La jeune Lydia Walsh, cinq ans, tournoyait sur elle-même dans sa belle robe de couleur saphir qui faisait ressortir sa crinière blonde et ses yeux de couleur miel. Elle ne cessait de se regarder dans le grand miroir installé dans la pièce où sa mère et son entourage était en train de mettre la touche finale à la robe de mariée de cette dernière qui resplendissait de bonheur. En effet, Helen allait épouser Georges Rossum, un riche banquier allemand. Cela faisait deux ans que sa mère avait rencontré son beau Georges et qu’elle avait retrouvé le sourire. Le père de Lydia les avait abandonnées alors que la fillette n’avait qu’un an. Sa mère ne lui avait jamais révélé la raison. D’ailleurs, Helen ne parlait jamais de son premier mari, mais elle y pensait souvent. Lydi le savait parce qu’elle apercevait souvent des larmes dans les yeux nostalgiques de sa maman. Tout ce que savait la petite, c’est qu’elle avait hérité de sa tignasse blonde et de son amour des gâteaux. Sa mère lui avait dit qu’il les confectionnait. Il les avait laissées dans la misère et le duo avait dû quitter la belle ville de Londres où était née Lydia et retourner dans le pays natal de sa mère, l’Allemagne. Sa mère avait dû trouver plusieurs petits boulots pour subvenir aux besoins de sa fille. Elles avaient eu un peu d’aide de sa grand-mère et de sa tante, mais ces dernières ne croulaient pas non plus sous l’argent. Elles s’étaient serrées les coudes jusqu’à ce que l’héritier Rossum croise leur chemin et change leur vie. D’un seul coup, Helen n’avait eu plus à se soucier de rien.
Helen demanda à tout le monde de sortir de la pièce, sauf Lydia. Sa mère prit ses petites mains dans les siennes et se pencha pour être à la hauteur de l’enfant. "Maman, tu vas froisser ta robe!" Helen lui sourit. "À partir d’aujourd’hui, notre vie ne sera plus la même. Cela a été difficile, mais on s’en est sortie et on mérite d’être heureuses. Tu vas enfin connaître ce que c’est d’être une vraie famille. Tu le mérites. Je t’aime ma petite Lyly." Elle déposa un doux baiser sur la tête de la fillette et se releva en essuyant une larme qui s’était formée sous son œil. "Comment je suis?" Un large sourire apparu sur le visage de la blondinette. "Tu es trop belle! Comme une princesse!" S’exclama-t-elle en entourant sa mère de ses petits bras. Lydia n’avait jamais été réellement malheureuse. Sa mère était avec elle et c’était tout ce qui lui importait, mais elle avait hâte d’avoir un papa et un grand frère et d’avoir plein de jouets et de vêtements et de vivre dans une grande maison. Elle n’avait jamais vu sa mère aussi pétillante et rayonnante. Elle allait s’unir à l’homme qu’elle aimait et qui les avaient acceptées dans sa vie et c’était le plus beau des cadeaux. "Bon, ma chérie? Tu es prête? C’est notre tour." Sa mère lui présenta sa main que la jeune fille prit aussitôt. Toutes les deux sortirent de la pièce qui les mènerait vers une vie grandiose.
———————— ͼҨͽ ————————Lydia venait tout juste de terminer son lycée dans une école privée et huppée de Berlin. Son parcours avait été honnête. Ne voulant pas décevoir sa mère et sa famille, elle avait été une élève exemplaire.
"Allez, ça va te faire du bien! Il faut bien fêter ta fin d’école et ton entrée dans la vraie vie des gens riches et célèbres." Lydi tira la langue à son cousin. Le jeune homme n’avait pas tort. La jeune fille avait la chance de ne pas être obligée de travailler ou d’aller à l’université à sa sortie de l’école. Son beau-père étant à la tête d’une entreprise prospère, elle vivait sur son bras. C’était loin de lui plaire. Elle avait toujours été travaillante et aimait se donner des défis et les accomplir, mais ce n’était pas l’avis de sa mère qui lui répétait sans cesse qu’elle serait folle de cracher sur cet avantage. De plus, Helen avait attendu la fin des études de sa fille avec impatience afin que celle-ci puisse l’aider dans l’organisation des différents événements de charité et promotionnels des hôtels. Lydia se voyait donc très mal aller à l’encontre des idées de sa mère. Elle qui avait tout fait pour sa fille unique.
"Je ne sais pas! Je vais connaitre personne! Et je doute que tu veuilles passer ta soirée à t’occuper de moi" Elle lui adressa un sourire sachant bien qu’Isaak aimait Lydia comme sa petite sœur et que trainer avec elle ne le dérangeait pas du tout.
