ignore ce désagréable sentiment, me concentrant sur les paroles d’Artémia. Je suis son regard, foulant cette terre si particulière d’un pied souple, frottant mes bracelets de cuir l’un contre l’autre. « Oui, je la vois, là-bas. » Taila est tendue, droite comme un i. Une lance tenue dans sa main droite, les yeux vifs se perdant sur les horizons sans rester figés au même endroit plus de quelques secondes. Oh bon sang. Pour qu’elle agisse telle une gardienne d’un temple sacré, c’est que les femmes vengeresses ne doivent pas être loin. Je réponds au geste de ma meilleure amie en lui serrant la main, bien que je lâche un oh surpris à son avis. Levant les yeux au ciel, alors même, en un sens, qu’elle n’a pas totalement tort. « Artémia, ce n’est pas parce que j’ai toujours eu une vision un peu plus extérieure à notre communauté que je peux garantir un pourparler avec ces femmes. Pour qu’elles menacent le village, c’est qu’elles doivent être bien perchées elles-mêmes… » Et pas qu’un peu. On n’a jamais tenté d’agresser un de leurs hommes, que je sache. Je soupire malgré tout. « Mais je te promets d’essayer. De tout faire pour les calmer. » Après tout, je dois bien ça aux nôtres. On rejoint enfin Taila, adoptant une posture plus discrète, plus animale pour imiter sa position. Chacune notre tour, on serre notre sœur dans les bras, en couinant doucement. « Taila, qu’il est bon de te retrouver. » Je chuchote en premier, un sourire au coin des lèvres. Si toutes nos proches n’ont pas toujours adhéré à mes idées, Taila s’est toujours montrée compréhensive et patiente avec moi. Pour qu’elle en vienne à utiliser un téléphone portable, c’est bien qu’elle est ouverte à l’évolution de notre communauté elle aussi. Elle nous répond droit dans les yeux : « J’aurais préféré que ce soit en de meilleures circonstances, mes sœurs. » J’hoche la tête, enchaînant sans tarder. Après tout, le temps est compté : « Où sont-elles ? On va essayer de leur parler. » Enfin je vais essayer, surtout, mais j’aimerais que ma meilleure amie reste à mes côtés. Que sa force soit mon soutien alors que nous allons bientôt les confronter. Taila tend le bras, désignant l’extrémité du village, où, en plissant les yeux, nous pouvons constater une masse sombre s’étaler dans la forêt. « Par là-bas. Elles ont monté un campement, et n’en ont pas bougé depuis plusieurs jours. On redoute une attaque à chaque instant. » J’échange un regard inquiet avec ma sœur de cœur, avalant difficilement ma salive. Si nos sœurs sont des guerrières, leurs craintes sont fondées. Les gens en société, maintenant, ont facilement accès à des armes à feu. Un affrontement pourrait vite tourner à un bain de sang. Pressant son poignet, je lui adresse un nouveau signe, remerciant Taila de ses indications avant de me remettre en route. « Très bien. Allons-y. » Je lorgne sur Artémia, attendant qu’elle me suive. Elle n’a pas à le faire, et pourra très bien préparer la défense avec nos consœurs. Mais je ne sais honnêtement pas si je serais capable d’aller toute seule affronter ces étrangères.

Terre sauvage, inhospitalière. Terre d’abondance aussi alors que les amazones ont toujours mis un point d’honneur à la préserver. Artémia sent à nouveau cette odeur. Cette odeur rassurante, apaisante. Cette odeur de forêt dont elle affectionne particulièrement. Elle essaye de calmer son coeur. Coeur qui tambourine fortement contre sa poitrine crispée. Coeur qui a bien du mal à se calmer, à s’apaiser à cause de tout ce qu’elle a en tête. A cause de ses cauchemars, ses impressions soudaines, ce message aussi qui tend à l’inquiéter. Oui. Malgré tout, cela lui fait du baume au cœur. Cela lui fait du bien de revenir sur ces terres qu’elles ont toutes deux laissées, abandonnées. Elle se sent chez elle, contrairement à Genosha qui lui est encore - à ce jour - étranger. A ses côtés, Tysha essaye de la rassurer. Par ses mots, sa voix qui lui soutire un léger sourire attristé :
- J’espère. Je sais que tu as parfaitement raison mais je ne peux malgré tout m’empêcher d’y songer.

