En allant prendre sa pause à la salle commune, Jaimie avait commencé à comprendre ce qui causait une telle agitation dans cet hôpital d'ordinaire assez calme: Une catastrophe monumentale. Et c'était arrivé dans l'après-midi à la fête foraine nouvellement installée à Genosha.
Les reporters avaient tenté de reconstruire la suite des événements, mais tout était flou. Ils n'avaient que pu constater la chute de la grande roue, subitement détachée de son axe.
Et bien sûr, la catastrophe avait fait des morts, et des blessés. Certaines personnes n'avaient pu être sauvées, et les autres avaient été rapatriées d'urgence au Hammer Bay Hospital, de quoi faire faire des heures supplémentaires à l'ensemble du personnel.
Et Jaimie avait été choisie pour seconder l'un des médecins chargé des examens pour les blessés les moins lourds.

Les patients, comme leur nom l'indiquait, patientaient, le temps que leur tour arrive. Et Jaimie était chargée de les appeler grâce à une liste qu'une de ses collègues avait constitué.
La soirée passa, les patients défilaient. Certains s'en sortaient avec de simples bleus, d'autres avec des fractures, pour les moins chanceux.

Enfin, la salle d'attente commençait à se vider. Il y en aurait d'autres cette nuit, mais les équipes allaient changer. Cala ne serait plus son problème ni celui de ses collègues.

Relâchant le dernier patient tandis que le médecin s'absenta pour chercher des outils manquants, Jaimie lui le prochain nom sur sa liste.

Skuld Gapdottir...
Ce nom...Elle l'avait déjà croisé quelque part. Cette info était quelque part dans sa mémoire. Elle chercherait plus tard.

A l'appel du nom, une jeune femme brune à la peau pâle se leva et vint la rejoindre en boitillant.
Une fois la porte refermée, Jaimie lui demanda de se préparer en attendant le médecin.

Et tandis que la patiente se mettait en culotte et soutien-gorge, l'endroit où elle avait pris connaissance de son nom lui revint.
Un nom aussi peu commun que celui-là à Genosha ne pouvait que marquer les esprits, et donc demeurer dans les souvenirs de ceux qui le lisaient ou l'entendaient.

-Excusez-moi, lui demanda-t-elle alors. Je me trompe peut-être mais...Est-ce que le nom de Nicholas Frances vous est familier?

   

Elle avait eu l'impression d'avoir lâché une bombe.
Presque immédiatement après avoir posé sa question, il y eut une réaction de la part de la jeune femme blessée en sous-vêtements.

-Vous connaissez Nicholas Frances? Lui avait-elle alors demandé. Où est-il? Quand j'ai demandé de ses nouvelles au standard, personne n'a su me renseigner, apparemment il n'y avait personne de ce nom ici, ni avant, ni jamais.Et comment va-t-il? Demanda-t-elle encore. La dernière fois que je l'ai vu, c'était quand il a eu ce malaise et que j'ai dû appeler les secours...Il avait été emmené ici, pourtant. Que s'est-il passé?

Elle fit un mauvais mouvement, ce qui réveilla la douleur de son pied.

-Asseyez-vous, lui proposa alors Jaimie afin de lui éviter des douleurs supplémentaires en lui montrant la table d'examen. Cela fait pas mal de question, mais je vais tâcher d'y répondre le plus précisément possible.

Elle laissa à Skuld le temps de s’asseoir avant de s'adresser de nouveau à elle.

-Oui, déclara-t-elle toujours debout. Je connais Nicholas. Je me suis occupée de lui quand il nous est arrivé à l'hôpital mais...Je n'aimerais pas trop que cela s'ébruite. Il n'est plus dans les fichiers et personne ne cherche plus pourquoi. Évitons de réveiller ces vieilles questions.

Elle prit son style, prête si le médecin arrivait.

-Ne vous inquiétez pas à son sujet, dit-elle encore. Il va bien et il est en sécurité quelque part où personne n'aura l'idée d'aller le chercher. Ici il a eu encore de légers saignements et de petites migraines, mais cela ne s'est plus reproduit depuis qu'il est sorti.

Le visage de Skuld sembla alors se détendre, et la jeune femme lui envoya un sourire reconnaissant.

-Il va bien, répéta encore Jaimie. Et je peux vous remercier en son nom. Vous lui avez sauvé la vie. Je lui dirai que je vous ai rencontrée et que vous vous inquiétez pour lui. Il se pense tellement seul...Il l'est dans un sens, mais pas autant qu'il ne le croit. Cela lui fera plaisir d'entendre parler de vous.

Et je peux aussi vous en remercier, pensa-t-elle. Car sans vous, jamais je ne l'aurai rencontré. Et jamais je n'aurai trouvé un nouveau sens à ma vie. Grâce à vous je peux aider quelqu'un qui en a plus que besoin, et cela n'a rien de banal.