"Ri-di-cu-le! En plus, tu vas connaitre plein de monde! Il va y avoir mes potes que tu as déjà vus. Jordan, Petey, Leo, Oscar. Tu dois venir voir c’est quoi une vraie fête. Je suis sûr que celles où es allée étaient nulles. C’est vrai qu’elle n’avait pas souvent assisté à des fêtes comme on en voyait dans les films d’adolescents. Les filles de son lycée étaient toutes coincées et avaient un balai dans le derrière. Elle n’était pas triste de les avoir quittées.
"Bon! D’accord! C’est vrai que ça pourrait être amusant!" La jeune fille aimait bien sortir et s’amuser une fois de temps à temps pour se défouler.
"Génial! Va te préparer! Moi, je vais voir ce qu’il y a dans la grande cuisine de ta mère!"***Le cousin et la cousine entrèrent dans l’appartement d’Isaak où se déroulait la fête. Isaak saluait tout le monde et leur donnait la main. Lydia se contentait de le suivre comme un petit chien et souriait à ceux qu’Isaak la présentait.
"Ah! Les voilà! YO LES POTES. Vous vous souvenez de ma cousine Lyly?" Isaak entraina la jeune fille vers un petit groupe dont les visages lui étaient légèrement familiers.
"C’est Lydia? Comme tu es belle!" "Alors tu as terminé le lycée?" "Ça fait longtemps qu’on t’avais pas vu!" Elle les entendait, mais ne les écoutait pas. Ses grands yeux verts étaient fixés sur lui. Elle l’avait toujours trouvé beau, mais à présent, il était un homme et il était séduisant. Leo la regardait lui aussi avec un léger sourire en coin qui la mettait très mal à l’aise. Sans s’en rendre compte, Lydial avait cessé de respirer en l’apercevant. Tout était flou autour d’elle. Elle entendait des rires et des voix. Elle sentait des mouvements autour d’elle, mais rien n’était très clair. Seuls la silhouette et le visage de Leo étaient visibles dans son champ de vision. Quelque chose se tramait en elle. Quelque chose qu’elle avait ressentie qu’une seule fois, mais là, c’était mille fois plus intense. C’était ça qu’on appelait le coup de foudre? Lorsque d’un seul regard on sait que cette personne deviendra importante pour vous. Lorsqu’on a le sentiment que cette personne était la pièce manquante pour vous sentir complet. La blonde ressentait exactement cela. Et la façon que le jeune homme la regardait à son tour, laissait présager qu’elle lui faisait le même effet. Elle en oublia toutes les histoires de filles que lui avait racontées son cousin. Ne voulant pas mal paraître, elle dévia difficilement son regard vers les autres et les salua d’un sourire timide. Elle ne pouvait s’empêcher de regarder le brun C’était plus fort qu’elle. Elle était complètement obnubilée par ses yeux bleus. Il ne lui avait toujours pas adressé la parole et voilà qu’il s’avançait doucement vers elle.
"Tu veux une bière?" Ne lui laissant pas le temps de répondre, il passa une main à la hauteur de ses reins et l’entraina vers le bar. Lydia ressentit un choc électrique lui traverser tout le corps. Elle entendit la voix de son cousin au loin.
"JUNG, je t’ai à l’œil!"———————— ͼҨͽ ————————Cela faisait maintenant deux ans que Lydia fréquentait Leo. Ils étaient totalement à l’opposé au niveau du caractère, de leur éducation, de leurs manières et de leurs habitudes. Lydia était organisée et faisait des listes. Elle détestait être prise au dépourvu et ne pas savoir où elle se dirigeait que ce soit pour son futur ou la journée même. Elle aimait que les choses soient rangées et à leur place. Elle était calme, posée et rêveuse. Elle était routinière et traditionnelle. L’impulsivité était chose rare dans la vie de la jeune fille. Alors que Leo était libre. Il faisait ce qu’il voulait, quand il le voulait. Il était spontané et ne s’en faisait pas pour des pacotilles. Il était extravagant et déplaçait beaucoup d’air. Il aimait sortir et s’amuser. Pourtant, ils se complétaient bien et ils avaient rarement de grosses disputes. Leur histoire était simple et agrémentée de quelques folies. Elle était belle et faisait des envieux, malgré tout. Le jeune homme réussissait à décoincer la rouquine de son train-train quotidien et à lui montrer que faire des choses sur un coup de tête n’était pas si mal et pouvait être très amusant. Lyly se laissait embarquer dans les folles aventures de son copain. Elle n’était jamais tout à fait à l’aise et cédait parfois à la panique, mais Leo était toujours là, à ses côtés et la réconfortait à coups de câlins et de baisers, mais aussi avec des commentaires rigolos qui réussissaient à la décompresser et à la calmer. Il la faisait rire, il la respectait et la faisait sentir en sécurité. Certes, ce n’était pas le plus attentionné, ni le plus romantique, il l’appréciait et lui démontrait son amour de d’autres façons. Elle était folle amoureuse de lui et sentait que leur relation devenait de plus en plus sérieuse chaque jour.