Oui. Elle espère. Elle essaye de ravaler cette culpabilité qui - dans un sens - la ronge depuis qu’elles sont parties. Depuis qu’elles ont laissé leur peuple ici. Aux prises de la mauvaise incompréhension des personnes qui ne comprennent pas leur façon de vivre. Sa main garde celle de Tysha comme un moyen pour elle de se rassurer, de se redonner du courage dans ce conflit qui semble - pour leur peuple - les tirailler, les mettre en danger. Ses pas se font plus rapides, plus déterminés. Avec ça, ses cauchemars. Cette impression étrange de revivre quelque chose de dramatique. Du sang. Des larmes. Non. Elle ne veut pas y songer. Pas maintenant. Pas alors qu’elles se trouvent ici pour revoir leur famille délaissée. Pas alors que ces dernières ont besoin de leur aide sacrée. Artémia se raccroche plus à la présence de sa meilleure amie à ses côtés et ses sourcils se froncent. Ses yeux accrochent la silhouette familière de Taila, tendue, lance dressée, signe évident de la tension qui subsiste en leur peuple malmené. Elle fait part de ses réflexions à Tysha. Celle d’être plus à même de parlementer, de parler éventuellement à ces femmes pour calmer cette discorde dont elle n’est pas sûre de son côté d’apaiser. Cette dernière semble - quant à elle - surprise et lui murmure ses propres pensées. Elle lui promet cependant d’essayer, ce qui lui soutire un sourire rassuré :
- Merci. Je sais que tu essayeras. Tu sais bien que j’ai toute confiance en toi.

Un regard. Une œillade appuyée. A nouveau, l’Amazone sert la main de son amie à ses côtés et les voilà toutes deux devant leur sœur, le cœur cependant lourd par la situation infligée. Artémia salue Taila d’un simple hochement de tête. Elle écoute cette dernière parler et constate amèrement que ces femmes - ces ennemies - semblent particulièrement déterminées à semer le conflit entre leur peuple et elles. Poster un campement n’est pas anodin et ses traits se crispent, ses sourcils se froncent. Elle reste cependant muette, pensive, se contentant d’approuver quand sa meilleure amie prend les devants en leur semant d’y aller. Elle hésite - au premier abord. Elle sait que contrairement à Tysha, elle n’aura pas la même patience, le même don de parlementer. Elle ne s’est jamais senti à l’aise devant des étrangers. La preuve au Shield alors qu’elle préfère souvent rester en retrait plutôt que de socialiser. C’est sa nature. Cela l’a toujours été. Elle soupire néanmoins et murmure, se promettant malgré tout de ne pas laisser sa sœur seule au prise d’un éventuel danger.
- Oui. Allons-y. Qui sait, avec un peu de chance, elles écouteront.

Ou pas. Tout repose sur elles désormais. Le cœur battant, l’Amazone suit Taila au cœur même de la forêt. Elle ressent sa force, ses pouvoirs. Le pouvoir de la nature qui tend encore une fois à l’apaiser. Le pouvoir des arbres, de la végétation alentour qui tend à la calmer. Elle goûte à cette impression familière qui - oui - lui a tant manqué. Mais cette paix est de courte durée. Au loin, le campement se dessine et l’odeur de feu - un feu de camp dressé - flotte à leur narine. Elle murmure à voix basse à Taila à ses côtés pour plus de sécurité :
- Taila, prévient tout de même nos sœurs. Dit leur de se tenir prête à toute éventualité. Qui sait comment cela va se dérouler.

“Bien. J’y vais” répond en retour l’Amazone en posant sur son épaule - une main dressée. “Faites attention à vous. Que notre déesse vous accompagne mes sœurs. On se retrouve bientôt et cette fois, nous aurons peut-être davantage l’occasion de fêter votre retour.”

Un sourire dessiné. Une ultime œillade avant que cette dernière ne glisse dans cette forêt qui n’a désormais plus de secret pour elles. Artémia prend une grande inspiration avant de se tourner vers Tysha, le regard désormais déterminé :
Tu es prête? A espérer maintenant qu’elles ne nous tirent pas dessus avant même qu’on réussisse à leur parler.

Ⓒslythbitch.