   

Skuld la remercia de lui avoir accordé sa confiance et Jaimie la remercia de son habituel sourire aimable. C’était la moindre des choses, après tout.
Puis le médecin arriva finalement, les bras chargés de quelques outils manquant pour les examens.
Skuld eut à décliner son identité, puis le doc lui demanda ce qui s'était passé afin de faciliter la détection ds blessures.

-J'étais là-bas avec une amie, déclara Skuld tout en se laissant ausculter. Elle a été relâchée, elle n'avait rien. Mais elle a insisté avec vos pairs pour que je me fasse examiner à cause de ma cheville. Quand la grande roue est tombée, on s'est enfuies et dans ma course, j'ai malencontreusement heurté un piquet. Et après j'ai dû sauter en avant pour éviter le cercle extérieur de la roue. J'ai amorti la chute avec mes mains mais je suis vite retombée sur les coudes. Du coup, je sens quelques douleurs aux poignets et à la cheville. Plus importante, celle de la cheville.

Ses dires étaient similaires à ceux de beaucoup d'autres patients. En effet, tous avaient évoqué la chute de la grande roue, désaxée ils ne savaient trop comment. Tout ce qu'ils savaient, c'était qu'ils étaient partis pour s'amuser et avaient fini au beau milieu d'une scène apocalyptique.
Skuld avait eu beaucoup de chance d'échapper ainsi à la chute de la roue. Certains visiteurs n'y avaient pas survécu et d'autres avaient été immédiatement admis en soins intensifs.

Le médecin procéda dont à un examen de routine complet. Température, tension, rythme cardiaque...Puis il vérifia les membres de la jeune femme à présent allongée sur la table d'examens. Skuld grimaça lorsqu'il lui prit les poignets et la cheville droite. Apparemment tout allait bien, sauf ces trois éléments. La cheville en particulier.

-Entorses, diagnostiqua le médecin. Celle de la cheville est plus importante que celles des poignets. Il vous faudra des bandages et surtout, beaucoup de repos. Pour le reste, tout va bien.

Mais Jaimie vit que la patiente ne soufflait pas pour autant. Pourtant, à sa place, c'est ce que d'autres auraient fait. D'autres l'avaient d'ailleurs fait plus tôt dans la soirée.

Finalement, une collègue infirmière vint chercher en urgence le médecin qui chargea Jaimie des bandages. Elle en était capable, après tout. Elle avait été formée pour ça.


 

Une fois le docteur parti, Skuld commença à s'inquiéter.

-Ça ne va pas...Disait-elle. Je suis archéologue. J'ai besoin de ma cheville et plus encore de mes poignets...

Jaimie venait d'attraper les bandes de contention élastiques. Elle comprenait cette inquiétude. Si elle-même se trouvait handicapée un certain temps, elle ne savait pas ce qu'elle pourrait faire. Le travail d'infirmière aussi était assez physique. Il fallait courir de partout, éviter de perdre son équilibre, être précis...

-Ces bandes vous aideront, lui dit alors l'infirmière en se dirigeant vers elle. Cela forcera votre cheville et vos poignets à rester bien en place. Par contre, il est vrai qu'il faudra y aller mollo sur les efforts physiques. Mais votre métier ne doit pas avoir qu'un seul côté. Vous pouvez faire des recherches parallèles, non?

Jaimie commença à attacher la première bande, celle de la cheville.
Et si Skuld avait retenu sa grimace de douleur, l'infirmière sentit son tressaillement.

-Désolée, s'excusa-t-elle. Si cela fait trop mal, vous me le dites.

Mais elle ne dit rien. Elle se contenta de continuer:

-Et comment je vais rentrer? Ma voiture se trouve devant chez moi à Emman...Même si je l'avais, je ne pourrais pas appuyer sur le frein et l'accélérateur...

-Votre amie qui était indemne, ne pourrait-elle pas venir vous chercher? La questionna alors l'infirmière. S'il est un peu tard pour elle, nous pouvons mettre une chambre à votre disposition pour la nuit.


Elle acheva le premier bandage et passa ensuite aux poignets.

-Et je vais devoir garder tout ça combien de temps? Demanda Skuld. Histoire de ne pas empirer le truc si je l'enlève trop tôt...

-Gardez-les au minimum un bon mois, répondit alors l'infirmière, prise à sa tâche. Un mois et demi pour la cheville je dirais. Mais vous sentirez la douleur disparaître peu à peu. Vous sentirez quand sera venu le moment de le retirer mais si vous avez un doute, vous pouvez appeler votre médecin sur Emman ou venir nous voir ici.

Elle acheva le premier bandage du poignet avant de passer au second. Le dernier. Les poignets étaient moins douloureux et Skuld se laissa faire sans se raidir ou tressaillir.

De toutes façons, Skuld Gapdottir était une patiente bien moins difficile que Nicholas.