Le couple se trouvait assis sur le canapé du jeune homme, elle faisait le mot croisé du jour du journal et lui, il grattait doucement sa guitare. Lyly n’écrivait plus depuis plusieurs minutes. Elle fixait d’un regard vide le jeune homme brun. Lorsque ce dernier s’en rendit compte, il l’apostropha.
"Ça va?" La blonde sursauta.
"Tu veux des enfants plus tard?" Elle avait lâché d’un seul coup ce qui lui trottait dans la tête depuis plusieurs semaines. Ses joues rosirent. Lydi connaissait l’opinion de son petit-ami sur le sujet des enfants. Il lui en avait fait part dans les premiers mois de leur histoire. À ce moment-là, la jeune fille avait haussé des épaules. Cela lui allait très bien. Elle était jeune et ils commençaient à peine à se voir. C’était tout à fait normal. Mais, elle se disait qu’à présent que c’était sérieux et qu’ils passaient tout leur temps ensembles, peut-être qu’il avait changé d’idée. De son côté, elle se voyait parfaitement fonder une famille avec lui. Elle avait l’impression qu’elle ne rencontrerait aucun homme qui pourrait la faire sentir aussi bien et qui lui ferait découvrir la vie. Le garçon sembla ennuyé par la question.
"Naaaan. Et tu le sais. Les enfants ça pleure, ça crie, ça chie, ça vomit, ça pue. En plus, ça coûte cher, ça te draine toute ton énergie et ta vie, ça t’écoute jamais, c’est jamais content et c’est du trouble." La jeune femme mordit sa lèvre inférieure et elle s’était raidit à mesure que Leo avait énoncé les raisons de son refus. Oui, avoir un enfant comportait beaucoup de désagréments, mais aussi autant de bonheur! Les rires, les sourires, lorsqu’il faisait un bon coup qui rendait fier les parents ou qu’il vous disait qu’il vous aimait. Elle avait envie de lui répliquer cela, mais elle restait muette. L’idée de son amoureux semblait déjà toute faite. Tranquillement, elle voyait un rêve de petite fille s’envoler. Elle s’était doutée de la réponse, Leo était un gamin lui-même qui faisait ce que bon lui semblait, il avait de la difficulté à prendre soin de lui-même, alors d’un enfant? Mais, il vieillissait, Lyly s’était donc permis de croire qu’il voudrait prendre un peu de maturité et penser à autre chose que faire la fête. Leo déposa sa guitare sur le sol et passa un bras autour de sa copine.
"Naaan, pas pour moi. Tu trouves pas qu’on est bien comme ça? Juste toi et moi. Tranquilles. Pas de responsabilités. On sort quand on veut. Juste nous à penser et à s’occuper. " Il l’embrassa doucement sur le front pour clore la discussion et se leva.
"Si tu veux assouvir tes instincts maternels, on ira t’acheter un chat demain, okay?" Après lui avoir adressé un sourire, il se dirigea vers la cuisine. Lydia le regarda. Oui, pour le moment ils étaient bien, mais un jour il se pourrait qu’il manque quelque chose dans la vie de la rousse. Et ce n’était pas un chat qui comblerait complètement ce manque.
———————— ͼҨͽ ————————"Félicitations! T’es le meilleur! Tu vas trop me manquer!" En apprenant que son cousin chéri avait été accepté dans un hôpital réputé des États-Unis afin d’y faire son Internat, elle lui avait sauté dans les bras. Elle était si heureuse pour lui! Il avait travaillé si fort. Il lui donna un baiser sur le front avant de s’éclipser dans sa chambre pour annoncer la nouvelle à ses proches. Lydia n’avait pas aperçu le regard échangé par les deux amis. Leo se rapprocha d’elle, l’air soucieux. Il lui prit les mains et planta son regard dans le sien. Lydia fronça les sourcils. Elle ne l’avait jamais vu ainsi.
"Je sais pas comment te le dire, alors j’y vais direct…J’ai décidé de suivre Isaak aux States." Le cœur de la jeune fille manqua un battement et elle se recula. Ça sortait d’où cette histoire? Jamais, il ne lui en avait parlé. Est-ce que ça signifiait qu’il l’a laissait tomber?
