L'absence est un gouffre au bord duquel on se tient, vacillant. Rien ne sert de crier, car la voix revient en écho. Le vide est si profond qu'il résume le monde. Et il nous semble n'avoir d'autre choix que de nous y jeter. L'absence est un mal qu'il est difficile de combattre. Qui nous ronge petit à petit. Lentement, sans prévenir. L'absence est un monde de folie. Elle vous fait sombrer sans même que vous vous en rendiez compte. Vous traine vers les abysses. Vous obsède de par ce manque qui vous fait incroyablement souffrir. L'absence est un fléau. L'absence fait peur et quand il s'agit de l'absence de l'être aimée elle est quasiment insurmontable. Inattendu. Incroyable, ce que l'absence d'une personne, peut, soudain, bouleverser l'équilibre de votre vie. Comme la façade des immeubles et les arbres, que nous remarquons à peine en traversant la rue, les visages familiers sont des repères sans lesquels le cerveau se trouve désorienté et opère des vrilles sur lui-même. Un trou dans notre quotidien et le vide menace.

Elle a beau se savoir en sécurité c'est ce manque et cette absence de son mari qui la tiraille. Sa blessure n'est pas tout à fait guérie et elle doit le dire, elle est restée dans les vapes pendant cinq jours. Cinq jours de trop. Cinq jours où elle en est persuadée, son homme a parcouru toute l'île de Genosha. Cinq jours où il s'est constamment mit en danger sans pouvoir la trouver. Elle le connait trop bien. Casey et elle se connaissent depuis la maternelle et elle sait. Oui elle sait qu'il n'arrêtera pas de la chercher le temps qu'il ne sera pas sûr qu'elle n'est pas morte. Le temps qu'il y a un espoir. Elle le voit, à chaque fois qu'elle ferme les yeux, arpenter les rues avec ces traits soucieux lui tirent le visage. Elle les voit, ces cernes et ses joues creusées par l'angoisse et cela lui est insupportable.

Mais voilà, la réalité la frappe. Elle ne peut pas retourner dans la jungle dans cet état. Elle peut pas tenir debout sans souffrir le martyr. Elle ne peut tout simplement pas leur être utiles. A eux. Sa famille. Les résistants. Alors elle prend son mal en patience. Fait de son mieux pour se reposer autant que faire se peut. Pour elle. Pour lui. Pour eux. Elle laisse Tysha changer ses pansements chaque soir. Elle dort la journée bien trop éprouvée par cette blessure à l'abdomen. Elle a de la chance de s'en être sortie vivante. Elle en est consciente. Pourtant rien n'empêche sa détermination à retourner auprès de lui. Si seulement il veut bien d'elle à son retour. Mais ça elle n'en est pas sûre, non. Le mal est déjà fait.

Le septième jour elle demande à sa nouvelle amie de la ramenée dans la forêt. Là où elle l'a trouvée. Là où elle a bien faillit se faire exécuter par ces bêtes. Par ceux qui la pensait monstres. Un peu comme le tout Genosha. Alors Tysha avait respectée les désirs de la brunette et lui avait préparée un sac avec un nécessaire pour les soins et l'avait conduit jusqu'à la forêt. Spencer avait serrée cette femme qui avait tant fait pour elle. Qui lui avait tout bonnement sauvée la vie alors qu'elle ne la connaissait pas, dans ses bras et lui avait jurée de faire attention à elle dorénavant.

Avant de partir l'amazone lui avait offert un bâton sur lequel s’appuyer. Fort et rigide, elle le savait il allait l'aider à retourner jusqu'au campement. Après quelques adieux la belle avait marché une bonne heure avant d'arriver, ralentie par sa blessure. Ses traits sont fatigués. Elle est à bout de souffle et pourtant lorsqu'elle entend les objets éclater et les coups donnés dans le mur Spencer n'hésite pas une seconde à s'avancer vers leur chambre. Ouvre la porte le cœur battant et le tableau que lui offre Casey lui étreint le coeur. Vision de carnage. De ravage. Elle n'arrive pas bien à y croire. S'approche en s'appuyant sur son morceau de bois.. Sa canne improvisée. Soutient non négligeable. Se mordille la lèvre à cause de la douleur. Casey ?... Je... Je suis là... elle parle doucement en sentant la colère émaner de lui. Pince les lippes et tend la main vers lui. Tout va bien je suis là chéri... rien ne va. Rien ne va et elle le sait. Malheureusement.