"Tu viens avec nous?" Elle pencha la tête sur le côté tentant de déchiffrer s’il disait cela par politesse sachant qu’elle détestait le changement et les folies, qu’elle avait une mère qui ne l’accepterait pas et donc qu’elle refuserait ou s’il le voulait vraiment. Il semblait sincère.
"J’ai vraiment envie que tu viennes. Je pense que ça te ferait un bien fou et ça serait trop génial, non?" Lyly resta de marbre. Les pensées dans sa tête tourbillonnaient à une vitesse folle. La réaction de sa mère. Il leur faudrait un toit. Il faudrait repartir à zéro. Il leur faudrait trouver du travail et demander un visa. Ils n’allaient connaître personne. C’était une autre culture. Ils n’avaient pas d’argent.
"Okay. Oui, je viens avec vous!" Leo semblait surpris, mais très heureux. Son regard brillait et il prit sa copine dans ses bras et ils tournèrent sur eux-mêmes riant aux éclats.
———————— ͼҨͽ ————————Cela faisait maintenant près de six mois qu’ils avaient déménagé à Boston. Tous les trois avaient rapidement trouvé un petit appartement, un peu trop serré pour trois, mais qui faisait bien l’affaire et qui ne se trouvait pas trop loin de l’hôpital où travaillait Isaak. Lydia, avait l’aide de son beau-père, avait réussi à se trouver un emploi comme commis dans une banque et s’était inscrite à l’école hôtelière en pâtisserie. La relation avec sa mère était au point mort. Cette dernière n’avait toujours pas avalé que sa fille unique soit partie sur un coup de tête avec un type qu’elle détestait. Helen n’avait jamais apprécié Leo, le trouvant insipide et sans avenir. Elle n’avait jamais pris la peine de le connaître. Chaque fois que les deux femmes discutaient au téléphone, elles se disputaient. Lyly ne regrettait pas son choix. Pour la première fois de sa vie, elle pouvait penser à elle sans avoir le regard accusateur de sa mère sur elle.
Ayant tous les deux une journée de repos, le petit couple avait décidé d’aller se balader en voiture pour profiter du soleil. Ce qui s’annonçait être une promenade rafraîchissante tourna rapidement en cauchemar. Tout s’était passé rapidement. La lumière venait de passer au vert, lorsqu’un camion percuta le côté passager arrière de leur voiture de plein fouet. Sous l’effet de l’impact, le chargement du camion se détacha et tout le contenu se déversa sur la leur petite Volkswagen et sur la chaussée. Étant coincés, cela prit près d’une heure pour les sortir de là. Pendant tout ce temps, leurs corps trempèrent dans le liquide visqueux et inconnu. Ils s’en sortirent miraculeusement avec des blessures mineures. Lydia avait un bras cassé, une grosse entaille au front ainsi que plusieurs bleus. Mais, tous s’entendaient pour dire qu’ils avaient été très chanceux.
Les jours suivants sa sortie de l’hôpital furent spéciaux. Depuis qu’elle avait eu son accident, elle se sentait bizarre. Quelque chose avait changé en elle. Elle ne savait pas quoi exactement, mais les choses lui semblaient plus évidentes et plus faciles à effectuer. Elle n’avait aucun mal à reproduire tout ce qu’elle voyait. À commencer par ses cours de pâtisserie. Alors qu’elle était encore une débutante, voilà qu’elle réussissait facilement toutes les méthodes et les techniques que les professeurs lui avaient apprises quelques minutes plus tôt. De moyenne, elle était passée à première de classe. C’était naturel pour elle. Son corps savait exactement ce qu’il fallait faire comme si son cerveau enregistrait tout et répétait ce que ses yeux venaient tout juste de voir. Elle n’avait pas à penser, tout ce faisait seul. C’était systématique comme si elle avait fait cela des milliers de fois alors qu’en réalité c’était la première fois. Et cela ne reflétait pas juste dans ses cours, mais dans toute sa vie. Tout ce qu’elle voyait, elle pouvait le reproduire à la perfection. C’était plutôt déroutant, mais cela lui simplifiait la vie. Elle bien sûr entendu des histoires sur des personnes à pouvoirs, mais elle refusait de croire qu’elle pouvait être l’un d’eux. Sa vie avait déjà été suffisamment chamboulée. Elle n’avait pas besoin d’en rajouter. Elle préférait donc garder ses nouvelles aptitudes pour elle.
———————— ͼҨͽ ————————Lydia se leva en sursaut. L’estomac dans la gorge. Elle quitta son lit et couru jusqu’à la salle de bain où elle vomit dans la cuvette de la toilette. Elle avait l’impression que tout son intérieur s’était vidé. Elle était en sueur. Elle avait chaud. Elle avait des frissons. Elle se sentait étourdie. La jeune fille prit appui sur le mur et se laissa glisser jusqu’au sol pour reprendre ses esprits, le front accoté sur ses genoux pliés. C’était le troisième matin d’affilé qu’elle se levait ainsi et qu’elle se sentait misérable par la suite. La jeune femme se doutait de la raison de ses malaises, mais elle n’avait pas le courage de la confirmer.
"Lyly?" Leo cogna doucement à la porte. Elle releva la tête.
"Lydia? Tu vas bien? Je t’ai entendu être malade…" Lydia s’essuya la bouche du revers de la main. Merde.
"Eh… oui oui. C’est rien. Sans doute un truc que j’ai mangé hier. " Répondit-elle d’une voix rauque. Elle se leva difficilement et se nettoya la bouche rapidement au lavabo. Elle n’avait pas le choix. Elle devait savoir. Elle sortit en trombe de la salle de bain et se dirigea vers ses vêtements éparpillés sur le sol.
"Tout va bien." Répéta-t-elle plus pour elle-même.
"Je viens de me rappeler que j’ai un truc à faire." Le brun n’avait pas bougé d’un seul centimètre et il la fixait l’air décontenancé.
"Mais je croyais qu’on passait la journée ensemble à rien faire, rester en pyjama et faire tu-sais-quoi! Tu as pris congé aujourd’hui…" Il se passa une main dans les cheveux. Elle adorait lorsqu’il faisait ce geste. C’était à la fois sexy et mignon. Mais faire elle-savait-quoi était la dernière chose qu’elle souhaitait faire pour le moment. Elle cacha son stress évident en se préparant le plus rapidement possible et de façon à ce que le garçon ne puisse pas voir son visage.
"Je sais. Je suis désolée, mais c’est très important." Prête, elle s’empara de son sac à main et donna un bisou rapide sur la joue de son copain.
"On se voit ce soir, d’accord?" Sans attendre de réponse, elle quitta leur appartement.
***Assise sur le sol de la salle de bain d’un restaurant, Lydia pleurait en tenant un petit objet qui allait changer sa vie. Comme si elle n’était déjà pas compliquée! La rouquine ne parlait plus à sa mère, elle se trouvait dans un pays inconnu avec un travail qui l’ennuyait et avec des nouvelles facultés qu’elle avait bien du mal à comprendre. Isaak, Leo et elle étaient loin de rouler sur l’or et ils avaient parfois de la difficulté à joindre les deux bouts. L’arrivée d’un enfant était loin d’être la bienvenue, surtout en sachant que l’avis de Leo était très clair sur le sujet. Elle avait déjà utilisé un rouleau de papier complet pour se sécher les yeux et elle sentait qu’on s’impatientait derrière la porte, mais elle ne pouvait pas sortir dans cet état. Chaque fois qu’elle pensait être enfin correcte et calme, un nouveau flot de larmes remontait instantanément. Elle n’avait aucune idée de ce qu’elle allait faire. Elle était encore jeune et avait toute la vie devant elle. Sans dire qu’elle serait gâchée, elle allait au moins être freinée pour un long moment. Était-elle seulement prête à avoir la sécurité d’un petit bébé entre les bras? Était-elle prête à assumer toutes les responsabilités? Pouvait-elle être une bonne mère, alors qu’elle était tout juste une adulte? Elle pleura. Jusqu’à n’avoir plus de larmes. Finalement, elle quitta sa cachette les yeux rougis et enflés et en ne sachant toujours pas ce qu’elle ferait.
———————— ͼҨͽ ————————Lydia était dans un état lamentable. Elle avait encore des nausées qui l’empêchaient de bien fonctionner. Elle était fatiguée de ne pas dormir la nuit puisqu’elle passait des heures à se demander ce qu’elle allait faire avec l’enfant et Leo. Jusqu’à maintenant, elle avait réussi à lui cacher ses malaises, mais est-ce que cela allait durer? Isaak semblait soupçonner quelque chose, mais il n’avait toujours rien dit. Pour rajouter à son casse-tête, elle venait de recevoir une lettre qui confirmait son acceptation pour son stage avec un pâtissier célèbre. La blondinette n’en revenait pas d’avoir été acceptée. Elle avait vu l’annonce sur le babillard de son école et avait postulé au cas où, sans trop réfléchir, il y avait des mois de cela. Jamais, elle n’aurait pensé avoir une réponse un jour surtout qu’elle avait très peu d’expérience Mais la donne avait changé. Elle n’était plus la seule en cause. Machinalement elle posa une main protectrice sur son ventre. Son regard était fixé sur la lettre et elle la relisait sans cesse. Ce stage l’intéressait énormément. Elle adorait cuisiner et créer. C’était une belle opportunité pour elle. Le problème était qu’il se trouvait à Sydney en Australie et qu’il durait un an et demi. La rouquine se demandait si elle avait assez de courage pour tout laisser tomber à nouveau et traverser la planète. Avec un petit être en route.