Nous ne sommes jamais aussi mal protégés contre la souffrance que lorsque nous aimons. Car lorsque nous aimons nous prenons le risque de laisser à l’autre le pouvoir de nous faire du mal. Le pouvoir sur chacun des battements de notre cœur. Oui, le pouvoir. Toutefois le problème, ce n'est pas la douleur. La douleur, ça vous fait souffrir, certes, mais ça ne vous détruit pas. Le problème, c'est la solitude engendrée par la douleur. C'est elle qui vous tue à petit feu, qui vous coupe des autres et du monde et, qui réveille ce qu'il y a de pire en vous. C’est elle qui vous pousse à vous dire, à certains moments : « Il y a des jours ou je me déteste de t'aimer autant. ». Car c’est vrai. Aimer ça fait mal. Parfois plus que de bien. Aimer ça vous rend un peu plus fragile. Aimer ça vous expose. C’est un sentiment si complexe. Bonheur. Tristesse. Sourire. Pleurs. Une contradiction constante. L’amour. Avec un grand A. C’est quelque chose que vous ne pourrez tout simplement jamais expliquer. Encore plus à cet âge. Encore plus à leur âge.

Car elle sait. Dés qu’elle le voit, Spencer sait. Casey ne lui pardonnera jamais d’être partie à l’aventure sans lui. Car ils sont deux maintenant. Car elle n’a plus le droit de penser comme à cette période de sa vie si… Sombre. Elle le lui a promis. Là-bas. Dans la forêt. Devant cet autel où ils ont prononcé leurs vœux de mariage. Elle lui a promis dès lors que ses lèvres se sont à nouveau scellées aux siennes. Pour de bons cette fois. Elle le lui a promis. A travers les caresses qu’ils se sont offerts l’un à l’autre des nuits durant. Elle le lui a promis et l’a trahi à nouveau. Alors Spencer ne fait pas la fière lorsqu’elle rentre au camp. Elle a mal. Autant physiquement que moralement. Elle ne sait pas comment Casey à réagit à son absence et elle a peur. Peur de sa réaction. Ou alors c’est parce qu’elle ne le connait que trop bien.

Prenant appuie sur son bâton, maintient de fortune, elle tremble au fur et à mesure que s’approche le moment auquel elle ne peut échapper. Ecarquille les yeux en voyant la scène qui se dépeint devant ses yeux. Reste muette un court instant avant de s’approcher de son mari. De tendre une main faiblarde vers lui. Lui susurrant que tout va bien. Qu’elle est de retour. Car il n’est plus seul. C’est fini. Elle est là maintenant. Mais de toute évidence cela ne suffit pas. Car elle la voit. Dans les yeux de l’homme qu’elle aime, la colère qui émane lorsqu’il se relève. Lorsque son regard se pose sur sa carrure fragilisée par ses blessures. Sur ses hématomes. Sur son aspect qui fait peine à voir. Et les mots la frappe.

Brisent son cœur un peu plus quand il lui renvoi en pleine figure son égoïsme. La voix brisée. Les épaules affaissées. D’un geste il la désigne. Elle et son corps meurtri par ces hommes porteurs de haine. Des larmes perlent au coin de ses yeux lorsqu’elle l’entend dire qu’il n’en peut plus. Une boule douloureuse se forme dans sa gorge alors qu’elle secoue la tête. Comment est-ce qu’elle aurait pu rentrer au camp alors qu’elle était inconsciente ? Comment ? Mais elle sait qu’il a raison. Elle est égoïste. Elle ne pense qu’à elle. Il a raison. Sa prise se resserre autour du morceau de bois qui la soutient. Elle a mal et pas qu’un peu mais elle essaie de ne pas grimacer. Ça empirerait à coup sûr les choses.

Ses dents se plantent dans sa lèvre inférieure alors qu’il frappe dans le mur une nouvelle fois. T’as raison. Je suis une putain d’égoïste… T’as raison ! sa voix monte dans les airs alors que sur ses joues des larmes tracent des sillons humides. T’as raison Casey! Dis le que je ne suis qu’une petite conne qui pense qu’à elle ! Qu’à s’attirer des ennuis ! elle lâche son bâton pour venir le bousculer avec le peu de force qu’il lui reste. Sa respiration saccadée, épuisée, trahit son état mais elle s’en fiche bien. Spencer l’égoïste qui ne sait pas ce que c’est d’être seule hein ! elle le pousse à nouveau. Sa voix tremble de plus en plus. Mais j’étais seule moi quand t’étais à l’alpha house ! J’étais seule moi quand vous avez rejoint la résistance ! hurle-t-elle en trébuchant au sol. Elle se prend la tête entre les mains, les épaules secouées par ses sanglots. J’étais seule et pourtant je vous ai toujours soutenu, Max et toi… Je sais que je suis plus celle de qui tu es tombé amoureux mais j’ai été obligée de devenir ça… J’étais obligée…souffle-t-elle.