Elle fixait à nouveau le parchemin lorsque la porte d’entrée de l’appartement s’ouvrit grand d’un coup sec laissant passer un Leo visiblement de bonne humeur. Lydia sursauta et avant qu’il ne puisse la rejoindre pour la saluer, elle cacha la lettre sous le coussin du canapé.
"Salut ma belle." Dit-il en entrant dans le salon, une bière à la main qu’il venait d’aller chercher à la cuisine et en lui déposant un baiser sur la joue. Kendall se crispa. Le jeune homme se laissa tomber à côté d’elle et envoya valser ses chaussettes un peu plus loin dans la pièce. Elle les regarda avec dégoût.
"Tu sais pas quoi? Petey et sa copine vont avoir un gosse! Et pas seulement ça, mais ils vont se marier! Oh le pauvre. Je le plains…il ne sait pas dans quoi qu’il s’embarque ce fou!" Et il pouffa de rire en calant une longue gorgée de sa boisson. La jeune fille serra les dents et sentit la fureur monter en elle. Elle se leva d’un bond.
"Pourquoi c’est un fou? Pourquoi le fait de vouloir se marier à la femme qu’il aime et avec qui il a envie de fonder une famille fait de lui un fou? Il n’est pas fou! IL EST NORMAL!" Elle ne savait pas si c’était ses hormones de femme enceinte qui la faisait réagir ainsi, mais c’était trop pour elle. Elle en avait marre de ces petits commentaires d’adulescent.
"Ce n’est pas parce que toi tu n’en veux pas que c’est la même chose pour tout le monde! Tu ne penses pas qu’il serait temps que tu grandisses un peu? Que tu arrêtes de penser juste à toi et que tu penses aux autres?!" Il y avait un million de choses qu’elle gardait en elle depuis longtemps et ils étaient sur le point d’exploser.
"Tu sais quoi? J’en ai marre! Marre de toi! Marre de nous! Marre des States. J’en ai assez de vivre avec un goujat égoïste qui pense que je suis sa servante et juste bonne pour lui donner du cul! Tu sais c’est qui l’idiote? C’est moi! Parce que j’ai espéré que tu changes d’avis sur notre relation! J’ai espéré que tu fasses attention à moi et que tu prennes en compte mes sentiments et ce que je désirais. Je crois que j’ai été une bonne copine. Je t’ai toujours te supporter et même je t’ai suivi dans tes idioties! Je ne t’ai jamais empêché de faire la fête avec tes copains. J’ai toujours accepté tes commentaires immatures sur le mariage ou les enfants sans broncher, parce que je t’aimais. " Sa voix se brisa. S’il était assez intelligent il comprendrait le sens subtil de sa dernière phrase. Lydia n’avait pas terminé. Elle voulait vider son sac. Lui faire comprendre ce qu’elle endurait depuis trop longtemps.
"Je viens de comprendre que tu ne changeras jamais et c’est correct. Mais moi, j’ai envie de plus. J’ai envie que tu me dises que tu vas y réfléchir ou qu’il y a encore de l’espoir pour tu changes d’avis." La jeune fille ne se sentait pas bien. Elle détestait jouer les hystériques. Sa nature calme la faisait trembler.
"Mais, ça n’arrivera pas. N’est-ce pas?" Elle connaissait déjà la réponse et ne souhaitait pas l’entendre de vive voix. Ses yeux se remplirent de larmes devant le manque de réaction du garçon. Elle aurait tant aimé avoir tort, mais il ne répliquait même pas et ne tentait pas de lui dire qu’elle s’énervait pour rien comme d’habitude. Cette fois-ci, elle avait été plus convaincante et avait mis le doigt sur plusieurs choses. Leo semblait abasourdi. Il se leva du canapé en passant une main dans sa tignasse, l’air mal à l’aise.
"Je crois que…qu’on a besoin de réfléchir. Je…je te laisse l’appart…j’irai au motel…Isaak est de garde pour les prochains jours, il reste à l’hôpital" Sans attendre de réponse, il se dirigea vers leur chambre. Lyly laissa couler des larmes silencieuses sur ses joues. Elle se défendait d’éclater en sanglots pendant qu’il était encore là. Il sortit finalement, sac de voyage à la main. La rouquine n’avait pas bougé d’une miette et se trouvait toujours debout au milieu du salon. Il la regarda une dernière fois et sembla vouloir lui dire quelque chose, mais rien ne sortit de sa bouche. Il ouvrit la porte et disparu derrière elle. Dès que la porte se referma, elle laissa sa tristesse prendre le dessus et fondit en larmes.
***Cela faisait deux jours qu’elle se morfondait dans son lit. Elle n’en sortait que pour aller aux toilettes et se laver. Elle n’avait rien mangé depuis que Leo était parti. Elle ne savait pas où il se trouvait. Il ne l’avait pas contacté pour lui dire qu’il allait bien. Il avait probablement passé ces deux derniers jours à faire la fête pour célébrer son nouveau célibat. Alors qu’elle était en miettes, lui faisait comme si elle n’avait pas passé cinq ans auprès de lui. Elle terminait sa dixième boite de mouchoirs lorsque la porte d’entrée s’ouvrit. La jeune fille cessa de respirer, prise d’un soudain espoir que Leo revenait à la maison. Elle regarda autour d’elle. Leur chambre était dans un état pitoyable. C’était à peine si on pouvait voir le bois du plancher tant il y avait des mouchoirs partout. Elle entendait le sol craqué de l’autre côté des murs de sa chambre. Les pas se rapprochaient et finalement la porte s’ouvrit laissant apparaitre le visage de son cousin. Elle soupira et ses espoirs s’envolèrent.
"Brrrr. Tu fais peur à voir." Lydil lui lança un coussin qu’il attrapa sans trop de mal. Il déposa l’oreiller sur le lit et s’assit à côté de sa cousine avec un air désolé.
"Leo m’a dit pour…" "Après avoir bu un litre de whisky, je suppose!" Le coupa-t-elle, énervée. Isaak posa un regard doux sur elle.
"Mais non. Il ne s’attendait pas à ça et il était triste si tu veux savoir. Il fit une pause. Il semblait vouloir lui demander quelque chose sans avoir comment s’y prendre.
Tu…tu es enceinte, n’est-ce-pas? Elle déglutit tout d’un coup. Il était médecin, il avait dû s’en rendre compte. Elle acquiesça doucement de la tête, des larmes se formant sous ses yeux. De pouvoir en parler à quelqu’un faisait tout de même un bien fou. Cela faisait un mois qu’elle se retenait de le crier sur tous les toits. Elle se sentait libérée. Soulagée.
"Mais tu sais qu’il a horreur des enfants et qu’il préférerait passer une nuit entière attaché devant un troupeau de rhinocéros enragés à la place de s’occuper d’un enfant. On a aucun avenir ensemble. On est trop différent. Et il est hors de question que je me débarrasse de l’enfant, si c’est que tu veux proposer!" Ces deux derniers jours, la jeune femme avait eu le temps de réfléchir à ce petit être qui se formait en elle et elle était tout simplement incapable de s’en séparer. Elle se sentait prête à en prendre soin, même si elle devait le faire seule. Isaak garda un visage neutre. Il n’avait pas tenté de la contredire sachant qu’elle avait raison.
"Et puis, tu sais le stage en Australie que je t’avais parlé? J’ai reçu une réponse. J’ai été accepté!" Isaak se leva et la pris dans ses bras.
"Mais c’est génial Ly! Et tu sais quoi, je pense que tu devrais y aller. Je sais que pour le moment, ça te semble insensé. Partir à l’autre bout du monde avec une brioche en route, mais ça te ferait un nouveau départ. Je sais que tu as envie de faire ce stage et je te vois bien devenir une pâtissière réputée. Tu adores les gâteaux." Son cousin lui sourit, s’il était surpris par ce flot de nouvelles, il ne le démontra pas. Elle savait qu’il était sérieux et qu’il croyait en elle. C’était le seul qui l’avait toujours été. C’était vrai que cette idée de partir était folle et elle n’avait aucune idée de comment elle allait s’en sortir. Un nouveau départ. Un autre. Cela l’enchantait. Loin de Leo. Ils discutèrent pendant plusieurs heures. À la fin, Lydia avait pris sa décision et elle avait fait promettre à son cousin de ne rien dire à propos de l’enfant et de sa destination à Leo.
———————— ͼҨͽ ————————En milieu de soirée, Lydia passa les portes de l’hôpital de Sydney et tomba à genoux en se tenant le ventre en souffrance. L’infirmière à la réception lâcha son stylo et alla chercher une chaise roulante. Elle aida la futur mère à s’asseoir.