Comment des mots peuvent-ils faire aussi mal ? Comment un simple alignement de lettres aussi futiles soient-il peuvent autant vous blesser ? Comment des sons peuvent-ils agir sur les battements de votre cœur avec une telle puissance ? Elle aurait du savoir. Elle aurait dû connaitre leur pouvoir. Elle, le petit génie littéraire. Elle, qui les a étudiés. Elle, la femme à l’âme d’artiste. Dessin. Photographie. Peinture. Ecriture. Musique. Ce n’est pas comme si les nuances et les émotions qu’ils apportent lui étaient étranger. Elle les connait. Tous. Elle les connait. Les pratique, ou plutôt les côtoyaient fut un temps. Un temps lointain. Un temps où elle était plus douce. Plus naïve. Plus souriante. Un temps où elle était plus… elle. Parc que tout a changé. La solitude l’a ravagée. Elle en est consciente. Cette Spencer là, si elle refait surface parfois a disparu depuis l’emprisonnement de Max chez Hydra. Depuis l’enfermement de Casey à l’alpha House. Depuis la mort de Norah. Toutes ces choses lui sont tombé dessus la même après-midi. Toutes ces choses l’ont pourries jusqu’à la moelle alors que ça devait être un moment heureux. Sa première sortie en amoureux avec Casey. Première sortie en public où ils osaient se tenir la main. Où ils osaient s’embrasser comme de jeunes adolescents profitant de la vie. Profitant de l’amour. Mais finalement ce fût la solitude et la mort qu’elle trouva.

Voilà peut-être la question la plus difficile de toute l'aventure humaine : est-il réellement possible de toujours regarder en avant, comme on nous encourage sans cesse à le faire, ou bien devons-nous garder certains vestiges essentiels de notre passé, si douloureux soient-ils, comme un rappel que certains aspects de la vie nous transforment si profondément qu'ils nous habitent à jamais ? Pouvons-nous vraiment refermer la porte sur ce qui continue à nous hanter ? Pour elle il est clair que le passé régit la personne qu'elle est devenue. Pourtant elle ne veut pas à mal. Elle espère encore retrouver, au fond d'elle, une vie sereine auprès de ceux qu'elle aime. Mais ce n'est tout simplement pas pour maintenant. Alors ce qu'elle fait, elle le fait seulement pour survivre à ce monde de brutes même si parfois le retour de bâton est plus violent que ce que l'on pensait.

Elle s'est pris une raclée et tout son corps meurtri lui rappel à chaque seconde par la douleur la bêtise qu'elle a faite. Alors les remontrances de Casey elle s'en passerai bien. Elle n'a pas besoin de ça, elle a simplement besoin de lui. La souffrance il doit l'encaisser comme elle l'a fait lorsqu'elle a été séparée de lui durant ces longs mois. Mais quand elle pose ses yeux sur lui. Quand elle voit la rage et le mal s'évader de chacun des pores de sa peau elle sait que ce n'est pas vraiment contre elle qu'il est en colère. Ses mots sont durs oui mais ses émotions crient son inquiétude. Elle pince les lèvres en voyant qu'il se maitrise de moins en moins. Elle se souvient l'avoir déjà vu dans cet état dans sa vie passée. Elle se souvient qu'il n'y a que pour elle qu'il perd pied et pourtant la violence avec laquelle il s'adresse à elle suffit à la briser. A la faire trembler à son tour. A l'obliger à le repousser en lui balançant elle aussi ce qu'elle a sur le coeur.

Parce qu'elle a mal de le voir agir ainsi alors que tout ce qu'elle désire c'est de se retrouver au creux de ses bras. Alors, à bout de force et le coeur dévasté, elle se laisse tomber au sol, la respiration haletante. Sur ses joues, c'est des larmes qui tracent leur chemin. Alors qu'elle n'attend plus rien de lui elle sent son étreinte dans laquelle elle se réfugie. Elle entend ces mots. Ceux qu'elle n’espérait plus entendre et se laisse aller contre lui. D'un geste doux elle niche son visage au creux de son cou en hoquetant comme une petite fille. Elle se montre fragile pour la première fois depuis longtemps. Pour la première fois depuis tout ça. Casey... souffle-t-elle de sa voix brisée Je te reviendrai toujours... Toujours... Toujours... Alors s'il te plais ne m'en veut pas, tu m'as tellement manqué que je ne supporterai pas que ça aille plus loin... car pour lui elle se battra jusqu'au bout. Toujours et à jamais.