"Attendez-vous quelqu’un mademoiselle? Car selon moi, il ne reste pas beaucoup de temps." La jeune fille tenta de se calmer en prenant des grandes respirations. Elle empoigna le bras de l’infirmière qui ne broncha pas lorsqu’une contraction arriva. Elle serra les lèvres en attendant que la douleur passe.
"Je suis seule." Réussit-elle à dire avant de se contracter à nouveau.
"Nous sommes avec vous." Lui dit-elle d’une voix douce et bienveillante. Sentant que les contactions arrivaient de façon régulière, la jolie blonde avait écrit une note au gentil couple qui lui louait une chambre depuis son arrivée à Sydney, il y avait de cela près de huit mois. Ils étaient partis au restaurant en amoureux sachant que dans les semaines à venir, un petit bout de choux viendrait déranger le calme de la maisonnée. Philip et Anita étaient âgés, mais n’ayant pas eu d’enfants, ils attendaient l’arrivée de ce petit être comme s’ils allaient être grands-parents. Lydia s’était sentie chez elle dès son arrivée. Ils étaient charmants, généreux et ils prenaient bien soin de leur pensionnaire.
On l’emmena dans une chambre où l’on préparait le nécessaire à l’accouchement. Lydia était calme, parce qu’elle attendait ce moment et qu’elle était prête depuis un certain temps, même si le bébé n’était pas attendu avant encore deux bonnes semaines. On l’aida à s’étendre sur un lit, puis un médecin d’un certain âge entra dans la petite chambre. Son visage était souriant et mis la blonde immédiatement en confiance.
***Deux heures plus tard, on toqua à la porte et deux têtes blanches apparurent dans l’embrasure.
"Bonjour ma jolie. Nous sommes désolés de ne pas avoir été là pour toi." Lyly sourit au vieux couple.
"Vous aviez besoin de ce diner et comme vous pouvez le voir, tout s’est très bien passé." Elle leur montra le petit trésor endormi enveloppé dans une couverture bleue. Anita avait bien du mal à cacher ses émotions en s’approchant du petit garçon.
"Je vous présente, Aidan Walsh."———————— ͼҨͽ ————————Lydia appréhendait ce moment. Le moment où elle allait remettre les pieds dans l’énorme manoir de son beau-père. Rien n’avait changé en deux ans. L’aménagement paysager était le même chaque année, sa mère n’aimant pas le changement. L’énorme fontaine projetait son eau en plein centre du domaine. Les statues étaient disposées de la même façon. C’était d’un ennui!
"Oh cey beauuu!" S’exclama le petit garçon accroché à son bras. Lyly sourit tristement. C’était beau oui, mais aussi austère et morne. Rien à voir avec la maison des White qui était chaleureuse, accueillante et colorée. Elle ne pouvait pas croire qu’après tout le chemin qu’elle avait fait jusque-là, elle revenait au point de départ. Il y avait de cela quelques mois, Georges et Ryan avaient profité d’un voyage d’affaire en Australie pour lui rendre une petite visite. Elle avait été très heureuse de les voir. Elle avait gardé contact avec son demi-frère, elle savait donc tout ce qui s’était passé dans la famille. Ils lui avaient demandé de revenir et elle avait dit qu’elle y penserait. Puis, voilà quelques semaines, c’était sa mère qui s’était présentée à la porte de ses propriétaires. Elles avaient toutes les deux pleuré et avaient eu une très longue discussion. À la fin, la mère et la fille avaient convenu qu’il était temps pour la blonde de rentrer en Allemagne. Cette dernière n’avait pas terminé son stage avec la venue d’Aidan. Son stage et vivre lui coûtait cher. En plus de son apprentissage, elle devait travailler aide-cuisinière et s’occuper de son fils. Elle avait besoin d’aide. Elle ne voulait pas trop en demander aux White qui en faisaient déjà énormément pour elle. C’est donc à contre-cœur, qu’elle décida de revenir chez elle. Avant même qu’elle ne toque à la porte, celle-ci s’ouvrit sur le large sourire de sa mère.
"Bonjour ma chérie. Rebienvenue chez toi. "Elles s’étreignirent un long moment, émues.
"Tu te souviens de grand-maman?" Aidan acquiesça timidement de la tête. Helen lui présenta sa main qu’il prit sous le regard invitant de sa mère.
"Viens, mon chéri. Mamie a plein de surprises pour toi." Le regard du petit bonhomme blond de deux ans s’illumina et il suivit sa grand-mère à l’intérieur. Kendall soupira. Les choses s’annonçaient relativement bien. Sa mère avait accepté que sa lyly travaille qu’elle paie un loyer. Elle tenait toujours à son indépendance, mais sa mère lui serait d’une excellente aide.